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CHAPITRE V


 


QUELLE EUT ÉTÉ, SELON TOUTES PROBABILITÉS,

LA SOLUTION ADOPTÉE PAR LOUIS XVI DANS L'ENTREPRISE

DE L'ÉMANCIPATION DES ISRAÉLITES

EN SUPPOSANT QUE LA RÉVOLUTION NE FUT PAS VENUE

INTERROMPRE ET USURPER L'ENTREPRISE ROYALE.




I. Le philosophisme de Malesherbes tempéré par le catholicisme de Louis XVI. - II. La solution eût été dictée par le souffle chrétien, et par conséquent l'émancipation eût été graduelle. Preuves tirées : 1° de l'esprit circonspect de la monarchie ; 2° de la sage conduite de Louis XVI ; 3° de l'opinion publique à cette époque ; 4° de l'aveu des historiens juifs. - III. En quoi eût consisté, très probablement, cette émancipation graduelle des israélites. - IV. Comment elle eût été, à la fois, très avantageuse pour la France chrétienne, et très honorable pour les israélites.



I


Louis XVI a entrepris, avant la Révolution, la réhabilitation sociale des israélites. Le premier, il les a aimés. Nous l'avons abondamment prouvé.

Mais en quoi eût consisté pour les israélites cette réhabilitation, en supposant que le règne de Louis XVI n'eût pas été interrompu par la Révolution, et que la question juive eût trouvé sa solution sous la monarchie ? Cette solution eût-elle ressemblé à celle qu'adoptera plus tard l'Assemblée constituante en 1791 ? Et peut-on augurer ce que Malesherbes eût réussi à faire accepter au monarque en faveur de ses clients, s'il eût pu conduire jusqu'au bout l'entreprise dont le bon Roi l'avait chargé ? L'histoire ne peut enregistrer que des probabilités. Mais si l'on prend la peine d'examiner attentivement les personnages, leurs actes, les soucis qu'ils avaient de leur responsabilité, les exigences de l'esprit public à cette époque, bref, si l'on refait soigneusement le milieu historique, il advient que ces probabilités confinent à la certitude.

Pour ce qui concerne Malesherbes, il ne faut pas oublier qu'il était philosophe plutôt que chrétien au moment où il s'occupait du sort des israélites avec la commission du Conseil d'État. Évidemment, sa philanthropie l'eût incliné à présenter au Roi une solution plus humanitaire que chrétienne. Nous ne croyons pas cependant qu'il l'eût osé. Il aurait heurté l'esprit public qui n'était pas encore assez favorable aux juifs. Les idées d'humanité travaillaient sans doute les esprits ; mais pour tout le monde les juifs continuaient à n'être pas des hommes comme les autres. II restait trop, de christianisme dans les mœurs et dans les lois, trop d'aversion entre chrétiens et juifs, pour que le ministre se permît l'initiative hardie, blessante, d'une solution purement humanitaire, en vertu de laquelle les juifs fussent devenus légalement, et du premier coup, les égaux des chrétiens. Il est donc à peu près certain que, dans cette question encore nébuleuse mais toujours irritante au premier chef, le philosophisme de Malesherbes se fût subordonné au catholicisme de Louis XVI. Mais le Roi, qu'eût-il décidé ?



II



Deux modes d'émancipation sont en présence, nous les avons énoncés et développés au chapitre des Difficultés :

L'émancipation graduelle,

L'émancipation complète et immédiate.

La première devra consister à initier, peu à peu, aux devoirs et aux droits du citoyen ces hommes qui n'ont jamais été mêlés à la société, neufs quoique vieux comme le monde, et pleins de préjugés. Il y aura pour eux un apprentissage de la liberté et de l'égalité. Ils monteront comme par degrés jusqu'à l'exercice plein de la vie civile. Le législateur fera, de la qualité parfaite de citoyen, une récompense pour l'accomplissement des premiers devoirs sociaux.

Le second mode d'émancipation devra, au contraire, consister à supprimer tous les intermédiaires, à déclarer sur-le-champ le juif citoyen parfait, à lui dire : « Désormais tu es à la société, et la société est à toi. »

De ces deux modes d'émancipation lequel eût choisi Louis XVI ?

On peut affirmer sans hésiter que le monarque chrétien se fût arrêté au premier parti. Il eut décrété une émancipation large et généreuse, mais contenue et graduelle. Nous croyons qu'il eût tendu la main aux israélites en leur disant : « Devenez mes enfants, mais laissez-moi ménager toutes choses. »

Qu'est-ce qui le prouve ?

D'abord l'esprit tout à la fois chrétien et circonspect de la monarchie. Père vigilant du peuple chrétien, un roi de France, - surtout si ce roi s'appelle Louis XVI, - eût cherché, en se montrant miséricordieux et libéral envers les juifs, à ne pas compromettre les intérêts du peuple catholique. Sa magnanimité eût été clairvoyante. En voulant adopter les juifs comme enfants, il se fût bien gardé d'amoindrir ou d'exposer à un péril la situation de ses autres enfants chrétiens, doublement chers à son cœur parce qu'ils l'étaient aussi à l'Église. Or il y avait péril manifeste pour les intérêts du peuple chrétien dans une émancipation des juifs complète du premier coup, sans garanties, sans précautions, sans apprentissage. Il n'y en avait pas dans l'émancipation graduelle. Le roi de France l'eût adoptée.

Une deuxième preuve de l'option dont nous parlons est fournie par la sage conduite de Louis XVI à leur égard, et par la publication des Lettres patentes de 1784. De quelle manière, en effet, a procédé le Roi ? Graduellement. Il a d'abord aboli le droit de péage, qui les assimilait aux bêtes de somme. Puis il a fixé leur séjour en France et élargi leur cercle d'activité, par les Lettres patentes de 1784. Enfin, par le projet confié à Malesherbes, il se dispose à les initier, mais graduellement encore, à tous les avantages de la vie civile.

« Il nous paraît évident que Louis XVI n'a pas eu la pensée de les admettre tout d'un coup dans la communauté des droits civils, et d'effacer toutes les garanties qu'il avait posées lui-même dans ses Lettres patentes de 1784.... Il est permis de penser qu'il aurait accompli l'émancipation graduelle. Avant de livrer entièrement les juifs aux épreuves de la liberté civile et politique, il les aurait maintenus sans doute dans un régime de préparation et d'initiation, faisant des services rendus à la patrie et à la société la condition de l'admission dans la communauté des citoyens (1). »

Mais voici une autre preuve, très forte, convaincante : la décision de l'opinion publique, qui venait, en cette grave affaire, appuyer la prudence de la Couronne. En effet, en même temps que s'élaborait au Conseil d'État la question de l'émancipation des israélites, la Société royale des sciences et arts de Metz la mettait au concours. De différents points de la France, des mémoires furent envoyés à Metz. Nous les avons lus attentivement. Or tous ceux qui sont en faveur de l'émancipation la veulent graduelle. Nous nous contenterons de citer le plus célèbre d'entre eux, celui de l'abbé Grégoire, qui obtint la palme académique. Il termine son ouvrage par ce chapitre : Chap. XXVI : Nécessité de préparer à cette révolution les juifs et les chrétiens ; temps nécessaire pour l'opérer. Nous en détachons les réflexions suivantes :

«.... Sur cette matière de la réforme des juifs, j'ai toujours pensé qu'il faudrait commencer par instruire et préparer le public avant de publier des lois..... La réforme des juifs n'est pas, à la vérité, l'ouvrage d'un moment, car on sait qu'en général la marche de la raison, comme celle de la mer, n'est sensible qu'après des siècles ; mais, quoiqu’ordinairement les révolutions morales soient fort lentes, celle-ci sera plus rapide...... Nous aimons à croire que deux générations suffiraient pour cette réforme, car tout concourt à l'opérer (2). »

Le mémoire de l'abbé Grégoire fut couronné à Metz dans une séance publique et solennelle, tenue le 25 août 1788. Or, dans cette séance, le président, M. le Payen, secrétaire perpétuel de la Société royale des sciences et des arts, prononça également ces paroles significatives : « Le passage de l'état actuel des juifs à celui qu'on voudrait leur donner pour les rendre plus utiles et plus heureux, aurait besoin d'être preparé, ménagé avec un grand art (3). »

L'opinion publique s'était donc nettement prononcée pour l'émancipation graduelle. Il est fort probable, pour ne pas dire certain, que Louis XVI et son Conseil se fussent conformés à ce sentiment universel.

