CHAPITRE HUITIEME.


- Jésus fait un voyage dans le pays des adorateurs des astres.
- Son séjour à Cédar et à Sichar-Cédar.


Du 12 octobre au 18 novembre 1820.

Jésus à Chorozain -à Bethsaide.-il traverse le pays de Basan. - il enseigne à Cédar -à Edon.-Guérison d'un couple de vieux époux. Jésus à Edon.-il réconcilie des ménages -enseigne en paraboles sur le mariage -établit un vignoble. -Morts ressuscités.-Jésus retourne à Cédar et enseigne de nouveau sur le mariage.

12 octobre.-- J'entendis Jésus parler d'un voyage qu'il allait faire, dire aux apôtres que pendant ce temps ils devaient rester séparés de lui, puis leur indiquer les endroits où ils devaient enseigner, ceux qu'ils devaient éviter, et enfin le lieu où ils devaient de nouveau se réunir à lui. Il fait un merveilleux voyage : mais je ne me souviens pas bien de tous les pays qu'il parcourt, ni de l'ordre suivant lequel ils se succèdent. Il célébrera le sabbat dans la ville où il a béni les enfants la seconde fois. Il a envoyé un disciple en avant : le nom de l'endroit commence par " Cor " ou " Coras " : Jésus l'a maudit une fois. (C'est le Grand Chorozain dans le voisinage duquel il bénit des enfants, le 27 novembre) (tome III, page 219). Il ira de là à Bethsaïde, puis il redescendra vers le midi jusque dans les environs de Machérunte où Jean Baptiste a été décapité. Il ira de nouveau dans le pays habité jadis par les Madianites chez lesquels Moise séjourna un certain temps, et où se trouve la mauvaise ville (Madian), dans laquelle tout récemment Jésus n'a pas voulu entrer. Il ira aussi à l'endroit où Agar déposa Ismael (Bersabée, le point le plus méridional de la terre promise), à celui où Jacob érigea la pierre et fut visité par les trois anges. (Gen XXVI, 1-4, et XXVI, 23-24.) il contournera la mer Morte par la rive orientale et passera aussi au lieu où Melchisédech sacrifia en présence d'Abraham. Ce sacrifice eut lieu dans une vallée, au midi de la fertile vallée des Raisins, qui va dans la direction de Gaza. Il y a encore aujourd'hui dans cet endroit une chapelle où l'on célèbre quelquefois le saint sacrifice Elle est construite en pierres brutes et toute couverte de verdure et de mousse comme le sont les tours de la montagne des Prophètes. J'appris aussi que Jésus ira en Egypte et à Héliopolis où il a résidé pendant son enfance. Il y a là quelques gens de bien qui ont joué avec lui lorsqu'ils étaient enfants eux-mêmes, et qui ne l'ont point oublié. Ils n'avaient cessé de demander ce qu'il pouvait être devenu. Ils s'étaient bien enquis de lui, mais ne pou, aient pas croire que ce fût ce Jésus dont on parlait tant. Il reviendra de l'autre côté par Hébron et traversera la vallée de Josaphat : il ira aussi au lieu où Jean l'a baptisé et dans le désert où il a été tenté. Jésus annonça que son absence serait d'environ trois mois. Les siens devaient se réunir à lui au puits de Jacob, près de Sichar. Toutefois il était possible qu'ils le rencontrassent auparavant lorsqu'il reviendrait par la Judée.

Note : Elle appelle ainsi une montagne qui figure plusieurs fois dans ses visions comme le point culminant où sont les sources d'une eau sacrée avec laquelle descend sur le monde le don de prophétie. Elle voit toujours, sous forme d'objets couverts de verdure et de mousse, les monuments d'une haute antiquité se rattachant aux premiers âges du monde.
(Note du Pèlerin.)

Il leur parla longuement à ce sujet et leur donna particulièrement beaucoup d'instructions sur la manière dont ils auraient à se comporter pendant son absence dans le cours de leurs prédications. Je me souviens qu'il leur dit que là où ils seraient mal accueillis, ils devaient secouer la poussière de leurs souliers.

Aujourd'hui, de jeudi à vendredi, il semble avoir encore logé chez des bergers. Les disciples se dispersèrent de différents côtés. Matthieu alla chez lui pour un certain temps. Il est marié et sa femme est excellente : ils vivent dans la continence depuis sa vocation. Pendant un certain temps il enseignera chez lui et supportera sans s'émouvoir le mépris qu'on lui témoignera.

Aujourd'hui, dans l'après-midi, Jésus accompagné de Pierre, d'André et de Philippe, se rendit à Chorozaïn pour y célébrer le sabbat. Il alla aussitôt à la synagogue où il enseigna.

14 octobre.-- Ce matin Jésus enseigna encore dans la synagogue. Vers midi il fut accosté par un homme de Capharnaum qui était venu l'attendre et dont le fils était il la mort. Il supplia le Seigneur d'aller avec lui et de guérir son fils. Mais le Seigneur lui dit de s'en retourner, parce que son fils était guéri, et il obéit. Il y eut encore beaucoup de malades et d'affligés, soit de la ville, soit d'endroits éloignés, qui se rassemblèrent autour de Jésus : il en guérit quelques-uns sur-le-champ et promit aux autres qu'ils seraient guéris plus tard.

Le soir du sabbat, Jésus prit congé des habitants devant la synagogue et se dirigea avec deux apôtres vers l'endroit où le Jourdain entre dans le lac, afin de passer de l'autre côté : le passage était plus haut et cela allongeait beaucoup le chemin. On se sers ait pour traverser le fleuve d'une espèce de radeau fait avec des poutres superposées et au milieu duquel était une sorte de cuve dans laquelle on jetait les paquets : elle était placée assez haut pour que l'eau ne pût y pénétrer : on faisait avancer ce radeau avec des perches. La rive du Jourdain n'est pas élevée dans cet endroit et il me semble qu'il y a quelques petites îles. Je vis le Seigneur et les trois apôtres marcher au clair de la lune. Devant Bethsaide, comme devant la plupart des villes de la Terre promise, se trouvait un hangar où les voyageurs avaient coutume de rabattre leurs vêtements et de se nettoyer avant d'entrer dans la ville. Il se trouvait là ordinairement des gens pour leur laver les pieds. C'est ce qu'on fit pour le Seigneur et pour ses disciples. Ils allèrent ensuite dans la maison d'André qui était marié : on y avait apprête un repas composé de miel, de petits pains et de raisin. La maison est située sur l'un des côtés de la ville : elle est assez grande et précédée d'une cour entourée de murs. Le Seigneur avait avec lui Pierre, Philippe et André, qui, je crois, avait pris les devants. Une douzaine d'hommes prenaient part au souper : je ne me souviens plus bien si c'étaient des apôtres ou d'autres disciples. A la fin du repas, il vint aussi six femmes pour entendre parler le Seigneur. Jésus prit ici son logement.

15 octobre.-- Aujourd'hui Jésus visita à Bethsaide une seconde maison où se trouvaient plusieurs femmes : je ne sais pas si c'était la maison de Philippe. Il quitta ensuite Bethsaïde avec les apôtres. Il alla au nord et s'arrêta encore devant Bethsaïde dans une maison où étaient déposés beaucoup d'objets à l'usage des pêcheurs. Il s'était rassemblé là une quantité de personnes devant lesquelles Jésus enseigna assez longtemps. De là il remonta le long du Jourdain qu'il passa sur un pont, bien au-dessus de l'endroit où il avait traversé le fleuve précédemment.

16 octobre.-- Aujourd'hui Jésus marcha toute la journée avec les trois apôtres à travers la Galilée orientale, se dirigeant au midi vers le pays des Amorrhéens ou de Basan. Il a marché aussi une partie de la nuit.

17 octobre.-- Ce matin vers cinq heures, je vis dans une contrée située au delà du Jourdain, où il y avait beaucoup de sable blanc et de pierres blanches, plusieurs disciples qui attendaient l'arrivée du Seigneur sous un hangar de bergers. Il y avait avec eux trois jeunes gens d'une taille élancée qu'ils avaient amenés et qui me parurent être du pays où le Seigneur avant d'aller à Samarie enseigna sous un arbre et bénit des enfants. Ils cueillirent ici des baies et d'autres fruits : c'étaient des baies jaunes et vertes, grosses comme des figues, et de petites pommes jaunes qui venaient soit sur des buissons, soit sur des arbres d'où ils les faisaient tomber avec des bâtons crochus.

Le chemin que le Seigneur suivit avec les trois apôtres était une belle route à l'usage du public : cependant elle paraissait peu fréquentée, car l'herbe y poussait en abondance. Elle était bordée des deux côtés d'arbres fruitiers, très touffus, dont les branches s'entremêlaient ensemble. Les apôtres cueillirent des fruits qu'ils mirent dans leurs poches : le Seigneur n'y toucha pas. Il me sembla qu'il avait suivi toute la nuit un chemin montant. Ceux qui l'attendaient allèrent à sa rencontre, le saluèrent et l'entourèrent, sans toutefois lui donner la main.
Jésus était plus grand que les apôtres. Soit qu'ils marchassent, soit qu'ils s'arrêtassent, on voyait toujours dominer son front pâle et majestueux. Il marchait d'un pas ferme et le corps très droit : il n'était ni gras ni maigre, mais son corps était admirablement proportionné, et tout en lui annonçait la santé et la vigueur. Il avait de larges épaules et une large poitrine. Ses muscles étaient développés comme ceux d'un homme qui voyage beaucoup et prend beaucoup d'exercice : toutefois, rien en lui ne portait la trace d'un travail rude et pénible.

Devant le hangar était une poutre équarrie, longue et large. Jésus et ses compagnons s'assirent autour comme à table et on plaça devant chacun une portion des fruits qu'on avait recueillis. Ils avaient aussi avec eux de petites cruches contenant un breuvage. A l'horizon s'élevaient des montagnes devant lesquelles était une ville. Je crois que c'était sur le territoire des Amorrhéens. A peu de distance d'ici le chemin descendait un peu. Je les vis marcher tout le jour et arriver vers le soir à un village composé de maisons disséminées. Sur le chemin était une espèce d'hôtellerie où ils entrèrent d'abord, et où se rassemblèrent autour d'eux beaucoup de curieux. Les gens de ce pays n'avaient guère entendu parler de Jésus : ils étaient du reste simples et bons. Le Seigneur raconta ici une 1`arabole sur le bon Pasteur. Ils ne restèrent pas dans cette maison, mais ils allèrent dans une autre hôtellerie un peu écartée du chemin : ils y mangèrent et y dormirent. Le Seigneur leur dit qu'il irait seul avec les trois jeunes gens, passerait par la Chaldée et le pays d'Ur où Abraham était né et se rendrait en Egypte par l'Arabie. Les disciples devaient se répandre de divers côtés en deçà des limites de la Terre promise et y enseigner ; lui aussi voulait enseigner là où il irait. Il leur assigna comme lieu de rendez-vous au bout de trois mois le puits de Jacob près de Sichar. Je vis parmi les disciples Siméon, Cléophas et Saturnin.

