LA LUMIERE INTERIEURE

Chapitre II

    La vie de l'esprit peut s'organiser sur plus d'un plan à la fois. A l'avant, nous serons peut-être occupés à réfléchir, à discuter, à examiner, à calculer, à faire face à toutes les exigences des affaires temporelles, tandis qu'en même temps, derrière la scène, à un niveau plus profond, nous pourrons être joyeusement en prière et en adoration, et nous maintenir dans un état de paisible réceptivité au souffle de l'Esprit divin. Aujourd'hui le monde séculier ne prise et ne cultive que le premier de ces plans, persuadés que c'est à ce niveau que se traitent les affaires sérieuses de l'humanité ; il méprise la culture de l'autre plan, ou bien il en sourit avec une indifférence tolérante, la qualifiant de passe-temps pour les oisifs, de vestige d'antiques superstitions, de distraction convenant à certains genres de tempéraments. Mais les hommes qui ont une véritable culture religieuse savent que le niveau profond, celui de la prière et du service de Dieu, est ce qu'il y a de plus important au monde. C'est à ce niveau-là que la véritable tâche de la vie se décide. L'esprit séculier est un esprit limité et fragmentaire, il ne tient compte que d'une partie de la nature de l'homme ; il néglige le côté le plus noble de ses capacités et de ses ressources. L'esprit religieux, au contraire, embrasse l'homme tout entier et place ses relations avec le temps dans leur véritable cadre, celui de l'Amour éternel. Il se tient toujours près des sources divines de puissance créatrice. Dans son humilité, il connaît des joies durables et une paix assurée, absolument inaccessibles à l'esprit séculier. Il exploite des ressources et des forces qui font rayonner et triompher les individus, et qui enseignent la tolérance aux groupes en unissant leurs membres dans une sollicitude réciproque ; il est en outre porté à s'extérioriser dans une vie de travail incessant.

    D'un niveau à l'autre, des échanges fructueux ont lieu, mais il faut toujours accorder la primauté au niveau profond, où l'âme habite perpétuellement en la présence du Très-Saint. C'est là que l'être vraiment religieux apporte tous les problèmes qui concernent le niveau superficiel, afin de les examiner à la Lumière, de les étudier devant la Présence divine : il les voit alors - il voit l'univers des hommes et des choses - sous un jour nouveau qui bouleverse tout, et il se comporte à leur égard de façon spontanée, simple et directe, avec amour et avec foi. Un fait est un fait, même lorsqu'on le soumet à la Présence divine, dans les profondeurs de l'âme, mais son importance et sa signification en sont complètement transformées. Ce que nous prenions pour du blé peut n'être que de la vulgaire paille, tandis que la paille souvent se révèle blé. S'agit-il de puissances imposantes ? Elles ne font point partie de la Vie divine, elles s'écrouleront. De causes perdues ? Si Dieu est pour elles, qui pourrait être contre elles ? D'un avenir qui semblait raisonnable et attrayant ? A la Lumière, et sur le plan de la Vie dynamique, il s'efface ou se précise. De souffrances tragiques ? Dieu les connaît : animés de sa tendresse, nous nous pencherons sur ceux qui souffrent, nous agirons en leur faveur. D'incurables débauchés ? Ce sont des enfants de Dieu, l'objet de sa sollicitude et de la nôtre. Des lois inexorables de la nature ? Elles forment une base solide pour la reconstruction divine. Du passereau qui tombe à terre ? L'amour du Père ne l'abandonne point. Et la foi et l'espérance et l'amour de toutes choses naissent dans l'âme lorsque nous nous habituons à soumettre tout, et à nous soumettre nous-mêmes, à la Lumière intérieure, à regarder humblement toutes choses, comme à travers l'oeil de Dieu, même si nous ne devions les voir qu'imparfaitement, comme au travers d'un verre.

