Seconde partie (B) :
LE SOLEIL SPIRITUEL
 

Les anges sont dans le Seigneur et le Seigneur est en eux; et comme les anges sont des réceptables,
le Seigneur seul est le Ciel

    113. Parce que le ciel est appelé habitacle de Dieu, et aussi trône de Dieu, on croit que Dieu y est, comme un roi est dans son royaume. Mais Dieu, c'est-à-dire le Seigneur, est dans le Soleil au-dessus des cieux, et par sa présence dans la chaleur et dans la lumière Il est dans les cieux, ainsi qu'il a été montré dans les deux articles précédents. Bien que le Seigneur soit de cette manière présent dans le ciel, Il y est néanmoins comme en Soi ; car ainsi qu'il a été démontré, N°s 108 à 112, la distance entre le Soleil et le ciel n'est pas une distance, mais elle est une apparence de distance. Et puisque cette distance n'est qu'une apparence, il s'ensuit que le Seigneur Lui-même est dans le ciel, car Il est dans l'amour et dans la sagesse des anges ; et puisqu'il est dans l'amour et dans la sagesse de tous les anges, et que les anges constituent le ciel, Il est dans tout le ciel.

    114. Le Seigneur est non seulement dans le ciel, mais Il est aussi le ciel même, parce que l'amour et la sagesse font l'ange, et que ces deux choses appartiennent au Seigneur chez les anges ; il s'ensuit que le Seigneur est le ciel. En effet les anges ne sont pas anges par leur propre, qui est absolument comme celui de l'homme, propre qui est le mal. Il en est ainsi, parce que tous les anges ont été des hommes, et que ce propre leur est inhérent par naissance. Il est seulement éloigné, et dans la mesure où il l'est, les anges reçoivent l'amour et la sagesse, c'est-à-dire le Seigneur en eux. Chacun peut voir, pour peu qu'il élève son entendement, que le Seigneur ne peut habiter chez les anges que dans ce qui Lui appartient, c'est-à-dire, dans Son propre, qui est l'amour et la sagesse, et nullement dans celui des anges, qui est le mal. Il s'ensuit que dans la mesure où le mal est éloigné, le Seigneur est en eux, et qu'ils sont anges dans cette même mesure. L'angélique même du ciel est le Divin Amour et la Divine Sagesse ; ce Divin est appelé angélique lorsqu'il est dans les anges. Il est donc de nouveau évident que les anges sont des anges par le Seigneur, et non par eux-mêmes ; par conséquent le ciel aussi est ciel par le Seigneur

    115. Mais on ne peut comprendre comment le Seigneur est dans l'ange, et l'ange dans le Seigneur, si l'on ne connait pas la nature de leur conjonction. Il y a conjonction du Seigneur avec l'ange, et de l'ange avec le Seigneur ; elle est donc réciproque. L'ange, pareillement à l'homme, ne perçoit pas autrement, sinon qu'il est dans l'amour et dans la sagesse par lui-même, et par conséquent comme si l'amour et la sagesse lui appartenaient, ou étaient siens. S'il n'en était pas ainsi, il n'y aurait aucune conjonction, et le Seigneur ne serait pas en lui, ni lui dans le Seigneur. Il n'est pas non plus possible que le Seigneur soit dans un ange ou dans un homme, à moins que celui dans lequel Il est avec l'amour et la sagesse, ne perçoive et ne sente cette présence comme sienne. Par ce moyen, le Seigneur est non seulement reçu, mais retenu après avoir été reçu, et en outre aimé en retour. Par ce moyen aussi l'ange est sage et reste sage ; car personne ne peut vouloir aimer le Seigneur et le prochain, et vouloir être sage, s'il ne sent et ne perçoit comme sien ce qu'il aime, apprend et reçoit. Personne ne peut autrement retenir cela chez soi. S'il n'en était ainsi, l'amour et la sagesse qui influent n'auraient aucun réceptacle, car ils se répandraient et n'affecteraient pas. Par conséquent l'ange ne serait pas ange, l'homme ne serait pas homme, il serait comme un objet inanimé. D'après ces explications, on peut voir que sans la réciprocité il ne peut y avoir de conjonction.