18 octobre.-- Au point du jour Jésus se sépara des apôtres et des disciples qui l'accompagnaient. Il leur tendit la main. Ils étaient très contristés de ce qu'il ne voulait prendre avec lui que les trois jeunes gens lesquels étaient âgés de dix-sept à dix-huit ans. J'ai su le nom du plus jeune, mais je l'ai oublié. Plus tard, il a été souvent employé par les apôtres et il a beaucoup travaillé et beaucoup souffert. Le chemin que prit le Seigneur se dirigeait vers le levant, toujours en descendant. Vis-à-vis s'élevaient les montagnes de Galaad. Le sol était blanchâtre et sablonneux : on voyait ça et là des cèdres, des dattiers et aussi des noyers : des ruisseaux coulaient dans la vallée. Il y a dans les environs plusieurs villes : je me rappelle les noms d'Astharoth et de Cédar.

André, Philippe et Pierre retournèrent chez eux. Les disciples se dispersèrent sur divers points de la frontière. Jésus voulut aller pour le sabbat dans une ville qui était la dernière ville juive de ce côté. Je crois que c'est Cédar.

Le Seigneur portait sur son corps une tunique brunâtre, faite au métier ou tricotée, et plissée dans le sens de la longueur : il avait par là-dessus une longue robe blanche de laine fine avec de larges manches, laquelle était serrée autour du corps par une large ceinture faite de la même étoffe, ainsi que le mouchoir qu'il roulait autour de sa tète pour dormir.

Ils mangèrent en chemin des fruits et des baies. Les jeunes gens portaient des besaces ou se trouvaient des petits pains et des petites cruches contenant un breuvage. Ils avaient des bâtons. Plus d'une fois le Seigneur aussi cassa une branche pour s'en faire un bâton qu'il laissait là au bout de quelque temps. Il avait des semelles sous ses pieds nus. Pendant la route il instruisait les jeunes gens qui étaient très innocents et très simples. Le soir ils entrèrent le soir dans une maison isolée habitée par des gens simples et grossiers. Ils y passèrent la nuit.

Jésus ne se fit pas connaître ici et pourtant il enseigna en racontant de belles paraboles, relatives au bon Pasteur pour la plupart. On lui fit des questions touchant Jésus de Nazareth, mais il ne leur dit pas que c'était lui. Il les interrogea sur leurs travaux et sur leurs affaires et ils le prirent pour un berger qui voyageait en quête de bons pâturages, ainsi qu'on en rencontrait souvent dans la Palestine. Je ne le vis pas opérer de guérisons ni faire de miracles.

19 octobre.-- Jésus se remit en route ce matin. Il peut être encore à quelques milles de Cédar, ville située sur un point où l'on arrive en montant toujours : les montagnes s'élèvent par derrière. La patrie d'Abraham est, je crois, encore loin de là vers le nord-est : le pays des trois rois est au sud-est.

Les disciples étaient retournés chez eux, ou s'étaient répandus en divers lieux pour enseigner. Zachée de Jéricho s'était trouvé ici avec eux. Il revint chez lui, renonça à son emploi, vendit tout ce qu'il possédait pour le donner aux pauvres et se retira dans un petit endroit avec sa femme : ils vécurent dès lors dans la continence. Le Seigneur avait annoncé aux disciples qu'il se réunirait à eux après un intervalle de neuf semaines.

Il y avait eu une grande agitation à Jérusalem à la suite de la résurrection de Lazare. Jésus s'éloigna pour se faire oublier ; pendant ce temps beaucoup de gens pourraient se convaincre de la vérité de ce prodige et seraient par là préparés à se convertir. Quand il revint, il avait beaucoup maigri. Rien n'a été écrit sur ce voyage, car aucun des apôtres ne l'accompagnait. Peut-être aussi tous ne savaient-ils pas où il était allé. Autant qu'il m'en souvient, c'est la première fois que je vois ce voyage.

Aujourd'hui le Seigneur accompagné des trois jeunes gens poursuivit sa route vers le sud-est en faisant plusieurs détours. Pendant la nuit du 19 au 20 ils logèrent de nouveau chez des bergers dans une maison isolée. Les gens de ce pays sont généralement bons et sans malice. Ils admirent Jésus et l'ont pris en amitié. Il raconte plusieurs des paraboles qu'il a racontées en Judée et ils l'écoutent avec plaisir. Il ne guérit pas, il ne bénit pas : quand ils l'interrogent sur Jésus de Nazareth, il leur parle de ceux qui se sont mis à sa suite et il lie encore cela à des paraboles. Ils le prennent pour un berger en quête de troupeaux ou de pâturages.

20 octobre.-- Jésus continua à voyager ainsi pendant la journée de vendredi. Ses rapports avec ses trois jeunes compagnons sont singulièrement touchants. Le plus jeune d'entre eux qui a quinze ou seize ans, se nomme Erémenzear. Plus tard, lorsqu'ils firent partie des disciples, Jésus leur donna à tous les trois d'autres noms qui se rapportaient à leurs caractères. Je ne les sais pas encore. Ils ne m'ont pas l'air de Juifs : ils sont tout autres, plus élancés, plus adroits et ils portent de longs vêtements. Je crois savoir confusément qu'ils ont pour parents des bergers qui avaient fait partie du cortège des trois rois de l'Orient et qui restèrent en Palestine. Le pays où ils vont maintenant semble être leur patrie. Ils sont avec Jésus comme des enfants, ils le servent avec beaucoup de bonne grâce et quand on rencontre de l'eau, ils lui lavent les pieds. Ils courent à droite et à gauche sur le chemin, rapportent des baguettes, des branches, des fleurs, des fruits. Jésus les enseigne très affectueusement et leur explique en paraboles tout ce qui est arrivé jusqu'à présent. On rencontre souvent dans ce pays de grands buissons épineux où pendent de très grosses baies. Ils n'allèrent pas à Cédar par la route directe, mais par des chemins détournés et ils visitèrent plusieurs maisons.

Ils arrivèrent aujourd'hui à Cédar avant le sabbat. Il était trop tard pour entrer dans la ville et ils passèrent la nuit dans une grande hôtellerie ouverte, où beaucoup d'autres voyageurs avaient aussi cherché un abri. Il y a là beaucoup de hangars avec des endroits pour se coucher : le tout est entouré d'une cour fermée. Un homme auquel appartenait cette maison ou qui en était le surveillant l'avait ouverte le soir, après quoi il était retourné à la ville. Jésus célébra le sabbat dans l'hôtellerie avec les jeunes gens.

21 octobre.-- Ce matin l'homme de l'hôtellerie revint de la ville et je crois me rappeler qu'on lui paya un petit écot. Les voyageurs s'en allèrent chacun de leur côté. Mais il prit avec lui Jésus et ses compagnons qu'il conduisit à la ville dans sa maison. La ville est située à l'entrée des montagnes, dans une vallée arrosée par un cours d'eau dont elle occupe les deux rives. Elle se compose d'une vieille et d'une nouvelle ville, séparées par la petite rivière qui vient du levant et coule vers la Terre promise. Cette rivière est très encaissée et deux arches en maçonnerie la traversent. La partie de la ville qui est en deçà du cours d'eau est la moins importante et la plus pauvre : elle est habitée en majorité par des bergers juifs qui en outre font métier de construire des cabanes et de fabriquer divers objets à l'usage des bergers. Le quartier de l'autre rive parait plus riche : il est habité par des paiens sans mélange de Juifs. Les gens d'ici ne sont déjà plus tout à fait habillés à la mode juive : ils ont souvent des capuchons pointus. Dans le quartier qui est en deçà de la rivière, il y a une synagogue. On voit aussi sur une place une fontaine jaillissante, entourée de pelouses bien tenues, avec des allées sablées. C'est ce qu'il y a de plus beau dans l'endroit.

Le Seigneur et les jeunes gens allèrent à la synagogue avec leur hôte et ils célébrèrent le sabbat fort tranquillement Quand les prières furent terminées, Jésus leur demanda s'ils voulaient qu'il leur racontât quelque chose, et comme ces braves gens y consentirent de grand coeur, il leur raconta entre autres choses la parabole de l'enfant prodigue. Ils écoutèrent très attentivement et témoignèrent beaucoup d'admiration. Ils ne savaient pas qui il était. Il se donna pour un berger qui cherchait des agneaux perdus et voulait les conduire dans de bons pâturages. Ils virent en lui un prophète et l'invitèrent à venir dans leurs maisons. Il enseigna encore et raconta des paraboles le jour suivant.

22-24 octobre. --Aujourd'hui, il parla en plein air près de la fontaine : les hommes et les femmes étaient assis à ses pieds, sans distinction, ou couchés sur l'herbe : il prit des enfants dans ses bras. Il raconta, entre autres choses, comment Zachée était monté sur le sycomore, et avait tout quitté pour suivre Jésus : il parla aussi de l'homme qui s'était glorifié dans le temple " de n'être pas comme ce publicain ", et aussi de celui qui s'était frappé la poitrine en disant : "Seigneur, ayez pitié de moi qui suis un pauvre pécheur ".

Le lundi Jésus séjourna encore à Cédar. Les habitants l'avaient pris en affection et étaient sans défiance à son égard. Ils l'ont prié de rester jusqu'au sabbat suivant, et d'enseigner alors dans l'école. On lui fit beaucoup de questions sur Jésus et il raconta plusieurs choses touchant ce Jésus et son enseignement. Le soir il alla dans un petit endroit situé à une lieue de là, en descendant la rivière, et il y passa la nuit. On l'avait invité à y venir. Il ne revint que le mardi soir à Cédar où il enseigna.

25 octobre.-- Aujourd'hui Jésus alla à l'est de Cédar dans une contrée où il y avait des palmiers et de belles prairies. Il se dirigeait vers un endroit qui s'appelle, je crois' Edon. Il visita sur son chemin une maison isolée où le père et la mère de famille étaient depuis longtemps retenus sur leur couche par une maladie incurable. Il y avait dans la maison plusieurs enfants qui allaient et venaient. C'étaient de bonnes gens et Jésus resta près d'eux. Ils l'interrogèrent sur Jésus de Nazareth touchant lequel ils avaient entendu divers bruits absurdes. Il parla de lui, des persécutions qu'il avait a subir, et dit qu'il reviendrait dans le royaume de son père et donnerait part à ce royaume à tous ceux qui voudraient le suivre. Il raconta tout cela dans une belle parabole touchant un roi et son fils. Je vis en même temps une vision de sa Passion et de son Ascension : je vis son trône élevé au-dessus du monde à côté de son Père avec tous les anges qui l'entouraient et je vis la récompense de ses imitateurs. Je vis le tableau de son royaume et de toute la parabole qu'il racontait à ces gens. Je vis qu'il leur laissa ce tableau imprimé dans leur coeur.

