XIV

CORRESPONDANCE DE LA PEAU, DES CHEVEUX
ET DES OS AVEC LE TRES-GRAND HOMME



5552. A l'égard de la correspondance, voici ce qui a lieu : les choses qui ont une très grande vie dans l'homme correspondent à ces sociétés qui, dans les cieux, ont une très grande vie, et par suite une très grande félicité, comme sont celles auxquelles correspondent les sensoria externes de l'homme, et les sensoria internes, et ce qui appartient à l'entendement et à la volonté ; mais les choses qui ont une moindre vie dans l'homme correspondent à ces sociétés qui y sont dans une moindre vie ; ce sont les Cuticules qui entourent tout le corps, puis les Cartilages et les Os qui supportent et soutiennent toutes les choses qui sont dans le corps ; ce sont aussi les Cheveux qui sortent des cuticules : il va aussi être dit qui sont et quelles sont les sociétés auxquelles ces parties correspondent.

5553. Les sociétés auxquelles correspondent les Cuticules sont dans l'entrée vers le Ciel ; et il leur est donné de percevoir quels sont les Esprits qui se présentent à la première limite ; ou elles les rejettent, ou elles les admettent ; ainsi, elles peuvent être appelées les entrées ou les seuils du ciel.

5554. Il y a un grand nombre de sociétés qui constituent les Téguments externes du corps, avec différence depuis la face jusqu'aux plantes des pieds, car partout il y a de la différence ; je me suis beaucoup entretenu avec ceux qui composent ces sociétés : quant à la vie spirituelle, ils avaient été tels qu'ils s'étaient laissés persuader par les autres que telle chose est ainsi, et dès qu'ils l'avaient entendu confirmer d'après le sens de la lettre de la Parole, ils avaient cru d'une manière absolue et étaient restés fermes dans leur opinion, et s'étaient fait selon leur croyance une vie non mauvaise ; mais ceux qui ne sont pas d'un semblable caractère ne peuvent pas avoir facilement commerce avec eux, car ils sont opiniâtrement attachés aux opinions qu'ils ont adoptées, et ne s'en laissent point détacher par des raisons : tels sont un très grand nombre d'Esprits de notre Terre, parce que notre Globe est dans les externes, et aussi réagit contre les internes, comme la Peau a coutume de le faire.

5555. Ceux qui, dans la vie du corps, n'ont connu que les communs de la foi, par exemple qu'on doit aimer le prochain ; et qui, d'après ce principe commun, ont fait du bien aux méchants comme aux bons, sans discernement - car, disaient-ils, chacun est le prochain -, ceux-là, pendant qu'ils ont vécu dans le monde, se sont facilement laissés séduire par des fourbes, des hypocrites et des flatteurs : il en arrive de même dans l'autre vie, et ils ne prennent aucun souci de ce qu'on leur dit, car ils sont sensuels, et ils n'entrent point dans les raisons. Eux aussi constituent la peau, mais la peau extérieure qui est moins sensible. J'ai conversé avec ceux qui constituent la peau du crâne. Mais ces Esprits qui constituent la peau extérieure présentent entre eux beaucoup de différence, comme en présente cette peau en divers endroits, par exemple dans les différents endroits du crâne, vers l'occiput, le sinciput, les tempes, dans la face, sur le thorax, l'abdomen, les lombes, les pieds, les bras, les mains, les doigts.

5556. Il m'a aussi été donné de savoir qui sont ceux qui constituent la Peau écailleuse ; cette peau est moins sensible que toutes les autres enveloppes, car elle est garnie d'écailles qui ressemblent à quelque chose de légèrement cartilagineux ; les sociétés qui la constituent se composent de ceux qui raisonnent sur chaque sujet, s'il est ainsi ou n'est pas ainsi, et qui ne vont pas plus loin ; quand je causais avec eux, il m'était donné de percevoir qu'ils ne saisissaient nullement ce qui est vrai ou non vrai ; et eux, plus ils raisonnent, moins ils saisissent : il leur semble néanmoins qu'ils sont plus sages que les autres, car ils placent la sagesse dans la faculté de raisonner ; ils ignorent absolument que le principal de la sagesse est de percevoir sans raisonnement qu'une chose est ainsi ou n'est pas ainsi. Plusieurs d'entre eux sont de ceux qui dans le monde étaient devenus tels par la confusion du bien et du vrai au moyen de subtilités philosophiques ; de là pour eux moins de sens commun.