    116. Il sera maintenant expliqué comment un ange perçoit et sent comme sien, et ainsi reçoit et retient ce qui, cependant, ne lui appartient pas ; car il a été dit ci-dessus que l'ange est ange non par ce qui lui appartient, mais par les choses qui chez lui viennent du Seigneur. Tout ange possède la liberté et la rationalité ; il les possède afin d'être susceptible de recevoir l'amour et la sagesse qui procèdent du Seigneur. Mais l'une et l'autre, tant la liberté que la rationalité ne lui appartiennent pas, elles appartiennent au Seigneur chez lui. Cependant elles apparaissent comme ses propres, parce que ces deux choses ont été intimement conjointes à sa vie, et si intimement, qu'on peut les dire jointes dans sa vie. D'après elles il peut penser et vouloir, parler et agir, et ce qu'il pense, veut, dit et fait d'après elles, apparaît comme si c'était d'après lui-meme. Ce fait produit la réciprocité, par laquelle il y a la conjonction. Néanmoins dans la mesure où l'ange croit que l'amour et la sagesse sont en lui, et ainsi se les attribue comme siens, il n'est pas dans l'état angélique, et n'est pas dans la conjonction avec le Seigneur,car il n'est pas dans la vérité. Ainsi il ne peut être dans le ciel, puisque la vérité fait un avec la lumière du ciel. En s'attribuant l'amour et la sagesse il nie qu'il vit par le Seigneur, et croit qu'il vit par lui-même, par conséquent qu'il possède la Divine Essence. La liberté et la rationalité sont les deux choses qui constituent la vie appelée angélique et humaine. Ces explications font voir que dans le but de conjonction avec le Seigneur, l'ange a la faculté de réciprocité, mais que considérée en elle-même, celle-ci appartient au Seigneur et non à l'ange. En conséquence, s'il abuse de cette réciprocité, par laquelle il perçoit et sent comme sien ce qui est au Seigneur et non à l'ange, ce qui arrive quand il se l'approprie, il déchoit de l'état angélique. Le Seigneur enseigne Lui-même dans Jean (XIV, 20 à 24 et XV, 4, 5, 6) que la conjonction est réciproque ; on voit aussi dans Jean XV, 7 que la conjonction du Seigneur avec l'homme, et de l'homme avec le Seigneur, se fait dans les choses qui appartiennent au Seigneur et, qui sont appelées ses paroles.

        117. Certaines personnes croient qu'Adam a été dans une liberté ou un libre arbitre tel, qu'il a pu d'après lui-même aimer Dieu et être sage, et que ce libre arbitre a été entièrement perdu dans ses descendants. Mais c'est là une erreur, car l'homme n'est pas la vie, il est un réceptacle de la vie, voir ci-dessus N°s 4 à 6, 55 à 60. Celui qui est le réceptacle de la vie ne peut ni aimer ni être sage d'après quelque chose à soi : aussi Adam, quand il a voulu aimer et être sage d'après lui-même, a été déchu de la sagesse et de l'amour, et a-t-il été chassé du Paradis.

    118. Ce qui vient d'être dit de l'ange, doit pareillement être dit du ciel qui se compose d'anges, puisque le Divin est le même dans les très grands et dans les très petits, ainsi qu'il a été démontré ci-dessus, N°s 77 à 82. Il en est de même de l'homme et de l'Eglise, car l'ange du ciel et l'homme de l'église font un par la conjonction. En fait l'homme de l'église, quand aux intérieurs qui appartiennent à son mental, est un ange ; mais par l'homme de l'église il est entendu l'homme dans lequel il y a l'église.