Il leur demanda ensuite s'ils voulaient suivre le bon roi, et comme ils lui répondirent qu'ils le voulaient, il leur dit que Dieu allait les récompenser en leur rendant la santé de manière à ce qu'ils pussent le suivre à Edon. Ils furent en effet guéris sur-le-champ et le lendemain ils l'accompagnèrent jusqu'à Edon au grand étonnement de tout le monde.

26 octobre.-- J'arrivai à cette petite ville à travers des campagnes riantes et des prairies où s'élevaient des palmiers : en y entrant, je vis à gauche sur une place une maison où l'on faisait une noce. Cette maison où se célébraient ordinairement les fêtes de ce genre se compose d'une grande salle à l'extrémité de laquelle est la cuisine, et de chambres à coucher disposées tout autour de la maison où les lits sont rangés trois par trois et séparés par une cloison. Tout cela est au milieu d'une cour entourée d'un mur. Quoiqu'on fût en plein jour, une lampe était allumée dans la salle.

Il y a ici dans les moeurs plus de simplicité et de liberté que dans l'intérieur de la Judée. Les hommes et les femmes, le fiancé et la fiancée se tenaient dans la même pièce : tous étaient parés de guirlandes. Des enfants chantaient ou jouaient de la flûte et d'autres instruments de musique, ces bonnes gens attendaient Jésus qu'ils regardaient comme un prophète. Ils avaient entendu parler des enseignements en paraboles qu'il avait donnés à Cédar et ils l'avaient invité à leur fête.

Je vis le Seigneur partir de chez les deux époux qu'il avait guéris, et arriver ici dans l'après-midi. Les trois jeunes gens vinrent avec lai. Il avait à la main un bâton recourbé par en haut comme une houlette. Les habitants le reçurent avec joie et avec respect, ils lui lavèrent les pieds qu'ils essuyèrent avec leurs vêtements, ils en firent autant pour ses compagnons. Ils prirent son bâton qu'ils déposèrent dans un coin. Ils dressèrent une table pour lui : on apporta du poisson, des petits pains, un rayon de miel qui avait bien un pied de long, et des baies rouges dont on arracha avant de les manger une petite couronne de feuilles noires avec des points blancs. Il y avait aussi sur la table de petites cruches, des coupes et de petites écuelles qui semblaient de terre vernissée : on y prenait avec une cuiller quelque chose qu'on mettait dans la boisson. Ils mangeaient étendus sur de petits bancs avec des dossiers : on plaça Jésus entre le fiancé et la fiancée. Les femmes étaient assises plus bas. Le Seigneur bénit les mets et tous en mangèrent.

Jésus enseigna pendant le repas. Il parla de cet homme de Judée qui avait changé l'eau en vin aux noces de Cana en Galilée. Sur ces entrefaites arrivèrent les deux époux qu'il avait guéris la veille, et ses hôtes qui les savaient malades depuis si longtemps furent saisis d'étonnement. Ils rapportèrent ce que le Seigneur leur avait raconté du roi et de son royaume ; s'ils croyaient à sa parole, avait-il dit, ils auraient un jour part à son royaume, aussi sûr qu'ils étaient guéris maintenant. Jésus leur expliqua encore une fois tout cela et leur dit nettement qu'il y avait encore un mur entre eux et le royaume de ce roi, mais qu'ils le franchiraient s'ils se surmontaient eux-mêmes. Malheureusement je ne puis reproduire ce que j'ai entendu comme il le faudrait : j'ai entendu toutes les paroles, toutes les questions et j'ai été occupée de ce mariage toute la nuit. Ce n'est qu'un peu avant le jour qu'ils allèrent se coucher et le Seigneur dormit derrière la salle à manger prés de ses jeunes compagnons.

Après le repas, je vis Jésus aller se reposer : il était plus de minuit. Il dormit dans la même chambre que les trois jeunes gens. Je vis, comme je l'ai toujours vu, le Seigneur se retirer à part, avant de se coucher, et prier son Père céleste, agenouillé et les mains levées au ciel. Je vis alors des rayons lumineux sortir de sa bouche, et en même temps descendre vers lui une lumière céleste ou peut-être une figure d'ange. Cela arrivait souvent aussi pendant le jour quand il se retirait à l'écart dans quelque lieu solitaire. J'ai appris de lui à prier ainsi dès mon enfance : je faisais ce que je lui voyais faire.

Avant l'Incarnation, je voyais la sainte Vierge prier le plus souvent debout, les mains croisées sur la poitrine et les yeux baissés. Mais lorsqu'elle fut devenue la mère du Seigneur, je la vis ordinairement, lorsqu'elle était seule, prier à genoux, la tête levée, les yeux et les mains tournés vers le ciel.

Je vis combien Marie et les autres amis de Jésus avaient à souffrir de la méchanceté des Juifs. La résurrection de Lazare qui avait fait sur beaucoup de personnes une impression favorable au Sauveur, les avait remplis d'une telle rage qu'ils persécutèrent partout les partisans de Jésus. Lazare se tenait caché le plus souvent dans les caves de sa maison : les amis qu'avait Jésus à Bethanie, à Bethphagé et dans le petit endroit où il s'était arrêté en dernier lieu avant d'aller à Béthanie, n'osaient pas sortir de leurs retraites. Je vis des femmes de distinction dévouées à Jésus Leur porter de Jérusalem des aliments, notamment de petits oiseaux dans des corbeilles. La mère de Jésus en était réduite à ne pouvoir pas aller le soir sur le chemin sans s'exposer à ce qu'on lui jetât des pierres. Jean était dans son pays.

J'eus aussi ces derniers jours une vision touchant Judas. Lui seul se montre hardi et effronté en présence des Pharisiens : il parla longuement avec eux de Jésus, non sans se vanter à tout propos ; il se persuade qu'il va les détourner de faire telle ou telle chose, et avec toute sa jactance il renie souvent le Seigneur. Je compris par là combien le bavardage est dangereux. Je vis Marie l'avertir plusieurs fois, mais il ne prenait rien de tout cela au sérieux et il en riait. Il était du reste compatissant et serviable. C'était toujours pour moi un grand chagrin de penser qu'il devait tomber si bas, mais une malédiction terrible pesait sur lui depuis sa naissance.

Le plus âgé des trois jeunes gens qui accompagnaient Jésus dans son voyage s'appelait Eliud, et fut baptisé plus tard sous le nom de Siricius. Celui qui venait ensuite s'appelait Sela ou Silas ; le plus jeune, Erémenzear, fut nommé plus tard Hermès. Leurs parents, qui étaient de la même race que Mensor, étaient tombés dans la pauvreté et avaient fait partie du cortège des trois rois ; puis ils étaient restés chez les bergers de la vallée qui avoisine Bethléhem, avaient embrassé le judaïsme et pris des femmes juives : ils possédaient des pâturages entre Samarie et Jéricho. Je crois que Jésus, après son entretien avec la Samaritaine près du puits de Jacob, avait guéri un de ces jeunes garçons, dans les environs de Sichar, à la demande de la sainte Vierge (tome II, page 196). On les appela par la suite " les disciples discrets ", et ils furent plus tard avec Thomas, Jean et Paul. Erémenzear a écrit quelque chose sur le voyage.

Ceux que Jésus avait convertis pendant ce voyage, soit à Cédar, soit plus loin, furent, je crois, baptisés plus tard par Thomas, dont la vigne commençait à l'endroit où finissait celle de Jean. Il a cultivé tout ce district depuis l'Arabie jusqu'à l'Inde, et il a donné le baptême aux gens de la suite des trois rois qui vivaient encore.

27 octobre.-- Ce matin le Seigneur était encore à Edon. L'affluence était si grande qu'il fut obligé de sortir et de prêcher devant la maison. Il régla ici beaucoup de choses. Deux personnes qui voulaient se marier, quoique étant parentes du côté paternel, le consultèrent à ce sujet : il leur expliqua que la loi de Moïse leur interdisait de s'unir, et il enseigna sur le mariage en général. L'un et l'autre s'engagèrent à vivre dans la chasteté.

Comme Jésus enseignait ici sur le mariage, on lui parla d'un endroit voisin où les habitants n'observaient plus les prescriptions de la loi sur cette matière et où un homme avait épousé successivement les sept soeurs. On raconta cela en le déplorant et le Seigneur résolut d'aller dans cet endroit.

Deux de ses habitants assistaient ici au repas de noces. L'un d'eux n'avait pas d'enfants de sa propre femme, mais il avait eu de la femme de l'autre qui s'appelait Eliud, plusieurs enfants que celui-ci croyait être à lui.

Les discours de Jésus pendant le repas excitèrent de vifs remords chez le coupable. Plus tard Jésus réconcilia ces deux hommes et les amena à la pénitence et au renoncement. Il remit encore la paix dans d'autres familles. Après le repas, plusieurs des assistants revinrent avec lui à Cédar pour y célébrer le sabbat.

A Cédar qui n'est qu'à deux lieues, il y avait près de la synagogue, dans un jardin, un oratoire ouvert où se trouvait un autel avec des lampes placées sur de grands chandeliers. Une haie séparait les hommes et les femmes. Les prêtres cédèrent volontiers leur place au Seigneur et il fit, au lieu d'eux, les instructions et les prières. Ils restèrent là jusque vers les dix heures, ayant sur leur tète le ciel étoilé : après quoi, Jésus se rendit à la synagogue.

28 octobre.-- Aujourd'hui, Jésus enseigna toute la Journée dans l'école de Cédar ; on l'interrogea de plusieurs cotés sur des cas de conscience relatifs aux prescriptions de la loi, spécialement sur des questions matrimoniales qu'on le pria de décider. On parla encore de cet endroit où un homme avait épousé successivement les sept soeurs. Les assistants semblaient très partagés dans leurs opinions.

Vers le soir, le Seigneur revint chez son premier hôte près de la porte de la ville : il prit un peu de nourriture, après avoir encore enseigné dans le jardin voisin de la synagogue.

