Troisième partie (B) :
LES DEGRES
 

Dans l'ordre successif, le premier degré fait le
suprême, et le troisième l'infime ; mais dans
l'ordre simultané, le premier fait l'intime,
et le troisième l'extime.

    205. Il y a un ordre successif et un ordre simultané des degrés ; l'ordre successif va du suprême jusqu'à l'infime, ou depuis le haut jusqu'au bas. Dans cet ordre sont les cieux angéliques, le troisième ciel est le suprême, le second le moyen, le premier l'infime ; telle est leur situation relative. Les états de l'amour et de la sagesse chez les anges, ceux de la chaleur et de la lumière, et ceux des atmosphères spirituelles y sont dans un semblable ordre successif, ainsi que toutes les perfections des formes et des forces. Puisque les degrés de hauteur ou les degrés discrets sont dans un ordre successif, ils peuvent être comparés à une colonne divisée en trois étages que l'on monte et descend. Il y a des choses très parfaites et très belles à l'étage supérieur ; des choses moins parfaites et moins belles à celui du milieu ; et des choses encore moins parfaites et moins belles à l'étage le plus bas. Mais l'ordre simultané, qui consiste en de semblables degrés, a une autre apparence. Dans celui-ci, les suprêmes de l'ordre successif qui sont, comme il a été dit, très parfaits et très beaux, sont dans l'intime, les moyens qui sont moins parfaits et, moins beaux dans la partie médiane et les infimes à la périphérie. Ils sont comme dans un solide consistant en ces trois degrés, au milieu ou au centre duquel sont les parties les plus subtiles, autour de ce centre les parties moins subtiles, et dans les extrêmes qui font la périphérie les parties provenant des moins subtils et par suite plus grossières. C'est comme la colonne dont il vient d'être parlé qui s'affaisse sur un plan, et de laquelle le suprême fait l'intime, le moyen fait le moyen, et l'infime fait l'extime.

    206. Comme le suprême de l'ordre successif devient l'intime de l'ordre simultané, et que l'infime devient l'extime, ainsi dans la Parole le supérieur signifie l'intérieur, et l'inférieur signifie l'extérieur. Il en est de même pour en haut et en bas, et pour élevé et profond.

    207. Dans tout dernier il y a les degrés discrets en ordre simultané. Les fibres motrices dans tout muscle, les fibres dans tout nerf, les fibres et les petits vaisseaux dans chaque viscère et dans chaque organe sont dans un tel ordre. Intimement en eux se trouvent les parties les plus simples qui sont les plus parfaites ; l'extime en est le composé. Il y a un ordre semblable de ces degrés dans toute semence et dans tout fruit, aussi dans tout métal et dans toute pierre ; telles sont leurs parties dont résulte le tout. Les éléments intimes, moyens et extimes des parties sont dans ces degrés, car ce sont de successives compositions, ou de successifs assemblages et groupements provenant des simples qui sont leurs premières substances ou matières.

    208. En un mot, il y a de tels degrés dans tout dernier, ainsi dans tout effet, car tout dernier se compose des antérieurs, et ceux-ci se composent de leurs premiers. Tout effet se compose de la cause, et celle-ci de la fin ; et la fin est le tout de la cause, et la cause est le tout de l'effet, comme il a été montré ci-dessus. La fin fait l'intime, la cause le moyen, et l'effet le dernier. On verra dans la suite qu'il en est de même des degrés de l'amour et de la sagesse, de la chaleur et de la lumière, et aussi des formes organiques des affections et des pensées chez l'homme. Il a aussi été traité de la série de ces degrés dans l'ordre successif et dans l'ordre simultané dans la Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur l'écriture Sainte, N°s 38, et ailleurs, où il a été montré qu'il y a de semblables degrés dans toutes et dans chacune des choses de la Parole.

Le dernier degré est le complexe, le contenant
et la base des degrés antérieurs.

    209. La doctrine des degrés, qui est donnée dans cette partie a été illustrée jusqu'à présent par différentes choses qui existent dans l'un et l'autre monde. Ainsi elle l'a été par les degrés des Cieux où sont les anges, par les degrés de la chaleur et de la lumière chez eux, par les degrés des atmosphères, et par différentes choses dans le corps humain, et aussi dans le règne animal et dans le règne minéral. Mais cette doctrine des degrés a une plus grande portée ; elle s'étend non seulement aux choses naturelles, mais aussi aux choses civiles, morales et spirituelles, et à tout ce qui les concerne, tant en général qu'en particulier. En voici les raisons : l° - Dans tout ce dont on peut parler il y a un trine, qui est appelé fin, cause et effet, et ces trois choses sont entre elles selon les degrés de hauteur. 2° - Toute chose civile, morale et spirituelle est une substance et non une abstraction, tout comme l'amour et la sagesse sont non pas des choses abstraites, mais une substance, ainsi qu'il a été démontré ci-dessus aux N°s 40 à 43. On peut, il est vrai, penser par exemple sur l'affection et la pensée, sur la charité et la foi, sur la volonté et l'entendement, mais toujours est-il qu'en eux-mêmes ils ne sont pas abstraits. En effet, il en est de ces choses comme de l'amour et de la sagesse, c'est-à-dire qu'elles n'existent pas hors des sujets, qui sont des substances, mais qu'elles sont les états des sujets ou substances. On verra dans la suite que ce sont leurs changements qui manifestent des variations. Par substance il est aussi entendu la forme, car il n'y a pas de substance sans forme.

