CHAPITRE TROISIÈME .


Séjour de Jésus en Galilée.

Jésus à Endor,- à Abez,- à Dabrath,- à Giscala,- à Gabara.- Première conversion de Madeleine.

(Du 4 au 14 novembre 1822. )

(3-4 novembre.) Jésus accompagné des disciples alla d'abord au nord-ouest, en suivant la vallée jusque vis-à-vis la petite rivière qui l'arrose au nord : alors ils prirent une direction plus septentrionale et après avoir fait environ cinq lieues, ils arrivèrent dans la nuit à une hôtellerie isolée, où il n'y avait qu'un abri, un foyer et des places pour se coucher. Il y avait dans le voisinage un puits qui remontait aussi à Jacob. Les disciples recueillirent des branchages et des fruits sur les hauteurs situées à l'est, et ils allumèrent du feu. Sur le chemin, Jésus, à plusieurs reprises, avait eu des entretiens prolongés avec eux, ce qu'il avait fait surtout pour l'instruction de Thomas, de Simon, de Manattem, du petit Cléophas et en général des nouveaux disciples. Il parla des conditions exigées pour le suivre, dit qu'il fallait abandonner tout ce qu'on avait sans regret et sans retour, mais que, s'ils étaient bien pénétrés du peu de valeur des biens terrestres, ils retrouveraient tout cela multiplié par mille dans son royaume. Il leur dit aussi qu'avant de renoncer ainsi à tout, ils devaient examiner mûrement s'ils en étaient capables. Judas Iscariote ne plaisait pas beaucoup à quelques-uns des disciples, notamment à Thomas : il déclara ouvertement à Jésus, que ce Judas fils de Simon ne lui plaisait pas, qu'il disait trop aisément oui et non : il lui demanda pourquoi il l'avait admis quand il se montrait plus difficile pour d'autres. Jésus répondit d'une manière évasive faisant allusion aux décrets divins rendus de toute éternité sur lui comme sur tous les autres.

Lorsque les disciples se furent retirés pour dormir, Jésus alla seul dans la montagne et y pria pendant la nuit.

(4 novembre.) Aujourd'hui de grand matin, quelques habitants de Sunem, qui est à deux lieues à l'est, vinrent trouver Jésus à l'hôtellerie et le prièrent instamment de venir les visiter le lendemain, car ils avaient des enfants bien dangereusement malades ; il pouvait les guérir, et précédemment ils l'avaient déjà attendu en vain. Jésus leur répondit qu'il ne pouvait pas y aller pour le moment, parce que d'autres l'attendaient, mais qu'il leur enverrait de ses disciples. Ces gens répondirent qu'ils n'y avaient pas confiance, que quelques-uns d'entre eux étaient déjà venus chez eux et qu'ils n'avaient point opéré la guérison désirée. Jésus les exhorta à la patience, et ils se retirèrent.

Jésus se dirigea alors vers Endor avec les disciples. Sur le chemin de Dothan à Endor, on trouve deux puits de Jacob, où ses troupeaux allaient boire : il avait à ce sujet des querelles et des combats continuels avec les Amorrhéens. Enfin, ils voulurent aussi le chasser de l'héritage de Joseph, situé dans le voisinage de Samarie, où Jésus s'était trouvé récemment : mais Jacob résista et on vida la querelle dans un combat singulier où Jacob fut vainqueur, et après lequel il y eut un traité. Lazare a des champs près de Jezraël, avant Endor. Joachim et Anne en avaient à deux lieues au nord-est d'Endor, et Anne accompagna Marie jusque-là lors du voyage de Bethléhem. Ce fut là qu'ils prirent un âne qui fut donné à saint Joseph et qui courait en liberté devant lui. Joachim et Joseph avaient aussi des champs qui se touchaient de l'antre côté du Jourdain, à peu de distance de Gazer : ils avaient pour limites au sud-est le désert et la forêt d'Ephraim.

Ce fut sur ce bien que Joachim alla se cacher pour prier lorsqu'il revint du temple, si triste, et il y reçut l'ordre d'aller à Jérusalem où Anne le rencontra sous la Porte-Dorée.