5557. Il y a aussi des Esprits par lesquels d'autres parlent, et ces Esprits comprennent à peine ce qu'ils disent ; ils l'ont avoué ; mais néanmoins ils parlent beaucoup ; tels deviennent ceux qui, dans la vie du corps, ont seulement babillé, sans nullement penser à ce qu'ils avaient dit, et ont aimé à parler sur tous les sujets : il m'a été dit qu'ils sont en cohortes, et que quelques-unes de ces cohortes ont leur rapport avec les membranes qui couvrent les viscères du corps, et quelques autres avec les cuticules qui tiennent peu du sensitif ; en effet, ce sont seulement des forces passives, et ils ne font rien par eux-mêmes, mais ils agissent d'après les autres.

5558. Il y a des Esprits qui, lorsqu'ils veulent savoir quelque chose, disent : la chose est ainsi ; répétant cela l'un après l'autre dans la société ; et, en même temps qu'ils le disent, ils observent si cela coule librement, sans aucune résistance spirituelle ; car, lorsque la chose n'est pas ainsi, on perçoit ordinairement une résistance provenant de l'intérieur-, s'ils n'aperçoivent point de résistance, ils croient que la chose est ainsi ; et ils ne le savent pas d'autre part : tels sont ceux qui constituent les glandes cutanées ; mais il y a deux genres de ces Esprits ; l'un affirme parce qu'il apparaît, comme il a été dit, un écoulement d'après lequel ils conjecturent que, puisqu'il n'y a point de résistance, la chose est en conformité avec la forme céleste, par conséquent avec le vrai, et qu'ainsi elle a été affirmée ; et l'autre genre qui affirme hardiment que la chose est ainsi, quoiqu'ils ne le sachent pas.

5559. La conformation des contextures dans les cuticules m'a été montrée d'une manière représentative : chez ceux chez qui ces parties extrêmes correspondaient aux intérieurs, ou chez qui les matériels dans ces parties extrêmes obéissaient aux spirituels, la conformation était un beau tissu, composé de spirales merveilleusement assorties ensemble à la manière des dentelles, spirales qui ne peuvent nullement être décrites ; elles étaient de couleur d'azur. Ensuite furent représentées des formes plus continues, plus délicates et plus élégantes : c'est ainsi qu'apparaissent les cuticules de l'homme régénéré. Quant à ceux qui ont été fourbes, chez eux ces parties extrêmes apparaissent comme une masse de serpents collés ensemble ; et chez ceux qui ont été magiciens, elles apparaissent comme de sales intestins.

5560. Les sociétés d'Esprits, auxquelles correspondent les Cartilages et les Os, sont en grand nombre ; mais elles sont composées de ceux en qui il y a très peu de vie spirituelle, de même qu'il y a très peu de vie dans les Os relativement aux substances molles qu'ils entourent ; par exemple, dans le crâne et dans les os de la Tête relativement à l'un et l'autre Cerveau, à la moelle allongée et aux substances sensitives qui y sont ; et aussi dans les vertèbres et dans les côtes relativement au Cœur et aux Poumons ; et ainsi du reste.

5561. Il m'a été montré combien il y a peu de vie spirituelle chez ceux qui ont leur rapport avec les os ; d'autres Esprits parlent par eux, et eux-mêmes savent peu ce qu'ils disent, mais néanmoins ils parlent, plaçant le plaisir en cela seul. Dans cet état sont réduits ceux qui ont mené une vie mauvaise, et cependant ont eu renfermés en eux quelques restes du bien ; ces restes constituent ce peu de vie spirituelle, après des vastations de plusieurs siècles : ce que c'est que les restes, on le voit, n° 468, 530, 560, 561, 660, 1050, 1738, 1906, 2284, 5135, 5342, 5344. Il a été dit que chez eux, il y a peu de vie spirituelle ; par la vie spirituelle est entendue cette vie qu'ont les Anges dans le ciel ; l'homme dans le monde est introduit dans cette vie par les choses qui appartiennent à la foi et à la charité ; l'affection même du bien qui appartient à la charité, et l'affection même du vrai qui appartient à la foi sont la vie spirituelle ; sans elle la vie de l'homme est une vie naturelle, mondaine, corporelle, terrestre, qui n'est point la vie spirituelle, si celle-ci n'est point dans celle-là, mais c'est une vie telle que celle des animaux dans le commun.

5562. Ceux qui sortent des vastations, et qui servent aux mêmes usages que les os, n'ont aucune pensée déterminée, mais ils ont une pensée commune presque indéterminée ; ils sont, de même que ceux qu'on appelle distraits, comme s'ils n'étaient pas dans leur corps ; ils sont lents, hébétés, stupides, il y a chez eux nonchalance en toute chose ; cependant, ils sont parfois dans la tranquillité, parce que les inquiétudes ne pénètrent point, mais se dissipent dans leur commun obscur.