29 octobre.-- Ce matin Jésus enseigna encore à la synagogue sur le mariage. Il vint à lui deux époux divorcés qu'il réconcilia. Le mari avait avec lui ses proches : la femme était de même accompagnée des siens. Le Seigneur s'entretint séparément avec les uns et les autres, puis les époux s'avancèrent, se tendirent la main et le Seigneur les bénit. Je crois que ces gens étaient de l'endroit où l'on avait des idées si fausses sur les lois qui réglaient le mariage. Quand Jésus eut fini d'enseigner ici, ces gens qui étaient bons et simples lui racontèrent une histoire qu'ils tenaient de leurs ancêtres et le consultèrent à ce sujet. Malheureusement tout ce que j'en ai retenu est qu'il y était question de deux femmes, une veuve sans enfants qui affectait la sainteté, et une autre femme qui avait un mari et des enfants ; la fausse dévote avait pour directeur un prophète : elle était remplie d'amour-propre. J'ai oublié le nom du prophète. Jésus leur expliqua quelque chose à ce sujet. Il prit de nouveau son repas chez son hôte, près de la porte de la ville. Après le repas, ses trois compagnons reconduisirent chez eux les deux vieux époux qu'il avait guéris.

Jésus fut ensuite conduit à une maison située dans une partie plus élevée de la ville, et habitue par un jeune couple qui avait des enfants. Il y enseigna, imposa les mains aux enfants et mangea aussi quelque chose au repas du soir. Je l'ai vu bien rarement manger deux fois le même jour. Ici, les femmes mangeaient à table, assises au bout inférieur. Le soir les trois jeunes gens revinrent. Il passa la nuit dans cette maison.

30 octobre.-- La partie de la ville située en deçà de la rivière où Jésus se trouve maintenant, se compose de groupes de maisons bâties en terrasse contre une montagne escarpée. On a souvent à monter, pour y arriver, des escaliers taillés dans le roc. Telle était, entre autres, la maison où il se trouvait en dernier lieu. Le quartier de la ville situé de l'autre côté de l'eau semble indépendant de celui-ci : il est bâti sur une colline et le sol en est plus uni. Le Seigneur n'y était pas encore allé.

Ce soir je vis Jésus se diriger vers le nord, où le pays est moins montueux. Il était accompagné de plusieurs personnes, notamment de parents et de compatriotes de la jeune femme aux noces de laquelle il avait assisté. Le lieu où je le vis semble être une résidence de bergers. Il y a plusieurs hangars ouverts, des maisons dont les murs sont faits de fagots d'épines, de longues rangées d'arbres dont les branches sont entrelacées ensemble, et des haies vives tout autour : cet ensemble d'habitations est fermé par une porte grillée, à l'entrée et à la sortie. Cependant il ne semblait pas que personne y habitât pour le moment. Je vis Jésus et ses compagnons entrer dans l'enceinte à la chute du jour : ils mangèrent des fruits sous un hangar ; c'étaient des figues, du raisin, des dattes et des baies de couleur noire. Ils étaient encore là quand les étoiles commencèrent à se montrer dans le ciel. C'était une très belle nuit : il faisait chaud et les gouttes de rosée brillaient dans le gazon. A quelque distance de là se trouve cette petite ville dont les habitants connaissent si mal les lois touchant le mariage.

31 octobre.-- Jésus parcourut encore le pays dans diverses directions et ce ne fut que vers le soir qu'il arriva près d'une petite ville située au nord de Cédar sur le penchant d'une montagne. La plupart des gens qui l'avaient Suivi s'étaient dispersés dans les environs pour regagner leurs demeures. Les trois jeunes gens étaient avec lui. Il vint au-devant de lui des gens qui le conduisirent à la ville dont le nom ressemble à Sichar `, et le firent entrer dans une maison destinée aux fêtes publiques, assez semblable à celle que j'avais vue à Cana en Galilée. Beaucoup de personnes s'y trouvaient rassemblées et il y avait une espèce de solennité. Un couple de jeunes époux avait perdu ses parents enlevés par une mort subite et on donnait à manger aux gens qui avaient accompagné les corps au tombeau. Devant la maison était une cour entourée d'un treillis, dans laquelle se trouvait un berceau de verdure artistement tressé. Aux quatre coins de cette cour se trouvaient quatre blocs de pierre brute creusés en forme d'auge et remplis d'eau, d'où sortaient des plantes grimpantes, lesquelles montaient sur des pieux, et formaient des arcades de verdure qui allaient retomber au milieu de la cour sur une colonne ayant l'apparence du marbre et ornée de ciselures de toute espèce.

Note : Pour distinguer cet endroit, nous l'appellerons dorénavant Sichar-Cédar.

Cette colonne ne semblait pas être en pierre, et elle paraissait pouvoir être transportée facilement d'un lien à l'autre. Ces plantes n'étaient que posées dans les vases ; elles se conservaient parfaitement fraîches comme des roseaux. Cette décoration et d'autres semblables qui étaient dans la maison faisaient un effet charmant.

Le maître de la maison reçut Jésus dans une salle voisine de cette cour. Il le força de se placer sur un siège, ainsi que ses compagnons, et leur lava les pieds dans un bassin qu'on avait apporté. On leur offrit ensuite à boire et un peu de pain. Ils allèrent après cela dans une autre pièce où un repas était préparé. On voulait que Jésus s'assit à la place d'honneur. Mais il s'y refusa ; il voulut servir à table, et il servit tous les convives, leur présentant le pain, les fruits et les grands rayons de miel ; il versa dans les coupes de la liqueur que contenaient les cruches ; et je vis qu'elle était de trois espèces : il y avait un jus verdâtre, une boisson de couleur jaune, et un liquide tout a fait blanc. Jésus enseigna : il parla de la manière de servir et de tout ce qui s'y rapportait. Je ne puis répéter exactement ce qu'il dit. Je crois qu'ils n'ont pas couché dans cette maison, qui semblait n'être qu'une maison destinée aux fêtes. Cette ville est celle dont Jésus avait entendu dire, aux noces d'Edon, que beaucoup de gens y avaient contracté des mariages illicites.

L'homme que Jésus était venu trouver ici s'appelait Eliud ; il avait assisté aux noces célébrées à Edon. C'était celui dont Jésus savait que la femme avait conçu tous ses enfants dans l'adultère, quoiqu'il les crût siens. Eliud avait été aux noces sans sa femme, et il était revenu dans sa patrie avant Jésus. Il y avait appris une bien triste nouvelle, car les parents de sa femme étaient morts de chagrin tous les deux parce qu'ils avaient découvert que leur fille était enceinte, et qu'ils savaient que ce ne pouvait pas être de leur gendre. celui-ci ayant fait voeu de continence et se trouvant absent au moment de la conception. Ces bons vieillards, accablés de douleur, s'étaient jetés dans les bras l'un de l'autre, et ils étaient morts ainsi. Leur gendre ignorait la cause de leur mort ; il ne soupçonnait pas non plus l'infidélité de sa femme. Le Seigneur, à son arrivée, trouva les habitants de l'endroit rassemblés dans une maison publique pour la cérémonie des funérailles. La femme n'était pas présente à cette cérémonie. Tous les assistants étaient en longs vêtements de deuil avec des ceintures noires ; quelques-uns avaient des bandelettes noires autour du bras, d'autres autour de la tête. On faisait des prières à cette cérémonie. Un homme s'avançait au milieu de la réunion, priait et parlait. Jésus remplit ici cet office. Il parla de la mort comme châtiment du péché, des naissances pures et des naissances impures, et il en revint encore a des comparaisons tirées de la vigne.

Apres la cérémonie, Jésus alla avec Eliud chez celui-ci. Il laissa ses trois disciples chez d'autres personnes. Eliud le conduisit à sa femme qu'ils trouvèrent plongée dans un profond chagrin ; le Seigneur voulut l'entretenir en particulier, et Eliud se retira. Je vis alors le Seigneur parler à cette femme. Elle lui avoua son crime, se jeta à ses pieds en pleurant, et Jésus la bénit. Ensuite il la quitta, et Eliud le conduisit à sa chambre à coucher. Je vis le Seigneur lui adresser encore des paroles graves et touchantes, puis, lorsqu'il se fut retiré, prier et prendre un peu de repos.

1er novembre.-- Ce matin, de bonne heure, je vis Eliud, portant un bassin plein d'eau et une branche verte, entrer chez Jésus, qui était encore accoudé sur sa couche. Il se leva aussitôt, et Eliud lui lava les pieds, qu'il essuya avec sa robe. Alors le Seigneur lui dit de le conduire dans sa chambre à coucher, parce qu'il voulait à son tour lui laver les pieds. Eliud ne voulait pas y consentir. Mais Jésus lui dit d'un ton sévère que s'il s'y refusait, il quitterait sa maison à l'instant ; qu'il en devait être ainsi, et que puisqu'il voulait aller à sa suite, il ne devait pas hésiter à lui obéir. Alors cet homme conduisit Jésus dans sa chambre à coucher, et apporta de l'eau dans un bassin. Mais Jésus lui prit les deux mains, le regarda en face d'un air affectueux ; puis, lui ayant dit quelques mots du lavement des pieds, il en vint à parler de la destinée humaine, et lui dit enfin que ses enfants avaient été conçus dans l'adultère, que sa femme était enceinte, qu'elle se repentait, et qu'il fallait lui pardonner. Alors cet homme fondit en larmes, se jeta par terre et s'y roula en poussant des gémissements que lui arrachait l'excès de sa douleur. Jésus s'éloigna de lui, se tourna d'un autre côté et pria. Au bout de quelques instants, quand la première douleur fut passée, Jésus revint à lui, le releva, le consola et lui lava les pieds. Alors il se calma et Jésus lui ordonna d'appeler sa femme. Celle-ci vint, ayant son voile baissé. Jésus prit sa main, qu'il mit dans la main d'Eliud, les bénit, les consola, et releva le voile de la femme. Puis il les fit sortir et demanda qu'on lui envoyât les enfants. Quand ils furent venus, il leur parla, les bénit et les ramena à leurs parents. Les époux, à dater de ce moment, vécurent unis, se gardant la fidélité, et tous deux firent voeu de continence.

Je vis, ce même jour, le Seigneur visiter dans leurs maisons la plus grande partie des habitants du lieu, et redresser leurs erreurs. Je le vis aller de maison en maison, s'entretenir avec chacun d'eux de sa position particulière, et gagner le coeur de tous.