Dans le monde spirituel l'Orient est là où
apparaît le Seigneur comme Soleil,
et les autres régions en dépendent

    119. Après avoir décrit le Soleil du monde spirituel et son essence, sa chaleur et sa lumière, et la présence du Seigneur provenant de ce Soleil, il sera maintenant parlé des régions de ce monde. Il est traité de ce Soleil et de ce monde parce qu'il est traité de Dieu, et de l'Amour et de la Sagesse. Or traiter ces sujets autrement que d'après l'origine elle-même, ce serait le faire d'après les effets et non d'après les causes. Comme les effets n'enseignent que des effets, examinés seuls ils ne mettent en évidence aucune cause ; et les causes révèlent les effets. Connaître les effets d'après les causes, c'est être sage ; au contraire, rechercher les causes d'après les effets, c'est ne pas être sage, parce qu'alors il se présente des illusions qui sont appelées causes par celui qui fait des recherches, et la sagesse est ainsi transformée en fausseté. Les causes sont les antérieurs, et les effets sont les postérieurs ; et on ne peut voir les antérieurs d'après les postérieurs, mais on peut voir les postérieurs d'après les antérieurs. Tel est l'ordre. Pour cette raison il est d'abord traité du monde spirituel où sont toutes les causes, et ensuite du monde naturel, où toutes les choses qui apparaissent sont des effets.

    120. Dans le monde spirituel il y a des régions comme dans le monde naturel, mais elles sont spirituelles et si différentes des naturelles, qu'entre elles il n'y a rien de commun. Dans l'un et dans l'autre monde il y a quatre régions appelées orient, occident, midi et septentrion. Dans le monde naturel, ces quatre régions sont constantes, déterminées par le soleil à midi ; à l'opposé du midi est le septentrion, à l'un des côtés est l'orient et à l'autre l'occident. Ces régions sont déterminées par le méridien de chaque lieu, car la position du soleil au méridien de chaque endroit est toujours la même, et par conséquent fixe. Il en est autrement dans le monde spirituel où les régions sont déterminées par le Soleil qui apparaît toujours à sa place, à l'orient. La détermination des régions dans ce monde n'est donc pas d'après le midi ou le sud comme dans le monde naturel mais elle est d'après l'orient ; à l'opposé est l'occident, à l'un des côtés le sud et à l'autre le septentrion. Mais on verra dans la suite que ces régions sont déterminées par les habitants du monde spirituel, qui sont les anges et les esprits, et non par le Soleil de ce monde.

    121. Puisque ces régions d'après leur origine, qui est le Seigneur comme Soleil, sont spirituelles, les demeures des anges et des esprits, qui sont toutes selon ces régions, sont par conséquent spirituelles. Elles le sont, parce que les anges et les esprits ont leur demeure selon les réceptions de l'amour et de la sagesse procédant du Seigneur. Ceux qui sont dans un plus haut degré d'amour habitent à l'orient ; ceux qui sont dans un moindre degré d'amour habitent à l'occident ; ceux qui sont dans un plus haut degré de sagesse habitent au sud ; et ceux qui sont dans un moindre degré de sagesse habitent au septentrion. Il s'ensuit que dans la Parole, l'orient dans le sens suprême, signifie le Seigneur, et dans le sens relatif l'amour envers Lui ; et l'occident un amour décroissant envers Lui ; le sud signifie la sagesse dans la lumière, et le septentrion la sagesse dans l'ombre ; ou de semblables choses relativement à l'état de ceux dont il s'agit.

    122. Puisque toutes les régions dans le monde spirituel sont déterminées d'après l'orient, et que l'orient dans le sens suprême signifie le Seigneur, et aussi le Divin Amour, il est évident que toutes choses procèdent du Seigneur et de l'Amour envers Lui. Il est aussi évident que dans la mesure où quelqu'un n'est pas dans cet amour, il est éloigné du Seigneur, et habite à l'occident, au sud ou au septentrion, à des distances correspondant à la réception de l'amour.

    123. Parce que le Seigneur comme Soleil est constamment à l'Orient, les anciens, pour qui toutes les choses du culte étaient des représentatifs des spirituels, tournaient leurs faces vers l'orient dans leurs adorations. Pour faire de même dans leur culte, ils orientaient leurs temples de ce côté, et cette habitude se perpétue jusqu'à nos jours.

