PROFESSION DE FOI
« Que le Christ t'élève par 
« ce qui le fait homme ; qu'il
« te guide par ce qui le fait
« homme-Dieu ; qu'Il te conduise
« à ce qui le fait Dieu. »
(St. Augustin, In Johann. Tr. XXIII, 6).
I

 


     Une Personne, dont le souvenir est agrégé depuis bientôt deux mille ans au coeur et à la pensée de l'humanité, a dit :
« Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » (Jean, XIV, 6).

     Nous ne nous réclamons pas d'une doctrine métaphysique, ni même d'une tradition religieuse. C'est de cette Personne, uniquernent et directement, que nous nous réclamons, parce que cette Personne, qui fut et qui reste désormais pour l'éternité divine et humaine à la fois, nous a montré, en la parcourant elle-même, la seule Voie qui mène au salut ; parce qu'elle est venue parmi nous pour rendre témoignage à la Vérité ; parce qu'en dehors d'elle il n'y a pas de Vie.

     « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ». (Jean, X V, 6).

II

     Une Personne est, sans doute, objet de connaissance ; mais elle est aussi et surtout objet d'amour, car on ne connaît vraiment une Personne que dans la mesure où l'on a découvert son coeur et pénétré clans son âme, et une pareille pénétration n'est possible que par l'amour et dans l'amour. Aussi plaçons-nous l'amour au-dessus de la connaissance, comme sa source, son principe et son fondement.
Certes, il n'y a pas d'amour sans connaissance mais cette connaissance n'est encore pour nous qu'une forme de l'amour : elle n'est pas comparable à la spéculation abstraite et purement théorique qu'élaborent la philosophie et même la théologie, que l'entendement réduit en concepts rigides et que l'écriture rédige en formules sèches et froides. C'est une connaissance savoureuse, où la méditation est imprégnée d'onction, où les obscurités même ne font qu'accroître l'intensité de notre désir amoureux.

     « Celui qui n'aime pas, n'a pas connu Dieu, car Dieu est Amour (Jean, IV, 8).
 


III

     Par suite, notre effort spirituel, ainsi dégagé de tout souci d'intellectualité pure, n'a pas pour fin ni même pour condition soit l'élaboration d'une doctrine d'ordre métaphysique ou d'ordre théologique, soit l'assimilation rationnelle d'une tradition religieuse. Il s'exerce avant tout et principalement à la pratique amoureuse des oeuvres de salut, dans l'obéissance filiale à des commandements, où la Personne à laquelle nous avons donné notre coeur et notre foi a enfermé le code définitif et immuable de nos devoirs envers Elle et envers nos frères.

     « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime ; et celui qui m'aime .sera aimé de mon.Père et moi je l'aimerai et je me manifesterai à lui. » (Jean, XIV, 21).

IV

     Ce que nous attendons, dès lors, de cette Personne, ce n'est pas principalement un enseignement, une doctrine, un système de pensées où s'alimente notre intelligence. Si la connaissance de certaines vérités est indispensable à notre vie spirituelle pour donner à son édification des assises inébranlables, le roc sur lequel sera construit le « château intérieur », ces vérités seront objet de foi et non pas de raison, parce qu'elles appartiennent à la Révélation et que, échappant par leur contenu propre à toutes les prises de l'entendement humain, elles n'ont pas d'autre garantie métaphysique que la parole même de Celui qui les a révélées.
 

     Mais comment pourrions-nous accorder à cette Parole l'adhésion de notre intelligence, si nous n'avions déjà donné à celui qui l'a proférée tout l'amour de notre coeur ? Notre foi à la Révélation, pour être une foi vivante et assurée, doit être une foi amoureuse en la Personne même qui nous l'a présentée ; c'est-à-dire que la connaissance de foi qui est incluse en notre vie spirituelle n'est pas proprement la connaissance d'une doctrine ou d'une tradition, mais bien plutôt la connaissance, dans l'amour et par l'amour que nous lui portons, d'une Personne dont nous :recevons avec une piété toute filiale et dans l'humilité de notre raison obéissante l'enseignement rédempteur.
 

     « Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il saura si ma doctrine est de Dieu. » (Jean, VII, 17).
 


V

     S'il est vrai, en effet, que la vie spirituelle ne procède pas de la connaissance, mais de l'amour et que, selon la belle formule d'un grand mystique hindou, le Sadhou Sundar Singh, « elle n'est pas une connaissance métaphysique, mais la consécration à une Personne, non la contemplation de la réalité, mais l'amour pour Celui qui sauve », c'est que cette Personne, s'incarnant parmi les hommes, est venue nous apporter bien moins un enseignement qu'un exemple.

     Sa doctrine est inséparable de sa vie, de ses souffrances et de sa mort ; et nous ne pourrons jamais comprendre sa doctrine, si nous n'avons commencé par imiter sa vie dans toute la mesure où nous sommes capables, avec sa grâce, de conformer nos intentions et nos jugements à ses intentions et à ses jugements, notre volonté et nos actes à sa volonté et à ses actes.