Jésus, en quittant l'hôtellerie où il avait passé la nuit, fit encore deux lieues au nord dans la direction d'Endor Il n'entra pas dans la ville, mais il resta dans une hôtellerie faisant partie d'un groupe de maisons, qui se liait à Endor en remontant la pente de la montagne. Il enseigna beaucoup de personnes qui se rassemblèrent bientôt autour de lui, convoquées par les disciples : sur la demande qui lui en fut faite, il entra dans quelques maisons et guérit des malades dont plusieurs avaient été amenés d'Endor. Parmi ces derniers se trouvaient des païens qui se tenaient à quelque distance. Il vint aussi un paien d'Endor avec un petit garçon de sept ans qui était possédé d'un démon muet et que souvent on ne pouvait maîtriser. Lorsque cet homme s'approcha de Jésus, l'enfant devint tout à fait furieux, s'arracha des mains de son père et alla se blottir dans une grotte de la montagne. Alors le père alla à Jésus, et se jeta à ses pieds en pleurant ; sur quoi Jésus alla à la grotte et ordonna à l'enfant de : venir devant son Seigneur. Celui-ci sortit d'un air humble et se prosterna devant Jésus qui lui imposa les mains et ordonna à Satan de se retirer : aussitôt l'enfant tomba comme évanoui pour quelques moments, et je vis une sombre vapeur sortir de lui, après quoi il se releva, courut à son père et lui parla. Celui-ci l'embrassa et se prosterna de nouveau avec lui devant Jésus pour lui rendre grâces. Jésus donna des avis au père et lui enjoignit d'aller se faire baptiser à Arnon. Jésus n'entra pas dans Endor. Le faubourg où il était, était mieux bâti qu'Endor même, parce qu'il était plus près de la route. Endor a quelque chose de mort et d'abandonné : une partie de la ville est déserte et l'on y voit des murs en ruines. Il semble que l'herbe croît dans les rues. Il s'y trouve beaucoup de païens soumis à une sorte de servitude, à raison de laquelle ils sont astreints à des travaux publics de toute espèce Le peu de Juifs riches qui y habitent, viennent faire le guet d'un air effrayé à la porte de leurs maisons et regardent souvent derrière eux, comme s'ils craignaient qu'on ne leur dérobe leur argent quand ils ont le des tourné.

Jésus alla d'ici à une lieue et demie ou deux lieues au nord-est, à l'entrée d'une vallée qui va de la plaine d'Esdrelon au Jourdain le long du versant septentrional des montagnes de Gelboë. Il y a une arête élevée au milieu de cette vallée : elle est arrosée par un petit cours d'eau qui se jette dans le Jourdain : il passe d'abord au midi de cette arête, puis il la coupe et se dirige vers le nord pour se rendre au Jourdain. Dans cette vallée, sur une éminence isolée comme une île, est située Abez, ville de moyenne grandeur, entourée de jardins et d'avenues, près de laquelle passe le petit cours d'eau : un quart de lieue plus à l'est dans la vallée, se trouve un beau puits appelé Puits de Saul, parce que c'est là que Saul fut blessé. Jésus n'entra pas non plus dans cette ville, mais il contourna la pente septentrionale des montagnes de Gelboë, et passant au midi de la ville, il se dirigea vers un groupe de maisons, entremêlées de jardins et de champs : il y avait aussi là de grands tas de blé. Jésus entra dans une hôtellerie ou l'attendaient des vieillards et des femmes alliés à sa famille : ils lui lavèrent les pieds et lui témoignèrent une déférence sincère et affectueuse. Ils étaient au nombre de quinze, neuf hommes et six femmes ; ils lui avaient fait dire qu'ils désiraient se rencontrer ici avec lui. Plusieurs avaient avec eux des serviteurs et quelques enfants. C'étaient des gens très âgés, parents de sainte Anne, de saint Joachim et de saint Joseph. L'un d'eux était un demi frère de Joseph, plus jeune que lui, qui demeurait, je crois, dans la vallée de Zabulon ; un autre était le père de la fiancée de Cana ; il y avait aussi cette parente de sainte Anne, des environs de Séphoris, chez laquelle il avait guéri l'enfant aveugle avant son dernier séjour à Nazareth (voir tome II, page 239 ). J'ai oublié les autres. Ils s'étaient réunis et étaient venus ici sur des ânes pour voir Jésus et pour lui parler. Ils désiraient qu'il choisît quelque part un domicile stable et qu'il cessât de courir le pays : ils voulaient lui chercher un endroit où il pût enseigner tranquillement et où il n'y eût pas de Pharisiens. Ils lui représentèrent le grand danger qu'il courait, à cause de l'irritation des Pharisiens et des autres sectes contre lui. " Nous savons bien, disaient-ils, les merveilles que vous opérez et les grâces dont vous êtes la source, seulement choisissez une demeure fixe pour y enseigner en repos, afin que nous se soyons pas dans une inquiétude continuelle pour vous ". Ils se mirent alors à lui proposer différents endroits.