5563. Dans le crâne se font parfois sentir des douleurs, tantôt dans une partie, tantôt dans une autre, et on y aperçoit comme des noyaux qui sont séparés des autres os, et qui causent ces douleurs ; il m'a été donné de savoir par expérience que cela existe par les faux qui proviennent des cupidités ; et, ce qui est étonnant, les genres et les espèces de faux ont dans le crâne des places déterminées, ce dont il m'a aussi été donné connaissance par un grand nombre d'expériences. Chez ceux qui sont réformés, ces noyaux, qui sont des durillons, sont brisés et réduits en substance molle, et cela de différentes manières, en général par des instructions dans le bien et dans le vrai, par de rudes influx de vérités, ce qui a lieu avec une douleur intérieure, et aussi par des déchirements actuels, ce qui a lieu avec une douleur extérieure. En effet, les faux provenant des cupidités sont d'une telle nature qu'ils endurcissent, car ils sont contraires aux vrais ; et les vrais, parce qu'ils sont déterminés selon la forme du ciel, coulent comme spontanément, librement, doucement, mollement, tandis que les faux, parce qu'ils ont une tendance contraire, ont des déterminations opposées, d'où il résulte que l'écoulement, qui appartient à la forme du ciel, est arrêté ; de là les durillons. C'est de là que ceux qui ont été dans une haine mortelle, et dans les vengeances de cette haine, et d'après cela dans les faux, ont un crâne entièrement endurci, et quelques-uns comme d'ébène, par lequel les rayons de lumière, qui sont les vrais, ne pénètrent point, mais sont entièrement réfléchis.

5564. Il y a des Esprits de petite stature qui, lorsqu'ils parlent, produisent le bruit du tonnerre, un seul parfois comme une armée entière ; parler ainsi est inné chez eux ; ils ne sont point de cette Terre, mais d'une autre, dont il sera parlé, d'après la Divine Miséricorde du Seigneur, quand je traiterai des habitants de diverses Terres. Il m'a été dit qu'ils ont leur rapport avec le Cartilage scutiforme, qui est devant la chambre de la poitrine et sert de soutien aux côtes par-devant, et aussi à différents muscles du son.

5565. Il y en a aussi qui ont leur rapport avec des Os encore plus durs, tels que les Dents, mais il ne m'a pas été donné de savoir sur eux beaucoup de choses ; j'ai seulement appris que ceux qui ont à peine quelque résidu de vie spirituelle apparaissent sans aucune face, quand ils se présentent à la vue dans la lumière du ciel, mais qu'à la place de la face il y a seulement des dents ; en effet, la face représente les intérieurs de l'homme, ainsi ses spirituels et ses célestes, c'est-à-dire les choses qui
appartiennent à la foi et à la charité ; ceux donc qui, dans la vie du corps, ne se sont rien acquis d'une telle vie apparaissent de cette manière.

5566. Un certain Esprit vint à moi ; il apparaissait comme un nuage noir, autour duquel étaient des étoiles vacillantes - les étoiles vacillantes, quand elles apparaissent dans l'autre vie, signifient les faux, mais les étoiles fixes signifient les vrais ; - j'aperçus que c'était un Esprit qui voulait m'approcher, et quand il se fut approché, il m'inspira de la crainte c'est ce que peuvent faire certains Esprits, principalement les voleurs par là, je pus conclure que cet Esprit avait été un voleur ; pendant qu'il était près de moi, il voulait avec énergie m'infester par des artifices magiques, mais ce fut en vain ; il étendait la main pour exercer une puissance imaginaire, et cela ne produisit absolument rien. Ensuite, il me fut montré quelle était sa face ; ce n'était nullement une face, mais à la place il y avait quelque chose de très noir, et il y apparaissait une bouche ouverte d'une manière horrible et féroce, au point qu'elle était comme un gosier dans lequel se montraient des dents par rangées ; en un mot, c'était comme un chien enragé la gueule ouverte, tellement que c'était une gueule et non une face.

