CHAPITRE XXXII

LES APOTRES SORTENT DU CENACLE POUR PRÊCHER. MIRACLES OPÉRÉS PAR LA DIVINE MÈRE.


Les Hébreux célébraient à Jérusalem, le dimanche de la venue de l'Esprit-Saint, une fête solennelle, c'est pourquoi il y avait dans la ville une grande affluence d'étrangers, qui furent surpris avec les habitants de ces nouvelles merveilles qu'ils avaient vues de leurs propres yeux sur le cénacle et ils accoururent promptement pour en connaître la cause. Les saints apôtres, entendant le bruit que faisait ce grand concours de personnes, demandèrent la permission à la divine maîtresse d'ouvrir les portes et de sortir pour instruire ce peuple par la sainte prédication., ils sortirent donc et commencèrent à prêcher à cette multitude. Après avoir été retirés pendant cinquante jours, ils se montrèrent avec résolution et les paroles qui sortaient de leur bouche comme des rayons d'une nouvelle lumière pénétraient profondément les coeurs de ceux qui les écoutaient, et se regardant les uns les autres avec étonnement ils disaient. Qu'est-ce que tout ceci que nous voyons de nos jours? Est-ce que ces hommes qui nous parlent ne sont pas Galiléens? Comment les entendons nous tous dans notre propre langue, Juifs et Prosélytes, Romains et Latins, Grecs, Crétois, Arabes, Parthes, Mèdes, nous les entendons tous dans la langue de notre pays. Cette nouvelle produisit plusieurs effets divers dans l'esprit des auditeurs, qui se divisèrent en sentiments contraires suivant les dispositions de chacun; ceux qui écoutaient les apôtres avec dévotion, recevaient de grandes connaissances de la divinité et de la rédemption des hommes, qui étaient le sujet dont les apôtres prêchaient avec une grande ferveur; c'est pourquoi par la force des ferventes paroles ils étaient excités à connaître la vérité, et éclairés par la divine lumière, ils avaient une vive douleur de leurs péchés et les déploraient; ils accouraient alors, en versant des larmes aux pieds des apôtres, afin qu'ils leurs enseignassent ce qu'ils devaient faire pour avoir la vie éternelle. Il y en avait d'autres, qui étant endurcis, s'indignaient de leurs raisonnements et au lieu de profiter de la divine parole, ils appelaient les apôtres des inventeurs de nouveautés. Plusieurs juifs, encore plus méchants les regardaient comme des hommes ivres. Saint Pierre comme chef de l'Église se leva pour repousser ce blasphème et parlant avec une grande force il les convainquit par les textes des prophètes, comme le rapporte saint Luc dans les actes des apôtres, ils s'écrièrent donc en versant des larmes, que pouvons-nous pour obtenir le salut? Saint Pierre, leur dit à haute voix;, faites une véritable pénitence, recevez le baptême et vos péchés vous seront pardonnés, vous recevrez aussi le Saint-Esprit. Trois mille personnes se convertirent et furent instruits aussitôt et baptisés : les incrédules couverts de confusion, s'éloignèrent d'eux.

