L'OEUVRE DE CHAQUE HUMAIN
EN CE MONDE




     La science peut donner satisfaction à l'esprit de l'homme, mais, seule, la véritable philosophie, la Mystique vraie, est la joie du cœur. Les religions offertes à la généralité des humains sont composées de dogmes et de mythes, de vérités profondes présentées sous une forme extérieure et qu'il faut reconnaître à travers les formes cultuelles, mais elles renferment aussi toutes les superstitions de la foule ; de sorte qu'elles constituent un amalgame ténébreux, parfois contradictoire. Elles ont l'avantage de réfréner la passion chez l'homme animal et l'inconvénient de laisser trop souvent piétiner Sur place l'homme de désir qui doit s'en contenter. La Vérité cachée sous le voile de la Tradition et des Mystères est tout autre que celle qui sert de pâture à la foule. À mesure qu'elles s'éloignent de leur source, les religions s'altèrent ; chacune vénère un aspect de la Divinité, aspect plus ou moins dénaturé, divisé et fragmentaire, d'où découle la diversité des cultes et des dogmes : ceci provient de ce que les adorateurs recherchent avec leur être relatif et leurs facultés limitées, l'Être éternel est illimité.

     Dans les temps primitifs, la distinction entre les Mystères et le culte populaire n'existait pas ; seulement, derrière le père de famille, prêtre au foyer, tenait le Sage, l'initié, de qui il avait reçu la vérité.

     C'est par une tradition ininterrompue que la Doctrine des Mystères a été conservée dans le monde et, telle la Nature, cette Révélation n'a qu'une source, cette vérité est une et immuable comme la Divinité. C'est par elle que tous les sages sont reliés entre eux, c'est par elle que s'opère la Communion des saints.

     Dans cet univers visible où tous les règnes de la nature restent stationnaires (en dehors des modifications qui s'y produisent sous l'effet d'une libre manifestation de l'Esprit), il n'y a, à proprement parler, ni évolution ni involution de ces règnes. Pour bien nous rendre compte de l'œuvre que l'homme doit accomplir dans ce monde créé pour lui, et où, par lui, l'humanité seule avance ou recule, il nous faut parcourir rapidement les origines de cette humanité, sans nous embarrasser de détails secondaires.

     Quatre races humaines successives, jaune, rouge, noire et blanche, sont apparues, à la tête des règnes minéral, végétal et animal de continents différents, chacune a été, en son temps, maîtresse de la terre. Le Législateur de chacune a eu pour mission de développer, en les organisant, les facultés supérieures de ces races ; c'est ainsi que se sont manifestés les principes secondaires des humains. Les facultés instinctives ont été plus particulièrement développées par la jaune, et la rouge a été la race volitive par excellence. Quant à la race blanche, son rôle est de mettre en œuvre le principe animique, médiateur des autres, pour rendre le principe volitif, exalté en mode de volonté propre par les Rouges, perméable et accessible à la Lumière du cœur, en vue de l'incarnation du Verbe. Cette volonté humaine, engendrée au point de jonction de la Lumière émanée de l'Éternelle Unité et de la lumière individuelle empruntée par l'homme au Spiritus Mundi, était, à l'origine, enserrée de toutes parts par les forces mécaniques du Destin. Pour acquérir liberté et conscience, pour se dégager de cette étreinte, il fallait qu'elle se développât dans le travail, la souffrance et la lutte. Telle fut l'œuvre spéciale confiée par la Providence à la race rouge. Mais, cette libération relative n'allait pas sans un grave danger : la volonté humaine, quelle que soit sa perfection, n'est tout que par Dieu et rien par elle-même. Elle ne peut pas aller au-delà de son propre principe, elle ne doit, surtout, pas tirer orgueil de ses œuvres et méconnaître l'impulsion providentielle qui la soutient dans ses efforts. La race rouge ne sut éviter le piège subtil : orgueilleuse de sa volonté inflexible, mais veuve d'amour, elle s'engagea Sur un sentier spirituel bien périlleux, entraînant toute l'humanité à sa suite, et, la catastrophe qui frappa l'Atlantide insoumise dut, par une brusque régression matérielle, interrompre le mouvement fatal d'inversion spirituelle auquel elle s'était livrée.