Enfin une dernière preuve se déduit des appréciations des auteurs juifs, postérieurs à la Révolution. Ils conviennent presque unanimement qu'ils avaient besoin de la Révolution pour échapper à l'émancipation graduelle. Tel est le sentiment de Graetz dans son Histoire des juifs, d'Halphen dans le Recueil des lois concernant les israélites, de Bédarride dans l'Histoire des juifs de France, et de tous les rédacteurs des Archives israélites et de 1'Univers israélite.

Donc, probabilité qui confine vraiment à la certitude : l'édit de Louis XVI faisant suite au travail de Malesherbes, s'il avait pu être porté, eût accordé aux israélites une émancipation graduelle.



III



Mais, en supposant l'édit promulgué par le Roi et enregistré au Bulletin des lois, quelle eût été la condition faite aux israélites ; en d'autres termes, en quoi eût consisté pour eux cette émancipation graduelle ?

La gradation eût, assurément, porté sur les personnes et sur les fonctions civiles.

Il est fort probable, en effet, que les juifs n'eussent pas été appelés tous à la fois, en masse, au bienfait du nouveau régime. Les plus dignes eussent été appelés les premiers. Il existe, un document très curieux à l'appui de cette probabilité : des lettres de naturalisation accordées par le Roi à deux israélites du pays messin, pour services, signalé rendus à la Lorraine durant la guerre d'Allemagne, et durant la disette qui désola cette province (4). Ces lettres de munificence royale portent la date de 1787, précisément l'année où la question juive est mise à l'étude. Il s'y trouve ces paroles significatives : « Nous jugeons les sieurs Hayem et Cerf-Worms susceptibles de la même faveur que les sieurs Calmer, Cerf-Beer, Hombert, Lallemant, Jacob de Perpignan et Lévy, particuliers de leur religion, auxquels il a été accordé des Lettres patentes qui leur assurent en France tous les privilèges dont y jouissent les régnicoles. » Si l'on y prend garde, ce document nomme et appelle huit israélites et leurs familles aux bienfaits de la vie civile dont jouissent les autres habitants du royaume. N'est-ce pas une preuve que, dans la pensée du monarque, il y avait, sinon un dessein bien arrêté, du moins une idée de dignité, de gradation des personnes, à laquelle il était bien aise de soumettre l'émancipation juive ? Il lui paraît sage de récompenser et de favoriser un certain nombre de particuliers, avant la totalité de la nation : comme les gouttes de pluie qui, tombant d'abord une à une, annoncent l'ondée bienfaisante ! Si l'on se rappelle et si l'on place à côté de ce document l'irritation profonde de l'Alsace pressurée alors par les juifs (que nous avons décrite au livre Ier), on est autorisé à conclure que jamais Louis XVI n'eût consenti à porter à son comble l'exaspération de l'Alsace en y émancipant tous les juifs à la fois.

Outre les personnes, la gradation eût, également, concerné les fonctions civiles. Nous ne croyons pas que l'édit de Louis XVI eût permis aux israélites l'occupation indistincte de tous les postes, de toutes les administrations. Il est assez difficile de déterminer quelle eût été la réserve. Les documents qui en parlent présentent divers projets assez vagues. En résumant leurs observations, et surtout en tenant compte des dispositions bienveillantes, mais chrétiennes, de Louis XVI, on augure que l'émancipation aurait pu être ceci :

Reconnaître aux juifs le droit d'habiter et même d'être acquéreurs partout, sur le territoire ;

Leur ouvrir toutes les écoles, les rangs de l'armée, mais réserver les grandes fonctions et dignités de l'État ;

Leur laisser libre l'entrée de toutes les carrières libérales, par exemple le barreau, la médecine ; mais leur interdire soigneusement celles où la conscience chrétienne et l'esprit chrétien doivent manifestement et officiellement apparaître et s'affirmer, par exemple la magistrature et l'enseignement.

Tel eût été, au moins pour un certain temps, le modus vivendi des israélites et des chrétiens. Honorable pour les uns, il eût été tutélaire pour les autres. L'opinion publique l'approuvait, le réclamait. Tout porte à croire que l'édit de Louis XVI l'eût exprimé et consacré.



IV



Tutélaire pour les chrétiens, honorable pour les israélites : est-il bien vrai que tels eussent été les résultats de cet édit ?

Tout ce qui se fait avec poids, nombre et mesure, présente des garanties, prospère, et se traduit en résultats heureux. L'émancipation graduelle et pondérée, comme la projetait Louis XVI, présentait ces garanties, promettait ces résultats, c'est incontestable.

Elle était tutélaire pour les chrétiens. En effet :

A. En premier lieu, les agissements des juifs n'échappaient pas au contrôle. Ils y échapperont à la faveur d'une liberté illimitée. La trace de ce qu'ils feront à dater de la Révolution, quoique dans le siècle de la plus grande publicité, se perdra, en quelque sorte, se dissimulera, grâce à la foule dont ils feront partie ; et tout à coup, sans que le public puisse s'expliquer comment, ils apparaîtront les maîtres de la société. Le Rhin présente un phénomène auquel on a souvent comparé la vitalité juive. Il coule longtemps à découvert, majestueux, puis disparaît, semble perdu, et vers son embouchure reparaît avec une abondance multipliée. L'activité juive, dont les moindres détails étaient connus dans les siècles antérieurs, parce qu'elle était circonscrite et surveillée, se dissimulera, se perdra, à partir de 1791, à la faveur d'une liberté illimitée, et, tout à coup reparaissant, elle primera tout. Le projet de Louis XVI empêchait cet inconvénient : il maintenait l'activité des israélites dans un lit plus large sans doute que par le passé, mais à découvert et endigué.

B. En second lieu, les grandes fonctions de l'État, celles où le caractère chrétien doit nécessairement se

montrer, étaient placées en dehors de leurs atteintes, de leur concours. C'était sagesse, c'était justice, puisque la France était une nation très chrétienne. Avec cette précaution, alors même que la plus grande latitude leur eût été laissée pour les autres carrières libérales, pour toutes les professions. commerciales et industrielles, même pour l'acquisition libre de la propriété, la fortune publique était sauvée. Si l'édit que préparait Louis XVI eût vu le jour, jamais le pays n'eût été réduit à pousser ce cri sourd de regret et de désespoir qui se fera entendre un siècle après : « La France, a eu tort de ne pas se garer de ceux qui ont mis la fortune publique en coupe réglée et qui nous ont tellement infusé de leur âpreté métallique, que je ne sache pas que nous mourrions d'un autre mal (5). »

C. En troisième lieu, le temple de la justice était sauvegardé, puisque sur un siège de magistrat, sous un crucifix, jamais un juif n'aurait pu s'asseoir. La véritable justice exige l'ombre de la Croix, ou elle n'est plus la justice. Ainsi le démontre et le veut la loi de l'histoire, depuis le Calvaire.

