PRÉLIMINAIRES



     A un certain moment du Temps, dans un lieu déterminé de l'Espace, un être humain est venu au monde . Il grandit, se développe, atteint la maturité, puis décline et meurt. A un autre moment du Temps, dans un autre lieu de l'Espace, un autre être humain naît pareillement, poursuit la même évolution ascendante, puis descendante, et disparaît à son tour. C'est la loi de tout ce qui vit ,de mourir. Et cela dure depuis qu'il y a des hommes sur la terre ; et cela durera tant qu'il y aura des hommes sur la terre.

     Mais contre cette loi inéluctable la conscience humaine se révolte. A quoi bon naître, si c'est pour mourir ! Et celui qui a lutté, qui a souffert, qui peut-être a donné sa vie en sacrifice, aura donc lutté, aura souffert, se sera sacrifié, sans que sa souffrance, sans que son sacrifice aient une valeur ou une signification ! A l'homme qui réfléchit, la vie apparaît dès lors comme une énigme et la mort comme un problème.

     Mais pourquoi la vie nous apparaît-elle ainsi comme une énigme et la mort comme un problème ? Comment peut-il se faire que l'homme ignore aussi profondément ce qui le touche de si près, son origine et sa destinée ? Un voile est sur ses yeux. Ne serait-ce pas là la marque d'un châtiment et par conséquent le signe d'une déchéance ? Une faute a été commise et l'homme est depuis lors environné de ténèbres. Qui donc lui apportera la lumière ? A quelle Sagesse, à quelle Divinité devra-t-il s'adresser pour recevoir la Révélation du Mystère ?

     Écoutons le grand maître de l'Occultisme français, ELIPHAS LÉVI:

     « J'ai vieilli et j'ai blanchi sur les livres les plus inconnus et les plus redoutables de l'Occultisme ; mes cheveux sont tombés ; ma barbe s'est allongée comme celle des Pères du désert ; j'ai cherché et j'ai trouvé la clef des symboles de Zoroastre ; j'ai pénétré dans les cryptes de Manès ; j'ai surpris le secret d'Hermès oubliant de me dérober un coin du voile qui cache éternellement le grand oeuvre ; je sais ce qu'est le sphinx colossal qui s'est enfoui lentement dans le sable en contemplant les pyramides. J'ai pénétré dans les énigmes des Brahmes. Je sais quels mystères Schiméon ben Jochaï ensevelissait avec lui pendant douze années dans le sable ; les clavicules perdues de Salomon me sont apparues resplendissantes de lumière et j'ai lu couramment dans les livres que Méphistophélès lui-même ne savait pas traduire à Faust. Eh bien ! Nulle part, ni dans la Perse, ni dans l'Inde, ni parmi les palimpsestes de l'antique Égypte, ni dans les grimoires maudits soustraits aux bûchers du Moyen-Age, je n'ai trouvé un livre plus profond, plus révélateur, plus lumineux dans ses mystères, plus effrayant dans ses révélations splendides, plus certain dans ses prophéties, plus profond scrutateur des abîmes de l'homme et des ténèbres immenses de Dieu, plus grand, plus vrai, plus simple, plus terrible et plus doux que l'Évangile de Jésus-Christ (1) ».

     Qu'est-ce donc que l'Évangile ?

     C'est avant tout et principalement l'annonce du Royaume de Dieu ; mais le Royaume de Dieu est annoncé comme un mystère qu'il n'est pas donné à tous de connaître.

     L'Évangile renfermerait-il une doctrine ésotérique ? Non, Jésus déclare au grand Prêtre qui l'interroge sur cette doctrine : « je n'ai rien dit en secret ». Il y a sans doute un enseignement parabolique destiné à la foule et distinct de l'enseignement direct réservé aux apôtres ; mais si ces deux enseignements diffèrent, ce n'est point dans la substance, c'est seulement dans la manière de présenter l'unique Vérité : tous les yeux ne sont pas aptes à recevoir également la lumière. Et à côté, au-dessus de l'enseignement oral du Christ, il y a ses actes, il y a sa vie, il y a sa mort ! Et deux actes dominent cette vie et cette mort : la Transfiguration et la Résurrection. Celui qui a saisi le sens profond de ces deux actes a compris le Mystère du Royaume de Dieu. Mais pour en saisir le sens profond, il faut tout d'abord posséder d'autres connaissances.

     Commençons par celles-ci.
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(1) Le grand Arcane, p. 215