    210. Il est arrivé qu'on a perdu la juste idée sur la volonté et l'entendement, sur l'affection et la pensée et sur la charité et la foi, à savoir, qu'ils sont les états des substances ou des formes, parce qu'on a pu penser et qu'on a pensé sur ces choses en faisant abstraction des substances qui en sont les sujets. Il en est absolument comme des sensations et des actions qui ne sont pas des choses abstraites des organes sensoriels et moteurs. Abstraites ou séparées de ces organes, les sensations et les actions ne sont que des fictions, car elles sont comme la vue sans l'œil, comme l'ouïe sans l'oreille, comme le go°t sans la langue, et ainsi du reste.

    211. Puisque toutes les choses civiles, morales et spirituelles font leur progression par les degrés, comme les choses naturelles, non seulement par les degrés continus, mais aussi par les degrés discrets, et que les progressions des degrés discrets sont comme les progressions des fins aux causes, et des causes aux effets, j'ai voulu que la proposition présente, qui est, que le dernier degré est le complexe, le contenant et la base des degrés antérieurs, fut illustrée et confirmée par les choses décrites ci-dessus, savoir, par celles qui appartiennent à l'amour et à la sagesse, à la volonté et à l'entendement, à l'affection et à la pensée, à la charité et à la foi.

    212. On voit d'après la progression des fins et des causes vers les effets, que le dernier degré est le complexe, le contenant et la base des degrés antérieurs. La raison éclairée peut le saisir, mais ne peut de même saisir pleinement que la fin avec tout ce qui lui appartient, et la cause avec tout ce qui lui appartient sont en actualité dans l'effet, et que l'effet en est le plein complexe. On peut voir qu'il en est ainsi par les propositions déjà présentées dans cette partie, surtout par celle-ci, que l'un procède de l'autre dans une série triple ; et que l'effet n'est autre que la fin dans son dernier ; et comme le dernier est le complexe, il s'ensuit que le dernier est le contenant et aussi la base.

    213. Quant à ce qui concerne l'amour et la sagesse, l'amour est la fin, la sagesse est la cause par laquelle l'amour agit, et l'usage est l'effet. L'usage est le complexe, le contenant et la base de la sagesse et de l'amour ; or, l'usage est un tel complexe et un tel contenant, que toutes les choses de l'amour et toutes celles de la sagesse sont en actualité en lui, c'est là qu'elles sont simultanément présentes. Mais il faut qu'on sache bien que toutes les choses de l'amour et de la sagesse, qui sont homogènes et concordantes, sont dans l'usage, selon ce qui a été dit et montré ci-dessus, dans le chapitre comprenant les N°s 189 à 194.

    214. L'affection, la pensée et l'action, sont aussi dans une série de semblables degrés, parce que toute affection se réfère à l'amour, toute pensée à la sagesse, et toute action à l'usage. Il en est de même de la charité, de la foi et de l'œuvre, parce que la charité appartient à l'affection, la foi à la pensée, et l'œuvre à l'action. Il en est de même aussi de la volonté, de l'entendement et de l'action, car la volonté appartient à l'amour et par suite à l'affection, l'entendement à la sagesse et par suite à la foi, et l'action à l'usage et par suite à l'œuvre. Comme toutes les choses de la sagesse et de l'amour sont dans l'usage, de même toutes les choses de la pensée et de l'affection sont dans l'action, et toutes les choses de la foi et de la charité sont dans l'œuvre, et ainsi du reste , mais toutes sont homogènes, c'est-à-dire, concordantes.

    215. On n'a pas su jusqu'à présent que le dernier de chaque série, c'est-à-dire l'usage, l'action, l'œuvre et la pratique, est le complexe et le contenant de tous les antérieurs. Il semble que dans l'usage, l'action et l'œuvre, il n'y ait rien de plus que ce qui est dans le mouvement, néanmoins tous les antérieurs sont en eux en actualité, et si pleinement qu'il n'y manque rien. Ils y sont enfermés comme le vin dans son tonneau, et comme des meubles dans une maison. Ces antérieurs n'apparaissent pas, parce qu'ils sont considérés seulement extérieurement, et qu'ainsi considérés ils ne sont que des activités et des mouvements. On peut comparer tout cela aux bras et aux mains qui se meuvent ; on ignore que mille fibres motrices concourent à chacun de leurs mouvements, et qu'à ces mille fibres motrices correspondent des milliers de choses appartenant à la pensée et à l'affection qui excitent les fibres motrices ; et comme elles agissent intimement, elles ne sont pas perceptibles aux sens du corps. Il est connu que rien n'est mis en action dans le corps ou par le corps que d'après la volonté par la pensée, et comme l'une et l'autre agissent, il s'ensuit que toutes et chacune des choses de la volonté et de la pensée sont forcément présentes dans l'action. Elles ne peuvent être séparées ; par conséquent, c'est d'après les faits ou les œuvres qu'on juge de la pensée de la volonté de l'omme, qu'on nomme intention. Il m'a été donné de voir que les anges, d'après un seul fait ou une seule œuvre de l'homme, perçoivent et voient le tout de la volonté et de la Pensée de celui qui agit. Les anges du troisième ciel perçoivent et voient d'après la volonté, la fin pour laquelle on agit, et les anges du second ciel la cause pour laquelle la fin agit. C'est de là que, dans la Parole, les œuvres et les faits sont tant de fois commandés, et qu'il est dit que l'homme est connu par ses œuvres.