Voilà de quelle manière le projet d'émancipation graduelle, pondérée, en préparation sous les yeux de Louis XVI, était tutélaire pour la France chrétienne.

D'autre part, cependant, il traitait les israélites avec honneur.

En effet :

A. En premier lieu, ils pouvaient monter et se mouvoir suffisamment, au moins dans les débuts de cette ère nouvelle, puisque toutes les professions industrielles et un grand nombre de carrières libérales s'ouvraient devant eux. N'étaient exceptées que celles qui touchaient immédiatement à l'essence de la société chrétienne et française. Eux-mêmes, du reste, n'ambitionnaient pas davantage à cette époque, nous l'avons déjà fait remarquer ; quelques-uns sans doute, les avancés, les meneurs, demandaient « le plus possible » ; mais la plupart souhaitaient, murmuraient tout bas : « le moins possible. » Pourquoi ? parce qu'ils redoutaient les devoirs de la vie civile, encore plus qu'ils n'en appréciaient les avantages ; c'est toujours l'effet d'une longue servitude ! Ils redoutaient aussi de se trouver mêlés à ces terribles populations de l'Alsace qui, de leur côté, disaient tout haut : « Arrière ! pas de contact avec ces usuriers. » L'inconnu faisait peur à ces hommes parqués à l'écart, à ces vieux talmudistes, à ces trafiquants et brocanteurs qui n'étaient rassurés qu'entre eux et dans leurs ruelles. Que de motifs pour ne s'avancer qu'avec précaution et à pas bien comptés dans cette émancipation qu'on leur proposait ! La plupart se fussent volontiers contentés du droit de devenir francs propriétaires, et eussent fait bon marché de tout le reste de l'émancipation.

B. En second lieu, avec le projet de Louis XVI, leurs vertus morales eussent été excitées à se développer, puisque l'admission dans la communauté des citoyens eût été la récompense, très facilement accordée, du reste, de leurs nouveaux devoirs et de leurs services patriotiques. On ne doit jamais se plaindre que la liberté elle-même ait des degrés, quand ces degrés sont au profit de la vertu. Toutes les maisons d'éducation sont assises sur ce principe. Un peuple, relégué à l'écart depuis des siècles, n'a pu éviter de contracter des vices inhérents à son état d'ilotisme, vices qui ne se dissiperont point par le fait de portes ouvertes à deux battants dans la société, mais par le bienfait de l'éducation. L'apprentissage de la liberté par l'édit de Louis XVI et été pour lui l'excitation aux vertus qui lui manquaient. La riche nature israélite se prête à la manifestation de l'héroïsme autant qu'à l'acquisition des richesses. Conduite avec intelligence, l'émancipation graduelle eût fait entrer dans la société française moins d'adorateurs du veau d'or et plus de Machabées !

C. En troisième lieu, le retour des israélites à l'Église catholique eût été encouragé. C'est là la grande affaire ! Mais, dira-t-on, comment l'émancipation graduelle eût-elle produit cet encouragement ? Voici :

D'une part, les israélites entraient dans la belle société chrétienne et française, en vertu du décret d'émancipation ; d'autre part, ils étaient contraints de s'arrêter à une certaine limite, à cause de la conscience chrétienne qui n'était pas la leur : comme autrefois les Gentils pouvaient pénétrer et avancer jusqu'à la première terrasse du Temple de Jérusalem, mais ne devaient pas aller au delà (6). Cette limite eût, sans doute, irrité quelques-uns des nouveaux citoyens ; mais elle eût eu pour résultat meilleur de faire réfléchir et de stimuler le plus grand nombre.

Supposons, en effet, le règne de Louis XVI s'achevant majestueusement :

Les heureuses réformes si courageusement entreprises par le noble prince se continuent et s'étendent sans la mensongère coopération de la Révolution ;

Les lois sont soigneusement revisées ;

Les corvées sont abolies ;

L'égalité des impôts est établie ;

Le compte de l'état de finances est rendu public ;

Les croyances religieuses de chacun sont respectées, en même temps que l'Église est regardée comme reine ;

Les hôpitaux ont été organisés : chaque maladie a sa salle, chaque malade son lit ;

Le commerce et l'industrie fleurissent ;

Les carrières libérales et les administrations sont ouvertes à n'importe qui : ne demeurent réservées aux catholiques que les fonctions qui exigent absolument la manifestation de la conscience catholique

Enfin les États généraux s'ouvrent régulièrement, dans la paix et la concorde fraternelle de toutes les classes. La société française ressemble vraiment à la révolution pacifique des astres, et n'a nul besoin de révolution violente (7) !

C'est à ce moment que les israélites sont introduits dans la société comme nouveaux citoyens, avec sollicitude, mais aussi avec ménagement. Ils remercient, et ne sont pas étonnés de la limite : il y a une conscience publique catholique qui dirige le corps social, ils la reconnaissent ; ils comprennent la limite, et la respectent. Ils admirent le bel ordre, et en sont frappés. Dans les hôpitaux où ils peuvent être médecins, et où il y a des sœurs de charité qui accomplissent leurs ordonnances, ils se félicitent de leurs rapports avec ces anges. Dans les écoles publiques où ils peuvent s'asseoir, ils apprennent à connaître, avec saint Thomas d'Aquin, avec Newton, Bossuet, Malebranche, Corneille, Racine, les horizons que la foi a ouverts à l'esprit humain, et les ailes qu'elle lui donne. Ils comparent toutes ces ampleurs avec les défiances et les enseignements étroits de leurs rabbins. Ils réfléchissent : et à ces réflexions venant s'adjoindre la noble ambiton de franchir la limite, d'être comme tout le monde, immanquablement le branle est donné à leur conversion. Ce que nous écrivons là, avec l'émotion dans l'âme, n'est pas une utopie pieuse. Que d'israélites, prenant part discrètement à une belle fête religieuse dans un temple catholique, ont été remués, touchés, secrètement attirés au catholicisme ! Eh bien, si, à la fin du XVIIIe siècle, les fils d'Israël eussent été introduits avec discernement et discrétion dans une société comme la voulait et la préparait Louis XVI, l'effet sur eux eût été celui de l'intérieur d'une église étincelante de lumières et embaumée d'encens !

On objectera :

Au moyen âge, la. société leur offrait ce spectacle, et ils ne se sont pas convertis.

Nous répondons : On ne peut pas réclamer les mêmes effets de situations complètement différentes. Au moyen âge, les juifs contemplèrent de loin la société : elle les repoussait, et ils avaient pour elle des répugnances. À la fin du XVIIIe siècle, la société, au contraire, en vertu du progrès des temps, les invite à venir, et leurs répugnances commencent à tomber. C'est à ce moment qu'elle eût dû se montrer plus catholique que jamais, tant pour neutraliser l'influence antichrétienne des nouveaux citoyens qu'elle admettait que pour agir sur leur retour à la vérité. Alors eût été exercé, sur eux, un irrésistible ascendant, et se fût renouvelé, en leur faveur, un mystère de miséricorde : ascendant et mystère de miséricorde, dont les Gentils eux-mêmes furent l'objet dans l'ancien Temple de Jérusalem.

