NOTICE SUR
EMMANUEL SWEDENBORG

     Dans le cours de l'automne 1710 un petit vaisseau, venant de Suède et se dirigeant sur Londres, fut surpris par une brume épaisse près de la côte anglaise, et faillit s'échouer sur un banc de sable. La quille n'étant plus qu'à un quart de toise du fond, tout le monde à bord se crut perdu. Mais à peine ce péril était-il conjuré, que le navire fut abordé par un corsaire. Le lendemain, un garde-côte anglais, croyant avoir affaire au corsaire, tira sur le bâtiment suédois. Enfin, passagers et équipage reçurent l'ordre de rester à bord pendant six semaines, car une nouvelle, parvenue à Londres, rapportait que la peste avait éclaté en Suède.

     Soit qu'il ait ignoré cet ordre, soit qu'il n'en ait pas tenu compte, un jeune passager suédois céda aux instances de quelques compatriotes qui s'étaient approchés du navire sur un yacht et débarqua avec eux. Une enquête eut lieu et le jeune imprudent échappa de justesse à la potence.

     C'est ainsi qu'après avoir été quatre fois en danger de mort, Emmanuel Swedenborg commença son premier voyage à l'étranger.

     Il était alors âgé de vingt-deux ans. Il avait terminé ses études à l'Université d'Upsal et s'était embarqué pour une série de voyages qui devaient durer quatre ans.

     Swedenborg naquit le 29 janvier 1688. Ses ancêtres, depuis plusieurs générations, étaient dans l'industrie minière. Son père, Jesper Swedberg, était un homme d'une grande piété. Après avoir exercé successivement la charge de chapelain à la cour, de professeur et de doyen à l'université d'Upsal, il fut nommé évêquede Skara en 1702.

     Dès son arrivée en Angleterre, Swedenborg se jette avec ardeur dans l'étude des sciences mathématiques et physiques, et saisit toutes les occasions possibles de nouer des relations avec les sommités scientifiques de l'époque. Il se fait un devoir d'adresser des publications, des instruments et des rapports aux différentes sociétés savantes de sa patrie. De retour à Stockholm, après avoir séjourné en France, en Hollande et en Allemagne, il s'applique à l'étude des mines et des sciences connexes. Le perfectionnement de l'industrie nationale lui apparaît alors comme le meilleur moyen de servir sa patrie. En 1716, à l'âge de vingt-huit ans, il est nommé assesseur au Collège Royal des Mines, à Stockholm, poste officiel qu'il devait occuper trente ans. Après s'être pleinement familiarisé avec les méthodes employées en Suède, il quitte de nouveau son pays pour étudier les procédés techniques en usage à l'étranger. Le journal qu'il écrivit au cours de ce voyage d'études témoigne de son esprit de recherche et de la variété de ses intérêts scientifiques. On y trouve une description minutieuse des méthodes employées dans l'industrie minière et métallurgique de l'Allemagne du XVIIIème siècle.

     Les premières monographies écrites par Swedenborg sont consacrées surtout aux mathématiques, aux richesses minérales de la Suède et aux possibilités de perfectionnement des arts et manufactures de son pays. Il publie, en 1718, le premier traité d'algèbre écrit en suédois. Il fait aussi paraître quelques traités sur la monnaie (1719 et 1722), sur la construction de bassins et de canaux, sur le mouvement de la terre et des planètes, ainsi qu'une nouvelle méthode pour déterminer la longitude et un exposé consacré à la découverte des filons métalliques. Il obtient divers congés au Collège des Mines afin de pouvoir mener à bien certaines entreprises spéciales. Lors du siège de Frederikshald, en 1718, c'est sous sa direction que deux galères, cinq grosses chaloupes et une corvette sont transportées par voie de terre, de Stromstad à Iddefjord, sur une distance de quatorze lieues anglaises.

     Pendant cette période de sa vie, Swedenborg jouit de l'amitié constante de Charles XII. Son père, l'évêque Swedberg, était tenu en haute estime par les membres de la famille royale, et ce fut la reine Ulrique Eléonore qui, en 1719, anoblit Emmanuel, ainsi que ses frères et soeurs. Selon la coutume traditionnelle, cet honneur fut marqué par un changement du nom de famille, qui de Swedberg devint Swedenborg.

