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CHAPITRE III

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RÉPONSE NÉGATIVE DU NOUVEAU TESTAMENT.
CE QUE JÉSUS-CHRIST A PROPHÉTISÉ DU TEMPLE
DE JÉRUSALEM

 

I. Par quatre fois différentes Jésus-Christ s'est prononcé sur l'avenir du Temple de Jérusalem : Une première fois il a annoncé son abandon par Dieu. – II. - Une seconde fois, sa destruction de fond en comble. - III.- Une troisième fois, sa réduction en désert.- IV. - Une quatrième fois sa destruction, qu'il confirme par le serment. Les ruines mêmes devront périr. -V.- Comment toutes ces prédictions se sont accomplies.

 

I

 

   En plusieurs circonstances Jésus -Christ a fait connaître ce que devait être dans l'avenir, et jusqu'à la consommation des siècles, le sort réservé au Temple, à Jérusalem, au royaume d'Israël : le Temple, centre de la religion juive ; Jérusalem, capitale de l'ancien État juif ; le royaume d'Israël, sol et domaine des douze Tribus.
   Et d'abord, qu'a-t-il prophétisé du Temple ?
   C'est par quatre fois différentes, bien notées par les évangélistes, que le Christ a dit ce qu'il en serait du Temple de Jérusalem.
   La première fois, vers la fin de la troisième année de son ministère public, alors qu'il se disposait à entrer dans Jérusalem pour y célébrer la fête de la Dédicace du Temple (1) (Chanouca). À la vue de la foule qui en assiège les portes, le cœur de Jésus se fend et ses lèvres laissent échapper ce sanglot : Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j'ai voulu rassembler tes fils comme un oiseau rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu ! Voici que votre maison sera délaissée (2).
   La sentence est clairement formulée c'est l'abandon du Temple. La demeure sacrée des Juifs (maison par antonomase, c'est-à-dire le Temple) sera délaissée par l'hôte divin dont elle était le palais. Elle sera si certainement abandonnée que déjà le Sauveur ne la nomme plus ma maison ni la maison de mon Père, mais votre maison.

 

II

 

   La seconde fois que Jésus-Christ se prononça sur l'avenir du Temple, ce fut le dimanche des Rameaux. Parti de Béthanie, il avait atteint le sommet du mont des Oliviers. À ce point, la ville sainte apparaît tout d'un coup, dressant ses blanches murailles au-dessus des ravins. Ceinte de tours et de remparts, couronnée de palais, elle s'étendait du couchant au levant comme pour étaler sa splendeur. Vers midi surtout, quand le soleil frappait les marbres blancs et les bits dorés du Temple, le regard ébloui ne pouvait soutenir de tels feux (3). À cette vue, les Apôtres éclatèrent en chants de triomphe : Hosanna au Fils de David ! Béni soit le roi d'Israël qui vient au nom du Seigneur !
   Au milieu des cris d'allégresse, Jésus se taisait ; il s'était arrêté et contemplait la cité où il venait mourir. L'ingratitude de Sion avait comblé la mesure ; le Sauveur pleura sur elle : Si tu savais ! dit-il, si tu savais, du moins dans ce jour qui t'est encore donné, ce qui pourrait t'apporter la paix ! Mais maintenant tout ceci est caché à tes yeux. Viendra le temps que tes ennemis t'environneront de tranchées, et t'enfermeront, et te serreront de toutes parts, et te détruiront toi et tes enfants écrasés sur le sol au milieu de toi, et ils ne laisseront en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps auquel Dieu t'a visitée (4).
   Dans cette annonce si douloureuse, à laquelle nous reviendrons à propos de Jérusalem, un trait spécial se rapportait au Temple Et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre. Jésus ajoutait la prédiction précédente, faite par lui à la fête de la Dédicace, que non seulement le Temple serait abandonné de Dieu, mais qu'il serait renversé et détruit de fond en comble. Ce n'est pas la ville de Jérusalem, en effet, qu'il convient d'appliquer ce trait de la prophétie, ainsi que certains exégètes l'ont avancé, mais au Temple, uniquement au Temple. Car de la ville, il devait rester des pierres, plus même que des pierres ; tandis que du Temple, il n'est rien resté.

