Le plus beau cadeau de Dieu pour notre vie :
l'Eucharistie !

Ce matin-là je te dis : " Aujourd'hui, c'est mon anniversaire ! " Aussitôt tu me proposes de célébrer l'Eucharistie dans le petit ermitage Saint-Séraphim de Sarov, au milieu des bois. Nous devons nous y retrouver à 18 h.

Il fait nuit. La forêt est calme. L'air est si doux en cette mi-novembre. Je traverse le sentier pour me rendre dans le petit ermitage en bois. Je m'assieds dans l'oratoire où le Seigneur va se rendre sensible à nous dans sa Présence eucharistique. Sur le mur de bois, des icônes rendent présente la Trinité Sainte, et ce peuple des saints d'Orient et d'Occident est là avec nous. Un autel de bois rustique, surmonté d'un petit tabernacle sculpté, quelques livres liturgiques, de l'eau, du vin, une hostie. Sous l'autel discrètement placé, un orgue à piles. Deux bougies usées donnent leur douce lueur à cette si simple, si belle église.

Tu entres revêtu d'une chasuble tel un vêtement qui te transfigure : frère, tu deviens prêtre de Jésus-Christ ; et nous sommes ensemble pour le plus beau des Mystères. Le Mystère du Christ rendu présent au milieu de nous, comme au Cénacle parmi les Douze. Entre tes mains de prêtre, va intervenir le plus grand mystère que les hommes célèbrent depuis vingt siècles, sous nos yeux et surtout dans nos cœurs. La liturgie du jour est celle de saint Albert le Grand. Nous récitons le Je confesse.

Nous confessons que nous sommes pécheurs. Je suis comme tout heureux de l'être, car au-dela de mon péché, je me sens libre et aimé. Je n'ai pas cette chape de plomb qui culpabilise : je sais, je suis sûr qu'au-delà de mon péché, je suis aimé comme tout un chacun. D'un amour vrai, universel, qui libère. Je suis libéré de mon péché par Celui qui est, qui vient, qui sauve. Je suis en paix. Pécheur, mais conscient et heureux d'être sauvé par l'Unique Fils, aimé de Dieu qui s'est incarné et qui communique sa Vie à nouveau à chaque Eucharistie, à travers le pain et le vin. Les fruits du travail des hommes deviennent le grand-œuvre de Dieu.

Après l'Évangile, tu m'invites à rendre grâce à Dieu pour ce jour si beau où je suis venu au monde.

L'Esprit du Christ est là, présent : " Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux ". Jésus, Tu es là. Nous sommes là avec Toi, comme au Cénacle, comme au Thabor, comme à la Crèche. Oui, la crèche ! Par les Paroles de vie que Tu as dites, Toi le Ressuscité, Tu Viens dans ce pain : " Ceci EST mon Corps ". Ton Esprit vient et, par Celui qui t'a offert sa vie, tu nous rejoins. Mystère de la Sainte et Divine Liturgie : Dieu se connecte à l'homme. L'homme reçoit son Dieu. La crèche de nos cœurs s'ouvre : Jésus peut y venir. Dans l'oratoire ou la cathédrale, sur la table puis dans nos Corps, le mystère de l'Incarnation se donne pour nous, aujourd'hui. Hier, aujourd'hui et demain, Dieu se donne toujours, par sa Présence eucharistique. Sur l'humble table, sur son autel, le Pain de Vie. Nous recevons le Corps du Christ. Dans nos mains : ta Vie. Dans mon corps : Ton Corps. En Vérité, tu es ma Vie et c'est Toi, mon Dieu, qui me tiens dans tes mains, celle de la tendresse d'un Père. Dans nos mains tu te donnes, et par Toi, avec Toi et en Toi, nous devenons tous prêtres, prophètes et rois pour ton Royaume.

Une communion où nous nous unissons à la Source de Vie, où nous communiquons avec ce Royaume qui est notre vrai bonheur pour tous, notre source et notre ressource. Plénitude de bonheur pour les enfants du Dieu qui, pour se faire tout proche, se donne en nourriture. Un pont entre le surnaturel et le réel : l'Eucharistie. Une connexion sur la Vie : le Corps du Christ. Une vraie fête en symphonie universelle dans tout l'univers visible et invisible, où l'homme rend grâce à Dieu pour son Amour infini.

Mon âme et mon corps si peu souvent conscients d'être unis, se sentent en communion et baignent en Ta Présence. Fleuve limpide, souffle léger, étoile scintillante, comment ne pas rendre grâce, ne pas Te dire merci, "Eucharistie" ! En un tel moment où Dieu par son Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, se fait si proche par l'Esprit Saint pour nous redire que la Trinité Sainte est le plus proche et le plus grand des mystères. Mystère divin de l'Amour !

Dans ces parcelles de pain, tout l'Amour du divin pour combler notre humain, tel est le vrai, l'unique festin !

Le prêtre s'efface, Jésus-Christ est là. Le Mystère est accompli. Les saints du Ciel louent, les Anges se prosternent. Et nous, les hommes, avons le privilège de recevoir dans nos mains le Maître divin.

