L'ASCESE CHRISTIQUE
 ET LES MÉTHODES DE SAGESSE HUMAINE
 

    Comme conclusion aux aperçus qu'on vient de lire sur la vraie « Maison spirituelle », nous dirons un mot de la différence fondamentale qui existe entre l'ascèse christique et les autres : 

 Dans les premières étapes, elles se ressemblent toutes, car toutes imposent d'abord la vie purgative, la victoire sur les penchants grossiers et sur les passions. C'est quand le néophyte veut aller plus loin, que la divergence se creuse profonde.

 Suivant les méthodes qui n'admettent pas la divinité unique du Christ, l'étudiant continue ses entraînements, comme s'il n'avait affaire qu'à une Nature invisible aux trésors innombrables et où il peut puiser et s'enrichir à satiété. Il reste donc le prisonnier du « moi » qu'il enrichit. Il n'atteint pas à la pauvreté en esprit indispensable à l'entrée effective dans le Royaume céleste.

 Au contraire, l'esprit du disciple de Jésus qui applique les préceptes de l'amour, aperçoit, à un moment donné, la stature surnaturelle du Fils unique, éternel, parfait et tout-puissant, puisque identique au Père et qui, - prodige de charité et de condescendance incompréhensible, - propose à Son enfant de devenir un avec Lui, pourvu qu'il renonce à tout le reste et à son propre « moi » en se faisant le serviteur de ses frères.  Alors tous les trésors, toutes les voyances, tous les pouvoirs psychiques, toutes les scien-ces même, lui apparaissent comme de la fumée.  Que sont, en effet, toutes ces choses transitoires et conditionnées, en comparaison de Dieu, immuable et sou-verain Seigneur! 

 Le disciple, ébloui par cette vision d'Infini, laisse donc les dons, quelque séduisants qu'ils paraissent, pour s'attacher à l'unique Donateur et, par amour pour Lui, il se charge de tous les fardeaux, s'offre à toutes les croix, en versant, d'ailleurs, des larmes de bonheur et de reconnaissance, car la faveur qui lui est faite est sans mesure.

 En d'autres termes, dans les ascèses enseignées par les hommes, l'adepte monte par ses propres forces, il ne peut évidemment atteindre qu'un résultat limité comme celles-ci.  Il ne peut pas ne pas croire à ses propres mérites, à son savoir qu'il a acquis par tant de labeur et qui lui assigne une certaine place dans la hiérarchie des créatures.  Il s'y tient attaché, parce qu'il n'aperçoit pas encore le Royaume surnaturel.

 Or Dieu seul peut révéler ce royaume et assumer la créature jusqu'à Lui. Le disciple de Jésus se rend compte de son propre néant et du néant de toutes choses par rapport à leur suprême Auteur, il des-cend donc dans les profondeurs de l'humilité, jusqu'au jour où il plaira à son Maître de le prendre avec Lui.  Il est alors transplanté de l'existence relative à la vie absolue, de l'empire du Destin au séjour bienheureux de la Liberté, parce qu'il est devenu un avec Dieu.  C'est cela le salut véritable, l'entrée dans la Maison spirituelle définitive et seul le Verbe Jésus peut y faire accéder l'homme.

 Nous allons examiner maintenant quel rôle secondaire joue l'intelligence dans cette illumination christique, avant d'aborder, au dernier chapitre, l'étude de la foi proprement dite dont la descente chez le disciple constitue cette initiation même.