LA REGENERATION

     173. Celui qui ne reçoit pas la vie spirituelle, c'est-à-dire qui n'est pas engendré de nouveau par le Seigneur, ne peut entrer au ciel. Le Seigneur l'enseigne dans Jean :
« En vérité, en vérité, je te dis : Si quelqu'un n'est engendré de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu » (3 : 3).

     174. L'homme, par ses parents, ne naît pas dans la vie spirituelle, mais dans la vie naturelle. La vie spirituelle, c'est aimer Dieu par-dessus toutes choses et le prochain comme soi-même ; et cela, selon les préceptes de la foi que le Seigneur a enseignés dans la Parole. Mais la vie naturelle, c'est s'aimer et aimer le monde plus que le prochain, et même plus que Dieu.

     175. Chaque homme, par ses parents, naît dans les maux de l'amour de soi et du monde. Tout mal que l'homme accomplit par habitude devient chez lui quelque chose de naturel et se transmet à ses enfants, c'est-à-dire que chacun l'hérite de ses parents, de ses grands-parents, de ses aïeux, et ainsi de suite, en remontant la longue ligne des ancêtres. En fin de compte, cette transmission atteint une telle ampleur que le tout de la vie propre de l'homme n'est que mal. Cet enchaînement héréditaire ne peut être rompu ou changé que par une vie de foi et de charité provenant du Seigneur.

     176. L'homme penche continuellement vers le mal qui procède de sa nature héréditaire, et y tombe. Par suite, il le confirme chez lui et y ajoute encore d'autres maux provenant de lui-même. Ces maux sont absolument contraires à la vie spirituelle ; ils la détruisent. Si donc l'homme ne reçoit du Seigneur une vie nouvelle, qui est la vie spirituelle, autrement dit s'il n'est conçu de nouveau, s'il ne naît de nouveau et s'il n'est éduqué de nouveau, en un mot s'il n'est créé de nouveau, il est damné. En effet, il ne veut que ce qui a rapport à lui-même et au monde, et par suite ne pense qu'à cela, comme on veut et pense en enfer.

     177. Nul ne peut être régénéré, s'il n'est instruit dans les choses qui concernent la vie nouvelle, c'est-à-dire la vie spirituelle. Ces choses sont les vrais qu'il faut croire et les biens qu'il faut faire ; ceux-là relèvent de la foi et ceux-ci de la charité. Nul ne peut les connaître par soi-même, car l'homme ne saisit que ce qui vient à portée de ses sens ; la lumière qu'il tire de ses sens est appelée lueur naturelle. Cette lueur ne lui permet de voir que les choses qui concernent le monde ou lui-même, mais non celles qui concernent le ciel et Dieu ; celles-ci, il ne peut les connaître que par révélation. Ainsi, il doit apprendre que le Seigneur, qui, de toute éternité, est Dieu, est venu dans le monde pour sauver le genre humain ; qu'à Lui appartient tout pouvoir dans le ciel et sur la terre ; que toutes les choses de la foi et toutes celles de la charité, par conséquent tout vrai et tout bien, viennent de Lui ; qu'il y a un ciel et un enfer ; que l'homme vit éternellement : dans le ciel, s'il a bien agi ; dans l'enfer, s'il a mal agi,

     178. Ces choses, et bien d'autres encore, appartiennent à la foi. Il faut que l'homme les connaisse avant d'être régénéré ; car celui qui les connaît est à même de les penser, ensuite de les vouloir, et enfin de les faire, et par là d'avoir une vie nouvelle. Pour exemple celui qui ne sait pas que le Seigneur est le Sauveur du genre humain ne peut avoir foi en Lui, ni L'aimer, ni, par conséquent, faire le bien à cause de Lui. Celui qui ne sait pas que tout bien vient du Seigneur ne peut pas même penser que son propre salut vient de Lui, ni à plus forte raison vouloir qu'il en soit ainsi ; par conséquent, il ne peut pas vivre par Lui. Celui qui ignore qu'il y a un enfer, qu'il y a un ciel et une vie éternelle, ne peut pas davantage penser à la vie du ciel, ni s'appliquer à la recevoir. Il en est de même pour bien d'autres choses.

     179. Il y a chez chacun un homme interne et un homme externe. L'homme interne est celui qui est appelé l'homme spirituel et l'homme externe celui qui est appelé l'homme naturel. L'un et l'autre doivent être régénérés pour que l'homme soit régénéré. Chez l'homme qui n'a pas été régénéré, l'homme externe ou naturel commande, et l'homme interne ou spirituel sert ; mais, chez celui qui a été régénéré, l'homme interne ou spirituel commande et l'homme externe ou naturel sert. De là, il est évident que chez l'homme, dès la naissance, l'ordre de la vie a été interverti, c'est-à-dire que ce qui doit commander sert, et que ce qui doit servir commande. Or, cet ordre-là doit être renversé pour que l'homme soit sauvé, et ceci n'est possible qu'au moyen de la régénération opérée par le Seigneur.

     180. Les exemples suivants permettent de comprendre ce qu'il faut entendre par « l'homme interne commande » et « l'homme externe sert », et inversement si l'homme place le bien uniquement dans ce qui lui est agréable, dans le lucre et dans le faste, S'il trouve du plaisir dans la haine et la vengeance, et qu'intérieurement il cherche en lui-même des raisons qui le confirment dans ces sentiments, alors son homme externe commande et son homme interne sert. Mais s'il perçoit le bien et qu'il éprouve du plaisir à penser et à vouloir avec bonté, sincérité et justice, et à parler et agir pareillement, alors son homme interne commande et son homme externe sert.

     181. L'homme interne est d'abord régénéré par le Seigneur, et ensuite l'homme externe. Celui-ci l'est au moyen de celui-là. En effet, ce qui régénère l'homme interne, c'est de penser les choses qui appartiennent à la foi et à la charité, et ce qui régénère l'homme externe, c'est de vivre selon ces choses. C'est là ce que signifient ces paroles du Seigneur :
« Si quelqu'un n'est engendré d'eau et d'esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jean 3 : 5). L'eau, dans le sens spirituel, est le vrai de la foi, et l'esprit est la vie selon ce vrai.

     182. L'homme qui a été régénéré est dans le ciel quant à son homme interne ; il y est ange parmi les anges et se retrouve au milieu d'eux après la mort. Il peut alors vivre la vie du ciel, aimer le Seigneur et le prochain, comprendre le vrai, apprécier le bien et percevoir la béatitude qui en découle.