PIE IX, PAPE


Cher fils, salut et bénédiction apostolique,

La lettre respectueuse que vous nous avez adressée dans 1es premiers jours de décembre et l’offrande de votre livre intitulé : Valeur de l’Assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ, Nous ont fait connaître de plus en plus le zèle ardent qui vous fait travailler à convertir la nation juive à la vérité catholique. Ce seul motif suffisait pour que votre envoi Nous fût agréable ; mais ce qui Nous a encore réjoui davantage, c’est que le sujet même de l’ouvrage et ce que Nous en avons lu Nous a paru devoir être utile aussi aux lecteurs catholiques, puisqu’il a pour but d’illuminer d’un plus grand jour une partie de l’histoire évangélique. C’est pourquoi, en même temps que Nous adressons à votre zèle une louange bien méritée et que Nous vous remercions des hommages que vous Nous avez rendus, Nous supplions humblement le Seigneur que ceux auxquels vous vous efforcez plus principalement de porter secours retirent des fruits abondants de vos travaux. Et parce que, selon l’oracle du prophète Osée, " les fils d’Israël sont restés longtemps sans roi et sans chefs, et sans sacrifioe et sans autel ; " que commence bientôt à s’accomplir cette autre parole du même prophète : " Et après ces choses, les fils d’Israël reviendront et ils chercheront le Seigneur leur Dieu, et David leur roi! "

Nous appuyant donc sur cette espérance, comme témoignage de Notre paternelle tendresse et comme gage de la faveur divine, Nous vous accordons avec amour la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 14 février 1877, de Notre Pontificat la trente-unième année.

PIE IX, PAPE.


L’OBJET DE CET ÉCRIT


Parmi les assemblées qui sont demeurées responsables devant la postérité, il en est une sur laquelle pèse une responsabilité exceptionnelle : c’est l’assemblée qui présida aux derniers jours de la vie nationale du peuple juif.
Ce fut elle qui fit comparaître et condamna Jésus-Christ.
Elle porte dans l’histoire un nom à part ; on l’appelle le sanhédrin.
Prononcer devant des Israélites ce nom de sanhédrin c’est rappeler, selon eux, l’assemblée la plus docte, la plus équitable, la plus honorable qui fût jamais. Malheur à celui qui oserait, en présence de ses coreligionnaires, émettre le moindre blâme à l’égard des hommes ou des actes de cette assemblée ; il ne serait pas moins coupable que s’il parlait contre l’arche d’alliance.
Et cependant, la connaissent-ils à fond, les Israélites, cette assemblée qu’ils tiennent en si grande vénération?
Nous osons affirmer que non.
On les habitue dès l’enfance à la respecter ; mais ce qu’elle était, œ qu’elle a fait, ils l’ignorent.
Ignorance terrible, imposée à dessein par le rabbinisme. C’est toujours le mot de saint Paul : la vérité captive ! (Epist. ad Rom., 1, 18.)
Nous allons, avec le secours de Dieu, déchirer les voiles. Nos anciens coreligionnaires pourront enfin connaître la vérité.
Des documents juifs de la plus haute importance et d’une authenticité irrécusable ont passé dans nos mains. Ils vont nous servir à faire connaître complètement ce que valait le sanhédrin.

La valeur d’une assemblée se révèle d’une double manière : d’abord par l’examen des personnes qui la composent, ensuite par l’examen des actes qu’elle produit.
Pour apprécier la haute assemblée juive au temps de Jésus-Christ, il nous faudra donc traiter successivement ces deux questions :
Premièrement, examiner ce que valaient, comme personnes, les membres qui la composaient ;
Deuxièmement, examiner ce que vaut, devant le droit hébraïque, sa procédure contre Jésus-Christ.

Donc :
Valeur des personnes,
Valeur des actes,


telles sont les deux parties de cet écrit.
La première n’a jamais été entreprise. La difficulté de se procurer les parchemins juifs, de les déchiffrer, de les explorer pour retrouver çà et là des renseignements sur les différents membres qui constituaient le sanhédrin au temps de Jésus-Christ, a toujours arrêté les historiens. Aussi se sont-ils généralement bornés à juger de toute l’assemblée par deux personnages plus en relief, Anne et Caïphe.

La seconde a déjà été tentée, il y a trente ans, dans un opuscule intitulé : Jésus devant Caïphe et Pilate (1). Ce travail est dû à la plume de l’honorable M. Dupin, ancien procureur général à la cour de cassation. Il l’entreprit pour réfuter l’Israélite Salvador, qui avait essayé de légitimer le jugement et la condamnation de Jésus (2). L’écrit de M. Dupin est resplendissant de clarté, de science, et, l’on peut ajouter, de respect pour Jésus-Christ. Aussi est-on fondé à croire qu’il a mérité à son auteur cette franche profession de foi chrétienne faite, avant de mourir, entre les bras de l’archevêque de Paris (3).
Toutefois le travail de M. Dupin, si lumineux soit-il, n’a pas épuisé la question. Nous osons espérer que le nôtre pourra y ajouter quelque chose.
Car, outre que M. Dupin n’a point examiné la valeur morale des membres du sanhédrin qui lui étaient totalement inconnus, il n’a révisé le procès de Jésus qu’à grands traits et d’une manière rapide, négligeant d’entrer dans tous les replis et les incidents du procès. On reconnaît à son travail le procureur général à la cour de cassation, à qui quelques énormités judiciaires ont suffi pour déclarer qu’un pareil jugement méritait évidemment d’être cassé. Pour nous, c’est pas à pas, dans tous ses détails, la législation juive à la main, que nous avons cru devoir reprendre le procés de Jésus. Nous le révisons en fils d’Israël.
De plus, dans le travail de M. Dupin, c’est l’action confuse du peuple juif et de ses chefs qui apparaît ; les degrés de culpabilité ne sont pas dégagés. Nous, dans notre travail, prenant à partie le sanhédrin, nous disons : " Voilà le grand coupable! C’est lui qui a égaré le peuple juif. " Nous montrons alors les menées du sanhédrin dirigé par Caïphe.

Dans un autre travail, qui paraîtra plus tard, nous envisagerons également la part de responsabilité qui revient à toute la nation juive. Cet écrit aura naturellement pour titre : Le sanhédrin avec le peuple juif devant Pilate.


1) Chez Garnot, libraire-éditeur. Paris, 1840.

2) Histoire des institutions de Moïse et du peuple hébreu, tome1, liv. IV, ch. III : Jugement et condamnation de Jésus.

3) Mgr Darboy.