 

III

 

   Une troisième fois Jésus revient sur l'avenir du Temple. Ce fut dans la journée du mardi saint et en un lieu émouvant. Sa première prédiction, en effet, celle de l'abandon, avait été faite aux portes de Jérusalem ; la seconde, celle de la destruction, du haut de la montagne des Oliviers ; mais la troisième, c'est dans le Temple lui-même qu'il la fit entendre, à la suite des terribles malédictions contre les Scribes et les Pharisiens : Jérusalem ! Jérusalem ! toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule ramasse ses petits sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu ! Et voilà que votre maison vous sera laissée déserte (5). C'était, après une apostrophe poignante, l'abandon du Temple qui se trouvait de nouveau annoncé. Il n'y a pas lieu de s'étonner que cette annonce, Jésus l'ait fait entendre deux fois. Les Juifs, ses contemporains, comme ceux du temps du prophète Jérémie, se persuadaient, dans une folle confiance, que le Temple, ayant été choisi de Dieu pour sa résidence, les mettait à l'abri de toute catastrophe ; aussi, à l'exemple de leurs pères, se plaisaient-ils à répéter avec emphase : N'avons-nous pas le Temple du Seigneur, le Temple du Seigneur, le Temple du Seigneur (6) ! C'est donc à cette vaine confiance que Jésus-Christ s'attaque, en répétant l'annonce de l'abandon du Temple. Au reste, il y eut, en ce jour du mardi saint, plus qu'une répétition dans les paroles du Sauveur. Car pour faire comprendre l'immensité du vide qui allait s'effectuer dans le Temple, Jésus, à la parole d'abandon précédemment émise, ajouta cette autre expression encore plus terrible deserta, « déserté ! » Une maison est vide, déserte, quand son maître a cessé de l'habiter ; le Temple, abandonné par Dieu, ressemblera à une maison délaissée, qui tombe en ruines.

 

IV

 

   Ce fut encore, durant cette journée du mardi saint, que Jésus-Christ se prononça, une quatrième fois, sur l'avenir du Temple.
   Il en avait traversé les parvis. Ses disciples le suivaient, admirant d'autant plus les splendeurs de l'édifice sacré, que Jesus venait d'en prédire la ruine. Tout dans ce moment enchantait leurs yeux. Un des disciples arrêta le Seigneur Maître, dit-il, voyez : quelles pierres ! quelle structure (7) ! D'autres ajoutaient que cette magnificence venait des dons d'Israël.
   Pourquoi les Apôtres eurent-ils alors la pensée d'attirer l'attention de leur Maître sur les constructions du Temple ? Origène s'était déjà adressé cette question. Il ajoute aussitôt : « Comme le Christ venait de prophétiser peu d'instants auparavant la ruine du Temple, ses disciples, émus de ce qu'une construction si admirable pût être réduite à néant, lui firent la remarque de sa magnificence dans l'intention de le fléchir et d'obtenir miséricorde pour le Temple (8).
   Mais la sentence allait être sans retour.
   À son tour, Jésus attire leur attention sur ces bâtiments magnifiques, afin de mieux mettre en relief la prédiction qui va suivre : Voyez-vous tout cela ? Puis, sous le sceau du serment, il annonce dans les termes les plus clairs et les plus explicites que de ce Temple merveilleux il ne restera pas pierre sur pierre tout sera irrévocablement renversé : En vérité, je vous le dis, il n'y sera pas laissé pierre sur pierre qui ne soit détruite (9).
   Tel fut l'adieu de Jésus au Temple.