     Les documents officiels figurant aux archives du Collège des Mines témoignent de l'activité intense et des mérites professionnels de Swedenborg. Toutefois, à mesure que le temps s'écoule, un changement se produit dans la nature de ses études personnelles. Son esprit s'oriente de plus en plus vers les problèmes d'ordre philosophiques. Déjà dans ses Principia (1733 et 1734) il avait formulé certaines théories nouvelles sur l'origine de la matière et la nature des forces magnétiques. Nous lui devons un premier et remarquable exposé de la théorie nébulaire. Alors qu'il était à peine âgé de trente ans, il s'était vu offrir la chaire d'astronomie à l'université d'Upsal, mais il avait décliné cet honneur, préférant se consacrer à d'autres travaux.

     Ce fut au cours de ses études anatomiques et physiologiques que Swedenborg aborda franchement la philosophie, car son but était alors de découvrir l'âme humaine. Or, il était convaincu que le seul moyen d'arriver à des connaissances réelles sur la nature de l'âme, c'était d'étudier le « royaume » habité par elle, autrement dit le corps. Pour mieux atteindre ce but, il entreprend de nouveaux voyages, assiste à des cours théoriques et pratiques tant en France qu'en Italie, et se plonge dans l'étude des grands anatomistes. Il consigne le fruit de ses recherches dans deux ouvrages, l'Économie du Règne Animal (1740 -1741) et le Règne Animal (1744), sans parler d'une série d'oeuvres posthumes.

     Ce qui fait surtout la valeur de ses ouvrages anatomiques, c'est la pensée constructive et créatrice de l'auteur, ainsi que l'esprit dans lequel il a abordé son sujet. Qu'il parle du sang, des artères et du système nerveux, Swedenborg ne se contente jamais de simples descriptions. Au point de vue purement descriptif, ses recherches ne sauraient évidemment rivaliser avec celles d'une époque plus récente, infiniment mieux outillée que la sienne. Mais Swedenborg n'a pas son pareil dès qu'il s'agit d'interpréter avec intelligence les phénomènes examinés et d'en saisir la signification profonde.

     Au cours de ses études, il se sent de plus en plus porté à admettre l'existence d'une correspondance, d'un rapport de cause à effet entre l'esprit et le corps. Il développe cette pensée plus longuement dans un manuscrit publié après sa mort sous le titre de L'Âme ou la Psychologie Rationnelle. Quelle que soit la nature du principe qui régisse l'opération de l'âme sur le corps, Swedenborg est convaincu, qu'il s'agit d'un principe universel, présidant aux rapports qui existent entre le monde spirituel et le monde naturel, voire aux rapports entre Dieu et la création.

     Swedenborg ne perdit jamais, au cours de ses longues études scientifiques, la foi simple de sa jeunesse, ni la piété dont il s'était imprégné au foyer familial; au contraire, sa foi se fortifiait à mesure qu'augmentaient ses connaissances. Pour lui, les divers règnes de la nature, et plus particulièrement le corps et l'esprit de l'homme, sont autant de « théâtres » de l'activité divine. Le télescope, le microscope et le scalpel ne servent qu'à nous révéler de nouvelles merveilles de la sagesse et de la puissance du Créateur. Une « analogie universelle » existe entre les différents plans de la création. Le monde physique est un symbole du monde spirituel, et celui-ci, à son tour, un symbole de Dieu.

     L'époque où il parvient à grouper ces idées en une synthèse philosophique cohérente marque un tournant décisif dans la vie de Swedenborg. Désormais, l'ingénieur, le savant et le philosophe s'effacent pour faire place au théologien. Ses études avaient fait naître en lui la conviction que l'univers n'existait qu'en vertu de l'Amour Infini de Dieu et pour satisfaire cet amour. Une finalité suprême et divine gouverne l'ensemble de la création. La vie de l'univers, tant sur le plan physique que sur le plan mental ou spirituel, n'est autre chose que l'activité de l'Amour Divin. Pour Swedenborg, la Vie et l'Amour sont identiques. L'univers est un ensemble ordonné, destiné à réaliser le but suprême que Dieu s'est proposé, à savoir la création de l'homme, seul être capable, grâce à son libre arbitre, de rendre à Dieu l'amour qu'il en reçoit continuellement.