    216. Selon la sagesse angélique, la volonté et l'entendement, ou l'affection et la pensée, et aussi la charité et la foi, sont comme des souffles qui passent, ou comme des images qui se perdent dans l'air, s'ils ne se couvrent et ne s'enveloppent des œuvres et des actes, quand cela est possible ; et ils ne demeurent et deviennent partie de sa vie que lorsque l'homme agit et fait les œuvres. Il en est ainsi, parce que le dernier est le complexe, le contenant et la base des antérieurs. Un souffle qui passe et une image qui se perd, c'est la foi séparée des œuvres, et c'est aussi la foi et la charité sans leur pratique, avec la seule différence que ceux qui admettent la foi et la charité savent en quoi consistent les biens et peuvent vouloir les faire, mais non ceux qui sont dans la foi séparée de la charité.

Les degrés de hauteur sont dans leur plénitude
et leur puissance dans leur dernier degré.

    217. Dans l'article précédent il a été montré que le dernier degré est le complexe et le contenant des degrés antérieurs. Il s'ensuit que les degrés antérieurs sont dans leur plénitude dans le dernier degré, car ils sont dans leur effet, et tout effet est la plénitude des causes.

    218. Il a été montré par tout ce qui a été rapporté dans les articles précédents d'après les choses sensibles et perceptibles qui servent de confirmations, que ces degrés ascendants et descendants, appelés antérieurs et postérieurs, et aussi degrés de hauteur et degrés discrets, sont dans leur puissance dans leur dernier. Ici, je veux seulement le confirmer par les efforts, les forces et les mouvements dans les sujets inertes et dans les sujets vivants. On sait que l'effort ne fait rien de lui-même, mais qu'il agit par des forces correspondantes, et que par elles il manifeste le mouvement ; il en résulte que l'effort est le tout dans les forces, et par les forces dans le mouvement. Puisque le mouvement est le dernier degré de l'effort, c'est par lui que l'effort met en action sa puissance. L'effort, la force et le mouvement ont été conjoints selon les degrés de hauteur, dont la conjonction existe non par la continuité, puisqu'ils sont discrets, mais par les correspondances. Car l'effort n'est pas la force, et la force n'est pas le mouvement, mais la force est produite par l'effort, puisque la force est l'effort mis en activité, et le mouvement est produit par la force. Par conséquent il n'y a aucune puissance dans l'effort seul, ni dans la force seule, mais la puissance est dans le mouvement qui en est le produit. Tout cela n'ayant pas été illustré par des applications aux choses sensibles et perceptibles de la nature, il peut sembler douteux qu'il en soit ainsi, néanmoins telle est leur progression à la puissance.

    219. Une application en sera donc faite à l'effort vif, à la force vive et au mouvement vif. L'effort vif dans l'homme, qui est un sujet vivant est sa volonté unie à son entendement ; les forces vives dans l'homme sont les parties intérieures de son corps, dans toutes ces parties il y a les fibres motrices entrelacées de diverses manières ; et le mouvement vif dans l'homme est l'action, qui est produite par ces forces d'après la volonté unie à l'entendement. Car les intérieurs qui appartiennent à la volonté et à l'entendement font le premier degré, les intérieurs qui appartiennent au corps font le second, et tout le corps qui en est le complexe fait le troisième degré. Il est notoire que les intérieurs qui appartiennent au mental ne sont dans aucune puissance sinon par les forces dans le corps, et que les forces ne sont non plus dans aucune puissance sinon par l'action du corps lui-même. Ces trois agissent non par la continuité, mais par le discret ; et agir par le discret, c'est agir par les correspondances. Les intérieurs qui appartiennent au mental correspondent aux intérieurs du corps, et ceux-ci correspondent à ses extérieurs, par lesquels existent les actions ; ainsi les deux antérieurs sont dans la puissance par les extérieurs du corps. Il peut sembler que les efforts et les forces dans l'homme soient dans quelque puissance, bien qu'il n'y ait pas action, comme dans le sommeil et les états de repos ; néanmoins les déterminations des efforts et des forces sont alors dans les organes moteurs généraux du corps, qui sont le cœur et le poumon ; cependant l'action du cœur et du poumon cessant, les forces cessent aussi, et avec les forces les efforts.

