La direction des travaux

 

Ces bonnes volontés, qui venaient s'offrir à lui après l'annonce faite au prône des paroisses, il sut admirablement en tirer parti, en se multipliant lui-même.

Sa carrière de pierre était à Plumergat : il y allait tous les jours.

Le bois qu'il exploitait était à Baud : Il s'y rendait de jour et de nuit pour le faire abattre, équarrir, débiter.

La chaux, les ardoises et les autres objets que le pays ne lui fournissait pas, il les faisait venir par mer jusque sur les quais d'Auray.

Et ces matériaux, d'un transport difficile, il s'agissait ensuite de les amener à pied d’œuvre, parfois d'une grande distance, par des chemins difficiles, et à toutes les époques de l'année. Il y réussissait toujours sans difficulté.

Au temps des moissons comme à l'époque des semailles, les paysans se mobilisaient spontanément à son appel. On le voyait parfois à la tête d'interminables files de charrettes qui, de Saint-Goustan, de Baud ou de Plumergat, se dirigeaient vers le Bocenno. Et dans ces charrois, qui réunissaient tant de monde, chose inouïe, il ne se produisait ni confusion, ni murmures, ni excès d'aucune sorte.

C'est que l'animateur savait assigner à chacun sa place et sa besogne. Il pourvoyait libéralement à la nourriture des travailleurs ; et par l'amabilité de ses procédés il gagnait toutes les sympathies. – Le charroi terminé, les gens s'en retournaient heureux, contents d'avoir contribué à la sainte entreprise, et renouvelant leurs offres de service pour toutes les circonstances où l'on aurait besoin d'eux.

Nicolazic s'occupait avec le même soin des travaux qui s'exécutaient sur place au Bocenno : Il avait l'œil à tout, et rien n'échappait à sa vigilance ; il surveillait jusqu'à l'architecte, qu'il soupçonnait de vouloir faire trop petit.

C'est lui qui faisait les marchés et payait les fournisseurs ; et ni le sénéchal d'Auray ni le commissaire de l'Évêque, qui venaient régulièrement contrôler sa gestion, n'y ont trouvé la moindre erreur.

Le souci de manier tant d'argent, de régler tant d'affaires différentes, loin de troubler un homme comme lui qui n'avait pas la ressource de l'écriture pour aider sa mémoire, le laissait dans une parfaite tranquillité d'esprit : son égalité d'humeur était si grande qu'il n'avait jamais l'air d'avoir des préoccupations.

Mais, si parfois les Religieux que l'Évêque avait chargés d'organiser et de présider le nouveau Pèlerinage, hésitaient à faire certaines dépenses pour l'embellissement de la chapelle, c'était plaisir de le voir, lui d'ordinaire si calme et si doux, protester et blâmer avec humeur cette prudence trop humaine.

 

Il eut néanmoins une déception. Le plan de la chapelle lui paraissait trop mesquin ; si malgré des résistances irréductibles il réussit par adresse à élargir quelque peu le plan primitif, l'édifice ne lui donnait pas satisfaction.

 

La chapelle aux vastes proportions qu'il entrevoyait en rêve, toute de granit, capable d'abriter la foule dans son enceinte aux jours des grandes assemblées, si elle devait surgir un jour du Bocenno, ce n'est pas à lui que Dieu réservait la joie de la faire sortir de terre.