1845

Comment le Bon Dieu a parfois puni le mal

qu’on a voulu faire à Don Bosco

Et l’ingratitude qu’on lui a témoignée

 

 

Nous avons vu comment, ayant dû renoncer à la chapelle du Refuge, D. Bosco obtint du conseil municipal de Turin la jouissance de l'église Saint-Marin, dite des Moulins.

Les enfants n'avaient là, pour lieu de récréation, qu'une place publique située devant l'église, et le bruit qu'ils faisaient incommoda les voisins. On se plaignit au Syndic de la ville qui ordonna à Don Bosco d'avoir à se transporter ailleurs.

La personne qui contribua le plus à ce beau résultat fut un secrétaire de l'administration des Moulins. Il libella, contre cette réunion d'enfants, un mémoire dans lequel il entassait les allégations les plus fausses, et travestissait les faits d'une façon peu délicate.

Or, ces lignes furent les dernières qu'il écrivit : sa main droite fut frappée de paralysie. Il tomba dans un état de langueur, et succomba après trois années de souffrance.

 

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En quittant Saint-Martin, l'Oratoire se transporta à Saint-Pierre-ès-liens, local vaste et convenable.

Nous avons parlé du malheureux recteur qui avait pris sa retraite dans le presbytère avoisinant l'église, et qui, troublé dans son repos, demanda et obtint le renvoi immédiat des enfants.

Ce pauvre vieillard n'avait agi ainsi qu'à l'instigation de sa servante. Celle-ci était d'un caractère violent et acariâtre, et l'invasion de ce qu'elle considérait comme son domaine, la fit entrer dans un véritable état de fureur. Elle alla jusqu'à invectiver Don Bosco au milieu même d'une instruction qu'il faisait aux enfants, lui montrant le poing et lui adressant les reproches les plus injurieux ; puis elle poussa tellement son maître, elle le monta si fort contre cette bande de vauriens, qu'il écrivit pour porter plainte.

Cette funeste lettre était à peine partie que le vieux prêtre était frappé d'apoplexie ; et, deux jours après, sa servante le suivait dans la tombe.

 

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Le marquis de Cavour, chef de la police municipale de Turin, essaya, à deux reprises, de faire fermer l'Oratoire. À peine avait-il fait cette seconde tentative qu'il fut pris d'un accès de goutte d'une violence inusitée. Il ne quitta plus le lit, et mourut peu de temps après.

 

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Le marquis et la marquise de X..., de Turin, après dix années de mariage, n'avaient pas d'enfants. C'était une grande famille qui menaçait de s'éteindre. Leur désolation était extrême, et ils finirent par implorer Don Bosco pour qu'il leur obtînt la grâce si désirée.

Don Bosco mit son Oratoire en prière. Il pria lui-même et fit une neuvaine spéciale qui fut exaucée ; car la marquise devint mère d'un beau garçon.

Sa naissance donna lieu à de grandes fêtes, à toutes sortes de réjouissances, mais on oublia complètement les pauvres enfants du Valdocco.

Quelques années s'écoulèrent, et D. Bosco ne pensait plus à cette ingratitude. Cependant un jour, pressé par le besoin et ne sachant où trouver le pain quotidien de sa nombreuse famille, il se présente chez le marquis.

On ne le reçoit pas.

À une nouvelle tentative, il est admis et expose le motif de sa visite.

— Monsieur l'abbé, je regrette vraiment de ne pouvoir vous venir en aide en ce moment : l'année est mauvaise et j'ai de grosses charges ; mais je saisirai la première occasion de vous être utile. Je suis très pressé aujourd'hui ; j'irai vous voir avant peu.

La visite annoncée eut lieu peu de temps après : mais, en fait de secours, c'est celui de Don Bosco qu'on venait implorer. Il était dans sa chambre lorsque la porte s'ouvre précipitamment. C'étaient le marquis et la marquise éplorés :

— Mon Père, mon bon Père, à notre secours ! Notre pauvre enfant se meurt du croup, venez, sauvez-le !

D. Bosco se disposait à les suivre, lorsque survint un domestique annonçant que l'enfant venait de rendre le dernier soupir.