Les régions dans le monde spirituel proviennent,
non du Seigneur comme soleil, mais des
anges selon la réception

    124. Il a été dit que les anges habitent différentes régions ceux qui sont dans un plus haut degré d'amour sont dans la région orientale, ceux qui sont dans un moindre degré d'amour dans la région occidentale, ceux qui sont dans la lumière de la sagesse dans la région méridionale et ceux qui sont dans l'ombre de la sagesse dans la région septentrionale. Cette diversité d'habitations semble provenir du Seigneur comme Soleil, cependant elle provient des anges. Le Seigneur n'est pas dans un plus ou moins grand degré d'amour et de sagesse, c'est-à-dire que Lui-Même comme Soleil n'est pas dans un plus ou moins grand degré de chaleur et de lumière chez l'un ou chez l'autre, car Il est partout le même, mais Il n'est pas reçu par chacun dans le même degré. De ce fait les anges apparaissent plus ou moins éloignés les uns des autres, et différents aussi selon les régions. Il en résulte que les régions dans le monde spirituel ne sont que les réceptions variées de l'amour et de la sagesse, et par conséquent de la chaleur et de la lumière qui procèdent du Seigneur comme Soleil. On voit clairement qu'il en est ainsi d'après ce qui a été démontré ci-dessus, aux N°s 108 à 112, que les distances dans le monde spirituel sont des apparences.

    125. Puisque les régions sont les réceptions différentes de l'amour et de la sagesse par les anges, il sera parlé de la différence d'après laquelle cette apparence existe. Le Seigneur est dans l'ange et l'ange est dans le Seigneur, ainsi qu'il a été montré dans l'article précédent. Mais parce qu'il semble que le Seigneur comme Soleil soit hors de l'ange, il semble aussi que le Seigneur le voit du Soleil, et que lui, voit le Seigneur dans le Soleil, ce qui est à peu près comme l'image qui se présente dans le miroir. S'il faut parler d'après cette apparence, il sera dit que le Seigneur voit et regarde chacun en face, mais il n'en est pas ainsi pour les anges à l'égard du Seigneur. Ceux qui sont parle Seigneur dans l'amour envers lui, Le voient directement, aussi sont-ils à l'orient et à l'occident. Mais ceux qui sont davantage dans la sagesse voient le Seigneur obliquement à droite et sont au sud, et ceux qui sont dans un moindre degré de sagesse Le voient obliquement à gauche, et sont au septentrion. Ils Le voient obliquement, parce que l'amour et la sagesse, bien qu'ils procèdent du Seigneur comme un, ne sont pas reçus comme un par les anges, ainsi qu'il a été dit ci-dessus et que la partie de sagesse reçue en excès apparait, il est vrai, comme sagesse, mais ne l'est pas, parce qu'en elle il n'y a pas la vie procédant de l'amour. Ces explications font voir clairement d'où vient la différence de réception, d'après laquelle les habitations des anges apparaissent selon les régions dans le monde spirituel.

    126. On peut voir que la réception différente de l'amour et de la sagesse fait la région dans le monde spirituel, en ce que l'ange change de région selon l'accroissement et le décroissement de l'amour chez lui, d'où il est évident que la région provient non du Seigneur comme Soleil, mais de l'ange selon la réception. Il en est de même de l'homme quant à son esprit. Il est quant à l'esprit dans une des régions du monde spirituel, quelle que soit la région qu'il habite dans le monde naturel ; car ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les régions du monde spirituel n'ont rien de commun avec celles du monde naturel. L'homme est dans celles-ci quant au corps, et dans celles-là quant à l'esprit.

    127. Pour que l'amour et la sagesse fassent un chez l'ange et chez l'homme, tout est par paires dans toutes les parties de son corps. Il y a deux yeux et deux narines ; deux mains, deux jambes et deux pieds ; le cerveau a été divisé en deux hémisphères, le cœur en deux chambres, le poumon en deux lobes ; il en est de même des autres parties. Ainsi dans l'ange et dans l'homme il y a une droite et une gauche. Toutes les parties droites se réfèrent à l'amour d'où procède la sagesse, et toutes les parties gauches à la sagesse procédant de l'amour, ou, ce qui est la même chose, toutes les parties droites se réfèrent au bien d'où procède le vrai, et toutes les parties gauches au vrai procédant du bien. L'ange et l'homme ont ces paires, pour que l'amour et la sagesse, ou le bien et le vrai agissent comme un, et comme un se tournent vers le Seigneur. Dans la suite il en sera dit davantage sur ce sujet.