    Cependant le niveau superficiel de notre esprit agit aussi sur le niveau profond - celui de la Présence divine immédiate, de la prière et de la communion intérieure. Il nous fournit les objets de la sollicitude divine, " la matière concrète de notre devoir ", comme l'appelle Fichte. Il nous fournit les formes culturelles de notre groupe, qui sont a la fois les agents régénérateurs et les objets régénérés : notre langage, nos symboles, notre tradition et notre histoire. Il fournit au mystique les métaphores - même celles de la Lumière, de la Semence, du Sanctuaire - au moyen desquelles il cherche à communiquer à d'autres les trésors de la Présence de Dieu et de sa puissance. Il fournit à la réflexion les outils grâce auxquels l'expérience de l'éternité peut être incorporée au tissu du temps et de la pensée. Mais les systèmes de théologie, les symboles, les professions de foi, bien qu'inévitables, sont provisoires : ils deviennent caducs, tandis que le grand courant de la Vie divine traverse perpétuellement les âmes humaines, leur apportant de nouvelles révélations, les renouvelant par sa puissance créatrice. C'est à cette Vie divine qu'il faut nous attacher, c'est dans ce courant qu'il faut nous plonger. Dans ce Centre stable et cependant dynamique, nous devenons un, malgré les différences superficielles de nos formules et de notre culture. Car la consécration et l'adoration - et non la réflexion et la théorie - sont l'âme de la vie religieuse.

    Comment nous saisir de cette Vie et nous emparer de cette Force ? Comment vivre en prière incessante ? En continuant tranquillement et sans nous lasser à tourner notre être tout entier, jour et nuit, par la prière, l'adoration intérieure et le don de nous-même, vers Celui dont nous percevons l'appel du plus profond de notre âme. Il faut donner à notre esprit l'habitude d'une orientation intérieure. Après des semaines, des mois et des années de pratique, entremêlées de défaillances, de chutes et de repentirs, l'habitude de nous tourner intérieurement et secrètement vers Dieu deviendra relativement régulière. C'est aussi simple que l'affirme le Frère Laurent (1), mais il nous faudra peut-être beaucoup de temps pour arriver à la régularité. Commencez aujourd'hui, en lisant ces mots, assis dans votre fauteuil ; offrez-vous tout entier, sans réserve, en un calme et joyeux abandon, à Celui qui est en vous. Emerveillés, pleins d'humilité, tournez-vous avec de secrètes exclamations de louange, vers la Lumière, même si vous n'en apercevez que de faibles lueurs. Maintenez le contact avec le monde extérieur, le monde sensible, car nous ne voulons pas cultiver la rêverie et la distraction. Mais, derrière la scène, vivez dans la prière confiante et dans l'adoration muette. Que la prière intérieure soit votre dernier acte avant de vous endormir et le premier à votre réveil. Alors, au bout d'un certain temps, vous vous apercevrez comme le Frère Laurent que "ceux dont la voile est gonflée au souffle du Saint-Esprit avancent, même en dormant ".

    Si les premiers jours, les premières semaines, les premiers mois sont difficiles et douloureux, la récompense est grande. Ils sont difficiles parce qu'à ce premier degré il faut une vigilance de tous les instants, des efforts persévérants, des actes de volonté réitérés. Ils sont douloureux parce que nos défaillances sont alors si fréquentes et nos moments d'oubli si longs. La récompense est grande parce que nous nous apercevons que nous avons commencé à vivre. Mais des semaines et des mois, qui pourront même devenir des années, devront être traversés avant que Dieu nous accorde la grâce de nous appuyer plus fermement et plus aisément sur Lui.

    Nos défaillances et nos oublis sont si fréquents ! Notre entourage nous intéresse de plus en plus, et nos occupations sont si absorbantes ! Mais lorsque vous vous prendrez de nouveau en flagrant délit d'infidélité, ne perdez pas votre temps à vous accuser : demandez pardon par une prière silencieuse et recommencez ; repartez de l'endroit où vous vous trouvez. Offrez à Dieu cette adoration brisée et dites-Lui : "Voilà ce que je suis, si Tu ne viens à mon aide". Ne vous laissez point décourager, revenez tout simplement à Lui et demeurez en sa Présence, à attendre.