C'était le lendemain du jour des Rameaux, ou le Lundi saint ;

Les enfants du Temple rappelaient dans leurs jeux innocents la scène de la veille, en chantant : hosanna au Fils de David (8) ;

Des Gentils se trouvaient dans le parvis. Nous avons fait remarquer plus haut que le Temple avait une cour, une terrasse, où il était permis au Gentils de pénétrer et de se tenir : on l'appelait le parvis des Gentils. Des inscriptions en diverses langues leur interdisaient de passer outre, et une balustrade de pierre sculptée les arrêtait. C'était leur limite.

L'entrée triomphale du Messie dans la ville et le Temple de Jérusalem venait donc d'avoir lieu. Frappés de ce qu'ils avaient vu et entendu, des Gentils, des Grecs qui, au rapport de l'évangéliste saint Jean, se trouvaient alors dans le parvis des Gentils, s'approchèrent d'un des Apôtres et lui firent cette demande : Seigneur, nous souhaitons de voir Jésus (9). Ce fut une heure solennelle dans l'histoire du monde. Souhaiter de voir Jésus n'était-ce pas le désir de connaître la vérité, de monter dans la lumière, de se convertir ? À ce moment, les anges durent chanter l'abrogation de la limite. Quelques mois après, les foules de la gentilité entraient dans l'Église de Dieu !

Quelque chose d'analogue se fût passé (c'est notre conviction intime), si l'émancipation graduelle des israélites se fût accomplie au milieu d'une société profondément chrétienne, d'une société harmonieuse, bien ordonnée, chantant l'hosanna à son Christ en même temps que compatissante envers les égarés. Frappés du bel ordre, les israélites, introduits jusqu'à une certaine limite, eussent réfléchi. De leur cour fût sortie, un jour, la demande des Gentils, modifiée d'une manière touchante : « Nous souhaitons de revoir Jésus ! »

Ce revoir est annoncé (10). La Révolution le retardera.




CHAPITRE VI



LA RÉVOLUTION S'EMPARE DE L'ENTREPRISE

DE L'ÉMANCIPATION DES ISRAÉLITES COMMENCÉE PAR LOUIS XVI

ET VA LA DÉNATURER



I. La Révolution est une voleuse. - II. Parmi les choses volées se trouve le projet d'émancipation des israélites préparé par Louis XVI. - III. Elle va le dénaturer. Désormais le souffle du philosophisme, au lieu du souffle chrétien, conduira l'émancipation. L'Alsace, seule, comprit et signala le danger en 1790. - IV. Résultat aussi étrange qu'inattendu qui sortira lentement du cours de la Révolution : en réalité, la Révolution ne profitera qu'aux israélites. Dissolution graduelle des nations et prépondérance graduelle du peuple d'Israël. L'explication de cette gigantesque métamorphose demande une suite à cet ouvrage. - V. Dernière étape du peuple d'Israël annoncée par la Bible : elle doit être une royauté. Puisse le souvenir des bontés du roi Louis XVI s'y retrouver !



I



La Révolution est une voleuse !

Un des caractères de mépris que les Livres saints signalent dans le diable, c'est d'être un voleur. Alors que, sorti des mains de Dieu, il brillait sous le nom de Lucifer, le plus beau entre les anges, il chercha à dérober à Dieu sa gloire, en se déclarant son égal (11). Ensuite, dans l'Éden, il conseilla à Ève de porter la main sur le fruit qui ne lui appartenait pas.

Ce même rôle, il l'a continué depuis à travers tous les siècles de l'histoire, récidiviste à jamais endurci !

Durant les âges du paganisme, il se fit élever des autels et immoler des victimes, toujours pour dérober à Dieu sa gloire, car le sacrifice est le plus bel hommage à la Divinité. Les docteurs de l'Église l'ont nommé le singe de Dieu. Cette désignation est très expressive (12). Le diable, en effet, regarde ce que Dieu va faire, l'imite, et en même temps le vole. Tel un grand singe qui prendrait dans un parc royal les fruits du Roi !

Dans les âges chrétiens, cette habitude de dérober qui fait le fond de l'Esprit du mal n'est pas moins, évidente. Toutes les fois que, dans son amoureuse providence, l'Éternel a préparé un grand acte en faveur du véritable et beau progrès des siècles, en faveur de la civilisation et du salut des peuples, le démon l'a regardé, l'a imité et l'a volé. C'est ce qui est arrivé, par exemple, au XVIe siècle. L'Église, conduite par l'Esprit de Dieu, proclamait elle-même, à ce moment, la nécessité d'une reformation, dont le but était de faire disparaître soit les derniers vestiges de l'état de barbarie d'où les nations chrétiennes avaient été tirées, soit les désordres et les abus qui avaient pu s'introduire durant la féconde période des Croisades. Saint Bernard, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix prêchaient déjà cette réformation au fond des monastères, ; et le saint Concile de Trente allait s'assembler pour l'appliquer à la maison de Dieu en premier, puis à tout le corps social. Mais voici qu'un fils de feu paraît, Luther : inspiré par le diable, il dérobe l'idée et le projet qu'avait l'Église, accomplit dans l'incendie et le sang ce que l'Église commençait à accomplir dans la pénitence et les saintes larmes, et fait oublier ou empêche d'apercevoir la réformation, en établissant la Réforme. Fille du diable, la Réforme a été une voleuse.

Il en est de même de la Révolution. Elle a débuté par des vols, qu'elle continue. Le comte de Maistre lui a imprimé au front un stigmate qui l'a fait bondir mais qui lui est resté : « La Révolution a un caractère satanique. » Satanique, elle n'a su que prendre, et dénaturer les choses volées. Elle a volé tout ce que Louis XVI préparait de bon et d'utile pour les peuples, pour le progrès, pour le bonheur des générations à venir. Le Roi avait mis à l'étude des plans de réorganisation politique, de réformation sociale, il les étudiait soigneusement, sincèrement : la Révolution est venue les soustraire. Le maudit singe s'est introduit dans le parc de Versailles !

On a voulu, avec de très bonnes intentions, expliquer et même légitimer la Révolution, en disant : « Qu'elle avait deux aspects et qu'elle portait sur deux pôles : un pôle négatif, mais aussi un pôle positif ou affirmatif : celui de la destruction, et celui de l'édification. » C'est une dangereuse manière d'expliquer la Révolution.

Oui, sans doute, on peut dire que la Révolution a deux aspects, deux pôles ; mais il faut soigneusement ajouter : Le positif, c'est ce qu'elle a volé au Roi ; le négatif, c'est ce qu'elle a trouvé dans son propre fonds de malice.

En effet, la Révolution s'est comportée en politique exactement comme le protestantisme en religion. Le protestantisme présente, lui aussi, dans sa constitution, ainsi que l'a démontré par une savante et inimitable analyse le philosophe Balmès, du positif mêlé à du négatif. Mais le positif, c'est ce que la Réforme a volé à l'Église, lambeaux de vérités évangéliques, restes de justice évangélique, de charité évangélique qui expliquent pourquoi le protestantisme dure encore ; il vit de ce qu'il a emporté. Le négatif, c'est ce qui lui appartient en propre : la séparation, le vide, la mort, qu'il a promenées parmi les âmes et parmi les peuples.

Ainsi en est-il de la Révolution. Le positif ou ce qui est bon, par exemple les idées d'égalité devant la loi, de fraternité universelle, de liberté individuelle, l'Évangile les avait apportées au monde, et Louis XVI les méditait précisément dans son cabinet de Versailles et cherchait à les faire pénétrer davantage dans les formes politiques de la France, lorsque la Révolution est venue les lui voler. Le négatif, ou ce qui est mal, l'anarchie, le despotisme, les ruines, voilà ce qui appartient en propre à la Révolution, et ce qu'elle produit à l'aide des saintes idées de liberté, d'égalité, de fraternité, volées et dénaturées.