    220. Dans la Parole les bras et les mains signifient la puissance, et la main droite une puissance supérieure, parce que les puissances du tout, c'est-à-dire du corps, sont déterminées principalement dans les bras et dans les mains. Puisque tels sont le déroulement et le développement des degrés vers la puissance chez l'homme, les anges qui sont chez lui et dans la correspondance de tout ce qui lui appartient, connaissent d'après une seule action faite par les mains, quel est l'homme quant à l'entendement et à la volonté. Ils savent aussi quel est l'homme quant à la charité et à la foi, ainsi quant à la vie interne qui appartient à son mental, et quant à la vie externe qui d'après l'interne est dans le corps. Je me suis souvent demandé comment les anges ont cette connaissance de l'homme rien que par une seule action du corps faite par les mains. Toujours est-il que cela m'a été montré quelquefois par vive expérience, et il m'a été dit que l'imposition des mains, qui se fait dans l'ordination des prêtres et des ministres, vient de là ; et que toucher avec la main signifie communiquer, outre plusieurs autres choses. Il s'ensuit que le tout de la charité et de la foi est dans les œuvres, et que la charité et la foi sans les œuvres s'évanouissent et sont dispersées comme le sont les arcs-enciel par un nuage. C'est pour cela qu'il est si souvent parlé des œuvres dans la Parole, qu'il est dit de faire des œuvres, et que le salut de l'homme en dépend ; de plus celui qui les fait est appelé sage, et celui qui ne les fait pas, insensé. Par les œuvres ici sont entendus les usages que l'on fait, car dans ces usages et selon ces usages est le tout de la charité et de la foi. Il y a une correspondance des œuvres avec les usages parce que cette correspondance est spirituelle, mais elle se fait par les substances et les matières, qui sont les sujets.

    221. Deux arcanes seront révélés ici, car ils peuvent être compris par les explications données ci-dessus. Premier arcane : La Parole est dans sa plénitude et dans sa puissance dans le sens de la lettre. En effet, dans la Parole il y a trois sens selon les trois degrés : le sens céleste, le sens spirituel et le sens naturel. Puisque ces sens sont dans la Parole selon les trois degrés de hauteur, et que leur conjonction se fait par les correspondances, le dernier sens ou le naturel, qui est appelé le sens de la lettre, est non seulement le complexe, le contenant et la base des sens intérieurs correspondants, mais de plus il est la Parole dans sa plénitude et dans sa puissance. On en voit la démonstration et la confirmation en plusieurs endroits de la Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur l'Ecriture sainte, N°s 27 à 36, 37 à 49, 50 à 61, 62 à 69.

    Second arcane : Le Seigneur est venu dans le monde et a pris l'Humain, pour Se mettre en puissance de subjuguer les enfers, et de rétablir toutes choses dans l'ordre, tant dans les cieux que sur la terre. De cet Humain, Il a revêtu Son Humain antérieur. L'Humain dont Il s'est revêtu dans le monde était comme l'humain d'un homme dans le monde, l'un et l'autre sont cependant Divins, et par suite infiniment au-dessus des humains des anges et des hommes. Parce que le Seigneur a pleinement glorifié l'Humain naturel dans ses derniers, Il est ressuscité avec tout le corps, ce qui n'a pas lieu pour l'homme. Ayant pris cet Humain, Il s'est revêtu de la Toute-Puissance Divine, non seulement pour subjuguer les enfers et rétablir les cieux dans l'ordre, mais encore pour tenir les enfers éternellement subjugués et sauver les hommes. Cette puissance est entendue par être assis à la droite du pouvoir et de la puissance de Dieu. Comme le Seigneur en prenant l'humain naturel s'est fait le Divin Vrai dans les derniers, Il est appelé la Parole, et il est dit que la Parole a été faite chair. De plus le Divin Vrai dans les derniers est la Parole quant au sens de la lettre. Il s'est fait le Divin Vrai en accomplissant toutes les choses de la Parole qui Le Concernent dans MoÔse et dans les prophètes. Puisque tout homme n'est homme que par son bien et son vrai, le Seigneur parce qu'Il a pris l'Humain naturel, est le Divin Bien Même et le Divin Vrai Même, ou ce qui est la même chose Il est le Divin Amour Même et la Divine Sagesse Même tant dans les Premiers que dans les Derniers. En conséquence, le Seigneur, depuis son avènement dans le monde, apparait dans les cieux angéliques comme Soleil avec un plus vif éclat et une plus grande splendeur. Voilà un arcane que l'on peut comprendre par la doctrine des degrés. Il sera parlé dans la suite de la Toute-Puissance du Seigneur avant son avènement dans le monde.

Les degrés discrets et les degrés continus sont
dans les très grands et dans les très petits
de toutes les choses créées.

    222. Il ne peut être illustré par des exemples pris dans les choses visibles, que les très grands comme les très petits de toutes les choses consistent en degrés discrets et continus, ou en degrés de hauteur et de largeur, parce que les très petits ne se présentent pas devant les yeux et que les très grands qui se présentent ne se montrent pas distingués en degrés. Ce sujet ne peut donc être démontré que par des universaux. Comme les anges sont dans la sagesse d'après les universaux, et par suite dans la connaissance des particuliers, je vais rapporter ce qu'ils en disent.

