CHAPITRE XLII

 

La Persévérance

 

 

1. La persévérance véritable, c'est l'exercice fréquent des bonnes œuvres, le goût continuel de la perfection, et la garde attentive, jusqu'à la mort, des grâces spirituelles et des vertus. Le Seigneur nous y invite, dans l'Apocalypse, ch. 2, v. 10 : « Soyez fidèle jusqu'à la mort, et je vous donnerai la couronne de vie. ».

 

2. Job avait cette persévérance, lorsqu'il disait : « Jusqu'à mon dernier soupir, je ne m'écarterai pas de mon innocence » (ch. 27, v. 5) ; Tobie aussi : il cachait dans sa maison les corps des défunts, et les ensevelissait la nuit, malgré l'ordre du roi de le dépouiller de ses biens et de le mettre à mort, à cause de cela même (ch. 1, v. 22).

 

3. Les avantages considérables qui proviennent de la persévérance doivent nous exciter à l'aimer. C'est elle qui couronnera toute bonne action et toute vertu, et notre salut repose tout entier sur elle, d'après cette parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé » (Matt., ch. 10, v. 22).

Sans la persévérance, aucune vertu, aucune action n’est digne de récompense. Sans la persévérance, toute perfection est réduite à néant. À quoi bon, pour Judas, apôtre, mais traître, d'avoir été choisi et tiré du monde par Notre-Seigneur ? À quoi lui a servi la longue familiarité avec Jésus-Christ ? Et les saintes prédications qu'il avait souvent entendues ? Inutiles, les exemples, les vertus et les miracles dont il avait été témoin ! À quoi lui a servi la société des apôtres, et la grâce, à lui donnée, pour prêcher et faire des miracles ? À lui aussi en même temps qu'aux autres apôtres Notre-Seigneur avait dit : « Allez, annoncez que le royaume des cieux est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, et chassez les démons » (Matt. ch.10, v. 7, 8).

 

4. Il a la preuve de la vraie persévérance, celui que rien ne détourne de la justice : ni l'amour de cette vie, ni la crainte de la mort, ni menaces ni promesses. Ainsi, Suzanne, qui n'avait pas peur de mourir, disait : « Si je fais cela (le péché), c'est la mort pour moi » (Daniel, ch. 13, v. 22). Et Mathathias : « Quand bien même toutes les nations obéiraient au roi Antiochus, – chacune abandonnant le culte de ses pères –, et se soumettraient à ses ordres ; moi, mes fils et mes frères, nous obéirons à la loi de nos pères. Que Dieu nous soit propice » (Ier livre des Mach., ch. 2, v. 19-20).

 

5. C'est une marque de fausse persévérance que de présumer de sa perfection et de croire qu'on ne peut plus tomber. Cela donne un sentiment de liberté qui incite à ne plus se garder soi-même, et alors, il est impossible qu'on puisse persévérer dans la sainteté. Supposez que les Apôtres soient dans le monde et ne se gardent pas eux-mêmes ; ils pourraient faillir aussi. Vous avez l'exemple de David, qui devint adultère et homicide, parce qu'il fut négligent à surveiller ses regards (IIe livre des Rois, ch. 11, v. 1-4, 15-24).