Mort de Don Bosco

 

 

Les dernières années de la vie de Don Bosco furent marquées par de nombreuses et cruelles infirmités (1). Ce grand cœur, qui avait tant battu d'amour, perdit son ressort naturel ; les jambes enflées et raidies rendirent la marche difficile, puis presque impossible. Malgré cet épuisement irrémédiable des organes, l'intelligence conserva, jusqu'à la fin, toute sa merveilleuse lucidité, et l'âme, préludant en quelque sorte à sa délivrance, prit un essor suprême qui lui permit, plus d'une fois, de percer les voiles de l'avenir.

Il est hors de doute que Don Bosco a connu le jour, et l'on peut dire l'heure de sa mort. Il savait quels étaient ceux de ses prêtres qui devaient l'assister à ses derniers moments, et lui fermer les yeux. Il a connu, par une révélation certaine, qu'après lui, sa bien-aimée Congrégation pourrait avoir à traverser de dures épreuves, mais que son triomphe serait définitif et éclatant.

Il a voulu finir ses jours à cet Oratoire de Turin qu'il a tant aimé, au milieu de ses prêtres et de ses enfants.

C'est le trente-et-un janvier 1888, à quatre heures trois quarts du matin, que le vénéré père est allé au ciel, recevoir sa couronne. Il avait soixante et douze ans, cinq mois et quinze jours.

Je renonce à peindre la douleur universelle ; je renonce surtout à décrire cette profonde émotion qui souleva la ville de Turin, et amena un flot immense de peuple dans l'église de Notre-Dame Auxiliatrice, où le corps fut exposé. Allons chez Don Bosco, allons chez Don Bosco ! ... tel était le cri qui retentissait de tous côtés.

On accourut des villes et villages environnants ; puis des étrangers arrivèrent des contrées le plus éloignées.

Chacun voulait contempler, une dernière fois, ces traits chéris, faire toucher à cette main, qui ne pouvait plus bénir, des objets de piété, des chapelets, des médailles... devenues, dès lors, de précieuses reliques.

Les obsèques donnèrent lieu à une démonstration populaire comme jamais on n’en avait vu à Turin : vingt mille personnes composaient le cortège, cent mille assistants formaient la haie. Ce fut une marche triomphale, une véritable apothéose !

On aurait voulu conserver Don Bosco dans son église de Notre-Dame Auxiliatrice. Mais le Ministre refusa cette autorisation, et le Vénérable Père dut être inhumé dans une autre de ses Maisons, à Valsalice, où est installé le Séminaire des Missions Salésiennes.

Lorsque les Prêtres et les enfants rentrèrent à cet Oratoire, où un vide affreux venait de se faire, ils furent tout surpris de ressentir un calme inattendu ; c'était comme une joie intérieure et inexplicable. Ils n'osaient pas s'avouer cette impression qu'ils se reprochaient ; enfin ils finirent par comprendre d'où venait cet apaisement étrange : tous se trouvaient pénétrés de cette absolue et intime conviction que leur Père était dès à présent au Ciel, et qu'ils avaient désormais, en lui, un protecteur et un ami plus puissant encore que lorsqu'il était parmi eux.

Le jour où Don Bosco est mort, il n'y avait pas, à l'Oratoire, de quoi payer le pain du lendemain.

Ô sainte pauvreté ! Ô pauvre Don Bosco !

 

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Résumons à grands traits cette vie d'apôtre :

 

La Pieuse Société Salésienne ;

Trois cent mille enfants recueillis et pieusement élevés ;

Plus de six mille prêtres fournis à l'Église ;

Quatre-vingt mille Coopérateurs ;

L'Institut des Sœurs de Marie Auxiliatrice ;

L'Œuvre de Marie Auxiliatrice pour favoriser les vocations ecclésiastiques.

De nombreuses églises édifiées ; deux cent cinquante oratoires, orphelinats, refuges, collèges, séminaires, etc. ouverts en Europe et en Amérique.

Les missions de la Patagonie et de la Terre de Feu ;

La parole de Dieu retentissant aux extrémités de la terre ;

Vingt mille sauvages baptisés.

Voilà ce qu'a accompli le petit berger des Alpes !

 

In vita suâ suffulsit domum, et in diebus suis corroboravit templum (Eccles. IV, 1).

 

(1) Pour les détails sur la dernière maladie et la mort de Don Bosco, voir l'appendice placé à la fin de ce volume. Nous avons tenu à respecter religieusement le texte du Bulletin Salésien. C'est que ces pages d'une si touchante édification, joignent à leur titre de document authentique, le mérite inestimable d'avoir été rédigées sous l'impression des événements, par les enfants de la famille Salésienne. Exactitude, sobriété de la pensée et de la plume dans un récit qui est cependant complet, tout, jusqu'à la douleur contenue que l'on sent sous chaque ligne, est pour le lecteur une source d'émotions profondes et salutaires. Et comme il s'agit d'un saint, ces émotions deviennent fécondes en inspirations bénies : c'est un résultat qu'un remaniement quelconque, si nous avions pu avoir la pensée de le tenter, eût certainement compromis et peut-être empêché.