Il y a près de cet endroit des rangées considérables de ruches qui s'étendent sur le penchant de la montagne. La pente est disposée en terrasses, et on voit adossés à la montagne plusieurs ruchers quadrangulaires, aplatis par en haut, et élevés d'environ sept pieds. Ils renferment plusieurs rangées de ruches placées les unes sur les autres. Elles ne se terminent pas par une extrémité arrondie, mais en pointe comme un toit, et on peut les ouvrir par devant. Tout le rucher est fermé par un treillage de jonc artistement tressé. Les diverses ruches sont séparées par des escaliers conduisant sur des terrasses où croissent des arbrisseaux attachés à des treillages et couverts de baies et de fleurs blanches. On monte ensuite à d'autres ruches situées plus haut.

2 Novembre.-- Vers quatre heures de l'après-midi je vis Jésus enseigner et raconter sous le berceau de verdure de la maison où se donnaient les fêtes. De la place où il se trouvait il dominait un peu ses nombreux auditeurs. Les femmes se tenaient en arrière et je craignais qu'elles ne pussent pas entendre tout ce qu'il disait. Ces gens avaient demandé au Seigneur d'où il était : il ne leur répondit qu'en Paraboles et ils crurent en toute simplicité.

Il y avait là beaucoup de gens obérés et endettés : et Jésus raconta une parabole touchant un fils de roi qui était venu pour payer toutes les dettes. Ils prirent cela à la lettre et se réjouirent fort. Jésus passa de là à la parabole du serviteur auquel sa dette avait été remise et qui voulait traduire en justice un compagnon qui lui devait une petite somme. Il leur dit aussi que son père lui avait donné une vigne, qu'il devait la tailler, la cultiver et chercher des ouvriers pour y travailler. C'était pour cela qu'il était venu. Beaucoup de serviteurs inutiles e t paresseux devaient être jetés dehors ainsi que les sarments qu'ils n'avaient pas retranchés. Puis il leur donna des explications sur la taille de la vigne, parla des ceps qui produisaient peu de raisin, mais une grande quantité de branches et de feuilles, de la végétation inutile qui s'est produite dans l'homme par l'effet du péché, et de la nécessité de la tailler et de la supprimer par le renoncement afin qu'il puisse venir des fruits. Il en vint enfin au mariage, à ses lois, et à la tempérance qu'on doit y observer, dit combien le penchant qui y porte rabaisse souvent l'homme au-dessous de la bête, et comment il doit être maîtrisé pour porter des fruits. Puis il en revint à la vigne et exhorta ses auditeurs à la cultiver dans leur pays. Ils répondirent en toute simplicité qu'ils n'avaient pas d'endroits propres à cette culture. Mais il leur répondit qu'ils pouvaient établir un vignoble là où était cette quantité d'abeilles, qu'il y avait là un emplacement convenable : après quoi il leur raconta une autre parabole touchant les abeilles. Ils ne demandaient pas mieux que de travailler dans sa vigne, s'il le désirait, mais il leur dit qu'il devait aller ailleurs pour payer des dettes, qu'il lui fallait faire mettre sous le pressoir le vrai cep de vigne pour en tirer un vin vivifiant, afin que d'autres apprissent à cultiver la vigne et à préparer le vin. Ces hommes simples furent tout attristés à l'idée de son départ, et ils le supplièrent de rester, sur quoi il leur dit que s'ils croyaient en lui, il enverrait quelqu'un qui ferait d'eux tous des ouvriers de la vigne. Je vis alors que tous les habitants de ce bourg le quittèrent plus tard par suite d'une persécution et que Thaddée leur fit embrasser le christianisme.

Ces gens ne savaient pas qui était Jésus. Il ne prophétisa point et ne fit pas de miracles chez eux : mais ils étaient simples et naïfs comme des enfants malgré les désordres qui s'étaient introduits dans leurs moeurs.

J'ai vu les amis de Jésus pendant ce temps. Lazare et ses amis ne vont se voir qu'en secret et pendant la nuit. Judas fait l'important avec les Pharisiens. Marie le voit souvent et lui donne des avertissements. Il est avare et envieux J'ai vu Marie pleurer en l'avertissant.

3 novembre.-- Je vis encore le Seigneur chez plusieurs habitants de l'endroit où il se trouvait Il réconcilia deux époux qui vivaient depuis longtemps séparés, joignit leurs mains ensemble et les bénit. Il alla aussi voir cet homme qui, après avoir épousé successivement six soeurs, se disposait à épouser la septième, et lui expliqua pourquoi cela n'était pas permis.

Après cela Jésus enseigna encore en public sur la culture de la vigne ; il dit comment il fallait défoncer la terre, la fumer, tailler les ceps, et il appliqua tout cela d'une manière admirable et profondément instructive au mariage et à la propagation de l'espèce : il parla aussi des différentes races d'hommes et du péché originel. Je l'entendis dans cette instruction donner beaucoup de détails relatifs aux premières familles humaines.

Je l'entendis aussi dire beaucoup de choses merveilleusement profondes dans leur simplicité sur le mystère du mariage en exposant purement les procèdes de là culture de la vigne. Je trouvai remarquablement clair et convaincant ce que dit le Seigneur que là ou l'union n'existait pas dans le mariage et où il n'atteignait pas son but, qui est de mettre au monde des hommes bons et purs, la faute en était toujours à la femme. Elle peut supporter et souffrir, et c'est son devoir : elle est le vase qui reçoit, protège et élabore, elle peut par un travail intérieur tout corriger en elle et dans son fruit. Elle élève ce fruit qui est en elle, elle peut en travaillant sur elle-même moralement et physiquement y effacer ce qui est mauvais, et tout ce qu'elle fait profite ou nuit à son enfant. Dans le mariage il ne s'agit pas de la satisfaction des convoitises, mais de lutte, de mortification, de sollicitudes et d'enfantement dans la douleur : or, c'est un enfantement douloureux qu'une lutte continuelle contre l'amour-propre, le péché et la curiosité : cette lutte et la victoire qui la couronne fait aussi de l'enfant un vainqueur, etc. Tout cela était dit en termes très simples et très profonds. L'homme et la femme sont un seul corps : la femme est le vase qui reçoit, elle doit souffrir, endurer et expier : elle peut tout corriger et tout réparer. Il ne s'agit pas ici de chercher sa propre satisfaction, mais d'effacer le péché et d'arriver à la justification par la souffrance et la prière.

Jésus donna encore beaucoup d'enseignements spéciaux sur le mariage et je fus tellement frappée de la vérité et de l'extrême utilité de ces doctrines, que je me dis très vivement à moi-même : "Pourquoi cela n'est-il pas écrit ? Pourquoi n'y a-t-il pas ici de disciple pour le recueillir afin que tous en profitent ? ". J'étais pendant toute cette vision comme un des auditeurs qui étaient là présents, et j'allais de côté et d'autre. Comme je me livrais avec ardeur à ces pensées, mon fiancé céleste se tourna vers moi et me dit à peu près ceci : " "  J'exerce la charité et je cultive la vigne là ou cela produit des fruits. Si ces paroles étaient mises par écrit elles seraient, comme une grande partie de beaucoup de ce qui est écrit, mises à néant, détournées de leur vrai sens, ou méprisées. Ces enseignements et une infinité d'autres choses qui n'ont pas été mises par écrit ont porté plus de fruits que ce qui est écrit. Ce n'est pas la loi écrite qui est observée, tout est écrit dans ceux qui croient, qui espèrent, qui aiment ".

La manière dont Jésus enseigne toutes ces choses et dont il les tourne en paraboles, prouvant ce qu'il dit du mariage par ce que la nature opère dans le cep de vigne, et ce qu'il dit de la vigne par ce que la nature opère dans le mariage, a quelque chose d'admirable et de singulièrement persuasif. Ses auditeurs l'interrogent en toute simplicité. Souvent l'un d'eux lui offre son champ pour y planter la vigne : Jésus répond en expliquant quels travaux préparatoires il faut y faire, et les images qu'il leur présente leur inculquent de plus en plus les vérités qu'il leur enseigne 1.

Dans l'après-midi, le Seigneur assista à des fiançailles dans la synagogue. C'étaient des jeunes gens j ils étaient pauvres et habitaient chez la mère de la fiancée, où le jeune homme, qui était un orphelin parent de la famille, avait été élevé avec la fiancée dès son enfance.

Note : Elle dit encore à cette occasion : " Depuis plusieurs jours je ne cesse d'être poussée intérieurement à corriger par des avertissements le mal qui se fait dans un ménage de ma connaissance le veux en parler à mon père spirituel. Je dois aussi cette nuit travailler de toutes mes forces à ma vigne et couvrir les ceps pour les garantir de la gelée ". On ne peut voir, sans être vivement touché, comment tous les travaux agricoles, visiblement symboliques, auxquels elle se livre dans ses visions, prennent par leur coïncidence constante avec les travaux des champs tels qu'ils se font dans la saison, un caractère de réalité qui donne au calendrier une très haute valeur, si l'on suit ces méditations dans toutes leurs conséquences ; car alors la nature entière, le temps et le travail des hommes se manifestent comme des paraboles exprimant ce qui se passe dans une sphère supérieure. (Note du Pèlerin.)

Tous deux étaient pleins d'innocence, et le Seigneur se montra très bon pour eux. Je vis le cortège aller à la synagogue. En avant marchaient des enfants de six ans élégamment habillés, ayant des guirlandes de fleurs sur là tête et jouant du fifre ; puis des jeunes filles vêtues de blanc qui jetaient des fleurs, et des jeunes gens qui jouaient de la harpe, du triangle, et d'autres instruments singuliers. Le fiancé était presque habillé comme un prêtre. Les deux fiancés étaient conduits par des personnes qui lors des épousailles leur mirent les mains sur les épaules. La cérémonie eut lieu à ciel ouvert, dans une salle qui précédait la synagogue, et dont le toit avait été enlevé pour cela. Elle se fit par le ministère d'un prêtre juif. Jésus était présent.

Lorsque les étoiles furent visibles dans le ciel, ils célébrèrent le sabbat dans la synagogue et jeûnèrent jusqu'au samedi soir où la noce fut célébrée dans la maison destinée aux fêtes publiques.

4 novembre.-- Lé Seigneur raconta plusieurs paraboles. Il parla de l'enfant prodigue et des nombreuses demeures qui sont dans la maison de son Père, parce que le fiancé n'avait pas de maison à lui et devait habiter chez la mère de sa femme. Il lui dit aussi que jusqu'à ce qu'une demeure lui fût donnée dans la maison de son Père, il devait habiter près de la vigne, sous une tente qu'il dresserait au pied de la montagne des abeilles, hors de la ville. Il parla encore beaucoup du mariage, dit que les parents qui i, ne se sanctifiaient pas ne faisaient que disperser et propager le péché ; mais que s'ils vivaient saintement, s'ils considéraient et pratiquaient le mariage comme un état de pénitence et mettaient leurs enfants dans la voie du salut, ils recueillaient et amassaient. Jésus dit aussi qu'il était l'époux d'une fiancée à laquelle ceux qui auraient été recueillis dans son sein devraient une nouvelle naissance. Il parla des noces de Cana en Galilée et de l'eau changée en vin. Tout ce qu'il racontait de lui-même était dit à la troisième personne, comme concernant cet homme de Judée qu'il connaissait si bien et qui était en butte à tant de persécutions ; on devait même, disait-il finir par le mettre à mort.

