LE MYSTIQUE, L'OCCULTISTE ET LE SAVANT   

  

     L'attitude du mystique est donc différente de celle du savant et de celle de l'occultiste.  L'homme de science applique sa raison, son jugement et ses dons d'intuition aux phénomènes naturels ou à ceux qu'il provoque artificiellement dans son laboratoire, afin d'en découvrir les lois.   Ses travaux sont légitimes et, s'ils sont faits dans l'esprit de l'évangile, en vue du bien de la collectivité, ils deviennent même de vivantes prières.  Il agit, en effet, dans le champ que le Père nous a donné à défricher : celui de la matière physique.  

 Il n'en est pas de même de l'occultiste et du spirite : leurs recherches visent un autre domaine que celui des sens normaux, et qui ne doit pas faire l'objet de nos investigations, au cours de la vie présente où nous avons à faire évoluer et progresser nos frères visibles.  Le champ de l'invisible et des forces secrètes ne nous regarde pas;   le Père a disposé d'autres esprits qui s'en occupent.  Pour nous, ce ne peut être qu'une curiosité d'autant plus malsaine qu'on ne peut arriver à quelque résultat tangible, dans cet ordre de choses, qu'au détriment d'un grand nombre d'êtres que nous sacrifions ainsi à notre caprice, ce qui rend ces investigations illégitimes.  Les églises chrétiennes ont eut raison de les prohiber.  

 Parce qu'ils ont pour objet l'étude des lois cachées, il ne faut pas croire, pour cela, que les travaux de l'occultiste visent les arcanes du Royaume éternel ou puissent l'y faire accéder.  Loin de là; ils ne peuvent le conduire qu'à l'Invisible naturel, lui aussi créé, conditionné et aussi éloigné du Royaume du Ciel que les enti-tés physiques les plus denses.  

 Pour la découverte des vrais mystères de Dieu, le théosophe ou le spirite ne sont donc pas plus avancés que l'érudit des sciences naturelles, avec cette différence que ce dernier, s'il est modeste et loyal, déclare honnêtement qu'il ne vise pas la connaissance des dits mystères, tandis que quelques-uns parmi les occultistes prétendent pouvoir y parvenir.  En cela, ils se font illusion et si certains d'entre eux peuvent obtenir des phénomènes qui nous paraissent merveilleux, aucun d'eux n'a la vraie clairvoyance ni les pouvoirs thaumaturgiques éminents que confère le Saint-Esprit à quelques disciples et dont des saints célèbres ont été les vivants exemples.  

 On voit, par là, ce qui, dans le domaine de l'intelligence, distingue nettement le mystique du savant :   ce dernier applique ses facultés à découvrir les lois des mondes visibles ou occultes;   le mystique ne s'occupe pas de ces mondes.  Il sait qu'il y a un Seigneur tout-puissant, créateur éternel et immuable de toutes choses;   que Ses lois sont inscrites dans le fond de sa conscience et il essaie, de toutes ses forces, de les appliquer, d'abord par soumission et crainte, et ensuite, au degré supérieur, par pur amour.  Et alors c'est l'Absolu qui s'occupe de lui, le nourrit spirituellement et même l'instruit intellectuellement, le protège et le guide.  

 Chose incroyable, direz-vous?   Non, vérité d'expérience, dont tout homme de bonne volonté peut éprouver la réalité, s'il a le courage d'obéir aux préceptes du Christ avec persévérance et avec cette plénitude qui est « le lieu propre des conseils évangéliques ».  

 Tous les vrais disciples, les saints du christianisme comme les autres, ont affirmé qu'il y a une science infuse qui ne s'acquiert pas par l'étude, mais qui descend d'en Haut;  une contemplation infuse que les opérations de la raison et les médi-tations spéculatives arrêtent plutôt et paralysent, tandis que, dans le silence total de l'intellect et des sens, elle s'abat sur vous comme l'aigle surprend sa proie.  Lisez les oeuvres de Thérèse d'Avila, de Jean de la Croix et des auteurs ascétiques dignes de ce nom et vous trouverez cela affirmé avec force détails.  Les saints n'ont guère été thomistes, à ce point de vue;   ils n'ont point reconnu de connexion entre les déductions de l'intelligence et les vérités célestes, ils n'ont point admis que, du domaine de la matière régi par les lois naturelles, l'esprit pouvait s'élever, par son propre effort, vers les réalités surnaturelles.  

 Non, pour les vrais serviteurs de Dieu, un raisonnement, quelque puissant qu'il soit, ne peut que rester dans le domaine borné du mental, il n'atteint jamais l'Absolu.  C'est Dieu seul qui peut révéler à l'intelligence, quand elle est devenue apte à les porter, quelques-uns de Ses mystères. « Nul ne vient à moi si le Père qui m'a envoyé, ne l'attire ».  « Je suis la porte, nul n'entre que par moi ».  « Sans moi vous ne pouvez rien faire ».  N'oublions pas ces paroles augustes de l'unique Sauveur.  N'a-t-Il pas, d'ailleurs, déclaré à Ses apôtres : « J'ai encore plusieurs choses à vous dire, mais elles sont maintenant au-dessus de votre portée.  Quand l'Esprit de vérité sera venu, Il vous conduira dans toute la vérité...  et Il vous annoncera les choses à venir ».