CHAPITRE XII


D'OU VIENT QUE L'ON DONNE LE NOM D'ANGES
DE NOTRE HIERARCHIE

Argument. -

1. On recherche pourquoi le prêtre est nommé par un prophète l'Ange du seigneur tout puissant, quand il est certain que la perfection des supérieurs ne se trouve pas dans les inférieurs.
2. On répond  que les inférieurs, quoiqu'ils n'égalent pas la perfection des supérieurs, les imitent, leurs ressemblent par quelque endroit, remplissent des fonctions analogues aux leurs, et peuvent recevoir leur nom.
3. On confirme la justesse de cette solution en observant que les anges et les hommes sont quelques fois appelés Dieux.

I. Ceux qui s'appliquent à la méditation de nos profonds oracles adressent encore cette question : s'il est vrai que l'inférieur ne partage pas entièrement les qualités du supérieur, pourquoi dans les saintes Ecritures nos pontifes sont-ils appelés anges du seigneur tout-puissant (1) ?

II. Or cette parole ne semble point opposée à nos précédentes assertions; car, si la perfection des premiers ordres ne se trouve pas chez les derniers dans toute son excellence, néanmoins elle leur est communiquée en partie, et, selon le degré de leur capacité, par la loi de cette universelle harmonie qui unit si intimement toutes choses. Par exemple, les chérubins jouissent sans doute d'une sagesse et d'une connaissance merveilleuses; mais les esprits inférieurs participent aussi à la sagesse et à la connaissance, d'une façon moins sublime, il est vrai, et moins abondamment, parce qu'ils sont moins dignes. Ainsi le don de la connaissance et de la sagesse est commun à toutes les intelligences célestes; mais ce qui est propre à chacune d'elles, ce qui est déterminé par leur nature respective, c'est de recevoir le bienfait divin immédiatement et en premier lieu, ou bien médiatement et en degré inférieur. Et l'on ne se trompe pas, en appliquant ce même principe à tous les esprits angéliques; car, comme dans les premiers brillent éminemment les augustes attributs des derniers, de même ceux-ci possèdent les qualités de ceux-là, toutefois avec moins d'excellence et de perfection. Il n'est donc pas absurde, comme on voit, que la théologie donne le nom d'anges aux pontifes de notre hiérarchie, puisque, en la mesure de leurs forces, ils s'associent au ministère des anges par la fonction d'enseigner, et, autant qu'il est permis à l'humanité, s'élèvent jusqu'à leur ressemblance par l'interprétation des sacrés mystères.

III. Bien plus, vous pouvez savoir qu'on appelle dieux les natures célestes qui sont au-dessus de nous, et même les pieux et saints personnages qui ornent nos rangs, quoique la souveraine et mystérieuse essence de Dieu soit absolument incommunicable et supérieure à tout, et quoique rien ne puisse avec justesse et en rigueur lui être réputé semblable. Mais quand la créature, soit purement spirituelle, soit raisonnable, essayant avec ardeur de s'unir à son principe, et aspirant sans cesse et de toutes ses forces aux lumières célestes, parvient à imiter Dieu , si ce mot n'est pas trop hardi, alors la créature reçoit glorieusement le nom sacré de Dieu.



(1) Malach., 2, 7.- Apoc., 2.