     À partir de 1745, Swedenborg consacre sa vie à la théologie. S'étant démis de ses fonctions au Collège des Mines, il s'absorbe dans l'étude de la Bible, et en scrute les textes dans leurs langues originales. Les archives du Collège Royal des Mines contiennent, dans les procès-verbaux de l'année 1747, la mention suivante :

     « Le 15 juin. M. l'assesseur Emmanuel Swedenborg a fait parvenir au Collège des Mines le décret royal, en vertu duquel il a été relevé de ses fonctions au dit Collège Royal, tout en conservant, pour le restant de ses jours, la moitié de son traitement d'assesseur.
Tous les membres du Collège Royal ont vivement regretté le départ d'un collègue aussi estimé, et l'ont prié de vouloir bien continuer d'assister, aux séances du Collège, jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur toutes les questions dont l'examen avait commencé en sa présence, ce à quoi M. l'assesseur a bien voulu donner son assentiment.»

     Il n'est pas possible de donner une idée adéquate de l'enseignement religieux de Swedenborg en rattachant celui-ci à l'une des écoles traditionnelles de la pensée chrétienne. La source de ses idées ne doit être recherchée, ni dans les travaux de ses prédécesseurs, ni dans les idées de son siècle. Il ne fréquenta aucune école de théologie. Pour bien comprendre sa position, il faut prendre en considération ses propres affirmations, affirmations solennelles qu'il a maintenues inébranlablement durant toute la seconde partie de sa vie. Voici ce qu'il écrivit dans la préface des Arcanes Célestes, son premier et plus important ouvrage d'exégèse :

     « Par la Divine Miséricorde du Seigneur, il m'a été accordé maintenant depuis quelques années d'être constamment et continuellement dans la société des esprits et des anges, de les entendre parler et de m'entretenir avec eux. Ainsi il m'a été donné d'entendre et de voir les choses merveilleuses se passant dans l'autre vie et qui ne sont jamais venues encore à la connaissance, ni même à l'idée d'aucun homme. Là j'ai été renseigné sur les différentes espèces d'esprits, sur l'état des âmes après la mort, sur l'enfer ou l'état lamentable des infidèles, sur le ciel ou l'état bienheureux des fidèles, et plus particulièrement sur la doctrine de la foi qui est reçue dans le ciel universel .»

     Cette affirmation remarquable, nous la retrouvons dans tous les ouvrages théologiques de Swedenborg. Cependant elle n'a pas poussé l'auteur à fonder son enseignement sur de simples assertions dogmatiques. Swedenborg s'est, au contraire, toujours efforcé de montrer que ses doctrines sont rationnelles et qu'elles sont clairement impliquées dans l'Écriture Sainte. Nous nous trouvons en présence d'un corps de doctrines que Swedenborg déclare avoir reçu de Dieu, avec mission de les faire connaître aux hommes. Jetant un regard rétrospectif sur sa première activité scientifique et philosophique, Swedenborg a compris que ses travaux antérieurs l'avaient providentiellement préparé pour sa mission spirituelle. Dans une lettre adressée à Oetinger (1766), il écrit :

     « Pourquoi, étant philosophe, ai-je été choisi ? Il faut en chercher la raison dans le fait que les choses spirituelles qui sont révélées maintenant, doivent être enseignées et comprises naturellement et rationnellement, car les vérités spirituelles correspondent aux vérités naturelles. Pour cette raison j'ai d'abord été introduit par le Seigneur dans les sciences naturelles et ainsi préparé, de 1710 jusqu'en 1744, date à laquelle le ciel me fut ouvert. »

     Son introduction dans le monde spirituel était nécessaire à la mission qu'il devait accomplir, car il devait convaincre les hommes de la réalité de ce monde. Pour cela, il fallait qu'il sût, par expérience, que l'homme est immortel et qu'il conserve toutes ses facultés et toutes ses qualités humaines après la mort de son corps. Le monde spirituel nous entoure et constitue le milieu au sein duquel nous vivons quant à notre esprit. La mort physique met un terme à l'existence de l'homme sur terre, et le rend conscient des réalités de l'autre vie.

     Dans son livre sur Le Ciel et l'Enfer (1758), Swedenborg décrit le monde spirituel et en explique la nature et l'organisation. Dans ce monde, dit-il, se trouvent tous ceux qui ont vécu sur la terre depuis qu'elle existe. Mais l'humanité n'y revêt pas l'aspect d'une masse immense et amorphe; elle est au contraire organisée en groupements ou en sociétés, dont chacune est caractérisée par des affections distinctes et une vie de qualité différente. C'est la qualité particulière de l'amour ou de la volonté qui réunit ceux qui sont dans une disposition semblable. Telle est la raison pour laquelle Swedenborg enseigne que la vie future de l'homme est déterminée par la vie qu'il mène ici-bas. Le jugement qui attend chaque homme et chaque femme ne doit pas être considéré comme un châtiment ou comme une récompense. En effet, c'est par l'exercice même du libre arbitre qu'il a reçu de Dieu que l'homme est attiré vers les communautés dont le caractère et la vie sont conformes aux siens. Le « grand abîme » qui sépare le ciel de l'enfer, n'est autre chose que l'antagonisme qui existe entre l'amour infernal, ou l'amour de soi, et l'amour céleste, qui est l'amour de Dieu et du prochain.