5567. Un certain Esprit s'appliquait à mon côté gauche, et alors j'ignorais d'où il venait et quel il était ; il agissait même obscurément ; il voulait aussi pénétrer intérieurement en moi, mais il fut rejeté ; cet Esprit introduisit une sphère commune d'idées de la pensée, sphère telle qu'elle ne peut être décrite ; je ne me rappelle pas avoir aperçu auparavant une semblable sphère commune ; il n'avait été attaché à aucun principe, mais dans le commun il était contre tous ceux qu'il avait pu contredire et bl‚mer avec dextérité et adresse, quoiqu'il ne sût point ce que c'était que le vrai ; j'étais étonné qu'il eût un tel génie, c'est-à-dire qu'il pût contredire les autres avec adresse, sans avoir chez lui aucune connaissance du vrai. Ensuite il s'en alla, mais il revint bientôt avec une bouteille de grès à la main, et il voulut me donner à boire de ce qu'elle contenait ; c'était d'après sa fantaisie quelque chose qui ôterait l'entendement à ceux qui en boiraient ; cela était représenté, parce qu'il avait privé de l'entendement du vrai et du bien ceux qui lui avaient été attachés dans le monde, mais ils lui étaient toujours attachés. Dans la lumière du ciel, cet Esprit n'apparaissait pas non plus avec une face, mais seulement avec des dents ; et cela parce qu'il avait pu railler les autres, sans cependant savoir lui-même rien du vrai. Il me fut dit qui il était ; quand il vivait, il était au nombre des hommes célèbres, et quelques-uns avaient connu qu'il était tel.

5568. Il y a eu quelquefois chez moi des Esprits qui grinçaient les dents ; ils étaient des enfers, où sont ceux qui non seulement avaient mené une vie mauvaise, mais s'étaient même confirmés contre le Divin et avaient tout attribué à la nature ; ceux-là grincent les dents quand ils parlent, ce qui est horrible à entendre.

5569. De même qu'est la correspondance des os et des cuticules, de même est aussi la correspondance des cheveux, car ils ont leurs racines dans les cuticules ; tout ce qui appartient à la correspondance avec le Très Grand Homme est chez les Esprits et chez les Anges, car chacun d'eux a, comme image, un rapport avec le Très-Grand Homme : les Anges ont par conséquent des chevelures disposées avec grâce et avec ordre ; leurs chevelures représentent leur vie naturelle et la correspondance de cette vie avec leur vie spirituelle : que les chevelures ou les cheveux signifient les choses qui appartiennent à la vie naturelle, on le voit, n° 3301 ; et que peigner les chevelures, ce soit arranger les naturels pour qu'ils soient convenables, par conséquent beaux, on le voit, n° 5247.

5570. Il y a un grand nombre de personnes, principalement des femmes, qui ont tout placé dans les bienséances, sans porter plus haut leurs pensées, ayant à peine pensé quelque chose sur la vie éternelle ; cela est pardonné aux femmes jusqu'à cet âge de la jeunesse où a cessé l'ardeur qui a coutume de précéder le mariage ; mais si dans un âge plus avancé elles y persévèrent lorsqu'elles peuvent comprendre autrement, alors elles contractent une nature qui reste après la mort : ces femmes, dans l'autre vie, apparaissent avec des cheveux longs et épars sur la face, qu'elles peignent aussi avec soin, plaçant en cela l'élégance ; car peigner les cheveux signifie arranger les naturels pour qu'ils apparaissent beaux n° 5247 ; par là elles sont connues par les autres Esprits telles qu'elles sont ; car par la chevelure, par sa couleur, sa longueur, la manière dont elle est étendue, on peut savoir quelles elles ont été quant à la vie naturelle dans le monde.

5571. Ceux qui ont cru que la nature était tout, et se sont confirmés en cela, et ont aussi par suite vécu dans la sécurité, ne reconnaissant aucune vie après la mort, par conséquent ni enfer, ni ciel, ceux-là étant purement naturels, il n'apparaît en eux aucune face quand ils sont vus dans la lumière du ciel ; mais, à la place de la face, on voit des touffes de barbe, de cheveux, le tout en désordre ; car, ainsi qu'il vient d'être dit, la face représente les spirituels et les célestes intérieurement chez l'homme, et la chevelure les naturels.

5572. Il y a aujourd'hui, dans le Monde chrétien, un très grand nombre d'hommes qui attribuent tout à la nature, et à peine quelque chose au Divin ; mais parmi eux, il y en a plus dans une nation que dans une autre ; je vais en conséquence rapporter la substance d'une conversation que j'ai eue avec quelques Esprits de cette nation, dans laquelle il y a un très grand nombre d'hommes qui sont tels.