    Au début, la pratique de la prière intérieure est faite d'alternances, l'attention se porte tantôt sur les choses extérieures, tantôt sur la Lumière intérieure et chacune de ces préoccupations chasse l'autre. Or, ce qu'on cherche, ce n'est pas l'alternance, c'est la simultanéité ; il faut que l'adoration soit à l'arrière-plan à chaque instant de la vie, et que la prière vivante devienne un courant continu au fond de toute la vie. Mais une longue pratique est indispensable pour que l'alternance cède la place à la continuité dans les deux domaines à la fois. On demeure longtemps sans faire de nouveaux progrès et nombreux sont ceux qui se lassent et qui renoncent, se résignant à l'alternance sous prétexte qu'ils ne peuvent faire mieux. Sans doute, même si la communion n'est qu'intermittente, Dieu, dans sa grâce, nous accorde ses dons, et allume en nous une flamme qui dépasse de beaucoup nos succès et nos mérites. Mais celui qui s'est donné à Dieu a soif d'une communion ininterrompue, d'une adoration continue, et nous pouvons être sûrs que Dieu désire ardemment que nous y arrivions sûrs qu'Il supplée à notre faiblesse. Car l'initiative vient de Lui : c'est à l'aide de sa tendresse et de sa puissance que nous poursuivons notre recherche et c'est à sa grâce que nous devons son achèvement.

    La première trace de simultanéité s'aperçoit lorsque, revenant d'un long oubli, on a l'impression de n'avoir pas complètement oublié Dieu. On dirait que quelque chose, ayant persisté en nous sous une forme estompée et atténuée, reprend vie et vigueur. Il ne s'agit pas de renouer un lien brisé, mais plutôt de ranimer une impression qui durait mais qui s'était affaiblie. Le courant de l'amour divin nous portait encore, mais nous nous laissions aller au fil de l'eau, tandis que maintenant nous nageons. C'est comme l'arrière-plan d'un tableau qui s'étend derrière un arbre placé au premier plan. Non seulement nous savons par l'intelligence que l'arrière-plan a une étendue ininterrompue, mais nous en faisons l'expérience esthétique. Ou encore, c'est comme lorsqu'on s'éveille et qu'on a conscience, non par raisonnement mais de façon immédiate, d'avoir continué de vivre en dormant. Se préoccuper uniquement du monde, c'est sommeiller en effet ; on vit pourtant, parce qu'on est plongé en Dieu.

    Les moments de simultanéité naissante et de prière continue peuvent être sujets à des fluctuations : ils peuvent pâlir pendant de longues périodes, puis se ranimer avec une glorieuse puissance. Et nous apprenons à nous soumettre à la discipline intérieure du retrait des dons de Dieu, car si le moindre soupçon d'orgueil spirituel nous a effleurés à cause de nos progrès dans la vie de prière, il est bon qu'Il nous humilie jusqu'à ce que nous devenions plus dignes de sa confiance. Lorsque nous commençons à pratiquer la prière intérieure, nous sommes persuadés que cela vient de nous, que nous créons nos habitudes par notre volonté, mais une expérience plus mure, nous donne le sentiment d'être soutenus et enseignés, purifiés et disciplinés, simplifiés et rendus dociles à sa sainte volonté, par une force qui était en nous et qui nous attendait. Car Dieu Lui-même agit dans le tréfonds de notre âme et Il prend de plus en plus la direction de notre vie, au fur et à mesure que nous consentons à Le laisser accomplir son œuvre en nous. Nous cessons alors de nous comporter comme si c'était à nous de commander et à Dieu d'écouter, et nous prêtons joyeusement l'oreille à la voix du Maître, qui fait bien tout ce qu'Il fait.

    Pourvu que nous soyons fidèles à l'écouter, il n'y a pas lieu de nous tourmenter s'Il ne nous introduit que lentement dans son intimité. S'Il nous donne de plus en plus le sentiment de sa Présence, nous l'en remercierons tranquillement. S'Il nous maintient longtemps à l'étape de l'alternance, nous le remercierons de son amour et de sa sagesse, et nous attendrons qu'Il nous conduise d'étape en étape lorsque nous y serons préparés. Car nous ne pouvons pas Lui faire violence. Il faut que l'homme adulte devienne semblable à un petit enfant et qu'il ait confiance en son Père, lors même qu'il ne le comprend pas.

