Les missions de la Patagonie

Et de la Terre de Feu

 

 

Il fallait à l'immense charité de Don Bosco une dernière couronne : ce fut l'Œuvre des Missions catholiques dans l'Amérique du Sud.

On peut dire que Notre Seigneur Jésus-Christ, envoyé aux hommes par son Père, a été le premier missionnaire. Tous les disciples du Sauveur ont pris à tâche de continuer la grande mission confiée aux Apôtres : la rédemption du monde.

Une circonstance particulière parut à Don Bosco comme un appel direct de la divine Providence à entreprendre les missions de la Patagonie.

Le Consul de la République Argentine en Italie, émerveillé de tout ce qu'il avait vu à l'Oratoire de Turin, avait sollicité de semblables fondations dans la province de Buenos-Ayres.

Don Bosco accepta, avec la pensée bien arrêtée de faire porter la parole divine jusque dans la Patagonie et la Terre de Feu.

Ces vastes régions, presque inexplorées, fort peu connues, sont situées au sud de la République Argentine et du Chili. Elles s'étendent jusqu'à l'extrémité du nouveau monde, et constituent le territoire le plus austral qui existe sur le globe.

Tous les missionnaires qui avaient tenté d'y pénétrer avaient été tués ; la tradition ajoute... et mangés !

Tel fût, dit-on, le sort de nombreux Pères Jésuites qui, s'étant avancés courageusement dans l'intérieur de ce pays inhospitalier, ne reparurent plus.

S. S. Pie IX ayant donné des encouragements et sa haute approbation, Don Bosco n'hésita pas à faire partir quelques uns de ses prêtres.

C'est le onze novembre 1875 que les premiers Missionnaires Salésiens se mirent en route, sous la direction de Don Cagliero.

En raison des difficultés prévues, Don Bosco s'était occupé, avec une paternelle sollicitude, des moindres détails matériels, et il avait indiqué minutieusement la marche à suivre.

Les Salésiens ayant débarqué à Buenos-Ayres, le quatorze décembre, fondèrent immédiatement un Oratoire dans les environs de cette ville : à Saint-Nicolas de los Arroyos. Cette maison devint le centre d'où ils devaient rayonner ; elle put aussi servir d'asile aux prêtres qui avaient besoin d'un repos momentané.

L'année suivante, d'autres missionnaires et des Sœurs de Marie Auxiliatrice étant arrivés, on put établir, dans la République Argentine, dans les Pampas et quelques contrées voisines, des orphelinats, des collèges, des oratoires, des chapelles.

De nombreux ateliers de travail furent ouverts : les uns, dirigés par les Pères, reçurent les jeunes garçons ; les autres, sous la direction des Sœurs de Marie Auxiliatrice, s'occupèrent des jeunes filles.

Ces fondations, dont quelques unes étaient, sur les confins mêmes de la Patagonie, permirent d'attirer d'abord quelques enfants, puis des Indiens : ce furent les premiers néophytes.

Les missionnaires se mirent, avec ardeur, à étudier la langue du pays, et à préparer leur accès chez les peuplades qu'ils brûlaient d'évangéliser.

Lorsqu'ils jugèrent le moment favorable, ils se mirent bravement en route.

Mais alors l'Esprit malin parut exercer toute sa rage contre ces audacieux qui devaient lui arracher tant d'âmes ; il déchaîna contre eux les éléments eux-mêmes, et leur suscita mille difficultés.

Une première expédition eut lieu par mer (1878). Mais voilà qu'une furieuse tempête assaillit le navire, et les malheureux missionnaires, après avoir été ballottés pendant treize jours sur une mer horrible, au lieu d'aborder, comme ils le croyaient, sur les côtes de la Patagonie, se retrouvèrent juste à l'entrée du port de Buenos Ayres, d'où ils étaient partis... et où il leur fallut rentrer.

Une seconde tentative, faite par terre, ne fut pas plus heureuse.

Mais ils ne se découragèrent pas, et enfin le succès couronna de si généreux efforts.