    128. Ces explications font voir dans quelle illusion et par suite dans quelle fausseté sont ceux qui croient que le Seigneur donne à son gré le ciel, ou qu'Il donne à son gré à l'un d'être plus sage et d'aimer plus qu'un autre. Cependant le Seigneur veut que tous soient également sages et sauvés, car Il pourvoit à des moyens pour tous. Chacun, selon qu'il reçoit ces moyens et y conforme sa vie, est sage et est sauvé, car le Seigneur est le même pour tous ; mais les réceptacles qui sont les anges et les hommes, sont différents en raison d'une réception différente et d'une vie différente. On peut voir qu'il en est ainsi par ce qui vient d'être dit des régions et des demeures des anges selon les régions, à savoir, que cette différence provient non du Seigneur, mais de ceux qui reçoivent

Les anges tournent continuellement leur face
vers le Seigneur comme soleil, et ont ainsi le
midi à droite, le septentrion à gauche, et
l'occident derrière eux

    129. Tout ce qui est dit ici des anges qui tournent leur face vers le Seigneur comme Soleil, doit aussi être entendu de l'homme quant à son esprit ; car l'homme quant à son mental est un esprit, et s'il est dans l'amour et la sagesse, il est un ange. Il s'ensuit qu'après la mort, lorsqu'il a dépouillé ses externes qu'il avait tirés du monde naturel, il devient esprit ou ange. Parce que les anges tournent continuellement la face vers le Soleil à l'orient, ainsi vers le Seigneur, il est dit aussi de l'homme qui est par le Seigneur dans l'amour et la sagesse, qu'il voit Dieu, qu'il tourne ses regards vers Dieu, qu'il a Dieu devant les yeux, expressions par lesquelles il est entendu qu'il vit comme un ange. On s'exprime ainsi dans le monde, parce que tes attitudes existent en actualité dans le ciel, et aussi en actualité dans l'esprit de l'homme ; car tout homme qui prie, a Dieu devant lui, quelle que soit la région vers laquelle est tournée sa face.

    130. Les anges tournent continuellement leur face vers le Seigneur comme Soleil, parce qu'ils sont dans le Seigneur, et que le Seigneur est en eux, et parce que le Seigneur conduit intérieurement leurs affections et leurs pensées, et les tourne constamment vers Lui. Ainsi ils ne peuvent faire autrement que de regarder vers l'orient où le Seigneur apparait comme Soleil. Il est donc évident que les anges ne se tournent pas vers le Seigneur, mais que le Seigneur les tourne vers Lui. En effet, quand les anges pensent intérieurement au Seigneur, ils pensent toujours à Lui comme étant en eux. La pensée intérieure elle-même ne fait pas la distance, mais la pensée extérieure qui fait un avec la vue des yeux, produit la distance, parce qu'elle est dans l'espace. Mais la pensée intérieure qui n'est pas dans l'espace, comme dans le monde spirituel, est néanmoins dans l'apparence de l'espace. Ces choses ne peuvent être facilement comprises par l'homme qui pense à Dieu d'après l'espace, car Dieu est partout, et cependant Il n'est pas dans l'espace. Ainsi Il est tant en dedans qu'en dehors de l'ange, et par suite l'ange peut voir Dieu, c'est-à-dire le Seigneur en dedans de soi quand il pense d'après l'amour et la sagesse, et en dehors de soi quand il pense à l'amour et la sagesse. Il sera parlé spécialement de ce sujet dans les traités sur l'Omniprésence, l'Omniscience, et la Toute-Puissance du Seigneur. Que chacun se garde bien de tomber dans cette exécrable hérésie, que Dieu s'est infusé dans les hommes et qu'il est en eux, et n'est plus en Soi, car Dieu est partout tant en dedans qu'en dehors de l'homme, puisqu'Il est dans tout espace sans espace, comme il a été montré ci-dessus, aux N°s 7 à 10, et 69 à 72 ; car s'Il était dans l'homme Il serait non seulement divisible, mais encore renfermé dans l'espace ; bien plus, l'homme pourrait penser qu'il est Dieu. Cette hérésie est si abominable, que dans le monde spirituel elle sent le cadavre.