    223. Ils m'ont dit qu'il n'y a pas un très petit, si petit soit-il, qui ne renferme les degrés discrets et les degrés continus. Ainsi en est-il du très petit dans l'animal, dans la plante, dans le minéral, dans l'éther et dans l'air. Puisque l'éther et l'air sont les réceptacles de la chaleur et de la lumière, et que la chaleur et la lumière spirituelles sont les réceptacles de l'amour et de la sagesse, les très petits de la chaleur et de la lumière, de l'amour et de la sagesse renferment aussi ces mêmes degrés. Il en résulte aussi, disent les anges, que le très petit d'une affection, le très petit d'une pensée, et même le très petit d'une idée de la pensée consiste en degrés des deux genres, car sans ces degrés le très petit n'est rien, parce qu'il n'a pas de forme, par conséquent pas de qualité, ni aucun état qui puisse être changé et varié, et de ce fait exister. Les anges confirment ce qui précède par cette vérité, que les infinis dans Dieu Créateur, qui est le Seigneur de toute éternité, sont distinctement un ; et qu'il y a des choses infinies dans Ses infinis, et que dans les infiniment infinis il y a les degrés discrets et les degrés continus qui sont distinctement un en Lui. Comme ils sont en Lui, et que toutes choses ont été créées par Lui, et que les choses qui ont été créées présentent dans une sorte d'image celles qui sont en Lui, il s'ensuit qu'il n'y a pas un très petit fini dans lequel il n'y ait de tels degrés. Ces degrés sont dans les très petits comme dans les très grands, parce que le Divin est le même dans les très grands et dans les très petits. Les infinis sont distinctement un dans Dieu-Homme, on le voit ci-dessus, N°s 17 à 22. Le Divin est le même dans les très grands et dans les très petits, N°s 77 à 82 et aussi N°s 155, 169 et 171.

    224. Les degrés discrets et les degrés continus existent dans le très petit de l'amour et de la sagesse, dans le très petit de l'affection et de la pensée, et même dans le très petit de l'idée de la pensée, parce que l'amour et la sagesse sont substance et forme, (voir N°s 40 à 43) ; il en est de même de l'affection et de la pensée. Comme il n'y a pas de forme où ne soient ces degrés, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il s'ensuit qu'il y a de semblables degrés dans ces choses ; car séparer l'amour et la sagesse, puis l'affection et la pensée, de la substance en forme, c'est les annihiler, parce que ces choses ne peuvent exister hors de leurs sujets, car elles sont les états de leurs sujets perçus par l'homme de façon variée, états qui les présentent à la vue.

    225. Les très grands dans lesquels sont les degrés discrets et les degrés continus sont, chacun dans tout leur complexe : l'univers, le monde matériel, le monde spirituel ; chaque pays avec ses caractères, civil, moral et spirituel ; le règne animal, le règne végétal et le règne minéral ; les atmosphères de l'un et de l'autre monde prises ensemble, puis leurs chaleurs et leurs lumières. Pareillement les choses moins générales, telles que l'homme, l'animal, l'arbre et l'arbrisseau, la pierre et le métal, chacun dans son complexe. Les formes de ces choses sont semblables en ce qu'elles consistent en degrés des deux genres, parce que le Divin qui les a créées est le même dans les très grands et les très petits, comme il a été démontré ci-dessus, N°s 77 à 82. Les Particuliers et les très particuliers de toutes ces choses sont semblables aux communs et aux très communs, parce qu'ils sont des formes des degrés discrets et des degrés continus.

    226. Il y a entre les très grands et les très petits une connexion depuis les premiers jusqu'aux derniers, parce qu'ils sont des formes de degrés de l'un et de l'autre genre, et la ressemblance les conjoint. Néanmoins aucun très petit ne peut être semblable à un autre, en conséquence tousles particuliers sont distincts les uns des autres, il en est de Même des très particuliers. Il n'y a aucun très petit dans quelque forme, ou parmi quelques formes, qui soit le même qu'un autre, parce que dans les très grands il y a de semblables degrés, et que les très grands sont formés de très petits. Puisque de tels degrés sont dans les très grands, et que selon ces degrés il y a des différences perpétuelles depuis le haut jusqu'au bas, et depuis le centre jusqu'à la périphérie, il s'ensuit qu'il n'y a aucun de leurs plus petits ni de leurs très petits, dans lesquels sont de semblables degrés, qui soit le même qu'un autre.

    227. C'est encore un point de la sagesse angélique, que la perfection de l'univers créé vient de la ressemblance des communs et des particuliers, ou des très grands et des très petits, quant à ces degrés, car alors l'un regarde l'autre comme son semblable, avec lequel il peut être conjoint pour tout usage, et fixer toute fin dans l'effet.

    228. Mais ces propositions peuvent sembler paradoxales, parce qu'elles ne sont pas démontrées par des applications à des choses visibles ; cependant, toujours est-il que les propositions abstraites étant des universaux, sont souvent mieux saisies que les propositions appliquées, car celles-ci sont d'une variété perpétuelle, et la variété obscurcit.