Dieu voulut que les trois mille personnes converties fussent de diverses nations, afin que de retour dans leurs pays la doctrine évangélique et la grâce du Saint-Esprit se répandissent et que les fidèles ainsi dispersés formassent une Église. Les apôtres rentrèrent de nouveau au cénacle avec une grande partie des nouveaux fidèles convertis, pour raconter à la divine mère ce qui était arrivé et afin que les nouveaux convertis à la foi la vissent et la vénérassent. De sa retraite elle avait tout vu et entendu, elle avait même pénétré toutes les pensées des auditeurs, car lorsque les apôtres sortirent sur la porte du cénacle, elle s'était prosternée la face contre terre, et elle avait demandé avec beaucoup de larmes la conversion de tous ceux qui étaient venus à la prédication de saint Pierre, et elle avait prié Dieu afin qu'il donnât aux apôtres la force et l'inspiration pour persuader et enflammer les auditeurs. Elle leur envoya aussi plusieurs anges de sa garde pour les assister aux uns comme aux autres. Lorsque les apôtres vinrent en sa présence avec ces prémices de leurs peines, et ces fruits de la passion de son fils et de la venue de l'Esprit-Saint, elle les reçut comme mère de la piété, avec une charité, un amour et une douceur très-grandes. Ensuite saint Pierre leur dit : frères bien-aimés, celle-ci est la mère de notre divin maître et commun rédempteur Jésus, dont vous avez reçu la foi, cette reine est sa véritable mère qui l'a conçu par l'opération du Saint-Esprit dans ses chastes entrailles et l'a mis au monde par miracle, en restant toujours Vierge très-pure, Vierge avant l'enfantement, dans l'enfantement et après l'enfantement. Recevez-la donc comme votre mère, votre protectrice, votre médiatrice, auprès de la divine majesté et par elle vous aurez avec nous la lumière, la consolation, le remède des péchés et de toutes les misères de cette vie fragile. Avec ,cette, exhortation et par les lumières intérieures que la divine mère leur obtint, ils furent remplis de consolations célestes, et, prosternés à terre et la tête inclinée, ils lui demandèrent tous sa bénédiction, la mère de l'humilité refusa de la donner en présence des prêtres, mais saint Pierre la pria de donner cette consolation à ces pieux fidèles, aussitôt elle obéit au chef de l'Église, et avec une humble sérénité de reine, elle donna la bénédiction à ces nouveaux convertis, qui se Sentirent remplis en ce moment de consolations célestes; ayant vu que la divine mère obéissait à saint Pierre, ils s'adressèrent au saint apôtre et le supplièrent de ne pas les laisser congédier de sa présence sans qu'elle leur dit quelques paroles pour les exciter encore plus grandement. Saint Pierre, crut qu'il était convenable de donner cette consolation à ces âmes, se tournant alors vers la divine reine il lui dit écoutez les prières de ces fidèles, vos enfants. La grande reine obéit aussitôt, et parla aux nouveaux fidèles comme mère de la sagesse avec zèle et humilité, ils en furent tous remplis de ferveur, édifiés et remplis de lumière et d'admiration. Après avoir reçu sa bénédiction ils retournèrent chacun dans leur maison.

Les apôtres et les disciples continuèrent dès ce jour sans aucune interruption à prêcher et à faire des miracles et pendant toute l'octave, ils catéchisèrent les trois mille convertis avec un grand nombre d'autres personnes qui recevaient tous les jours la foi, ensuite ils les baptisèrent tous. Les femmes après avoir entendu les apôtres et reçu la divine lumière, allaient auprès de la Magdeleine et des Maries pour être catéchisées, car toutes les saintes femmes qui reçurent le Saint-Esprit eurent aussi le don des langues, et de faire des miracles. Le bruit de cette nouveauté se répandit aussi- tôt dans toute la ville de Jérusalem et même au-dehors, et on leur amenait tous les infirmes, les énergumènes, les estropiés., pour être guéris et ils étaient consolés, car ils recevaient la santé du corps et de l'âme avec la lumière de la foi. Ainsi se dilataient la sainte foi, la doctrine et les conseils de Jésus-Christ; les fidèles aimaient la pauvreté, la pureté, la paix, l'humilité, et ils vendaient tout ce qu'ils possédaient et en apportaient le prix aux pieds des apôtres, pour se débarrasser ainsi du danger du péché; ils se regardaient tous comme des frères et se contentaient de ce qui leur était donné par les apôtres. Ce fut le siècle d'or de l'Église de Jésus-Christ, dans lequel la foi était vive, l'espérance ferme, la charité ardente, l'humilité vraie et la sainteté admirable.