    131. Les anges se tournent vers le Seigneur de telle façon, que dans toute orientation de leur corps ils ont le Seigneur comme Soleil devant eux. L'ange peut se tourner de tous les côtés, et voir ainsi les différents objets qui sont autour de lui, néanmoins le Seigneur comme Soleil apparaît continuellement devant sa face. Cela peut paraître étonnant, cependant c'est la vérité. Il m'a aussi été donné de voir ainsi le Seigneur comme Soleil. Je Le vois maintenant devant ma face, et je L'ai vu pareillement pendant plusieurs années sans égard à la région du monde vers laquelle j'étais tourné.

    132. Puisque le Seigneur comme Soleil, et ainsi l'Orient, est devant les faces de tous les anges, il s'ensuit qu'ils ont le midi à droite, le septentrion à gauche et l'occident derrière eux ; par conséquent il en est de même, dans toute orientation de leur corps, car, ainsi qu'il a déjà été dit toutes les régions dans le monde spirituel ont été déteriminées par l'orient. C'est pourquoi ceux qui ont l'orient devant les yeux sont dans ces régions mêmes, et bien plus, ce sont eux qui déterminent ces régions. En effet, ainsi qu'il a été montré ci-dessus, N°s 124 à 128, les régions proviennent non du Seigneur comme Soleil, mais des anges selon la réception.

    133. Or, puisque le ciel se compose d'anges, et que les anges sont d'une telle nature, il s'ensuit que le ciel tout entier se tourne vers le Seigneur, et que par cette convergence le ciel est gouverné comme un seul homme par le Seigneur, qui le voit aussi comme un seul homme. On voit dans le traité Le ciel et l'enfer, N°s 59 à 87, que le ciel est comme un seul homme sous le regard du Seigneur. Il en est de même pour les régions du ciel.

    134. Puisque les régions sont comme inscrites dans l'ange et aussi dans le ciel tout entier, l'ange, où qu'il aille, contrairement à l'homme dans le monde, connaît sa maison et son habitation. L'homme ne connaît ni sa maison ni son habitation d'après la région spirituelle en lui, parce qu'il pense d'après l'espace, ainsi d'après les régions du monde naturel, qui n'ont rien de commun avec celles du monde spirituel. Néanmoins une telle connaissance a été implantée chez les oiseaux et les animaux. De nombreuses observations nous le font voir et sont des indices qu'il en est de même dans le monde spirituel, car toutes les choses qui existent dans le monde naturel sont des effets, et toutes celles qui existent dans le monde spirituel sont les causes de ces effets. Aucun naturel ne peut prendre forme sans sa cause qui est spirituelle.

Toutes les choses intérieures des anges, tant
du mental que du corps, sont tournées
vers le Seigneur comme Soleil

    135. Les anges ont un entendement et une volonté, ils ont une face et un corps. Ils ont aussi les choses intérieures de l'entendement et de la volonté qui sont les choses qui appartiennent à leur affection et à leur pensée intérieures, les choses intérieures de la face qui sont les cerveaux, et les choses intérieures du corps qui sont les viscères dont les principaux sont le cœur et le poumon. En un mot, les anges ont toutes et chacune des choses qui sont chez les hommes sur terre, et c'est par elles que les anges sont des hommes. La forme externe sans ces internes ne fait pas d'eux des hommes, mais la forme externe jointe à ces internes, ou plutôt provenant de ces internes, le fait. Car autrement, ils seraient seulement des images d'homme, dans lesquelles il n'y aurait pas la vie, parce qu'en dedans il n'y aurait pas la forme de la vie.

    136. On sait que la volonté et l'entendement gouvernent le corps à leur gré, car ce que l'entendement pense la bouche le prononce, et ce que la volonté veut le corps le fait. Il est donc évident que le corps est la forme qui correspond à l'entendement et à la volonté. Et parce que la forme se dit aussi de l'entendement et de la volonté, il est de même évident que la forme du corps correspond à celle de l'entendement et de la volonté. Mais ces formes respectives ne sauraient être décrites ici. Il y a dans chacune de ces formes des choses innombrables qui agissent comme un, parce qu'elles se correspondent mutuellement. Il en découle que le mental, c'est-à-dire la volonté et l'entendement, gouverne le corps à son gré, ainsi absolument comme il se gouverne lui-même. Il s'ensuit que les intérieurs du mental font un avec les intérieurs du corps, et que les extérieurs du mental font un avec les extérieurs du corps. Il sera parlé plus loin des intérieurs du mental, ainsi que des intérieurs du corps, lorsque les degrés de la vie auront été traités.