     Pour comprendre, il ne s'agit pas ici de faire appel à toute la dialectique subtile ou profonde de la raison humaine ; il suffit, mais il est nécessaire de se comporter comme Il s'est comporté, de vivre comme Il a vécu et, s'il le faut, de mourir comme Il est mort. « C'est, dit un mystique allemand du XIVe siècle, c'est à travers la Passion et les plaies amoureuses du Christ que coule la Sagesse du Père dans les coeurs altérés et tout brûlants d'amour. »

     « Que celui qui veut être mon disciple renonce à soi-même et qu'il prenne sa croix et me suive. » (Matth, XVI, 24)


VI

     Ce n'est pas de savoir, mais d'aimer qui délivre et affranchit, car c'est l'amour seul qui purifie et illumine et unit les âmes. C'est seulement dans la mesure où nous aurons aimé le Dieu qui est Amour et, sous l'inspiration de cet amour, conformé notre vie intérieure et extérieure à l'image de son Fils crucifié, que nous pourrons espérer en notre salut final.
     L'amour n'est donc pas seulement principe et fondement de la connaissance ; il est encore et avant tout source de rédemption et de bénédiction. Quelle doctrine métaphysique, quelle tradition religieuse eussent suffi à racheter de son péché l'humanité coupable d'avoir offensé la Majesté divine ? Il n'y a que l'amour qui soit rédempteur et, pour que la rédemption fût complète et définitive, l'amour a dû se donner lui-même tout entier et s'anéantir... usque ad panem.
     Une seule Personne était capable d'accomplir cette oeuvre unique, à laquelle était suspendu le sort éternel de tous les fils d'Adam, une Personne qui fût à la fois un Dieu, pour que l'expiation pût compenser l'offense, et un Homme pour que cette expiation fût valable pour tous les hommes.

     « Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que tout homme qui croit en Lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle » (Jean, III, 6).

VII

     Et Il est venu, pour que nous ayons la Vie (Jean,. X, 10).

     Que nous importent, dès lors, toutes les doctrines métaphysiques ou théologiques, toutes les philosophies, tous les systèmes, toutes les exégèses, tous les ésotérismes ! Que nous importent toutes les traditions religieuses, qu'elles nous viennent de la Chine ou de l'Inde, de la Perse ou de l'Égypte ! Nous possédons dans la Personne de Celui qui est venu, toute connaissance, toute doctrine, toute tradition, toute vie, parce que en Lui est contenue l'oeuvre totale et définitive de notre rédemption.

     Et la conséquence est inévitable : qui n'est pas avec Lui est contre Lui. Nous n'avons le choix qu'entre deux alternatives, et adopter l'une, c'est nécessairement, qu'on le veuille ou non, rejeter l'autre. Quiconque n'adhère pas à la thèse chrétienne appartient à la thèse antichrétienne ; et celle-ci, il ne faut pas se le dissimuler, n'est rien d'autre que la tradition luciférienne, puisque le péché de Lucifer a consisté précisément dans le refus d'adorer l'Image du Verbe incarné, présentée par le Père aux hommages de toutes les hiérarchies angéliques, et de s'incliner devant la Royauté du Christ.
    « Nul ne peut servir deux maîtres » (Matth, VI, 24)

VIII

     Nous retrouvons ici l'antique opposition qui mit aux prises dès l'origine des temps Caïn et Abel ; et, si la tradition caïnite, d'inspiration luciférienne, se maintient à travers les âges, sous des déguisements divers,jusqu'au temps même de la venue du Christ, où elle revêt alors, dans les sectes gnostiques, une apparence faussement chrétienne que les Apôtres d'abord (un St Paul et un St Jean), puis les Pères de l'Église n'ont pas manqué de dénoncer, nous la retrouvons aujourd'hui dans ces « centres spirituels » où, théosophes et occultistes d'Orient et d'Occident enseignent, sous le symbolisme obscur et mythique des « sciences secrètes », un athéisme et un matérialisme dont les Initiés et les Adeptes ont parfaitement conscience.
     Dès lors une option s'impose, qui va déterminer toute l'orientation de notre vie spirituelle et engager le sort de notre destinée finale il faut choisir :

le Christ ou l'antéchrist
le Roi des Rois ou le Roi du monde
la vie surnaturelle de la grâce dans la pénitence, la prière et l'amour, ou les pratiques de la théurgie et de la magie noire ; (1)
les abaissements de l'oraison dans le renoncement et la désappropriation, ou les exercices du Yoga dans l'exaltation de la volonté propre ;
l'abandon filial à la miséricorde divine, ou la confiance assurée en la seule vertu des puissances humaines ;
la sanctification de l'âme en Dieu par la foi et l'humilité, ou la divinisation de l'homme par lui-même dans la connaissance du Bien et du Mal
     « Vous ne mangerez pas du fruit de cet arbre et vous n'y toucherez pas, de peur que vous ne mourriez » -« Non, vous ne mourrez pas, mais, si vous en mangez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des Dieux. » (Genèse, III, 3-5).
 


IX

     NOTRE CHOIX EST FAIT ; et ce qui nous :l'impose, ce n'est point un caprice de notre volonté ou une fantaisie de notre raison abusée oui le hasard d'une impression, d'une lecture, d'une rencontre ; c'est l'expérience intérieure et immédiate du Christ présent et vivant en nous, du Christ spirituel intimement uni à notre âme dans l'effusion ineffable d'un amour où tout notre être, régénéré par le sang du Calvaire, renouvelé en sa substance même par la grâce de ce baptême divin et sanctifié désormais jusque dans ses fondements, est élevé à la vie surnaturelle et devient à son tour, un autre Christ.
Ne craignez point, mes frères ; la victoire nous appartient, car Celui qui a dit : « je suis la résurrection et la vie », Celui-là est en nous et « Il est plus grand que Celui qui est dans le monde ». (1,Jean, IV, 4).
 


QUE LA PAIX DU CHRIST SOIT AVEC VOUS !

GABRIEL HUAN.
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(1) Il n'y a pas de magie blanche.