Les assistants accueillirent toutes ses paroles avec une foi naive ; les paraboles étaient pour eux des réalités. Le fiancé semblait être un maître d'école ; car Jésus lui dit qu'il devait enseigner, non pas à la façon des Pharisiens qui imposaient aux autres des fardeaux qu'ils ne voulaient pas porter eux-mêmes, mais par son propre exemple.

Jésus parla aussi d'Ismaël ; car Cédar et les endroits voisins sont habités, à ce que je crois, par des descendants d'Ismaël. C'est ici le pays d'Agar, si je ne me trompe.

Les gens de cette contrée sont bergers pour la plupart : ils se regardent comme inférieurs à ceux de la Judée, dont ils parlent toujours comme de personnages importants et d'une race d'élite. Ils vivent encore à l'ancienne mode. Un grand propriétaire de troupeaux possède une maison spacieuse avec un fossé à l'entour ; dans le voisinage sont les habitations des bergers, ses subordonnés ; il a aussi ses pâturages dans les environs. Il a un puits qui lui appartient, et où vont boire ses troupeaux ou même ceux de ses voisins s'il y a une convention entre eux. Il y a beaucoup de ces familles de propriétaires disséminées dans le pays. Le bourg lui-même est petit.

5 novembre.-- Jésus engagea les habitants du bourg à construire pour les fiancés une habitation légère, une espèce de tente, près de la montagne des abeilles, à l'endroit où ils devaient planter un vignoble. Chacun des amis du jeune couple ilt une pièce de clayonnage léger qui fut couverte de peaux de bêtes et enduite d'une matière visqueuse. Ils fabriquèrent avec cela une maison qu'ils transportèrent ensuite à l'endroit désigné. Chacun travailla plus ou moins selon qu'il le put ; ils se cotisèrent aussi pour leur fournir ce dont ils avaient besoin. Le Seigneur leur dit comment tout devait être disposé, et ils furent émerveillés de voir qu'il s'y entendait si bien. Lors de la cérémonie nuptiale, il leur avait enseigné que les vieillards et les pauvres devaient siéger aux premières places.

Il sortit avec eux pour leur indiquer l'emplacement le plus convenable. C'était un petit promontoire, qui se détachait en avant de la montagne des abeilles. La vigne devait s'élever sur la pente derrière la maison Ce fut là que Jésus établit le jeune ménage. Il leur donna cette maison et ce vignoble.

6 et 7 novembre.-- L'une des premières fêtes dont Dieu ait prescrit la célébration aux Israélites allait commencer ; je crois que c'était celle de la nouvelle lune. On l'ouvrit le soir dans la synagogue. Après cela, tous se réunirent avec Jésus dans la maison des fêtes. Il savait que plusieurs de ceux qu'il avait engagés à construire une maison pour les nouveaux mariés, avaient pensé et s'étaient dit les uns aux autres : "Peut-être que lui-même n'a pas de maison ni de domicile, et qu'il veut habiter chez ces gens " ? Il leur dit, à cette occasion, qu'il ne resterait pas parmi eux, qu'il n'avait pas de maison ici-bas, que son royaume devait d'abord venir, qu'il devait planter la vigne de son Père et l'arroser de son sang sur la montagne du Calvaire ; qu'ils ne pouvaient pas comprendre cela pour le moment, mais qu'ils le comprendraient quand il aurait arrosé la vigne ; qu'ensuite il reviendrait d'un pays ténébreux, que ses messagers viendraient les appeler, et qu'alors ils quitteraient leur pays pour le suivre : mais que quand il viendrait pour la troisième fois, il conduirait dans le royaume de son Père tous ceux qui auraient fidèlement travaillé à la vigne. Quant à eux-mêmes, ils ne devaient pas rester ici longtemps ; c'est pourquoi ils ne devaient avoir qu'une maison ou plutôt une légère tente facile à enlever.

Jésus parla aussi beaucoup de l'amour qu'ils devaient se porter réciproquement : ils devaient, pour ainsi dire, jeter l'ancre les uns dans les autres afin de n'être pas dispersés par les tempêtes de ce monde et détruits isolément. Il parla encore en paraboles de la culture de la vigne, des pousses inutiles, de la taille des branches, de la tempérance, etc. ; et, en s'adressant aux nouveaux mariés, de l'amour conjugal et de la pureté qu'il devait avoir pour porter des fruits purs. Il voulait encore, dit-il, préparer la vigne pour le jeune couple et leur apprendre à planter les ceps, après quoi il se retirerait pour travailler à la vigne de son Père,

Il présenta tous ces enseignements d'une manière si simple et pourtant si ingénieuse que le sentiment de ce qu'il était en réalité alla toujours croissant chez eux, sans leur faire rien perdre de leur simplicité. Il leur apprit à reconnaître dans toute la vie de l'homme et dans toute la nature une loi sainte, une loi cachée qui avait été défigurée par le péché.

Cette instruction se prolongea assez avant dans la nuit, et lorsque Jésus voulut s'éloigner, ils le retinrent, l'embrassèrent et le prièrent de leur faire mieux comprendre tout cela ; mais il leur dit que maintenant ils devaient se borner à faire comme il avait dit ; que plus tard il leur enverrait quelqu'un qui les enseignerait plus clairement.

Cette réunion fut suivie d'un petit repas où tous burent à la même coupe. Jésus alla aujourd'hui loger dans une petite maison chez deux vieux époux qui l'avaient fort pressé de leur faire cette faveur.

Le jeune homme pour lequel le Seigneur fit construire ici une maison avait un nom qui ressemblait un peu à Jedediah : il faut que je l'entende prononcer encore une fois ; j'ai entendu tant de noms que je ne puis pas dire exactement celui-ci. (Plus tard elle se rappela tout à coup qu'il se nommait Salathiel.) La fiancée s'appelait comme Brunette ou Finette : c'est ainsi que je l'entendis nommer. Ils furent baptisés par Thaddée ainsi que la plus grande partie des gens de l'endroit. L'évangéliste Marc était de ce pays. Trente-cinq ans après l'ascension de Jésus-Christ, Salathiel avec sa femme et trois enfants en âge d'homme s'en alla à Éphèse. Je l'y vis chez l'orfèvre Démétrius qui avait autrefois suscité une persécution contre Paul, mais qui plus tard s'était converti, et qui lui raconta beaucoup de choses relatives à Paul et aussi l'histoire de sa propre conversion. Paul n'était plus à Ephèse. Salathiel, ses trois fils et Démétrius allèrent le retrouver. La femme de Salathiel resta à Ephèse dans une maison où plusieurs autres personnes de son pays vinrent habiter près d'elle. La plupart des Juifs quittèrent Ephèse. Salathiel avec ses fils, Démétrius, un disciple nommé Gaius et enfin Silas étaient tous sur le navire où Paul fit naufrage près de Malte, et ils gagnèrent cette île avec lui. Paul, de sa prison de Rome, désigna aux trois fils de Salathiel des lieux où ils auraient à travailler.

9 novembre.-- Je vis notre Seigneur dans la maison des parents de la fiancée. Il enseigna encore longtemps sur le mariage, sur l'amour pur qui produit des fruits purs, et sur la nécessité de supprimer dans l'homme ce qu'il y a de superflu ; autrement il donne du bois au lieu de fruits.

Il sortit ensuite avec des hommes auxquels il ordonna de lui apporter des plants de vigne. Il voulait leur apprendre à les planter. La place où devait être la maison fut déblayée et on fit des terrassements sur la pente de la montagne. Ils avaient déjà disposé un espalier. Ils dirent au Seigneur qu'il ne venait dans cet endroit que des raisins très aigres. Il répondit qu'il en était ainsi parce que les ceps étaient d'une espèce inférieure, d'une mauvaise provenance, qu'ils poussaient comme des sauvageons et n'étaient pas taillés : c'est pourquoi leur fruit avait seulement l'apparence extérieure du fruit de la vigne, mais non sa douceur. Il leur promit que ceux qu'il plantait maintenant donneraient de bons raisins. A cette occasion, Jésus enseigna de nouveau sur le mariage, qui ne porte des fruits purs et doux que lorsqu'il est soumis au joug de la règle, modéré par la continence, associé au travail, aux souffrances et aux sollicitudes.

Ils lui apportèrent de gros faisceaux de plants, mais il en prit cinq seulement. Il défonça lui-même le sol, les planta à une certaine distance les uns des autres contre l'espalier, et leur montra comment ils devaient être liés en forme de croix. Il continua en même temps à enseigner sur le mariage, et tout ce qu'il dit du cep de vigne, de ses propriétés naturelles et de ce qu'il acquiert par la culture, fut appliqué à la propagation de l'espèce humaine et aux fruits spirituels.

Ils allèrent ensuite à la synagogue et Jésus donna encore sous forme de paraboles plusieurs enseignements touchant le mariage. Il parla de la grande corruption qui infectait la propagation de l'espèce humaine, dit qu'après la conception il fallait vivre dans la continence, et pour prouver combien sous ce rapport les hommes s'abaissaient au-dessous des animaux les plus nobles, il cita la chasteté et la continence des éléphants. On trouve des éléphants dans une contrée qui n'est pas très éloignée d'ici. Ils l'interrogèrent aussi sur Noé et lui demandèrent s'il n'était pas vrai qu'il avait fait du vin et s'était enivré. Jésus leur expliqua cela, et parla de l'ivresse comme mettant en grand danger de pécher, soit par l'usage immodéré du vin, soit par celui du mariage ; car l'ivresse pouvait être produite également par le vin et par les désirs impurs. Il enseigna comment l'ivresse donnait naissance au péché et comment un mal en engendrait un autre.

Jésus dit encore qu'il allait les quitter, qu'il lui fallait planter et arroser la vigne sur la montagne du Calvaire, mais qu'il leur enverrait quelqu'un pour leur enseigner toutes choses et les conduire dans la vigne de son père.

10 et 11 novembre.-- Jésus n'a pas fait de grands miracles dans cet endroit. Il a seulement, dans quelques occasions, guéri par la prière et l'imposition des mains de petites maladies, des maux de tête, des fièvres, etc. Vendredi soir il alla à la synagogue où il fit l'instruction du sabbat.

