Coup d'oeil sur les Destins du Siècle






     Comme pour prouver la réalité de la double action sous laquelle les hommes se trouvent placés, dont l'une fait sentir le besoin de l'ordre et de l'unité, tandis que l'autre entraîne à la division et à la confusion, l'Église extérieure (ce gage de la patrie perdue, cette représentation de l'Unité à laquelle nous appartenons tous), les hommes l'ont déchirée comme une proie et chacun s'attache au lambeau qui se trouve en rapport avec son caractère particulier et le présente comme l'entier. Cette Église tant mutilée, est pourtant destinée à être le symbole de l'Église intérieure, une, véritable, indivisible et vivante, qui est constituée par le vrai corps de Jésus-Christ, et animée par son esprit. Les disciples de l'Église vivante sont recherchés par le Père et ce sont des adorateurs en esprit et en vérité, qui supportent avec patience l'état d'imperfection et de corruption de l'ordre religieux, aussi bien que celui de l'ordre civil. Ils savent qu'il ne faut pas arracher l'ivraie du champ, de peur de déraciner un bon grain ; ces esprits éclairés se contentent de prier pour faire descendre le baume salutaire qui doit apporter la guérison aux humains.

     Si le vrai chrétien n'approuve pas les erreurs, la corruption et les injustices tolérées par le Père, il entre cependant dans l'esprit de patience et de tolérance de cette miséricordieuse Providence, dont les voies confondront toujours la sagesse humaine. Le disciple du Christ n'oublie pas que c'est presque toujours par des moyens en apparence les plus contraires, que la Providence mène ses plans à leur terme. C'est ainsi que « la pierre rejetée par ceux qui bâtissaient l'édifice » est devenue la pierre d'angle des gentils.

     Le chrétien ne voit la séparation des désunis du cercle, réelle que pour eux ; quant à lui, il les voit comme Dieu, par l'universel ; il leur tend ses bras comme à des frères chéris qui ont peut-être dissipé leur héritage, mais il est toujours prêt à leur donner ses biens, tous ces admirables trésors dont il ne saurait jouir pleinement tant qu'un seul de ses frères sera égaré. Aussi ce n'est point à un cercle extérieur littéral, ni à un centre particulier que le véritable adorateur du Père convie ses frères prodigues, c'est au contraire à l'étendard de l'éternelle Unité c'est à l'esprit d'universalité qu'il les appelle tous car il sait bien que ce ne sera que dans la proportion qu'ils s'y rallieront qu'ils verront s'évanouir les formes et les barrières qui les divisent extérieurement. Si l'ombre et le signe ont été livrés à l'ennemi, à sa fureur destructive, le véritable chrétien sent que la réalité vient pour les remplacer.

     En effet, le principe élémentaire astral qui gouverne ce monde semble bien avoir produit au jour tous les fruits de sa sève, avoir achevé son explosion et atteint sa dernière limite. Nous arrivons à ce minuit dont la terreur paralyse jusqu'aux enfants de la lumière. L'iniquité, assise sur le trône de la justice, se proclame souveraine du monde et traite en révolté tout ce qui hésite à reconnaître la légitimité de son empire. La mort est assise sur les ruines et les débris de la vie ; sur tous elle appesantit son sceptre d'airain.

     Le soleil s'obscurcit ; les ténèbres nous environnent de leurs horreurs représentatives. Les puissances ténébreuses déploient leur énergie en liberté, sans trouver en apparence aucune force pour leur résister ; partout l'on n'entend que le cri lugubre et désharmonieux de leur triomphe, cependant que la foule enivrée se presse sur les routes du plaisir et des illusions ; ce qui fait dire au prophète « que les hommes descendent dans l'abyme au son des musettes ».

     Plus nous avançons vers le terme de la durée des temps, plus aussi nous approchons de l'éternité. Déjà les prophètes du Seigneur reconnaissent l'aurore du jour heureux. Depuis le commencement de ce monde, les époques réelles sont précédées par des époques qui les typifient. C'est lentement et sur un terrain limité que la matière a opéré la dissolution des dispensations divines, parce que cette explosion se fit, dans le monde sensible. La dissolution, morale est plus rapide et plus générale, mais elle a aussi ses longueurs. La première époque symbolise le règne de la terre ; la seconde, le règne de l'eau ; quant à la troisième, elle est réservée au feu ; or, l'on sait assez que le feu dévore et dissout comme en un instant. Notre approche vers l'éternité a pour conséquence une plus grande vivacité dans nos actions et l'apparition de plus puissants dissolvants.

     Nous ne pensons point être désapprouvés par les sages de l'école véritable en disant que tous ces agents : électricité, radium, rayons X et autres, si actifs, sont les avant-coureurs et les signes des puissances vives, spirituelles, dont l'activité pénétrera à la fois et dans un clin d'œil, tous les centres et dissoudra toutes les enveloppes, lors de l'époque finale de notre univers.

     Mais une grande consolation nous est donnée. C'est qu'à la fin de ce grand combat, il n'y aura de vaincus que la mort et le néant.
 
 
 

Madame D...