    229. Certains maintiennent qu'il y a une substance si simple, qu'elle n'a pas de forme venant de formes plus petites, et que de cette substance résultent par entassement des composés, et enfin des substances appelés matières. Néanmoins de telles substances très simples n'existent pas ; car qu'est-ce qu'une substance sans une forme ? C'est quelque chose dont rien ne peut se dire ; et d'un être dont rien ne petit se dire, il ne peut être composé quelque chose par entassement. On verra dans la suite, lorsqu'il s'agira des formes, qu'il y a des choses innombrables dans les premières substances créées de toutes choses, qui sont très petites et très simples.

Les trois degrés de hauteur sont infinis
et incréés dans le Seigneur,
et ces trois degrés sont finis
et créée dans l'homme.

    230. Les trois degrés de hauteur sont infinis et incréés dans le Seigneur, parce qu'Il est l'Amour même et la Sagesse Même, comme il a été précédemment démontré. Puisque le Seigneur est l'Amour Même et la Sagesse Même, Il est aussi l'Usage Même ; car l'amour a pour fin l'usage, qu'il produit par la sagesse. En effet, sans l'usage, l'amour et la sagesse n'ont pas de but ou de fin, c'est-à-dire n'ont pas de demeure ; par conséquent on ne peut dire qu'ils ont l'être et la forme, à moins qu'il n'y ait l'usage dans lequel ils soient et existent. Ces trois constituent les trois degrés de hauteur dans les sujets de la vie. Ils sont comme la fin première, la fin moyenne qui est appelée cause, et la fin dernière qui est appelée effet. Il a été montré ci-dessus, et confirmé plusieurs fois que la fin, la cause et l'effet constituent les trois degrés de hauteur.

    231. Ces trois degrés sont dans l'homme, on peut le voir d'après l'élévation de son mental jusqu'aux degrés de l'amour et de la sagesse dans lesquels sont les anges du second et du troisième ciel, car tous les anges sont nés hommes ; et l'homme quant aux intérieurs qui appartiennent à son mental est le ciel dans la forme la plus petite. Il y a donc chez l'homme par création autant de degrés de hauteur qu'il y a de cieux. De plus l'homme est l'image et la ressemblance de Dieu, par conséquent ces trois degrés ont été gravés chez lui, parce qu'ils sont en Dieu-Homme, C'est-à-dire dans le Seigneur. On peut voir d'après ce qui a été démontré dans la première partie que ces trois degrés dans le Seigneur sont infinis et incréés, et qu'ils sont finis et créés dans l'homme. Il y est dit par exemple, que le Seigneur est l'Amour en Soi et la Sagesse en Soi ; que l'homme est le réceptacle de l'Amour et de la Sagesse procédant du Seigneur ; aussi, que tout ce qui se rapporte au Seigneur est infini, et que tout ce qui se rapporte à l'homme est fini.

    232. Ces trois degrés chez les anges sont nommés Céleste, spirituel et naturel. Pour eux le degré céleste est celui de l'amour, le degré spirituel est celui de la sagesse, et le degré naturel est celui des usages. Ces degrés sont ainsi nommés, parce que les cieux ont été distingués en deux royaumes : Le royaume céleste et le royaume spirituel, auxquels est adjoint un troisième royaume, nommé royaume naturel ou sont les hommes dans le monde. Les anges du royaume céleste sont dans l'amour, ceux du royaume spirituel sont dans la sagesse, pendant que les hommes dans le monde sont dans les usages ; c'est pour cela que ces royaumes sont conjoints. Dans la partie suivante, il sera dit comment il faut entendre que les hommes sont dans les usages.

    233. Il m'a été dit du ciel que dans le Seigneur de toute éternité, qui est Jéhovah, avant qu'il e°t pris l'Humain dans le monde, il y avait les deux degrés antérieurs en actualité, et le troisième degré en puissance, tels qu'ils sont aussi chez les anges, mais qu'après avoir pris l'Humain dans le monde, Il s'est revêtu aussi du troisième degré, qui est appelé naturel, et qu'ainsi Il est devenu Homme semblable à un homme dans le monde, avec cette différence cependant, que ce degré, comme les degrés antérieurs, est infini et incréé, tandis que ces degrés dans l'ange et dans l'homme sont finis et créés. En effet, le Divin qui avait rempli tous les espaces sans espace, N°s 69 à 72, a pénétré jusqu'aux derniers de la nature ; mais avant qu'il e°t pris l'Humain, l'influx Divin dans le degré naturel se faisait médiatement par les cieux angéliques, tandis qu'après avoir pris l'Humain, cet influx fut immédiat venant de Lui. Pour cette raison toutes les églises dans le monde avant Son avènement avaient été représentatives des spirituels et des célestes, mais après Son avènement elles sont devenues naturelles-spirituelles et naturelles-célestes, et le culte représentatif a été aboli. Pour cette même raison le Soleil du Ciel angélique, qui est, comme il a déjà été dit, le premier procédant de Son Divin Amour et de Sa Divine Sagesse, a brillé d'un plus vif éclat et d'une plus grande splendeur depuis qu'il a pris l'Humain. C'est aussi ce qui est entendu par ces paroles dans EsaÔe : Ence jour-là, la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus grande, comme la lumière de sept jours. Es. XXX, 26. - Ces paroles ont été dites de l'état du ciel et de l'église après l'avènement du Seigneur dans le monde ; et dans l'Apocalypse : La face du Fils de L'homme était comme le soleil lorsqu'il brille dans sa force. - Ap. I, 16 ; - et ailleurs, par exemple, EsaÔe LX. 20. II Samuel XXIII, 3, 4. Matthieu XVII, 1, 2 - L'illustration médiate des hommes par le ciel angélique, illustration qui existait avant l'avènement du Seigneur, peut être comparée à la lumière de la lune, qui est la lumière réfléchie du soleil, et comme après l'avènement du Seigneur l'illustration est devenue immédiate, il est dit dans EsaÔe, que la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil ; et dans David : En ses jours le juste fleurira et la paix sera grande jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de lutte. - Ps. LXXII, 7. - Cela aussi a été dit du Seigneur