Il enseigna encore le jour suivant et parla beaucoup du royaume de son père et des demeures qui s'y trouvaient. Ils lui demandèrent pourquoi il n'avait rien apporté de ce royaume et pourquoi il allait si pauvrement vêtu. Il leur répondit que ce royaume était réservé à ceux qui iraient à sa suite, et que pour le posséder il fallait s'en rendre digne. Quant à lui, il n'était ici qu'un étranger cherchant et appelant des serviteurs fidèles pour la vigne.

Il dit aussi pourquoi il faisait faire pour le fiancé une maison de si peu de consistance. C'était parce que ceux qui marchaient à sa suite n'étaient point à demeure sur la terre et parce qu'on ne devait pas s'attacher à la terre. Pourquoi construire une maison solide pour leur corps qui lui-même était une demeure fragile t il fallait purifier cette maison de leur âme, la sanctifier comme un temple, et ne pas la profaner, ni la surcharger ou l'amollir aux dépens de l'âme. Ces discours l'amenèrent à parler de nouveau de la maison de son père.

Jésus parla aussi du Messie et des signes auxquels on pourrait le reconnaître, dit qu'il devait naître d'une haute lignée, mais de parents simples et pieux, et que d'après les signes du temps, il devait être déjà sur la terre. Il les exhorta à s'attacher à lui et à suivre ses enseignements

Il donna aussi beaucoup de préceptes touchant l'amour du prochain et le bon exemple. Il dit au fiancé Salathiel qu'il devait laisser sa maison ouverte, avoir toute confiance en ce qu'il lui disait, et vivre pieusement, qu'alors Dieu garderait sa maison et que rien ne serait détourné à son préjudice.

Les habitants avaient déjà fort avancé leur travail pour la nouvelle maison. Salathiel reçut beaucoup plus qu'il ne lui était nécessaire. Le Seigneur parla contre l'amour de soi ; il dit qu'on devait tout faire pour l'amour de Dieu et du prochain, etc. Les gens de l'endroit étaient très simples et n'avaient qu'une instruction très imparfaite.

12 novembre.-- Jésus se mettait avec eux dans des rapports de plus en plus intimes. Il parla aujourd'hui beaucoup du mariage et de la continence en se servant de similitudes tirées des semailles. Il dit qu'il fallait user de modération dans les semailles et dans la moisson, qu'autrement on ne récoltait que des fruits gâtés et de mauvaises herbes.

Il alla aussi voir des personnes qui voulaient se marier, quoique parentes à un degré qui rendait le mariage illicite. Jésus les fit appeler, leur parla de ce qu'ils avaient l'intention de faire et leur montra qu'ils contrevenaient à la loi et qu'ils n'avaient en vue que des avantages temporels Ils furent très effrayes de ce qu'il connaissait si bien leurs pensées, quoique personne ne lui en eût parlé et ils renoncèrent à leur projet. A cette occasion, l'on se lava les pieds réciproquement : la fiancée essuya les pieds de Jésus avec l'extrémité de son voile ou avec la partie supérieure de son manteau. Ces deux personnes reconnurent Jésus à sa doctrine comme étant plus qu'un prophète. Ils se convertirent et s'attachèrent à lui. Il leur expliqua les motifs des prohibitions portées par la loi contre certains mariages : mais j'ai oublié ces explications.

Jésus alla aussi dans la campagne et il entra dans une maison habitée par une belle-mère qui avait une passion criminelle pour son beau-fils et voulait l'épouser. Celui-ci était depuis longtemps inquiet de la trop grande affection de sa belle-mère, mais il ne connaissait pas encore ses projets. Le Seigneur auquel il lava les pieds lui fit connaître le danger qu'il courait : il lui ordonna de s'éloigner de cet endroit et d'aller travailler à la maison de Salathiel, ce que le jeune homme fit aussitôt. Le Seigneur lui lava aussi les pieds. La belle-mère à laquelle Jésus reprocha sévèrement sa faute fut très irritée. Elle ne fit pas pénitence et finit même par se perdre tout à fait : je ne sais plus comment cela arriva.

13 novembre.-- Aujourd'hui Jésus enseigna de nouveau sur le mariage et sur l'abus qu'on en peut faire. Il parla de David, dit comment l'intempérance qu'il aurait dû réprimer en lui par le renoncement et la pénitence, l'avait fait si misérablement tomber dans le péché et il ajouta qu'on ne perdait rien par le renoncement, mais par l'abus et l'excès. Il parla de Moïse, du châtiment infligé à sa femme dont il donna la raison, de l'arche d'alliance et de ce que Moïse y avait renfermé avant le passage de la mer Rouge. Les gens du pays sont très ignorants, mais le Seigneur leur expliqua tous les points sur lesquels ils l'interrogèrent.

Ces gens doivent avoir par leurs ancêtres quelque relation particulière avec l'arche d'alliance. Ils demandèrent au Seigneur ce qu'était devenu l'objet sacré contenu dans l'arche. Il leur répondit que les hommes en avaient tant reçu qu'il était passé en eux. Du reste, par cela même qu'il n'était plus à leur disposition, on pouvait connaître que le Messie était né. Beaucoup des gens de ce pays croyaient que le Messie avait péri dans le massacre des Innocents.

A une lieue à peu près de cet endroit, du côté du levant, se trouvait une habitation entourée d'un fossé, appartenant à un riche propriétaire de troupeaux qui était mort subitement dans les champs, à peu de distance de sa maison. Sa femme et ses enfants étaient plongés dans la douleur. Les préparatifs étaient déjà faits pour son enterrement et la famille envoya prier le Seigneur de venir assister aux funérailles avec d'autres personnes.

Jésus y alla dans l'après-midi, accompagné de ses trois disciples, de Salathiel, de la femme de celui-ci, de plusieurs femmes voilées, et aussi de plusieurs hommes. Ils étaient une trentaine à peu près. Tout était déjà préparé pour la mise au tombeau : le corps était déposé dans une grande allée d'arbres, ouverte par en haut, qui se trouvait en face de la maison.
Cet homme était mort en punition de ses péchés. Des bergers qu'il opprimait ayant quitté le pays il s'était approprié une grande partie de leur bien et bientôt après se trouvant dans ce champ mal acquis, il était tombé frappé de mort subite.

Jésus arrivé devant le cadavre parla du défunt, demanda à quoi lui servait maintenant le soin qu'il avait pris de son corps, cette demeure terrestre dont il s'était fait l'esclave et qu'il lui avait fallu quitter. Il avait chargé son âme de dettes par amour pour ce corps qui ne les avait pas payées et qui ne pouvait pas les payer, etc.

La femme était très affligée et elle dit que le roi des Juifs, l'homme de Nazareth avait le pouvoir de ressusciter les morts ; hélas' pourquoi n'était-il pas ici ? Alors Jésus lui dit : " Oui, le roi des Juifs a ce pouvoir, mais on le persécute pour cela et on veut le faire mourir, lui qui donne la vie ! Et on ne veut pas le reconnaître ". Sur quoi les assistants répondirent : " Que n'est-il parmi nous ! Nous le reconnaîtrions " !
Jésus alors les mit à l'épreuve. Il leur parla de la foi, leur dit que s'ils voulaient croire et faire ce qu'il enseignait, le roi des Juifs aussi leur viendrait en aide, etc. Puis il sépara des autres assistants qu'il renvoya, la famille du défunt, ainsi que Salathiel et sa femme, et il s'entretint encore avec la femme, la fille et le fils du défont. La femme lui avait dit précédemment en présence de ceux qui venaient de se retirer : " Seigneur, vous parlez comme si vous étiez le roi des Juifs lui-même " ; et il lui avait fait signe de se taire. Mais lorsque les autres qu'il savait être plus faibles furent sortis, il dit à ceux qui étaient restés que s'ils croyaient à sa doctrine, s'ils la suivaient et s'ils voulaient garder le secret, le mort reviendrait à la vie, car son âme n'était pas encore jugée : elle attendait encore dans ce champ, témoin de son iniquité, et où elle s'était séparée de son corps. Ils promirent au Seigneur de lui obéir et de se faire, et Jésus fit quelques pas avec eux dans le champ où l'homme était mort.

J'eus alors une vision touchant l'état de son âme après sa mort. Je la vis au-dessus du lieu où il était mort dans un cercle, dans une sphère où lui était montré le tableau de tous ses péchés et de leurs conséquences sur la terre, et elle était bourrelée de remords à cette vue. Elle vit aussi tous les supplices dans lesquels elle devait être plongée et dans cet état elle eut une révélation des souffrances expiatoires de Jésus. Au moment où, toute dévorée de remords, elle allait entrer dans le lieu de son supplice, Jésus fit une prière et l'appelant du nom de Nazor, qui était celui du défunt, la fit rentrer dans son corps.

Jésus dit alors aux assistants : "  à notre retour, nous trouverons Nazor sur son séant et plein de vie ". Je vis, à l'appel de Jésus, l'âme voler vers son corps, s'amoindrir et comme entrer dans la bouche, après quoi le corps se redressa sur son séant dans le cercueil.

J'ai toujours vu l'âme humaine avoir comme son siège au-dessus du coeur : j'ai vu aussi partir de là plusieurs fils qui vont vers la tête.

Lorsque Jésus et ceux qui l'accompagnaient furent de retour à la maison, ils virent Nazor enveloppé dans son linceul et les mains liées, qui s'était mis sur son séant dans le cercueil : sa femme lui délia les mains et défit les bandelettes. Etant sorti de la bière, il se jeta aux pieds de Jésus et voulut embrasser ses genoux, mais le Seigneur fit un pas en arrière et lui dit qu'il devait se purifier, se laver, se tenir caché dans sa chambre et garder le secret sur sa résurrection jusqu'à ce que lui, Jésus, eût quitté le pays. Alors la femme conduisit son mari dans un coin reculé de la maison où il se purifia et s'habilla. Cependant Jésus, Salathiel, la femme de celui-ci, et les trois disciples prirent quelque nourriture dans la maison où ils passèrent la nuit ; le cercueil fut déposé dans le caveau sépulcral. Le Seigneur enseigna jusqu'à une heure avancée de la nuit.

14 novembre .--Le matin le Seigneur alla visiter Nazor le ressuscité ; il lui lava les pieds et l'exhorta à penser dorénavant à son âme plus qu'à son corps et à restituer le bien mal acquis. Il fit ensuite venir les enfants de cet homme, parla de la miséricorde de Dieu que leur père avait éprouvée, les exhorta à la crainte de Dieu, les bénit et les conduisit à leurs parents. Il conduisit aussi la mère à son époux et la lui remit comme à un homme revenu pour mener en commun avec elle une nouvelle vie meilleure et plus austère.