    137. Puisque les intérieurs du mental font un avec les intérieurs du corps, il s'ensuit que lorsque les intérieurs du mental se tournent vers le Seigneur comme Soleil, les intérieurs du corps font aussi de même ; et puisque les extérieurs de l'un et de l'autre, tant du mental que du corps, dépendent de leurs intérieurs, il en résulte qu'eux aussi font de même. En effet, ce que l'externe fait, il le fait d'après les internes, car le commun tire tout ce qu'il possède des particuliers dont il se compose. Puisque l'ange tourne sa face et son corps vers le Seigneur comme Soleil, il est donc évident que tous les intérieurs de son mental et de son corps sont aussi tournés vers le Seigneur. Il en est de même de l'homme, s'il a continuellement le Seigneur devant les yeux, ce qui a lieu quand il est dans l'amour et dans la sagesse, alors il Le regarde non seulement des yeux et de la face, mais aussi de tout son mental et de tout son cœur, c'est-à-dire, de toutes les choses de la volonté et de l'entendement, et en même temps de toutes celles du corps.

    138. Se tourner ainsi vers le Seigneur, c'est se tourner réellement vers Lui et c'est une certaine élévation. En effet, il y a élévation dans la chaleur et la lumière du Ciel qui se fait par l'ouverture des intérieurs. Quand ceux-ci ont été ouverts, l'amour et la sagesse influent dans les intérieurs du mental, et la chaleur et la lumière du ciel dans les intérieurs du corps. De là vient l'élévation, qui est comme si l'on passait d'un nuage épais dans l'air, ou de l'air dans l'éther. L'amour et la sagesse avec leur chaleur et leur lumière sont le Seigneur chez l'homme, et le Seigneur, ainsi qu'il a été dit, tourne l'homme vers Lui. C'est le contraire pour ceux qui ne sont pas dans l'amour et la sagesse, et encore plus pour ceux qui sont contre l'amour et la sagesse. Leurs intérieurs, tant du mental que du corps, sont fermés, et quand ils sont fermés, les extérieurs réagissent contre le Seigneur, car telle est leur vraie nature. En conséquence ils tournent le dos au Seigneur ; et tourner le dos au Seigneur, c'est se tourner vers l'enfer.

    139. L'action de se tourner vers le Seigneur provient de l'amour et en même temps de la sagesse, et non de l'amour seul, ni de la sagesse seule. L'amour seul est comme l'être sans l'exister, car l'amour existe dans la sagesse ; et la sagesse sans l'amour est comme l'exister sans son être, car la Sagesse existe d'après l'amour. Il y a, il est vrai, un amour sans la sagesse, mais cet amour appartient à l'homme et non au Seigneur. Il y a aussi une sagesse sans l'amour, mais bien qu'elle vienne du Seigneur, elle n'a pas le Seigneur en elle,
car elle est comme la lumière d'hiver qui vient, il est vrai, du soleil, mais n'a pas en elle l'essence du soleil, qui est la chaleur.

Chaque esprit quel qu'il soit,
se tourne pareillement vers son amour dominant

    140. Il sera d'abord dit ce qu'est un esprit et ce qu'est un ange : Tout homme après la mort vient premièrement dans le monde des esprits, qui tient le milieu entre le Ciel et l'enfer. Là, il accomplit ses temps, c'est-à-dire, ses états, et selon sa vie il est préparé pour le ciel ou pour l'enfer. Tant qu'il reste dans ce monde, il est appelé esprit. Celui qui de ce monde est élevé dans le ciel est appelé ange, et celui qui s'est précipité dans l'enfer est appelé satan ou diable. Tant qu'ils sont dans le monde des esprits, celui qui est préparé pour le Ciel est appelé esprit angélique, et celui qui est préparé pour l'enfer esprit infernal. Pendant cette préparation l'esprit angélique est conjoint avec le Ciel, et l'esprit infernal avec l'enfer. Tous les esprits qui sont dans le monde des esprits sont adjoints aux hommes, parce que les hommes quant aux intérieurs de leur mental sont pareillement entre le ciel et l'enfer, et par ces esprits ils communiquent avec le ciel ou avec l'enfer, selon leur vie. Il faut qu'on sache que le monde des esprits est différent du monde spirituel : le monde des esprits est celui dont on vient de parler ; mais le monde spirituel comprend le monde des esprits, le ciel et l'enfer.