Il n'est pas possible de rapporter dans cette vie si abrégée , les miracles et les oeuvres admirables, que fit la reine des anges dans la primitive Eglise. Elle ne perdit ni un moment, ni une occasion de faire quelque faveur signalée à l'Église, ou en particulier, elle priait continuellement sans jamais cesser ni se reposer pour les nécessités spirituelles et temporelles de tous, son divin fils qu'elle savait ne lui refuser jamais rien. Elle les exhortait aussi tous, les enseignait, leur donnait des conseils, les éclairait et leur accordait des grâces comme trésorière et dispensatrice des trésors de Dieu, de sorte que dans ces années pendant lesquelles elle vécut dans la sainte église, le nombre de ceux qui se damnèrent (par rapport à celui des autres temps) fut très-petit et au contraire il y en eut plus de sauvés dans ce petit nombre d'années, que pendant plusieurs siècles après, en parlant toujours des fidèles. Le bonheur de ce siècle d'or de l'Église, pourrait nous donner une grande jalousie a nous qui sommes nés au sein de la même lumière, mais nous devons considérer que nous fûmes tous présents à l'intelligence et au coeur de cette miséricordieuse et divine mère lorsqu elle vivait, car elle nous vit tous et nous connut dans l'ordre du temps et dans la succession des, enfants de l'Église dans laquelle nous devions naître, et elle pria pour tous avec instance de la même manière qu'elle pria pour ceux-là. Maintenant dans le ciel elle n'est pas changée, sa charité n'est pas moindre et son intercession et sa protection pour nous est la même. Toute la faute vient de nous qui ne vivons pas avec la fidélité avec laquelle les fidèles vivaient alors.

Le soin qu elle prenait des apôtres comme miséricordieuse mère ne peut se décrire. Elle ne cessait de les animer ainsi que les autres ministres de la divine parole, et de les exhorter aux grandes choses, elle leur rappelait la pureté d'intention qu'ils devaient avoir dans les oeuvres miraculeuses par lesquelles son divin fils commençait à établir et à propager la foi dans son Église. Elle leur rappelait les grandes vertus que le Saint-Esprit leur avait communiquées pour en faire, des dignes ministres, et l'assistance du bras tout-puissant du Très-Haut, dont ils devaient toujours reconnaître le besoin continuel, et les actions de grâces incessantes qu'ils devaient rendre pour les merveilles qu'ils opéraient. Elle enseignait la même doctrine au collège apostolique, et elle la mettait la première en pratique par des génuflexions, des prostrations et des louanges qu'elle donnait au Seigneur avec de continuelles actions de grâces. Plusieurs convertis lui demandaient de l'entendre en secret pour conférer avec elle de leur intérieur, et comme une véritable mère pleine de tendresse, elle les consolait toujours, parce qu'elle connaissait le coeur de tous , leurs affections, leurs inclinations et leur appliquait le remède proportionné et salutaire. Les femmes principalement, après avoir parlé et avoir conféré une seule fois avec la grande reine en revenaient toutes enflammées de charité, et lui apportaient les pierreries et autres objets de grande valeur, et d'autres après la première fois qu'elle lui avaient parlé se dépouillaient de leurs riches ornements. et les mettaient aux pieds de la divine maîtresse, mais elle ne recevait jamais rien et ne voulait rien accepter à aucun titre. S'il lui paraissait convenable d'accepter quelque chose, elle disposait ceux qui l'offraient à l'apporter aux apôtres, afin que ceux-ci ensuite le donnassent, en le distribuant avec équité et charité entre les fidèles les plus nécessiteux, et l'humble reine leur en témoignait sa gratitude, comme si elle l'avait reçue elle-même. Elle recevait les pauvres et les malades avec une bonté et un amour ineffables, et elle en guérissait beaucoup de maladies invétérées, elle remédiait à beaucoup de leurs nécessités cachées par le moyen de saint Jean, car elle veillait à tout, sans jamais rien laisser, ni omettre de ce qui regardait les vertus. Les apôtres et les disciples s'occupaient à prêcher et à catéchiser, et les, saintes femmes instruisaient aussi, pour elle, se regardant comme la servante de tous, elle veillait à ce que la nourriture nécessaire ne leur manquât point, et à l'heure venue elle les servait elle-même. Elle servait les prêtres à genoux et leur demandait la main à baiser avec une incroyable humilité, mais elle le faisait aux apôtres avec une vénération plus grande, parce qu'elle voyait en eux la grandeur de la grâce et qu'ils étaient environnés de splendeur comme remplis de Saint-Esprit.