Tel est notre jugement sur la Révolution. On a dit d'elle dans un trop beau langage : « Son nom est sur toutes les lèvres, objet de terreur et de haine pour les uns, d'admiration et de culte pour les autres. Le Nil a vu ses soldats, le Tage et le Borysthène ont entendu le bruit de sa marche, et plus loin, son bras s'est étendu des vallées des Andes aux plages immobiles où Confucius croyait avoir enchaîné pour toujours l'âme des générations. Le monde est debout, et ceux-là même qui sont encore assis pressentent que le flot montera jusqu'à eux, et que, selon la prophétie, d'un des premiers orateurs de cette gigantesque puissance, la Révolution fera le tour du globe (13). » Cette manière d'expliquer, de célébrer presque la Révolution, prouve qu'on a été frappé des rayons de lumière qui l'environnent : mais ces rayons ne lui appartiennent nullement, pas plus qu'ils n'appartiennent à l'Ange des ténèbres qui s'en enveloppe (14). Nous croyons être davantage dans le vrai en disant, en ne cessant de dire : C'est une voleuse, - à qui, malheureusement, on laissera faire le tour du globe !

Cette accusation de vol, nous sommes autorisé, pour notre part, à la formuler avec plus de force, si nous considérons ce qui s'est passé à propos du projet de réformation qui concernait les israélites.



II



En effet, si nous résumons, pièces en mains, tout ce que nous savons maintenant des bontés de Louis XVI à l'égard des israélites, l'équité ne doit-elle pas nous faire tenir le langage suivant :


Voilà un prince qui, ayant trouvé, au commencement de son règne, les israélites arrêtés aux portes des villes pour payer un impôt qui les assimilait aux bêtes de somme, leur a dit : « Vous êtes des hommes, vous ne le payerez plus ; »

Un prince qui, attristé de leur état toujours incertain, de leurs courses sans cesse vagabondes, leur a dit par les Lettres patentes de 1784 : « Vous êtes mes enfants, résidez en paix dans mon royaume ; »

Un prince qui, ayant récompensé avec royale munificence les services du banquier juif Cerfbeer par des Lettres de naturalisation et même par des Lettres de noblesse (15), ne l'abandonne pas dans le conflit qui met ce juif aux prises avec la ville de Strasbourg tout entière ;

Un prince qui permet qu'on pose devant l'opinion publique, pour la première fois depuis la ruine de Jérusalem, la question de l'affranchissement politique ou de l'émancipation de la nation juive ;

Qui lui donne, pour mener à bonne fin cette entreprise, le plus libéral de ses ministres, le plus intègre des magistrats, le plus aimé des hommes, le cœur le plus dévoué au malheur : le vertueux Malesherbes ;

Un prince qui saisit le Conseil d'État de cette grave et délicate question ; qui prépare un édit où la sagesse s'entendra avec la miséricorde, et où les précautions et les ménagements s'allieront avec toutes les facilités possibles de la vie civile : parce que si Louis XVI est l'ami des pauvres juifs, le Roi de France est le père des peuples chrétiens et le gardien de leurs intérêts ;

Tout cela se prépare, s'étudie, se rédige, et puis tout à coup... survient la Révolution qui prend l'œuvre de Louis XVI et se l'approprie. Et l'on viendra dire que c'est la Révolution qui a pensé la première aux israélites ! Et l'on écrira qu'il fallait la Révolution pour les sortir de leur état de parias, et leur rendre l'honneur ! Mensonge historique, rapine révolutionnaire !

Une supposition :

On sait que, lorsque Moïse accomplissait ses grands travaux de délivrance en faveur du peuple de Dieu, Coré, Dathan et Abiron se révoltèrent contre lui dans le désert avec leurs nombreuses cohortes, et qu'ils furent engloutis tout vivants dans la terre qui s'enrtr'ouvrit sous leurs pieds à la voix de Moïse. Or, si au lieu de l'abîme qui s'entr'ouvrit et les dévora, leur révolution avait réussi, n'est-il pas à croire que l'Esprit de mensonge eût eu l'audace de faire enregistrer dans l'histoire que la sortie d'Égypte leur appartenait, et non à Moïse ?... En France, hélas ! la terre s'entr'ouvre sous le trône brisé et sous le sang répandu du plus vertueux des. monarques, et l'histoire, livrée aux mille mains du mensonge, enregistre qu'à la Révolution apppartient l'affranchissement des israélites... Oh non ! c'est bien le roi Louis XVI qui a préparé toutes choses pour qu'Israël sortit de la maison de servitude, de la fournaise de fer (16) !

Il n'y a pas de jouissance plus pure pour l'historien que de faire cesser une erreur qui s'était accréditée depuis longtemps, surtout lorsque cette erreur était en même temps une injustice : nous éprouvons cette jouissance.

Un jour viendra où l'histoire retrouvera, elle aussi, la liberté après laquelle toute créature asservie soupire ; et, secouant les pages de mensonges, elle reprendra son cours naturel sous la plume des enfants de Dieu. Elle groupera, certainement, dans une synthèse rayonnante et attendrissante, les bienfaits dont la France et l'humanité furent redevables à Louis XVI. Ce sera l'écrin du Roi-Martyr. Puissent alors les documents de ce livre mériter que dans l'écrin, à côté des autres bienfaits, brille aussi l'entreprise de l'émancipation des israélites ! C'est un diamant aux feux palestiniens, que nous restituons, au nom de l'histoire mieux étudiée, à la Couronne de France !



III



Mais, si telle a été la grande et belle part de Louis XVI dans l'émancipation du peuple d'Israël, quel va être le rôle de la Révolution par rapport à cette émancipation ?

Hélas ! ce rôle :

De même qu'une voleuse démarque et dénature un objet volé, pour mieux se l'approprier, ainsi se comportera la Révolution. Elle va dénaturer l'entreprise de l'émancipation des juifs commencée par Louis XVI pour se l'approprier et s'en servir.

Et comment s'y prendra-t-elle pour la dénaturer ?

En substituant au souffle chrétien, qui animait le projet de Louis XVI, le souffle du philosophisme et d'une philanthropie incroyante.

Désormais, le philosophisme conduira et développera, à sa guise, l'émancipation des juifs. Le plan satanique triomphe. Si, au IIIe livre de cet ouvrage, nous avons apporté tant de soins à discerner et à préciser les éléments du philosophisme et de son souffle empoisonné, c'était pour mieux conclure ici ce que va devenir l'émancipation avec un pareil guide. Voilà donc un souffle imprégné et composé :

Des haines et des baves de Voltaire ;

Des hypocrisies de Rousseau ;

De l'athéisme de l'Encyclopédie ;

Des tolérances et des souillures des salons français ;

Des complaisances royales du Joséphisme ;

Des insinuations perfides de l'égoïsme anglais ;

Et de tous les poisons occultes de la maçonnerie ;

Voilà le souffle qui va devenir, en France d'abord, et ensuite dans le monde entier, l'inspirateur et le propagateur de l'émancipation des juifs : on peut prévoir ce que sera cette émancipation, et ce qui en sortira. Pour mieux dire et parler clairement, c'est l'apostasie qui va ouvrir aux juifs les portes et les avenues de la société chrétienne.