Je prends conscience qu'être mortel, je suis immortel ; mon âme immortelle diffuse à mon corps mortel cette espérance de la vie éternelle. J'embrasse une dimension universelle et spirituelle qui donne à mon corps humain la conscience du Chemin.

A la communion, tu m'invites à communier pour mes parents. Tu as gardé deux parcelles d'hostie : une pour celle qui m'enfanta ; une pour celui qui l'aima, tous deux approchant du terme de leur vie ici-bas, se préparant pour une vie nouvelle dans l'éternel Royaume de Dieu : notre vraie maison du Ciel. Ils ont participé aussi à l'œuvre d'Amour qui façonne nos êtres, nos vies.

Les prêtres de Jésus-Christ permettent cet étonnant passage : rendre Dieu présent en nos vies d'hommes et nous préparer à cette Rencontre ou le surnaturel vient dans le naturel, ou Dieu vient dans le quotidien, de façon si simple que toute la Création en reste silencieuse.

Je ne suis qu'un chaînon de mon immense famille et je confie au Seigneur tous mes ascendants dont je ne connaîtrais ici-bas qu'une infime partie, mais qui m'accueilleront pour ma naissance au Ciel. Joie de nous découvrir et de nous aimer, enfin !

Une telle Eucharistie, reste toujours "vivante" dans notre cœur. Elle éclaire les jours sombres, les jours ou sur la route je rencontre les doutes, prémices de déroute. Elle m'a permis de m'approcher un peu plus du divin mystère de l'Eucharistie, d'y faire un pas de plus : c'est un vrai embrasement intérieur qui habite durablement au plus profond de mon cœur. Il ne s'agit pas d'une "expérience", mais d'une Présence. Présence de notre Consolateur, de notre Protecteur, de notre Créateur. Je me suis reconnu créature, enfant d'un Père qui nous aime, acceptant avec joie et douceur tout l'Amour qu'Il nous donne.

Je souhaite qu'au moins une fois dans sa vie tout homme, toute femme, puisse vivre cela. Il aura été saisi par Quelqu'un qui est notre origine, le sens de notre vie, et but ultime. Le seul et unique sens pour l'homme : la Source de l'Amour qui l'a créé et le recrée à chaque Eucharistie ! Si une seule fois la Rencontre se fait, elle nous marque du sceau de l'Eternité.

Il nous faut de belles liturgies, certes oui ! Mais simples, simples et belles, où les temps de silence sont aussi fréquents et aussi longs que les temps musicaux. A moins que les temps musicaux permettent aussi d'entrer dans la Présence. J'ai vécu cela à la communauté de Taizé. Les chants y sont un vrai tremplin pour une connexion intérieure avec Dieu, monastères et abbayes ont aussi ces passerelles ouvertes vers le Ciel.

A la fin de cette rencontre intime avec Notre Seigneur au plus profond de nos personnes, tu joues sur ton mini-clavier à piles et tu loues le Seigneur par de beaux cantiques latins : Ave Verum, Tantum Ergo Sacramentum, Panen Angelicum, etc…. Beauté de la musique permettant à l'homme de louer son Créateur.

Souvent, je me suis ennuyé et distrait à la messe, parce que je ne suis pas entré en la Présence eucharistique, même si je l'ai reçue. J'ai pensé à ceci, à cela, d'extérieur, d'avant ou d'après ; je n'ai regardé que moi, jusqu'à m'en culpabiliser de n'être pas digne de communier. Mon cerveau était seulement resté connecté, pas mon cœur. Là, dans ce pauvre ermitage, sur un autel rustique en bois, le prêtre me fait rencontrer le Seigneur. Nous ne pensons plus à nos mille et une petites choses futiles ou très graves de la vie. Tout cela s'éclaire autrement dans la Présence du Dieu Vivant. Dans Sa Lumière cela prend un sens que nos yeux de chair déconnectés des yeux de notre âme, sont incapables de voir réellement. Alors l'invisible éclaire le visible et ce dernier prend tout son sens, qu'il soit joyeux ou douloureux. Nous affirmons y croire dans le Je crois en Dieu. Le sens nouveau qui s'allume alors, est celui du cœur. Le cœur de l'homme transfiguré un instant par le Cœur de Dieu, d'où nous venons tous. Pour cela, mon frère-prêtre de Jésus Christ, je te suis à jamais reconnaissant.

Ma plus grande joie, serait que tous les jeunes en quête de spiritualité, puissent au moins une fois dans leur vie, vivre la Présence eucharistique, telle que je l'ai vécue ce soir là sur cette belle terre de France à l'aube du troisième millénaire.

Vous, prêtres de Jésus Christ, c'est le plus beau cadeau que vous puissiez nous offrir. Un cadeau unique, trésor fragile, inestimable qui un jour nous sauve : être un moment avec la Trinité Sainte dans le quotidien de notre vie, ici et maintenant, pour y être tout le temps là-haut et pour toujours.

      Jean-Louis Bru.