    141. Il sera dit aussi quelque chose des amours, puisqu'il s'agit des anges et des esprits qui se tournent d'après leurs amours vers leurs amours. Le ciel tout entier est divisé en sociétés selon toutes les différences des amours célestes : l'enfer pareillement, selon les différences des amours infernaux ; et le monde des esprits pareillement, selon les différences des amours, tant célestes qu'infernaux. Il y a deux amours qui sont les têtes de tous les autres, ou auxquels se réfèrent tous les autres amours. L'amour qui est la tête, ou auquel se réferent tous les amours célestes, est l'amour envers le Seigneur. L'amour qui est la tête, ou auquel se réfèrent tous les amours infernaux, est l'amour de dominer d'après l'amour de soi. Ces deux amours sont diamétralement opposés l'un à l'autre.

    142. puisque ces deux amours sont entièrement opposés l'un à l'autre, et que tous ceux qui sont dans l'amour envers le Seigneur se tournent vers Lui comme Soleil (comme il a été montré dans l'article précédent), on peut voir que tous ceux qui sont dans l'amour de dominer d'après l'amour de soi, tournent le dos au Seigneur. Ils se tournent ainsi dans un sens opposé, parce que ceux qui sont dans l'amour envers le Seigneur n'aiment qu'à être conduits par le Seigneur, et veulent que le Seigneur seul domine, tandis que ceux qui sont dans l'amour de dominer d'après l'amour de soi n'aiment qu'à être conduits par eux-mêmes, et veulent dominer seuls. Il est dit l'amour de dominer d'après l'amour de soi, parce que l'amour de dominer d'après l'amour de faire des usages, est l'amour spirituel, car il fait un avec l'amour du prochain, et doit être nommé l'amour de faire des usages et non l'amour de dominer.

    143. Chaque esprit, quel qu'il soit, se tourne vers son amour dominant, parce que l'amour est la vie de chacun, comme il a été montré dans la première partie, N°s 1, 2, 3 ; et la vie tourne ses réceptacles qui sont appelés membres, organes et viscères, donc l'homme tout entier, vers cette société qui est dans un amour semblable au sien, ainsi où est son amour.

    144. Parce que l'amour de dominer d'après l'amour de soi est entièrement opposé à l'amour envers le Seigneur, les esprits qui sont dans cet amour de dominer, détournent leur face du Seigneur, et par suite regardent des yeux vers l'occident de leur monde. Etant ainsi quant au corps en sens contraire, ils ont derrière eux l'orient parce qu'ils haïssent le Seigneur, à droite le septentrion parce qu'ils aiment les illusions et par suite les faussetés, à gauche le midi parce qu'ils méprisent la lumière de la sagesse. Ils peuvent se tourner dans tous les sens, mais toutes les choses qu' ils voient apparaissent semblables à leur amour. Ces esprits Sont naturels-sensuels, et certains sont tels, qu'ils croient qu'eux seuls vivent, et ils regardent les autres comme des images. Ils se croient plus sages que tous les autres, bien qu'ils soient insensés.

    145. Dans le monde spirituel on voit des chemins, frayés comme ceux du monde naturel, quelques-uns conduisent au ciel, d'autres à l'enfer. Ceux qui conduisent à l'enfer ne sont pas vus par les esprits qui vont vers le ciel, et ceux qui conduisent au Ciel ne sont pas vus par les esprits qui vont vers l'enfer. Ces chemins sont innombrables, car il y en a pour chaque société du ciel, et pour chaque société de l'enfer. L'esprit entre dans le chemin qui conduit à la société de son amour et ne voit pas les chemins qui mènent ailleurs. Ainsi il avance sur ce chemin, à mesure qu'il se tourne vers son amour dominant.