     Le travail difficile de rétablissement de l'équilibre rompu incomba à la race blanche qui, développant l'humanité en mode animique, devait ramener la volonté exacerbée à l'observance de la Loi d'Amour, dont le Verbe incarné allait lui donner l'exemple vivant et parfait.

     Pour s'incarner dans sa plénitude, le Verbe devait préparer, sur un point du globe, un terrain susceptible de recevoir la semence spirituelle, il devait, selon les lois mystérieuses de l'Amour, trouver au moins un cœur susceptible de l'appeler consciemment. De même que la race jaune, la race intellectuelle par excellence, fut guidée par une manifestation intellectuelle du Verbe, dont le Dragon à cinq griffes fut le symbole vénéré, de même la race blanche, profitant des travaux et des illuminations de ses devancières, fut orientée en vue de servir de support à la manifestation totale et intégrale du Verbe, œuvre immense et qui éclaire bien des phases de son histoire.

     Comme toute race, elle dut se dégager de l'état sauvage, avant de prendre conscience d'elle-même et de pressentir sa mission. À diverses époques, de courageux chercheurs en ont décrit quelques aspects, déchirant quelques-uns des voiles du passé : Fabre d'Olivet, Saint-Yves d'Alveydres, pour ne nommer que les plus remarquables. Dernièrement encore, A. Savoret dans son livre « Du Menhir à la Croix » condensait ces travaux antérieurs, en y ajoutant le résultat de ses recherches personnelles. Il n'est pas inutile d'en retracer brièvement l'essentiel.

     Au moment de se dégager de l'animalité pure, le collectif de la race blanche se scinda en deux camps : d'un côté les partisans de la force et de la domination égoïste (reprise sur le plan passionnel de l'inversion atlante), ayant Pour emblème le Taureau ; d'un autre côté, le groupe des âmes plus dociles à l'impulsion providentielle, qui prirent pour emblème l'Agneau et plus tard le Bélier.

     Un événement important allait permettre aux deux camps de préciser leurs positions respectives. Le premier homme de notre race qui reçut l'inspiration divine dans son intellect purifié, fut un jeune et savant druide, nommé d'abord Vidos ou Vider (le Sage) et, plus tard, Lam ou Ram, comme vivant symbole de l'Agneau et du Bélier. Honoré dans toute l'Asie sous les noms de Lama, Raina, Pa-di-Shah, il fut désigné par les Hindous, sous le nom de Rama-Tchandra, comme une des incarnations ou avatars de Vishnou, le Verbe cosmique.

     À cette lointaine époque, une civilisation blanche s'était déjà formée. Il y avait un état social, des lois, un culte, etc. Certes, au point de vue matériel, elle était encore embryonnaire : le développement des sciences et de l'industrie est affaire de temps, non d'intelligence ou de spiritualité. Si l'on ignorait les mille commodités de nos « civilisations » modernes, on en ignorait aussi bien des vices. Ceci compensait cela.

     Les Druides, dès avant l'apparition de Ram, avaient su reconnaître le principe universel de toute création, qu'ils vénéraient sous les espèces du feu et du soleil. Chaque homme, chaque père de famille pouvait devenir prêtre et prophète et l'était, en fait, dans le cercle de son foyer.

     Comme tout ce qui naît en ce monde, ce culte avait dévié un peu partout sous l'influence pernicieuse des druidesses, qui avaient fait couler partout le sang humain et luttaient de prestiges avec les druides. À plusieurs reprises, les plus sages parmi ceux-ci s'expatrièrent, entraînant avec eux ceux qui ne voulaient pas se soumettre à l'autorité illégitime des druidesses. Tels furent les Sémites, souche des Hébreux et des Arabes. Beaucoup plus tard, les descendants de ces exilés avaient conservé une assez vive notion de leur orthodoxie, pour accepter l'inflexible discipline de Moïse. Ceci ne se fit d'ailleurs pas sans de terribles révoltes de la part de cette race « à col raide ». Le grand Législateur a manifesté le premier degré des rayons créateurs du Ciel : la justice ; aussi, c'est avec la foudre et la tempête qu'il punissait les écarts et. L'idolâtrie. Révoltés, découragés, défaillants étaient frappés par centaines, lorsqu'ils se heurtaient au terrible Prophète. Cette rude sélection marqua les survivants d'un sceau indélébile, aussi, le génie des Hébreux et des Arabes peut être figuré par l'ange justicier qui fond sur la terre, armé du glaive et de la foudre.