VIII

LES SIGNES DE LA CHARITÉ SONT TOUTES
LES CHOSES QUI APPARTIENNENT AU CULTE.


  Toutes les choses qui appartiennent à la charité se réfèrent à celles-ci : Se tourner vers le Seigneur, fuir les maux comme pêchés, et faire les biens de l'usage qui sont du devoir de chacun.

  Mais toutes les choses du culte sont des externes du corps et des externes du mental. Les externes du corps se font au moyen d'actes et de paroles, et les externes du mental sont les choses qui se font par une volonté et une pensée en cohérence avec les externes du corps.

  Les externes du corps, qui appartiennent au culte, sont :de fréquenter les temples ; 2° d'écouter les prédications ; 3° de chanter avec dévotion et de prier à genoux ; 4° de se présenter au sacrement de la cène ; puis, à la maison, 1°  de prier matin et soir, et aussi aux dîners et aux soupers ; 2° de s'entretenir avec les -autres de la charité et de la foi, de Dieu, du ciel, de la vie éternelle, et du salut ; 3° pour les piètres aussi, de prêcher et même d' enseigner en particulier ; 4° et pour qui que ce soit, d'instruire sur ces sujets librement et sincèrement ; 5° de lire la Parole et les livres d'instruction et de piété.

  Ies externes du mental, qui appartiennent au culte, sont : 1°de penser et de méditer sur Dieu, sur le ciel, sur la vie éternelle, sur le salut ; 2° de réfléchir sur ses pensées et sur ses intentions, si elles sont mauvaises ou bonnes, et que les mauvaises viennent du diable et les bonnes de Dieu ; 3° d'avoir en aversion dans son coeur les propos sur les choses impies, obscènes et impures ; 4° outre les pensées, il y a aussi les affections qui parviennent à la vue et au sens de l'homme.

  Ces choses sont appelées les externes du mental, parce qu'elles sont en cohérence avec les externes du corps, et font un avec eux.
  Que tels soient les externes dit culte, et que les externes du culte soient les signes de la charité, on va le voir dans cet ordre :

  1° La charité elle-même est dans l'homme interne, et le signe dc la charité est dans l'homme externe.
  Qu'il y ait un homme interne et un homme externe, c'est ce qui est connu, et que l'homme interne soit appelé esprit, et l'homme externe chair, c'est aussi ce qui est connu, car l'on dit et chacun sait qu'il y a combat entre l'esprit et la chair; l'esprit, qui combat contre la chair, est l'homme interne qui est la charité.

L'homme interne ne peut se manifester tel qu'il est devant l'homme que par l'homme externe ; quand il se manifeste, il y a combat contre l'homme externe. il se manifeste principalement quand l'homme s'examine et voit ses maux, et que d'après la pensée il les confesse et pense à la pénitence, et alors ii résiste ou les repousse, et il s'empresse de vivre une nouvelle vie.

  Si l'homme ne fait pas ces choses, l'homme interne est mauvais, mais s'il les fait, l'homme interne est bon ; car le Seigneur opère par l'homme interne dans l'homme externe; et comme alors le mal réside dans l'externe, il se fait un combat : en effet, dans l'homme externe qui est appelé chair sont admis des esprits de l'enfer qu'on appelle le diable, et le seigneur chez l'homme combat contre eux; et si l'homme combat aussi comme par lui-même, il est victorieux, et autant il est victorieux, autant il y a de place dans l'homme externe pour les, biens afin qu'ils entrent. Ainsi l'homme successivement devient nouveau et est régénéré.

Tout ce que l'homme interne produit et présente à la vue et au sens dans l'homme externe, est appelé signe si la charité est dans l'interne, elle produit ce résultat que l'homme réfléchit sur les maux, et en actualité il les connaît et les sait, et ainsi du reste ; si ce résultat n'est pas produit, son externe n'est point un signe de la charité, mais il y a charité externe sans charité interne ; ce n'est point là la charité.

  Par signe il est entendu un indice et une attestation qu'une chose est, parce que donner signe et signifier est la même chose qu'indiquer et attester.
  Il n'y a point d'interne sans un signe, qui en est l'indice. Si la charité est dans l'homme interne ou dans l'esprit, et qu'elle ne combatte pas contre l'homme externe et contre sa chair, la charité périt. C'est comme une source d'eau pure, s'il ne lui est pas donné d'issue elle est stagnante, et alors ou sa veine cesse, ou l'eau se corrompt par la stagnation.

Présenter sur ces choses plusieurs passages tirés de la Parole.

  Quand la charité est dans l'homme interne et le constitue, toutes les choses du culte qui sont faites dans les externes sont les signes de la charité.

  Le culte dans l'homme externe, procédant de la charité qui est dans l'homme interne, apparaît devant les Anges comme un porte-drapeau avec le drapeau à la main ; et le culte dans l'homme externe, ne procédant pas de la charité dans l'homme interne, apparaît devant les Anges comme un histrion avec un tison à la main.