    Toutefois, Dieu accorde à quelques-uns une stabilité étonnante en Lui, une vie à peu près ininterrompue d'humble et paisible adoration en sa Présence, dans les profondeurs de leur être, jour et nuit, été comme hiver, que le soleil brille ou que le ciel s'assombrisse, Il est avec nous, Il est notre Défenseur. Et nous sommes avec Lui, entourés de sa tendresse, sereins et apaisés, comme des enfants au Paradis avant la chute, marchant avec Lui dans le jardin à la chaleur du jour aussi bien qu'à la fraîcheur du soir. Il ne s'agit pas d'extase, mais de sérénité, d'une assurance inébranlable, d'une orientation invariable de la vie. Nous sommes devenus ce que Fox appelait des " hommes établis ".

    De telles personnes ne se trouvent pas uniquement parmi les saints canonisés par l'Eglise. Elles sont les " John Woolman " d'aujourd'hui. Il y en a parmi les ménagères et les ouvriers, les artisans et les instituteurs, les savants et les ignorants, chez les noirs et chez les blancs, chez les pauvres et chez les riches. Elles existent partout. Heureuse l'Eglise, qui en compte parmi ses membres ! Elles peuvent ne pas être très connues, ne pas faire partie de comités d'entr'aide, ne jamais monter en chaire pour prêcher. Vous ne les trouverez point parmi les gens qui sont fiers de leur savoir, car elles ne confondent pas la connaissance de la théologie et de l'histoire de l'Eglise avec la consécration à Dieu et une vie passée dans le sanctuaire intérieur. Ecartant tranquillement les formes extérieures, elles vivent en communion directe et immédiate avec Celui qui est la Lumière permanente derrière les formes variables, démontrant ainsi l'inanité de bien des oripeaux extérieurs de la religion. Elles ont découvert le secret du Nazaréen et, ne se contentant pas d'y donner leur adhésion intellectuelle, elles y ont souscrit dans l'action ; elles " marchent en nouveauté de vie ", dans la vaste fraternité de l'oraison perpétuelle.

    Pour parvenir au degré où l'âme, dans son tréfonds, a son habitation en Dieu, il n'existe pas de technique nouvelle. Les méthodes de la prière intérieure ne vont pas en se compliquant progressivement : au contraire, elles se simplifient. Pendant les premières semaines, nous commencerons par murmurer des paroles toutes simples. Nous emploierons des expressions spontanées  : " A Toi, à Toi seul ! " Ou bien nous adopterons une citation des Psaumes : "Mon âme soupire après Toi, ô Dieu ". Répétons-les à maintes reprises, à voix basse. Car, au début, la collaboration consciente de l'esprit à son niveau superficiel est nécessaire, jusqu'à ce que la prière, descendue au deuxième niveau, devienne une habitude d'orientation divine. Variez les paroles, selon que vous y serez conduits, d'heure en heure, ou du matin à l'après-midi. Si vous vous égarez, revenez en arrière et recommencez. Mais il viendra un moment où l'expression verbale perdra de son importance, elle cédera le pas aux attitudes d'âme que vous cherchiez à exprimer par la parole, à l'attitude d'humble adoration, d'aspiration de tout l'être à Dieu pour que la Lumière brille jusqu'au fond de l'âme, chassant toutes les ténèbres ; elle cédera le pas aux attitudes qui rapprochent de Dieu, où l'on " se réfugie à l'abri de ses ailes " ; à l'attitude d'étonnement et d'émerveillement devant sa gloire transcendante, au renoncement à soi, à la célébration intérieure de la Sainte-Cène, où l'âme se nourrit du Pain de Vie. Si l'on s'aperçoit à la longue que ces attitudes deviennent vagues et irréelles, qu'elles ne correspondent plus à rien de bien défini, il faut leur rendre leur vérité en revenant à l'expression verbale.