La conscience publique, encore chrétienne à la fin du siècle dernier, en éprouva une sorte de malaise extrême et comme un cauchemar terrible ; Les traces en sont restées dans un soulèvement de l'Alsace. À l'homme qui éprouve le symptôme du cauchemar, il semble qu'un poids énorme est placé sur sa poitrine, qu'un fantôme le poursuit, qu'il se forme sous ses pas un précipice : et il fait des efforts inutiles pour se soustraire au danger qui le menace. L'Alsace fit ces efforts inutiles. Ce pays, en effet, pressuré par les juifs, les avait en horreur. Lorsque Louis XVI songea à leur émancipation et nomma d'office Malesherbes pour s'en occuper, l'Alsace demeura attentive et observatrice : elle savait bien que l'héritier de Louis XIV ne sacrifierait pas les intérêts de sa bonne province d'Alsace, et que le fils de saint Louis ne sacrifierait pas les intérêts du peuple chrétien. Mais lorsque la Révolution vint se substituer à Louis XVI et poursuivre l'émancipation commencée, l'Alsace entière frémit et se souleva. Ses rudes et franches populations sentaient parfaitement que le souffle du philosophisme, remplaçant le souffle chrétien, allait dénaturer l'entreprise royale et la rendre dangereuse. L'irritation fut si vive, que l'Assemblée nationale de 1790 se vit contraint de faire un décret pour mettre sous sa protection la vie et les biens des juifs. Voici le décret (16 avril 1790) :


L'Assemblée nationale met les juifs de l'Alsace et des autres provinces du Royaume sous la sauvegarde de la Loi ; défend à toutes personnes d'attenter à leur sûreté ; ordonne aux Municipalités et aux gardes nationales de protéger, de tout leur pouvoir, leurs personnes et leurs propriétés.


L'Alsace, seule, vit clair quand le projet d'émancipation passa des mains de Louis XVI en celles de la Révolution !

La Fable raconte cette fiction. Lorsque le Soleil donna à Phaéton son char à conduire, il lui dit : « Si vous montez trop haut, vous brûlerez la demeure céleste ; si vous descendez trop bas, vous réduirez la terre en cendres : tenez-vous entre les deux (17). »

Le projet de Louis XVI était cet entre-deux. Il ne laissait plus les pauvres juifs dans la fournaise de fer, où ils avaient tant souffert et expié pendant des siècles. Mais, d'autre part, il prenait des précautions pour qu'en entrant dans la société chrétienne ils n'y fussent pas des éléments dangereux. La Révolution, elle, les précipitera, tête baissée, dans cette société, où ils contribueront, par maladresse autant que par préjugés contre le christianisme, à l'immense incendie qui va envelopper les Nations chrétiennes.



IV



Les résultats alors seront aussi étranges qu'inattendus.

La Révolution, en effet, qui a un caractère satanique, copie et singe, avons-nous dit, la manière de faire du Tout-Puissant. Or il est écrit dans la Bible que la puissance créatrice, au commencement, se jouait dans la formation du globe (18). La Révolution, qui s'est annoncée comme devant tout renouveler, tout recréer, tout recommencer, parodiera cette aisance créatrice, en faisant, elle aussi, le tour du globe.

Mais elle a un autre jeu particulièrement redoutable, calqué toujours sur l'action divine :

En effet, il est encore écrit que le Seigneur se plaît à appeler souvent les êtres les plus humbles, les plus méprisés, les plus voisins de la boue, pour les placers avec les princes : il a choisi les faibles pour confondre les puissants ; il a choisi ce qui n'était rien pour confondre et détruire ce qui est (19). Il a renversé les grands de leurs trônes, et il a élevé les petits (20). Or la Révolution fera de même : elle déplacera les puissants et les princes pour les mettre en bas, et mettra en haut non seulement le peuple, mais le bas peuple, la populace. Ce jeu de la Révolution, on l'appellera d'un nom caractéristique : l'avènement successif des nouvelles couches sociales. En cela, elle accomplira un mouvement circulaire de prodigieuse puissance, puisque ce qui était en bas montera en haut, et que ce qui était en haut descendra en bas. Le genre humain, au paradis terrestre, était sorti du limon de la terre : la Révolution s'est promis de l'y retremper ! Tout ce qu'il y a de plus bourbeux, de plus abject, non seulement le limon, mais le fumier, pourra être élu et acclamé comme instrument de régénération : jeu satanique !

Or, entre les diverses couches sociales dont l'ascension va commencer, nulle n'avait autant d'affinités et ne se confondait mieux avec le limon de la terre que la méprisée race juive. On marchait sur elle. Les vils juifs, disait-on, ils sont le rebut et la lie du genre humain ! Mais voici que, de par la Révolution, cette race, cette lie va se mettre à gravir ; elle monte, monte... et tandis qu'elle monte, tous les peuples chrétiens, et avec eux la civilisation chrétienne, se mettent à descendre. Spectacle sans précédent ! il est, de la part du rival de Dieu, la revanche d'une prophétie et d'un juge ment de Moïse :

Sur le point de mourir, Moïse avait annoncé au peuple d'Israël : Si vous écoutez la voix du Seigneur notre Dieu, le Seigneur vous placera à la tête des peuples, et non à la queue... que si vous ne voulez point écouter la voix du Seigneur votre Dieu, vous serez le jouet et la fable de tous les peuples, ils seront à la tête, et vous serez à la queue (21). Longtemps chéri du ciel et comblé de ses faveurs, Israel avait été à la tête du genre humain ; mais, depuis qu'il avait refusé d'écouter le Christ, voix du Seigneur son Dieu, il avait passé à la queue, et telle était sa place depuis bientôt deux mille ans ! La Révolution vient faire cesser cet ordre de choses. Avec une hardiesse satanique, elle casse le jugement de Moïse : les peuples chrétiens passeront à la queue, et le peuple juif montera à la tête !

Par une sorte d'ironie, la Révolution prendra son temps pour accomplir cette métamorphose maîtresse, ce semble, du temps comme de l'espace. La monarchie, si elle et continué à diriger l'émancipation des juifs, l'eût accomplie, avons-nous vu, graduellement, pour ne rien brusquer, ne rien compromettre. La Révolution commencera par faire le contraire : les israélites, en France, seront émancipés du premier coup. Mais, une fois l'émancipation proclamée, la Révolution prendra tout son temps pour accomplir la métamorphose que nous signalons, sûre qu'elle se croit du résultat. Elle amènera graduellement, lentement, savamment, ce double changement, figuré par la tête et la queue : la dissolution des nations chrétiennes et la prépondérance du peuple juif.

Hélas ! au moment où nous traçons ces ligne, ce n'est plus au futur qu'il faut parler de ces choses : elles se développent et se poursuivent sous nos yeux.

Mais comment un si étrange renversement des choses a-t-il pu s'établir et devenir une situation presque universelle ?

En vertu de quels principes le peuple juif s'est-il mis à monter, et les nations chrétiennes, à descendre ?

Et par quelle série d'événements cela s'est-il perpétré ? On l'ignore presque généralement.