5573. Il y avait présent au-dessus de ma tête un Esprit qui était invisible, mais il me fut donné de percevoir sa présence par une odeur forte de corne ou d'os brûlé, et par une puanteur de dents ; ensuite, il vint une grande troupe, comme un brouillard, de l'inférieur vers les supérieurs par-derrière, invisibles aussi, et ils s'arrêtèrent au-dessus de la tête ; je les supposais invisibles parce qu'ils étaient subtils, mais il me fut dit que là où il y a une sphère spirituelle ils sont invisibles, mais que là où il y a une sphère naturelle ils sont visibles ; et qu'ils ont été nommés naturels invisibles. Ce qui me fut d'abord découvert à l'égard de ces Esprits, c'est qu'ils mettaient tout le soin, toute la finesse et tout l'art possibles pour que rien de ce qui les concernait ne fût rendu public ; pour cette fin, ils excellaient aussi à enlever aux autres leurs idées, et à en introduire d'autres, par lesquelles ils empêchaient qu'on ne les découvrit eux-mêmes ; cela dura assez longtemps ; par suite, il me fut donné de connaître que dans la vie du corps, ils avaient été d'un caractère à vouloir qu'il ne fût rien manifesté de ce qu'ils faisaient et pensaient, présentant pour cela une autre face et un autre langage ; mais néanmoins sans mettre en avant des choses différentes pour tromper par des mensonges. je perçus que ceux qui étaient présents avaient, dans la vie du corps, été des négociants, mais d'un tel caractère qu'ils avaient placé le plaisir de la vie dans le commerce lui-même, et non dans les richesses, et qu'ainsi le commerce avait été comme leur âme ; je m'entretins donc avec eux sur ce sujet, et il me fut donné de leur dire que le commerce ne met aucun obstacle à ce qu'on puisse venir dans le ciel, et que dans le ciel il y a des riches aussi bien que des pauvres ; mais ils objectaient que leur opinion a été que, pour qu'ils fussent sauvés, à leur fallait renoncer au commerce, donner aux pauvres tout ce qu'ils avaient, et se rendre eux-mêmes misérables ; il me fut donné de leur répondre que la chose ne se passe pas ainsi, et que tout autrement ont pensé chez eux ceux qui sont dans le ciel parce qu'ils ont été de bons chrétiens, et néanmoins opulents, et quelques-uns d'entre eux parmi les plus opulents ; eux ont eu pour fin le bien commun et l'amour à l'égard du prochain, et ont exercé le commerce seulement pour remplir une fonction dans le monde, sans du reste y avoir mis leur cœur : mais que ceux-là sont en bas, par cette raison qu'ils ont été entièrement naturels, et n'ont par conséquent pas cru qu'il y eût une vie après la mort, ni un enfer, ni un ciel, ni même quelque Esprit, et qu'ils ne se sont point fait scrupule de dépouiller les autres de leurs biens par toute sorte d'artifice, et qu'ils ont pu voir sans pitié périr à leur profit des maisons florissantes ; et que c'est pour cela qu'ils se sont moqués de tous ceux qui leur ont parlé de la vie spirituelle. Il me fut aussi montré quelle croyance ils ont eue au sujet de la vie après la mort, et au sujet du ciel et de l'enfer : il apparut un Esprit qui fut enlevé dans le Ciel de la gauche vers la droite, et il fut dit que quelqu'un venait de mourir, et avait été immédiatement conduit par les anges dans le ciel ; cette circonstance devint le sujet de la conversation ; mais eux, quoiqu'ils eussent aussi vu, avaient cependant une très forte sphère d'incrédulité, et l'étendaient autour d'eux, au point qu'ils voulurent se persuader et persuader aux autres le contraire de ce qu'ils avaient vu ; et comme ils avaient une si grande incrédulité, il me fut donné de leur dire : Que serait-ce si par hasard vous aviez vu dans le monde ressusciter un mort étendu dans sa bière ? Ils répondirent que d'abord ils ne l'auraient pas cru, à moins qu'ils n'eussent vu plusieurs morts ressusciter et que s'ils eussent vu cela, ils l'auraient néanmoins attribué à des causes naturelles ; ensuite, après avoir été laissés quelque temps à leurs pensées, ils dirent que d'abord ils auraient cru que c'était une fraude ; et que, lorsqu'ils auraient été convaincus qu'il n'y avait pas fraude, ils auraient cru que l'âme d'un mort avait eu une secrète communication avec celui qui ressuscitait ; et enfin, qu'il y avait quelque secret qu'ils ne comprenaient pas, parce que dans la nature il existe un grand nombre de choses incompréhensibles ; et qu'ainsi, ils n'auraient jamais pu croire qu'une telle chose eût existé par quelque force au-dessus de la nature ; par-là, il fut découvert quelle avait été leur foi, c'est-à-dire qu'ils n'auraient jamais pu être amenés à croire qu'il y eût une vie après la mort, ni qu'il y eût un enfer, ni qu'il y eût un ciel ; et qu'ainsi ils étaient entièrement naturels. Quand de tels Esprits apparaissent dans la lumière du ciel, ils apparaissent aussi sans face, et au lieu de la face il y a une masse de cheveux.