Les Salésiens parvinrent à s'établir au cœur même de la Patagonie, sur les bords du Rio Negro et de ses affluents, et ils se mirent à annoncer la bonne nouvelle à toutes ces peuplades abandonnées.

Puis, s'élançant toujours plus avant, ils fondèrent une station et bâtirent une petite chapelle presque au point le plus extrême de la Patagonie, sur les bords du Rio Santa Cruz, au milieu des Indiens les plus sauvages.

De là, Don Beauvoir poussa la mission jusqu'au Cap des Vierges, sur les bords du détroit de Magellan, qui sépare la Patagonie de la Terre de Feu.

Don Fagnano alla plus loin encore : il traversa le détroit, et parcourut la Terre de Feu et quelques unes des îles qui l'environnent (1886).

Dans la Patagonie septentrionale, les excursions ne furent pas moins hardies. Monseigneur Cagliero, après un trajet de six cents lieues, fait à cheval ou à pied, arriva jusqu'aux Cordillères des Andes et au Chili.

Le climat de la Patagonie est extrêmement rigoureux. Des froids intenses, des tourmentes de neige, des pluies diluviennes, des vents violents et presque continuels qui arrivent directement du pôle : voilà bien des souffrances pour de pauvres prêtres habitués au doux ciel de l'Italie. Mais, comme leur Père Don Bosco, il leur fallait des âmes et rien ne put les arrêter.

 

Je ne veux pas raconter ici les émouvantes péripéties, les dangers de toutes sortes qui signalèrent ces lointaines missions. Le résultat fut digne de tant de courage et de persévérance. La grande douceur et l'exquise bonté de saint François de Sales triomphèrent, encore une fois, de la férocité et de la barbarie. Aux Salésiens revient l'insigne honneur d'avoir planté la croix dans la Patagonie et la Terre de Feu.

Plus de vingt mille sauvages ont reçu le baptême, des mariages ont été bénis, des écoles, des orphelinats, des chapelles se sont élevés, et la parole de Dieu a été annoncée, ainsi qu'il a été dit : Ite, et docete omnes gentes. Allez, et prêchez toutes les nations.

 

Dès 1883, par un bref du 16 novembre, S. S. Léon III avait érigé, dans la Patagonie, un Vicariat et une Préfecture Apostoliques.

Le Vicariat comprend, actuellement, la Patagonie septentrionale et centrale ; la Préfecture embrasse toute la Patagonie méridionale, la Terre de Feu et les îles adjacentes.

Le tout représente une étendue de pays égale à celle de l'Europe.

Sa Sainteté a confié le Vicariat à Monseigneur Cagliero, et la Préfecture à Don Joseph Fagnano.

Dans son consistoire du treize novembre, S. S. Léon XIII, poussant encore plus loin ses faveurs, daigna conférer la dignité épiscopale à Don Cagliero, qui fut préconisé évêque de Magida.

C'est le premier évêque de la Congrégation Salésienne.

Tel est le court résumé des prodiges accomplis, en moins de quinze années, par ces étonnants missionnaires de Don Bosco.

Outre le Vicariat et la Préfecture apostoliques de la Patagonie et de la Terre de Feu, qu'ils desservent, les Salésiens rendent encore de signalés services dans plusieurs états de l'Amérique du Sud. Ils ont des Maisons dans : la République Argentine, le Brésil, le Paraguay, la Plata, l'Uruguay, les Pampas, l'Equateur, le Chili.

Don Bosco a eu la claire vision du bien prodigieux que devaient faire les missionnaires.

Peu de jours avant sa mort, il disait : Propagez bien la dévotion à la Très Sainte Vierge dans la Terre de Feu. Si vous saviez combien d'âmes Marie Auxiliatrice veut gagner au ciel par le moyen des Salésiens !

Puis il ajouta :

Venir au secours de nos Missionnaires, c'est le moyen infaillible d'obtenir, de Notre-Dame Auxiliatrice, toutes les grâces que l'on désire.