IX

LES BIENFAITS DE LA CHARITÉ SONT TOUS LES BIENS QUE
L'HOMME QUI EST LA CHARITÉ, FAIT EN DEHORS DE SON
DEVOIR D'APRÈS LA LIBERTÉ.


  1° Personne n'est sauvé par ces bienfaits, mais on est sauvé par la charité d'après laquelle on les fait, et qui est ainsi dans ces bienfaits.
  Ces bienfaits sont hors de l'homme, et chacun est sauvé selon la qualité du bien ou de la charité en lui. Après la mort, la plupart de ceux qui viennent de l'Église, et qui dans le monde ont pensé à leur salut, voyant alors qu'ils sont vivants, et entendant dire qu'il y a un ciel et un enfer, font valoir qu'ils ont fait du bien, qu'ils ont donné aux pauvres, qu'ils ont secouru les indigents, qu'ils ont recueilli quelques aumônes pour des usages pieux ; mais il leur est dit : " D'après quelle origine avez-vous fait ces choses ? Avez-vous fui les maux comme péchés ? Avez-vous porté votre pensée sur eux ? " Quelques-uns répondent qu'ils ont eu la foi. Mais il leur est dit : " Si vous n'avez pas pensé aux maux comme péchés chez vous, comment avez-vous pu avoir la foi ! La foi et le mal ne se conjoignent point. " Aussi recherchent-on quelle a été la vie de chacun d'eux dans sa fonction, s'ils ont fait le bien et les principaux biens de l'usage de leur fonction pour la réputation et le profit, ainsi pour eux-mêmes, ou s'ils les ont faits pour le prochain ? ils disent qu'ils n'ont point fait cette distinction. Il leur est répondu : «Si vous avez tourné vos regards vers Dieu et si vous avez fui les maux comme péchés, ces deux choses se distinguent d'elles-mêmes, parce que le Seigneur les distingue, et en tant que vous n'avez pas agi ainsi, c'est d'après le mal, et non d'après le bien, que vous avez agi. » L'affection même de chacun est communiquée dans le monde spirituel, et est montrée telle qu'elle est ; et tel chacun est soi-même quant à l'affection, telles sont toutes les choses qui procèdent de lui ; ainsi il est conduit vers la société où est son affection.

  Ceux qui placent seulement la charité dans ces bonnes actions ou dans ces bienfaits, s'ils il n'ont point en eux la charité, se conjoignent intérieurement avec les esprits infernaux, et extérieurement avec les esprits célestes; mais l'extérieur est enlevé à chacun, et l'on est abandonné à son intérieur.

X

LES DETTES DE LA CHARITÉ SONT TOUTES LES CHOSES QU'IL FAUT QUE
L'HOMME FASSE OUTRE CELLES QUI ONT ÉTÉ CI-DESSUS RAPPORTÉES.


  Les dettes de la charité sont les tributs qui ont été imposés aux sujets et aux citoyens pour diverses nécessités et pour divers usages dans la république : ce sont les impôts ; les frais et les dépenses pour diverses nécessités et divers usages chez soi, qui concernent les sujets et les citoyens eux-mêmes, leur épouse, leurs enfants, leurs serviteurs, leurs servantes, leurs ouvriers ; puis quelques autres choses qui, par suite de promesses, deviennent des dettes. Outre cela, ce sont aussi les choses civiles qui appartiennent à la subordination, à l'obéissance, à l'honneur et aux relations sociales, choses qui doivent être appelées dettes parce qu'il faut que l'homme les fasse ; mais pour les énumérer les unes et les autres en particulier, il faudrait remplir des pages. Les diverses obligations que les lois du royaume imposent sont nommées dettes de la charité, parce que la charité les fait par devoir et non par bon plaisir, et comme la charité les considère comme des usages, elle les fait avec sincérité et bénignité. La sincérité et la bénignité de la charité sont dans toute dette au dedans chez ceux qui sont dans la charité ; mais et la sincérité et la bénignité sont selon les usages qu'ils voient clairement dans ces dettes ; et aussi selon la dispensation des usages, dispensation qu'ils connaissent.Toutefois, ces mêmes dettes chez ceux qui ne sont pas dans la charité paraissent semblables dans les externes, mais elles ne sont pas semblables dans les internes ; en effet, chez ceux-ci il n'y a ni sincérité ni bénignité ; c'est pourquoi s'ils ne craignent pas les lois, ou si sous quelque prétexte ils peuvent les éluder, ils fraudent. Chez ces mêmes hommes non seulement les choses dont il vient d'être parlé, mais même les lois de la justice, sont des dettes ; car ils observent ces lois par la crainte de la peine et de la perte de la réputation, et par conséquent parce qu'ils le doivent, et non par l'amour du juste, ainsi non par l'amour du prochain.