Les populations, en France et ailleurs, ont perdu la mémoire. On dirait qu'elles ont bu à la coupe d'assoupissement. Est-ce l'effet des passions ? elles ôtent la mémoire, aux peuples comme aux individus. Est-ce un châtiment ? Fasse le ciel que ce ne soit ni l'un ni l'autre, et que cette ignorance ait pour cause le tourbillon révolutionnaire, qui fatigue l'esprit et empêche la réflexion. Lorsqu'on réfléchira, la Révolution sera près de finir. Une des dernières paroles de l'infortuné Louis XVI dans la prison du Temple a été celle-ci :

Le peuple rendra justice à ma mémoire quand il saura la vérité, quand il aura recouvré la liberté de se montrer juste ; mais, hélas ! jusqu'à ce temps, il sera bien malheureux (22). Notre ambition, comme aussi la plus douce récompense qui puisse nous arriver, serait d'avoir contribué un peu, par les documents et les réflexions de ce livre, à l'apparition de cette vérité dont l'âme du généreux monarque avait soif, moins pour la justification de sa mémoire que pour la cessation des malheurs de son peuple. Cette vérité, en ce qui concerne la question juive, nous avons tâché de la faire connaître, soit en rappelant la vraie situation des juifs à travers le moyen âge, soit en révélant les intentions si magnanimes et si prudentes de Louis XVI à leur égard. Il resterait à la faire briller à l'égard de l'étrange situation qui entraîne les nations chrétiennes en bas, et le peuple juif en haut. Si la divine Providence daigne nous en accorder la grâce, la force et le temps, nous achèverons cette tâche ; si elle préfère nous donner un continuateur, nous bénissons d'avance la plume qui fera mieux que nous.



V



La vérité historique dans la question juive est d'autant plus importante qu'elle est appelée à servir les desseins de la Vérité éternelle, annoncés dans les Écritures. La Vérité éternelle a dit, par la bouche du prophète Osée : « Les enfants d'Israël seront, pendant un long temps, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel : et après cela, ils reviendront ET ILS CHERCHERONT LE SEIGNEUR LEUR DIEU, ET DAVID LEUR ROI (23). »

La monarchie est donc la dernière étape du peuple d'Israël : ils chercheront David leur roi.

Les divines Écritures précisent même les circonstances qui serviront à faire prendre, aux enfants d'Israël, cette résolution.

Eu effet, le prophète Azarias, au IIme livre des Paralipomènes, énonce d'abord des paroles presque semblables à celles du prophète Osée : il s'écoulera un temps très long, pendant lequel les enfants d'Israël seront comme séparés du vrai Dieu, sans prêtre, sans docteur et sans loi.

Puis il ajoute :

Mais lorsque, DANS L'EXCÈS DE LEURS MAUX, ils reviendront au Seigneur Dieu d'Israël et qu'ils le chercheront, ILS LE TROUVERONT. DANS CE TEMPS-LA, ON NE POURRA PAS ALLER ET VENIR SUREMENT. LA TERREUR SERA DE TOUTES PARTS PARMI LES HABITANTS DE LA. TERRE. Une nation se soulèvera contre une nation, et une ville contre une ville, parce que le Seigneur les réduira à l'extrémité (24)..

Il y a un certain nombre de prophéties bibliques transparentes, tant elles laissent apercevoir les événements qu'elles annoncent : celle-là n'en est-elle pas une ? Elle annonce que, lorsque les restes d'Israël souhaiteront de revenir sous le sceptre du Fils de David et le chercheront, ils y seront poussés par l'excès de leurs maux ; et qu'en ce temps-là il régnera une telle terreur, qu'on ne pourra pas aller et venir sûrement. Pareille prédiction justifie bien ce que nous avons signalé (au chapitre IV du IIIe Livre) à propos du plan de l'Enfer : que parallèlement à la dissolution des nations chrétiennes, l'Enfer poursuit, à l'aide de l'émancipation telle que le philosophisme l'a réalisée, la perversion et la perdition des restes d'Israël. Les juifs dominent maintenant, et il est à présumer qu'ils croîtront en puissance, jusqu'à ce qu'un plus fort qu'eux vienne les dominer, exigeant d'eux non pas tant l'abandon de leurs richesses que l'abandon de leurs croyances (25). N'y a-t-il pas déjà un indice avant-coureur de cette exigence dans le radicalisme et l'athéisme qui, en favorisant l'antique haine des juifs contre l'Église, les menacent eux-mêmes dans leurs croyances patriarcales et sinaïques ? Vienne ce plus fort, vienne cette exigeance, et la volte-face des israélites, indignes, en faveur de la Vérité, s'explique ; mais s'expliquent également et l'excès des maux qui les attend, et leur souhait de retrouver le sceptre du Fils de David... Ne cherchons pas à pénétrer au delà de ces prévisions autorisées par l'Écriture et par les plus célèbres commentateurs, les secrets de l'avenir. Ce qui est certain, indubitable, comme étant inscrit clairement dans les pages de la Bible, c'est qu'une royauté, voulue de Dieu, sera la dernière étape du peuple d'Israël. La Révolution n'est donc pas un état stable, elle n'est qu'un moyen que le Tout-Puissant a permis, comme il permet l'ouragan et la tempête, et dont il se sert. La Révolution ne constitue pas, pour la société, un horizon, elle n'est qu'un tunnel. L'horizon qui attend la société de l'autre côté du tunnel sera la royauté du Fils de David : ils chercheront David leur roi, et ils le trouveront !

Dans un mémoire adressé à l'empereur de Russie en 1818, se trouve cette parole : « Israël est une nation royale (26). » Remarque aussi juste que consolante !

Dans toutes les phases, en effet, de son existence, dans toutes sans exception, le peuple d'Israël, qu'il l'ait voulu ou non, a dépendu de la monarchie : cercle d'honneur qui enserrait ses actes ! Depuis la sortie d'Égypte jusqu'à la fin du temps des Juges, ce fut le Seigneur lui-même qui fut son roi : privilège que lui avait valu la foi de ses pères, mais dont le peuple se lassa ;

Il demanda alors à Samuel de lui choisir un roi semblable à celui des autres nations. Le Seigneur en fut d'abord attristé, car il dit à Samuel : C'est moi qu'ils ont rejeté ; puis il ajouta : Faites ce qu'ils vous demandent et établissez un roi pour les gouverner (27). La royauté semblable à celle des autres nations fut donc établie en Israël ; et le Seigneur, qui restait fidèle à son peuple volage, annonça que le Messie promis à toute la race humaine sortirait de la maison royale de David ;

Cette maison compta vingt-huit générations qui se succédèrent, puis le Messie parut ;

Lorsqu’au pied du prétoire de Ponce-Pilate le peuple le rejeta, ce fut encore, au nom de la royauté (toujours semblable, hélas ! à celle des autres Nations) qu'il commit sa faute : Nous ne voulons pas d'autre roi que César (28) ;

Dispersé à tous les vents et sur toutes les plages, Israël resta prisonnier de l'idée royale jusque dans son châtiment. Durant les dix-neuf siècles, en effet, de l'ère chrétienne, toutes les phases par lesquelles a passé ce peuple, exils, rappels, confiscations, faveurs, en un mot tous les changements effectués dans son état soit en bien soit en mal, tous, ont été invariablement le résultat de mandements d'Empereurs et de Rois...

Enfin, lorsque les jours de miséricorde se lèvent sur les restes de ce peuple, jours de miséricorde qui seront d'abord son émancipation vile, préface, il faut bien l'espérer ! de son émancipation religieuse ou de sa conversion, - c'est le roi Louis XVI qui prépare l'émancipation civile.

O Israël, cher Israël, tu as donc été, en toutes les phases de ton existence, une nation royale, satellite, volontaire ou forcé, de la monarchie. Cela étant, les, plus dévoués de tes fils qui espèrent en tes destinées, ne sauraient mieux faire que de souhaiter qu'ils se hâtent d'arriver, ces temps, où, géant de lumière et d'amour, tu parcourras ton étape la plus glorieuse en recherchant le Fils de David, en le trouvant, et en le faisant reconnaître comme Roi par l'humanité étonnée et tremblante !