 

V

 

   Trente-cinq ans plus tard, le merveilleux édifice, orgueil des Juifs, s'écroulait au milieu des flammes, pour n'être jamais relevé.
   Mais l'abandon de Dieu, selon la parole de Jésus, avait précédé sa destruction. On sait, en effet, par l'historien Josèphe et par les Talmuds, qu'un jour les portes du Temple s'ouvrirent d'elles -mêmes, si bien que Jochanan, fils de Zaccaï, les réprimanda en disant : Arrêtez-vous ! » et il ajouta « Temple ! Temple ! qu'est-ce qui t'émeut, et pourquoi te détruis-tu toi-même (10) ? » Une autre fois, à la Pentecôte, les prêtres entrés dans le Temple pour y accomplir le service de la nuit, entendirent un bruit de pas comme Celui d'une multitude qui s'éloigne, et des voix qui répétaient : Sortons d'ici ! Sortons d'ici (11) !. . . C'était Jébova qui s'en allait.
   C'est quelque temps avant la destruction du Temple que tous ces signes d'abandon se produisirent. Quant à la destruction, elle s'effectua aussi selon toute la teneur de la prophétie de Jésus. Après s'être emparé, en effet, de Jérusalem, Titus fit démolir par ses soldats les murs du Temple incendié. Restaient les fondements. Chose remarquable ! c'est par les mains mêmes des Juifs qu'ils furent arrachés, au temps de Julien l'Apostat. Car les ayant péniblement fait sortir de terre, dans l'espérance d'en creuser de nouveaux et de rétablir le Temple, il leur fut impossible de le faire, des feux souterrains et des tremblements de terre dispersant à plusieurs reprises et lançant au loin contre les maisons voisines tout ce qui restait du Temple dans les entrailles de la terre. « Où est maintenant cette masse de marbre blanc qui ressemblait, au dire de Josèphe, à une montagne de neige ? Où sont ces pierres aux couleurs variées qui représentaient les vagues de l'Océan ? Jésus a dit vrai : il n'est pas resté deux pierres réunies. Il. prophétisait la destruction la plus complète, et la destruction la plus complete est survenue (12). »
   Lorsqu'on rapproche les différentes paroles de Jésus relatives au Temple, on constate que sa prédiction a eu des degrés :
   La première fois, c'est l'abandon du Temple qu'il annonce ;
   La seconde fois, c'est sa destruction de fond en comble ;
   La troisième fois, c'est sa réduction en désert ajoutée à l'abandon ;
   La quatrième fois, c'est le serment confirmant l'annonce de la destruction totale, destruction si absolue que les ruines elles-mêmes devront périr : Lapis super lapidem qui non destruatur (13).
   Rien n'en subsiste, en effet, pas même une pierre, pas même un grain de sable. Sa destruction n'a pas été seulement totale, elle est finale. Impossible à lui de pouvoir renaître de ses cendres. En vertu de la parole de Jésus, c'est fini, à jamais fini !


(1) Cette fête se célébrait dans la seconde moitié de décembre.
(2) Luc, XIII, 34, 35. - L'adjectif deserta, qu'on lit dans le texte de la Vulgate, est omis par les meilleurs manuscrits grecs :
(3) Fouard, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. II, 207, 208, Paris, 1882. - Josèphe, De Bello Judaico, V, 5, 6.
(4) Luc, XIX, 31-44.
(5) Matth., XXIII, 37, 38.
(6) Jérém., VII, 4.
(7) Marc, XIII, 1.
(8) D. Thomas, Catena in Matth., h. 1.
(9) Matth.. XXIV, 2.
(10) Galatin., De Arcan. Cathol. verit., IV. 8, p. 209.
(11) Josèphe, De BelloJud.,vi, 31 (5, 3) Tacit., Hist., V, 16.
(12) Fillion, Comment. sur S. Matthieu, p. 455. - C'est à propos de cette intervention divine contre le projet de Julien l'Apostat et des Juifs, que S. Chrysostome a prononcé ces mémorables paroles que tous les siècles justifieront « Tant il est vrai que comme personne ne peut détruire ce que Jésus-Christ a édifié, personne aussi ne peut réédifier ce qu'il détruit. Il a établi l'Église, et personne ne pourra jamais la détruire ; il a détruit le Temple, et personne ne pourra jamais le rétablir. » (Chrysost. Homil. cont. Judæos.)
(13) Matth., XXIV, 2.