    234. Le Seigneur de toute éternité, ou Jéhovah, s'est revêtu de ce troisième degré en prenant l'Humain dans le monde, parce qu'il n'a pu entrer dans ce degré que par une nature semblable à la nature humaine, ainsi Il n'a pu y entrer, qu'en étant conçu de son Divin, et en naissant d'une vierge ; car de cette façon il a pu se dépouiller d'une nature qui, bien que réceptacle du Divin, est en elle-même morte, et revêtir le Divin. Cela est entendu par les deux états du Seigneur dans le monde, appelés état d'exinanition ou d'humiliation et état de glorification, dont il a été traité dans la Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur le Seigneur.

    235. Ce qui concerne la triple ascension des degrés de hauteur a été décrit en général, mais il ne peut rien en être dit ici en particulier, parce que ces degrés sont dans les très grands et dans les très petits, ainsi qu'il a été montré dans l'article précédent. Cependant on peut dire qu'il y a de tels degrés dans toutes et dans chacune des choses de l'amour, et par conséquent dans toutes et dans chacune des choses de la sagesse, et d'après ceux-ci dans toutes et dans chacune des choses des usages. Tous ces degrés sont infinis dans le Seigneur, tandis qu'ils sont finis dans l'ange et dans l'homme. Mais il ne peut être décrit et développé qu'en série comment ces degrés sont dans l'amour, dans la sagesse et et dans l'usage.

Ces trois degrés de hauteur sont dans chaque
homme dès la naissance et peuvent être ouverts
successivement et selon qu'ils sont ouverts,
l'homme est dans le Seigneur, et le Seigneur
est dans l'homme.

    236. On a ignoré jusqu'à présent que les trois degrés de hauteur sont dans chaque homme, parce que ces degrés n'étaient pas connus, et que, tant que ces degrés sont cachés, on ne peut admettre d'autres degrés que les degrés continus. Or, quand on ne connaît que les degrés continus, on peut penser que l'amour et la sagesse chez l'homme ne se développent que par le continu. Mais on doit savoir que chez l'homme dès la naissance, il y a les trois degrés de hauteur ou degrés discrets, l'un au-dessus ou au dedans de l'autre ; et que chaque degré de hauteur ou discret a aussi des degrés de largeur ou continus, selon lesquels il croît par la continuité ; car les degrés des deux genres sont dans les très grands et dans les très petits de toutes choses, comme il a été montré ci-dessus, N°s 222 à 229. En effet, il ne peut y avoir des degrés d'un genre sans les degrés de l'autre genre.

    237. Ces trois degrés de hauteur sont nommés naturel, spirituel et céleste, comme il a été dit au N° 232. A sa naissance, l'homme vient d'abord dans le degré naturel, et ce degré croit chez lui par la continuité selon les connaissances, et selon l'entendement acquis par elles, jusqu'au plus haut point de l'entendement qui est appelé le rationnel. Néanmoins le second degré qui est appelé le spirituel n'est pas ouvert par ce moyen. Il est ouvert par un amour des usages d'après les connaissances de l'entendement, mais cet amour est un amour spirituel des usages, qui est l'amour à l'égard du prochain. Ce degré peut pareillement croître par la continuité jusqu'à son plus haut point, et il le fait par les connaissances du vrai et du bien, ou par les vérités spirituelles. Toutefois le troisième degré qui est appelé céleste, n'est pas ouvert par ces vérités, mais il est ouvert par l'amour céleste de l'usage, qui est l'amour envers le Seigneur. L'amour envers le Seigneur n'est autre chose que l'application à la vie des préceptes de la Parole, qui, en somme, consistent à fuir les maux parce qu'ils sont infernaux et diaboliques, et à faire le bien qui est céleste et Divin. Ces trois degrés sont ainsi successivement ouverts chez l'homme.