En ce temps-là, puisse le souvenir du bon roi Louis XVI recevoir, au-dessous du Fils de David, la reconnaissance qui lui est due ! Il subsiste deux reliques précieuses sur lesquelles nous avons eu le bonheur de presser nos lèvres suppliantes, pour commencer la réparation :

À Rome, dans la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem, une partie du titre de la Croix, Jésus de Nazareth Roi des juifs ;

À Paris, dans la bibliothèque des archives nationales, le parchemin signé de Louis XVI qui annonce et prescrit que, puisque les juifs sont des hommes, ils ne payeront plus à l'entrée des villes l'impôt qui les assimilait aux bêtes de somme.

De ces deux précieux monuments, le dernier a rendu l'honneur aux fils d'Israël et a préparé leur entrée dans la société civile ; le premier leur rendra la foi, et sera leur titre d'introduction dans l'Église de Dieu. L'un et l'autre, nous les avons couverts de nos embrassements les plus tendres. Puissent beaucoup d'enfants d'Israël y trouver, comme nous, les jouissances du repentir et de la reconnaissance


 

FIN





(1) Les Juifs de France, par Hallez, p. 165 et p. 144.

(2) Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs, chap. XXVI.

(3) Affiches des Évêchés et Lorraine. Année 1788, n° 35, p. 275, col. 1.

(4) Lettres patentes du Roi qui assurent en France aux sieurs Hayem et Cerf. Worms tous les droits dont y jouissent les régnicoles, donnée, à Versailles au mois de juillet 1787 (citées par les Archives israélites, janvier 1884, p. 30-31).

(5) Le journal l'Étendard et la question juive, numéro du 11 octobre 1884.

(6) Le plateau de Moriah, où s'élevait le Temple de Jérusalem, offrait aux regards une suite de trois terrasses étagées. Le Temple couronnait la plus haute et dominait de son faîte doré toute la ville. La terrasse inférieure enveloppait les deux autres, et formait une cour appelée le parvis des Gentils. Des portiques fermaient l'enceinte : tous d'une égale magnificence, car leurs colonnes de marbre blanc étaient d'un seul morceau et hautes de vingt-cinq coudées. Il était permis aux Gentils de pénétrer dans cette première cour, mais des inscriptions en diverses langues leur interdisaient de passer outre, et une balustrade de pierre sculptée les arrêtait.

Au delà de cette barrière, une seconde terrasse, haute de vingt coudées, était réservée aux juifs et portait le nom de parvis des israélites. De la seconde enceinte une dernière rampe de quinze marches montait à la plateforme supérieure, où les lévites seuls pénétraient.

« Sur cette troisième terrasse se trouvait d'abord l'autel des holocaustes, au milieu d'une cour appelée le parvis des Prêtres, puis le Temple construit de marbre blanc...» (JOSÈPHE. - Ds VOGUÉ, le Temple de Jérusalem.)

(7) On peut consulter l'ouvrage de M. Semichon, les Réformes sous Louis XVI, pour comprendre et regretter tout le bien qui se préparait.

(8) SAINT MATTHIEU, XXI, 15, 16.

(9) SAINT JEAN, XII, 20-36.

(10) Je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais, jusqu'à ce que vous disiez : Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur. SAINT MATTHIEU, XXIII, 39.

(11) Voilà pourquoi saint Paul dit que le Christ s'humilia et s'anéantit le plus possible en se faisant homme, afin de ne pas exercer une rapine en se considérant comme l'égal de Dieu. Guns in forma Dei esset, non rapinam arbitratus est esse se æqualem Deo ; sed semetipsum exinanivit, formam servi accipiens (Épître aux Philippiens, II, 6, 7).

(12) « Ce maudit singe du Verbe incarné se faisait offrir des sacrifices, et traiter de Dieu ; il avait même ses oracles, comme sur l'arche Dieu prenait plaisir à rendre les siens ; et il tenait le genre humain dans le plus affreux esclavage. » OLIER, Mémoires, t. III, p. 474.

(13) LACORDAIRE, Discours sur la loi de l'histoire.

(14) Saint Paul n'a-t-il pas dit que « Satan se déguise en bon ange, en ange de lumière » ? (II Cor. XI, 14.)

(15) Cerfbeer était seigneur de Tomblaine. (L'Ancien Régime dans la province de Lorraine, par l'abbé MATHIEU, p. 233. Paris 1879. - Univers israélite, p. 287, année 1883.) - Les deux pères Théodore et Alphonse RATISBONNE, fondateurs de l'Œuvre de Notre-Dame de Sion, étaient petits-fils de Cerfbeer. L'un d'eux confirme, dans une notice devenue célèbre, ce fait d'un litre de noblesse conféré par Louis XVI à Cerfbeer. « Les chrétiens, dit il, aussi bien que les juifs, ont béni le nom de mon grand-père, le seul juif qui, sous Louis XVI, obtint, non seulement le droit de posséder des propriétés à Strasbourg, mais encore des titres de noblesse. » (Annales de Notre-Dame de Sion en Terre-Sainte, n° 29, p. 133.) - Ces deux saints personnages, Théodore et Alphonse Ratisbonne, avec lesquels nous avons eu la consolation d'avoir des rapports intimes, nous ont raconté bien des fois combien leur aïeul était vénéré des prêtres, des religieux, pour sa grande bonté. Il en cacha plusieurs durant la Terreur. Aussi, nous ferons remarquer au lecteur cette touchante coïncidence : la Providence s'est servi de CERFBEER pour préparer l'entrée des israélites dans la société civile ; puis elle s'est servi de ses deux petits-fils, les frères RATISBONNE, pour fonder l' Œuvre de Notre-Dame de Sion, et préparer ainsi l'entrée des israélites dans l'Église de Dieu.

(16) Le Seigneur vous a tirés de l'Égypte comme d'une fournaise de fer. (DEUTER., IV, 20).

(17) Phaéton, selon la Fable, était fils d'Apollon, le dieu du soleil, et de Climène, fille de Jupiter. Épaphus lui ayant soutenu qu'il n'était pas fils d'Apollon, il alla demander à ce dieu la permission d'éclairer le monde pendant un jour seulement, en conduisant son char. Vainement Apollon essaya de le détourner d'une entreprise aussi difficile. Phaéton persista, dirigea mal les chevaux du soleil, et, s'étant trop approché de la terre, commença à l'incendier. Jupiter, irrité, prévint un embrasement général en le foudroyant.

(18) Proverbes, VIII, 31, 31.

(19) Ire Épître aux Corinth., r, 27, 28.

(20) SAINT LUC, I, 52.

(21) DEUTÉRONOME, XXVIII, 13, 37, 44.

(22) LOUIS XVI, par M. de Beauchesne, t. I, p. 460.

(23) OSÉE, III, 4, 5.

(24) IIe Livre des Paralipomènes, XV, 3.6.

(25) L'Évangile dit : Lorsque LE FORT ARMÉ garde sa maison, tout ce qu'il possède est en paix. Mais s'il survient UN PLUS FORT que lui qui le surmonte, il lui enlèvera toutes ses armes dans lesquelles il mettait sa confiance, et il partagera ses dépouilles. (SAINT LUC, XI, 21, 22.) - Les juifs sont, à cette heure, LE FORT ARMÉ. Mais vienne UN PLUS FORT qu'eux ?...

(26) Mémoire sur l'état des israélites, dédié et présenté à Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, dans le Congrès d'Aix-la-Chapelle, en 1818, par Lewis Vay, p. 17

(27) 1er Livre des Rois, VIII, 7, 22.

(28) SAINT JEAN, XIX, 15.