    Une plus longue pratique de la prière intérieure nous conduira à des élans plus durables de louange, et de soumission, à un silence au fond de soi à la fois détendu et attentif, à une habitude d'orientation muette de tout l'être vers Celui qui est le Foyer. La méthode devient alors beaucoup plus simple. De brefs regards, de tranquilles soupirs de soumission et d'invitation à Dieu, suffisent. Les moments consacrés volontairement à la prière s'insèrent dans le courant ininterrompu de paisible adoration qui coule sous toutes les heures, et ils l'enrichissent. Derrière le premier plan des paroles s'étend l'arrière-plan continu d'orientation céleste, et toutes les forces de notre être sont tendues vers Dieu. Traversant la lumière radieuse de la Présence divine, notre regard se fixe sur le monde et nous considérons son agitation et son inconstance ; il se peut qu'il nous soit donné de répondre mieux à ses besoins, d'y répondre même d'une façon qui rappellera de loin le Fils de l'homme.

    Nous nous imaginerons peut-être que ces profondeurs de prière sont le résultat de nos efforts, qu'elles sont comme un précipité d'habitudes acquises au niveau superficiel, précipité qui s'est déposé dans les régions sub-conscientes de notre être. Mais cette explication naturaliste ne tient pas compte de l'autonomie de la vie de prière. Elle néglige le fait que ce niveau intérieur a sa vie propre qui tire sa force non de nous, mais d'une Source divine. Nous connaissons des moments où la prière se répand en nous, en flots d'une abondance et d'une originalité telles que nous serions incapables nous-mêmes de leur donner naissance. Elle monte en nous comme une marée irrésistible. Nos prières se confondent avec une Parole plus vaste, avec la Parole qui autrefois " a été faite chair ". Nous prions, et pourtant ce n'est pas nous qui prions, c'est un plus grand que nous qui prie en nous. La conscience que nous avons de notre " moi " infime s'affaiblit, sans jamais se perdre complètement. Nous ne pouvons dire qu'une chose, c'est que la Prière a lieu et qu'il nous est donné de nous trouver dans son orbite. En silence, nous nous prosternons dans l'Eternité et nous sentons que la sollicitude divine nous enveloppe tendrement, et enveloppe toutes choses, de son amour persuasif. L'initiative humaine a fait place au consentement : c'est Dieu qui agit, et qui prie et qui cherche les siens par notre intermédiaire, en nous communiquant une vie dynamique infiniment précieuse. L'autonomie de la vie intérieure devient complète et nous sommes heureux d'être les instruments d'une Vie qui se répand dans le monde par le canal de ceux en qui Elle prie. Quelquefois, cette prière est " particularisée " et nous nous sentons poussés à prier pour certaines personnes ou certaines situations, avec une énergie calme ou tumultueuse qui, à la considérer subjectivement, nous paraît, absolument irrésistible. Quelquefois la prière, c'est-à-dire cette Vie qui coule en nous, s'étend à toutes les âmes parentes de la nôtre, les confiant au tendre soin de Dieu. Quelquefois elle s'étend au monde des luttes aveugles, et nous devenons des sortes de sauveurs cosmiques qui cherchent tous ceux qui sont perdus.

    Cette " prière infuse " ne nous est que rarement accordée dans toute son intensité. Mais quelque chose de son caractère autonome demeure en nous, non seulement comme le souvenir d'un moment où les sources de la créativité nous ont été révélées et où nous avons été emportés par leurs flots bouillonnants, mais comme la perception croissante de quelqu'un de plus grand que nous, qui agit puissamment par la persuasion au fond de notre âme et de toutes les âmes. Et nous avons l'assurance, née de notre expérience, que l'Action et la persuasion divines remplissent le monde, contraignant les hommes à se charger de leur croix. Animés d'une sainte vénération, nous sommes poussés une fois de plus " à nous tenir tout près des fraîches sources jaillissantes de la Vie ", nous sommes confondus par la révélation de la force mystérieuse à l'œuvre dans les profondeurs de l'être, chez tous les hommes et en nous-mêmes. Et nous acquérons de première main l'assurance que Celui " qui a commencé cette bonne œuvre en nous peut nous affermir en Lui ", qu'Il peut transformer l'intermittence et l'alternance, dans notre vie de prière intérieure, en simultanéité et en continuité


(1) Dans L'expérience de la présence de Dieu. (N. d. T.)