CHAPITRE Ier

D'UN CERTAIN MIRACLE ADVENU LORSQUE

RUSBROCH AVAIT A PEINE SEPT JOURS.


    Le Tout Puissant, le Sage, le Bon Créateur du Genre Humain, que la Sainte-Ecriture proclame admirable dans ses Saints, pour manifester envers nous l'amour ineffable et la bienveillance de son coeur paternel, n'a, en aucun temps, depuis le commencement du monde, cessé de combler de ses dons excellents la race des mortels, et de les inviter à le connaître et à l'aimer. Parmi ces bienfaits, pour ne pas laisser celui-ci en dernier lieu, mais plutôt le signaler le premier, nul esprit droit ne doute qu'il faille indiquer que la sagesse et la bonté divine a mis en lumière presque toujours, certaines personnalités, d'hommes ou de femmes, d'une sainteté rare et non vulgaire ; qui, si le monde ne les avait pas possédées, depuis longtemps déjà, (à cause de la trop grande impiété des hommes, de l'intolérable licence du péché et de la passion effrénée), par un juste jugement de Dieu, il aurait disparu dans une conflagration universelle. Rien, en effet, ne s'oppose tant à la juste colère de Dieu, (qui appesantit moins sa main redoutable sur les impies par des supplices mérités), comme, d'abord, la bonté et la miséricorde de Dieu lui-même ; en second lieu, les prières et les mérites des Saints qui jouissent dans le ciel de la vie bienheureuse avec Dieu ; enfin, les prières et les larmes des amis de Dieu, qui sont encore maintenant dans cette vie mortelle.

    C'est ainsi que, même en ces derniers temps où la charité (l'amour de Dieu) diminue chaque jour, et les vices croissent et augmentent d'une manière effrayante, Dieu s'est choisi un homme selon son coeur, (1) celui-là même dont nous entreprenons maintenant de résumer, en peu de mots, la vie: le vénérable Père D. Jean Rusbroch, dans lequel le Seigneur a daigné opérer des choses si grandes et si
merveilleuses, qu'on pourrait, avec raison, l'inscrire parmi les saints les plus illustres. - En effet, ainsi que nous l'avons entendu de la bouche même de Pères dignes de foi, qui vécurent avec lui familièrement, à peine l'enfant avait-il sept jours, comme sa nourrice allait le laver dans un bassin, il se tint debout sans aucun autre appui que celui d'une grâce particulière de Dieu. On lit un fait semblable concernant le bienheureux pontife Nicolas. Ce prodige admirable ne pouvait manquer d'avoir un sens mystérieux non moins insigne ; et c'est pourquoi, comme l'événement le prouva dans la suite, il signifiait manifestement que, de même que l'enfant au-dessus des lois de la nature, s'était, par une vertu divine, tenu debout dans le bassin, ainsi, dans la suite, soutenu par la même vertu surnaturelle, il devait élever son esprit, par le regard de la contemplation, jusqu'à la vision Divine. Ses écrits seuls prouvent abondamment, à quel degré de sublimité il atteignit dans la suite.
 

(1) Virum sibi elegit secundum cor suum Matt. 24