     Bien que Le Ciel et l'Enfer ne soit pas un des plus volumineux parmi les ouvrages théologiques de Swedenborg, son apparition a marqué le début d'une ère nouvelle dans la pensée religieuse et philosophique de l'humanité. Aucune reconstruction de l'édifice théologique ne saurait être durable, si elle néglige cette révélation de la destinée de l'homme et des réalités invisibles qui constituent l'arrière-plan spirituel des événements terrestres. Le voile qui, pendant tant de siècles, a recouvert les vérités ayant trait à la vie future de l'homme, a été déchiré. La place exacte que l'univers physique occupe dans l'économie de la création a été clairement définie et ramenée à ses justes proportions : Il n'est que la matrice où se forme la vie véritable et éternelle de l'homme.
Si Swedenborg a joui de certains privilèges spirituels, ce fut, comme il l'a dit, en vue d'un but clairement défini. Il nous présente sa mission comme faisant partie du plan que Dieu a conçu pour le salut de la race humaine. L'humanité a passé par un certain nombre d'étapes distinctes ou d'époques spirituelles caractéristiques. Chacune de ces ères religieuses a bénéficié, sous une forme ou sous une autre, d'une révélation divine adaptée à son caractère et à ses besoins. Dieu a suscité les anciens patriarches et leur postérité. Dans sa Providence, Il les a guidés afin que, par eux, le culte du seul vrai Dieu fut établi et préservé sur cette terre, et aussi afin qu'une révélation écrite, venant de Dieu, puisse exister à jamais parmi les hommes. L'Incarnation de Dieu a ouvert une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanité. Le Seigneur Jésus-Christ, dans sa vie sur terre, était Dieu Lui-même rendu accessible aux hommes grâce à la forme humaine qu'Il a revêtue en naissant parmi eux. La vérité communiquée aux Évangélistes par inspiration, et consignée par eux dans les Évangiles et dans l'Apocalypse, représente une nouvelle dispensation de lumière spirituelle, que les générations plus anciennes n'eussent pu recevoir.

     L'importance du message de Swedenborg réside dans son affirmation que nous nous trouvons au début d'une nouvelle ère religieuse. La pureté et la simplicité de la foi chrétienne primitive se sont évanouies. La Providence Divine se dispose à créer un monde nouveau, à infuser aux hommes un esprit nouveau et à instaurer une Nouvelle Église, dont la foi fera tomber les anciennes barrières dogmatiques et finira par servir d'inspiration à l'humanité entière.

     En effet, les déclarations les plus hardies et les plus étonnantes que nous trouvons sous la plume de Swedenborg ont trait à l'instauration de cette nouvelle époque spirituelle. Voici comment il s'exprime dans La Vraie Religion Chrétienne, le dernier ouvrage théologique qu'il a publié :

     « Puisque le Seigneur ne peut se manifester en Personne… et que cependant Il a prédit qu'Il viendrait instaurer une Nouvelle Église qui est la Nouvelle Jérusalem, il s'ensuit qu'Il doit le faire par l'intermédiaire d'un homme qui puisse non seulement recevoir les doctrines de cette église dans son entendement, mais aussi les publier par la presse. Que le Seigneur s'est manifesté devant moi, son serviteur, et m'a chargé de cette fonction et qu'ensuite Il a ouvert la vue de mon esprit, et m'a ainsi introduit dans le monde spirituel, et m'a donné de voir les cieux et les enfers et aussi de converser avec les anges et les esprits, et cela continuellement depuis de nombreuses années, je l'atteste comme étant la vérité. J'atteste également que depuis le premier jour de cette vocation je n'ai reçu d'aucun ange rien de ce qui concerne les doctrines de cette Église, mais que j'ai tout reçu du Seigneur seul, pendant que je lisais la Parole.» (799.)