    238. Tant que l'homme vit dans le monde, il ne sait rien de l'ouverture de ces degrés chez lui, parce qu'alors il est dans le degré naturel, qui est le dernier, et qu'il pense, veut, parle et agit d'après ce degré. Or, le degré spirituel, qui est intérieur, communique avec le degré naturel non par la continuité mais par les correspondances, et la communication par les correspondances n'est pas sentie. Néanmoins quand l'homme dépouille le degré naturel, ce qui arrive lorsqu'il meurt, il vient alors dans ce degré qui chez lui a été ouvert dans le monde, c'est-à-dire dans le degré spirituel ou le degré céleste. Alors il pense, veut, parle et agit non plus naturellement, mais il le fait, chacun selon son degré. Comme la communication des trois degrés entre eux n'existe que par les correspondances, c'est pour cela que l'amour, la sagesse et l'usage appartenant à chaque degré diffèrent à tel point, qu'ils n'ont entre eux rien de commun par la continuité. D'après ces explications il est évident que l'homme a chez lui les trois degrés de hauteur qui peuvent être ouverts successivement.

    239. Puisqu'il y a chez l'homme trois degrés de l'amour trois degrés de la sagesse et par suite trois degrés de l'usage, il s'ensuit qu'il y a chez lui trois degrés de la volonté, trois degrés de l'entendement, et par suite trois degrés de conclusion, c'est à dire trois degrés de détermination à l'usage. Car la volonté est le réceptacle de l'amour, l'entendement celui de la sagesse, et la conclusion appartient à l'usage qui provient de l'amour et de la sagesse. Il est donc évident que chaque homme possède une volonté et un entendement naturels, une volonté et un entendement spirituels, une volonté et un entendement célestes, en puissance dès la naissance, et en acte lorsqu'ils sont ouverts. En un mot, le mental de l'homme qui se compose de la volonté et de l'entendement, est constitué des trois degrés d'après la création, donc d'après la naissance, de sorte que l'homme possède un mental naturel, un mental spirituel et un mental céleste, et ainsi peut être élevé dans la sagesse angélique et la posséder pendant qu'il vit dans le monde. Cependant il n'entre dans cette sagesse qu'après la mort, s'il devient ange, alors son langage est ineffable et incompréhensible pour l'homme naturel. J'ai rencontré dans le ciel un homme d'une érudition moyenne, que j'avais connu dans le monde. J'ai clairement perçu qu'il parlait comme un ange, et disait des choses incompréhensibles pour l'homme naturel. Il avait été élevé par le Seigneur dans le troisième degré de l'amour et de la sagesse, parce que dans le monde il avait appliqué à la vie les préceptes de la Parole et adoré le Seigneur. Il est important que cette élévation du mental humain soit connue, car la compréhension de ce qui suit en dépend.

    240. Le Seigneur a mis dans l'homme deux facultés qui le distinguent des bêtes. L'une lui permet de comprendre ce qui est vrai et ce qui est bien, elle est appelée rationalité,et c'est la faculté de l'entendement ; l'autre lui permet de faire le vrai et le bien, elle est appelée liberté, et c'est la faculté de la volonté. En effet, l'homme peut d'après sa rationalité penser ce qu'il lui plaît, tant en faveur de Dieu que contre Dieu, et tant en faveur du prochain que contre le prochain ; il peut aussi vouloir et faire ce qu'il pense, et peut d'après la liberté s'abstenir de faire le mal lorsqu'il le voit et qu'il craint la punition. D'après ces deux facultés l'homme est homme, et il est distingué des bêtes. Ces deux facultés chez l'homme procèdent du Seigneur, et en procèdent continuellement ; elles ne peuvent lui être ôtées, car si elles l'étaient son humain périrait. Dans ces deux facultés le Seigneur est chez l'homme, tant chez le bon que le mauvais. Elles sont la demeure du Seigneur dans le genre humain et font que l'homme, bon ou méchant, vit éternellement. Mais la demeure du Seigneur chez l'homme est plus proche, dans la mesure où l'homme, au moyen de ces facultés, ouvre les degrés supérieurs, car par leur ouverture il vient dans les degrés supérieurs de l'amour et de la sagesse, ainsi plus près du Seigneur. D'après ces explications on peut voir que dans la mesure où ces degrés sont ouverts l'homme est dans le Seigneur, et le Seigneur est dans l'homme.

    241. Il a été dit ci-dessus que les trois degrés de hauteur, sont comme la fin, la cause et l'effet, et que l'amour, la sagesse et l'usage se suivent en accord avec ces degrés. C'est pourquoi, ici, en peu de mots il sera dit de l'amour, qu'il est la fin ; de la sagesse, qu'elle est la cause ; et de l'usage, qu'il est l'effet. Toute personne éclairée peut voir que l'amour de l'homme est la fin de toutes les choses qui sont en lui, car ce qu'il aime il le pense, le décide et le fait, par conséquent il l'a pour fin. Toute personne éclairée peut aussi voir que la sagesse est la cause, car l'homme, c'est-à-dire, son amour qui est la fin, cherche dans l'entendement les moyens par lesquels il peut parvenir à sa fin, ainsi il consulte sa sagesse, et ces moyens font la cause par laquelle il y parvient. On voit clairement sans explication que l'usage est l'effet. Mais l'amour n'est pas semblable chez tous les hommes, pareillement la sagesse, et par conséquent l'usage. Comme ces trois sont homogènes, ainsi qu'il a été montré ci-dessus, N°s 189 à 194, il s'ensuit que tel est l'amour chez l'homme, telle est la sagesse et tel est l'usage. Il est dit la sagesse, mais il est entendu ce qui appartient à son entendement.