Ce même jour Jésus donna encore beaucoup d'enseignements sur le mariage et toujours en se servant de comparaisons tirées de la vigne et des semailles. Il s'adressa particulièrement au jeune couple et dit à Salathiel : "  Tu t'es laissé attirer par la beauté corporelle de ta femme. Pense donc quelle doit être La beauté d'une âme, puisque Dieu envoie son fils sur la terre pour sauver l'âme par le sacrifice de sa vie. Mais celui qui travaille pour le corps ne travaille pas pour l'âme. La beauté produit la convoitise et la convoitise corrompt l'âme par le rassasiement. Cette satisfaction immodérée est la plante parasite qui étouffe et fait périr le froment et la vigne ". C'est ainsi qu'il ramena son exhortation à des prescriptions relatives à la culture du blé et de la vigne et qu'il leur signala spécialement deux plantes grimpantes de très mauvaise nature afin qu'ils ne les laissassent pas approcher de leur champ ni de leur vignoble.

Jésus leur dit encore qu'il voulait aller à Cédar pour le sabbat, qu'il y enseignerait dans l'école et qu'alors ils apprendraient comment ils pourraient avoir part à son royaume et quelle voie il leur faudrait suivre. Il annonça qu'il quitterait le pays le dimanche suivant et qu'il se dirigerait vers le levant à travers l'Arabie. Ils lui demandèrent pourquoi il allait chez les païens qui adoraient les astres. Il répondit qu'il avait là des amis qui avaient suivi une étoile pour venir le saluer lors de sa naissance. C'était eux qu'il voulait aller chercher, pour les inviter aussi à entrer dans la vigne et dans le royaume de son père et pour leur frayer le chemin. Il resta encore la nuit suivante dans cette maison.

15 novembre.-- Aujourd'hui dans la nuit du mercredi au jeudi, je me trouvai à Cédar où Jésus est à présent. Je rencontrai sur mon chemin un jeune homme de quinze à seize ans dont les parents étaient malades et ne pouvaient pas quitter leur lit, et qui parcourait le pays, allant partout où il espérait apprendre quelque chose sur Jésus. Il se rendait à Cédar pour le sabbat afin d'entendre Jésus qui y était revenu avec une troupe d'une cinquantaine de personnes. Je me souviens de m'être entretenue avec ce jeune homme, mais je ne sais plus à propos de quoi. Il changea plus tard de nom pour prendre celui de Tite et devint disciple de Paul. Je le vis très distinctement parce que j'avais dans mon voisinage des reliques d'un martyr de sa famille appelé Fidèle, lequel m'a fait connaître le nom de beaucoup de gens de ce pays et beaucoup de choses qui y sont arrivées. Lorsque Jésus y alla, Fidèle n'était pas encore né, mais il était présent dans la personne de ses aïeux. Son arrière-grand-père était cet homme que Jésus guérit ainsi que sa femme, auprès d'Edon, le 25 octobre. Il s'appelait Benjamin et descendait de Ruth en droite direct. Marc avait aussi des relations avec cette famille : mais son lieu de naissance était plus rapproché de la Judée. Silas aussi connaissait ces personnes.

Il y avait à Cédar une affluence extraordinairement nombreuse : on s'y pressait comme à Coesfeld le jour de la Pentecôte. Je vis Jésus guérir en public plusieurs malades : il se bornait à leur dire en passant près de l'endroit où ils étaient couchés : " Levez-vous et suivez-moi ". Aussitôt ils se levaient pleins de santé. L'étonnement et l'admiration étaient au comble, au point que si Jésus ne s'était pas retiré à l'écart, la joie aurait produit un soulèvement dans tout le pays. Jésus fit une exhortation au peuple et le convoqua pour le soir à la synagogue.

Nazor le ressuscité et sa femme n'étaient pas ici. Nazor, après son retour à la vie, avait été pris d'une maladie occasionnée par le repentir et par la commotion violente que son âme avait rapportée dans son corps. Du reste le Seigneur avait fait connaître à sa femme l'état de l'âme de son mari.

17 novembre.-- Aujourd'hui à midi je vis Jésus dans une maison de Cédar s'entretenir avec Salathiel et sa femme touchant l'état du mariage. Il leur donna des avis circonstanciés et leur dit comment ils devaient vivre ensemble et à quelles conditions ils pouvaient devenir un bon cep de vigne. Ils devaient se tenir en garde contre la concupiscence et, chaque fois qu'ils useraient du mariage, refléchi1 sur les motifs qui les dirigeaient ; car lorsqu'ils ne seraient poussés que par les désirs charnels, ils produiraient les fruits amers de la concupiscence. Il les prémunit contre l'excès en toute chose, les exhorta à la prière et au renoncement et à se garder de l'ivresse du vin. Il parla de Noé et du péché de l'ivrognerie. La fiancée devait être un vase pur : il lui prescrivit la séparation pendant ses maladies et la continence absolue après la conception. Il parla de la confiance mutuelle et de l'obéissance de la femme. Le mari ne devait pas refuser de répondre à ses interrogations : il devait l'honorer et la ménager comme un vaisseau fragile. Il ne devait pas entrer en méfiance s'il la voyait parler à d'autres hommes : de son côté elle ne devait pas être jalouse s'il s'entretenait avec une autre femme : toutefois aucun des deux ne devait scandaliser l'autre. Ils ne devaient souffrir aucun tiers intermédiaire entre eux et traiter leurs affaires en esprit de charité. Il parla sévèrement de tout ce qui tend uniquement à satisfaire la convoitise naturelle, et représenta le mariage et son usage tel qu'il est permis à l'homme déchu, comme devant être accompagné chez des époux pieux, de sentiments de pénitence et d'humiliation. Ils ne devaient avoir commerce ensemble qu'après avoir prié et en se maîtrisant eux-mêmes, et ils devaient recommander à Dieu les fruits de leur union. Il dit à la femme qu'elle devait devenir une pieuse Abigaïl. Il leur indiqua aussi un endroit propre à cultiver du blé Il leur recommanda d'établir une clôture, autour de leur vigne : cette clôture, c'était les avis qu'il leur donnait.

Le soir d'avant le sabbat Jésus s'entretint avec le prépose de la synagogue, qui s'appelait aussi Nazor et qui était parent du ressuscité : il lui parla de Tobie dont l'un et l'autre étaient descendants et rappela toutes les voies par lesquelles ce saint homme avait été conduit J'ai eu à cette occasion une vision sur toute l'histoire de Tobie mais je l'ai oubliée. Les descendants de Tobie et de Ruth. qui habitaient ici, se distinguaient des rejetons d'Ismael par leur bonté, leur régularité et leur douceur.

18 novembre.-- Pendant tout le sabbat le Seigneur fit une grande instruction sur la vigne, sur le mur et la haie dont il faut l'entourer, sur le champ de blé, sur le pain et le vin, sur l'arche d'alliance, sur une vierge choisie entre toutes, sur le petit grain de blé qui n'était autre que lui-même et qu'il devait être enfoui dans la terre et ressusciter. Ils ne comprirent pas le sens de ses paroles. Il dit qu'ils devaient marcher à sa suite, non sur ces chemins de peu d'étendue qu'ils voyaient, mais sur la longue route qui aboutit au jugement. Il parla de la résurrection des morts et du jugement dernier et leur recommanda de veiller. Il raconta des paraboles sur les serviteurs paresseux, dit que le jugement viendrait comme le voleur de nuit, que la mort venait à toute heure. Eux, les Ismaélites, étaient ces serviteurs : il fallait qu'ils fussent fidèles

Il dit que Melchisédech avait été sa figure prophétique. Melchisédech avait offert en sacrifice du pain et du vin, mais en lui le pain et le vin étaient devenus chair et sang. Il finit pal leur déclarer nettement qu'il était le Rédempteur. Là-dessus beaucoup d'entre eux devinrent plus irrésolus et plus craintifs, d'autres, au contraire, plus enthousiastes et plus ardents. Il leur recommanda particulièrement de s'aimer mutuellement, de compatir les uns aux autres, de partager leurs joies et leurs douleurs comme les membres d'un même corps.

Je ne puis redire que ce peu de détails. mais son discours fut le résumé de tout ce que Jésus avait enseigne ici jusqu'à présent : ce fut, sous une forme symbolique et en même temps très simple, une instruction touchant le mystère de la chute originelle, la propagation du genre humain et sa dispersion, les moyens de salut et les directions données au peuple élu qui devaient avoir pour terme la naissance du Sauveur conçu d'une vierge et la régénération en lui pour passer de la mort temporelle à la vie éternelle.

Pendant cette instruction du Seigneur sur le cep de vigne et le froment, je vis de nouveau, en guise d'éclaircissements, plusieurs scènes de l'Ancien Testament que j'avais oubliées depuis longtemps. Je vis le premier sacrifice que fit Abraham en entrant dans la Terre promise, et je le vis, à cette occasion, placer sur l'autel des ossements d'Adam. Je vis qu'un ange lui porta comme un breuvage, qu'Abraham en but et qu'ensuite (mais je ne suis pas parfaitement sure de ceci) il en versa un peu sur l'autel où le feu s'alluma à l'instant et consuma les offrandes. J'entendis l'ange lui dire quelque chose : il semblait annoncer qu'il lui apportait ce qu'Adam avait perdu par sa chute. Cela avait l'apparence d'un liquide épais. Je vis alors sortir du nombril d'Abraham un sarment de vigne gros et tortueux, sous lequel se tenait un méchant oiseau de proie, la tête redressée et le bec ouvert : c'était comme un aigle ou un hibou. Il semblait vouloir dévorer le fruit du cep de vigne. Au-dessus de cet oiseau était une licorne bondissante, qui dirigeait sa corne contre le cou de l'oiseau, comme pour défendre le cep de vigne. Au-dessus de la licorne, autour du cep, je vis trois coeurs, puis à droite, une branche de la vigne portant une grosse grappe de raisin, puis au haut du cep, un visage humain avec une couronne au-dessus de laquelle était un globe surmonté d'une croix.

Lorsque plus tard je vis près d'Abraham les anges qui lui annonçaient la naissance d'Isaac, je vis qu'un d'eux lui mit dans la poitrine une chose sainte : c'était un corps peu consistant et comme spirituel. Je vis alors de nouveau sortir un cep de vigne du corps d'Abraham, comme dans la vision mentionnée plus haut ; mais je vis en face de la grappe de raisin paraître de beaux filaments lumineux : ils se réunirent pour former un noeud d'où sortit un bouquet d'épis de blé. Entre les épis je vis plusieurs visages humains. et il me semblât que deux d'entre eux se fondaient ensemble.