     Le Second Avènement du Seigneur n'est pas une simple répétition du Premier. Contrairement à l'opinion générale, il n'implique pas une nouvelle Incarnation. Mais, comme le Premier, il suppose l'instrumentalité d'un être humain et fini. Ainsi l'Ordre Divin est respecté. Ce fut également en conformité avec les lois de l'Ordre que l'Incarnation de Dieu se fit par l'intermédiaire de la Vierge Marie. Les hommes ne furent pas violentés dans leur foi par l'apparition soudaine et spectaculaire de Dieu parmi eux; leur foi fut, au contraire, éveillée graduellement, lorsque, après avoir écouté les paroles du Seigneur et contemplé ses oeuvres, ils le reconnurent comme Dieu Incarné.

     « Dans son Second Avènement », dit Swedenborg, « le Seigneur ne revient pas en Personne, mais dans la Parole qui procède de Lui, et qui est Lui-Même. » (Vraie Religion Chrétienne, 776.)

     « Pour que le Seigneur puisse être continuellement présent, Il m'a dévoilé le sens spirituel de sa Parole, dans lequel le Divin Vrai est dans sa lumière, car c'est dans cette lumière qu'Il est continuellement présent.» (Vraie Religion Chrétienne, 780.)

     Dans le premier chapitre de La Nouvelle Jérusalem et sa Doctrine Céleste, Swedenborg montre comment le sens littéral de l'Écriture Sainte contient un sens spirituel, sens dont il a été chargé de révéler la nature. Comme exemple, il a choisi la Cité Sainte, descendant du ciel d'auprès de Dieu, telle que l'apôtre Jean l'a décrite dans sa vision. Comprises dans leur sens naturel, les paroles employées par l'écrivain sacré donnent des détails concernant la pensée spirituelle et la vie religieuse qui caractériseront la Nouvelle Église sur le point d'être instaurée ici-bas. De même que la Nouvelle Jérusalem fut vue « descendant du ciel d'auprès de Dieu », de même l'ensemble des vérités spirituelles, appelées à instruire et à éclairer l'humanité, provient d'une source entièrement divine, puisque ces vérités sont implicitement contenues dans la Parole.

     Dans le reste du livre, Swedenborg expose brièvement les principaux enseignements contenus dans ses autres écrits théologiques. Ces doctrines ne s'adressent pas seulement à l'entendement de l'homme, mais aussi à sa volonté et à sa vie. Puisque la nature essentielle de Dieu est l'Amour, l'enseignement de Swedenborg constitue une révélation de tout ce qu'implique ce terme, et par conséquent aussi une révélation des moyens par lesquels cet amour peut être implanté dans le coeur de chacun, en vue de transfigurer la vie humaine de la collectivité. « Toute religion est chose de la vie », dit Swedenborg, « et la vie de la religion consiste à faire le bien.» Si la Doctrine Céleste nous révèle tant de choses sur la nature spirituelle de l'homme, c'est qu'elle est tout entière dirigée vers un seul but, celui d'obtenir que les oeuvres de l'homme découlent de plus en plus de cet amour que Dieu a implanté dans son coeur.

     Seul le lecteur capable de discerner l'importance vitale et la solidité des enseignements de Swedenborg pourra juger de la valeur des déclarations que ce dernier a été amené à faire en tant que révélateur. Aujourd'hui comme il y a deux mille ans, le disciple fidèle répondra à celui qui hésite, qui s'étonne ou qui doute : « Viens et vois ».

     Swedenborg mourut à Londres, le 29 mars 1772, au cours d'un de ses nombreux séjours en Angleterre. Pendant près de trente ans, il avait mené une vie tranquille et retirée, n'allant à l'étranger que pour s'occuper de la publication de ses ouvrages. Ceux qui le connurent le décrivent comme étant non seulement un grand savant, mais aussi un homme cultivé, de manières simples et d'un abord agréable. Il était gai en société, aimait les enfants et appréciait le commerce d'amis intelligents. Accessible à tout le monde, il sut conquérir l'affection de tous ceux qui eurent l'occasion de le connaître d'une manière plus intime.

     Au printemps de l'année 1908, plus d'un siècle après sa mort, une frégate de la Marine Royale Suédoise quitta Dartmouth, en Angleterre, pour Carlskrona, en Suède, ayant à bord la dépouille mortelle de cet homme illustre, qui jusqu'alors avait reposé dans la crypte de la chapelle suédoise de Londres. Sa patrie voulut bien lui offrir une sépulture digne de lui et fit déposer son corps dans un sarcophage de granit rouge sous les voûtes de la cathédrale d'Upsal.
 

E. A. S.