Ces vieilles gens simples et pieux faisaient cette proposition à Jésus par suite de leur grande affection pour lui ; ils étaient scandalisés des sarcasmes incessants des malveillants qui leur étaient répétés. Jésus s'entretint longuement avec eux : il leur tint un langage très énergique et très affectueux, mais tout différent de celui qu'il tenait au peuple et à ses disciples. Il s'exprima plus nettement, il donna des éclaircissements sur la promesse divine et sur l'obligation où il était d'accomplir la volonté de son Père céleste : il dit qu'il n'était pas venu pour se reposer, ni pour des individus ou pour les gens de sa parenté, mais pour tous les hommes : que tous étaient ses frères et ses parents que la charité ne connaissait pas le repos, que celui qui est envoyé pour secourir doit aller à la recherche des pauvres, qu'il ne fallait pas avoir en vue les commodités de cette vie, que son royaume n'était pas de ce monde, etc. Il se donna beaucoup de peine pour éclairer ces bonnes gens, que ses discours étonnaient de plus en plus, et dans l'esprit desquels la lumière se faisait de plus en plus. Leur affection et leur intérêt pour lui allaient toujours croissant. Il alla séparément avec les uns et les autres se promener à l'ombre sur la montagne, il les instruisit, les consola, puis il s'entretint encore avec tous ensemble. Ce fut à cela qu'il passa la journée. Ils prirent avec lui un repas frugal, consistant en pain, en miel et en fruits secs qu'ils avaient apportés.

Dans la soirée, les disciples lui amenèrent le fils d'un maître d'école de l'endroit voisin. Il avait étudié et voulait à son tour devenir maître dans quelque école. Il pria Jésus de l'admettre parmi ses disciples, disant qu'il avait reçu de l'éducation, qu'il pouvait dès à présent se servir de lui et lui donner un emploi, etc. Jésus lui répondit que cela ne se pouvait pas, que sa science n'était pas celle qui était requise ? qu'il était trop attaché aux choses de la terre, etc. ; bref, il le refusa ; j'ai oublié le reste. 

(5 novembre.) Le matin, Jésus visita encore ses cousins et leur donna des avis : ils partirent vers midi, se dirigeant vers le mont Thabor, où ils se séparèrent dans diverses directions. Il avait tout à fait réconforté, consolé et éclairé ces bonnes gens, et quoiqu'ils n'eussent pas tout compris, ils s'étaient tous tranquillisés intérieurement, et ils partirent avec la ferme persuasion que ses paroles étaient des paroles divines, que ce qu'il faisait était bien fait, et qu'il savait mieux qu'eux par quelles voies il devait marcher Leurs adieux furent encore plus touchants que leur première entrevue : ils prirent congé de lui en versant des larmes et avec les témoignages de la déférence plus affectueuse, puis, lui adressant des sourires et des gestes d'amitié, ils remontèrent la vallée dans leur simple accoutrement de voyage, les uns montes sur des ânes, les autres à pied, tenant à la main de longs bât4)ils. Jésus et ses disciples leur firent quelque temps la conduite, après les avoir aidés à charger leur bagage et à s'asseoir sur leurs montures.

Jésus alla ensuite dans la vallée à un beau puits, situé à un quart de lieue d'Abez, ou se trouvaient plusieurs femmes de la ville qui étaient venues puiser de l'eau. Lorsqu'elles le virent venir, quelques-unes allèrent en toute hâte dans les maisons qui entouraient Abez, et bientôt il vint avec elles un certain nombre d'hommes et de femmes apportant des bassins, des linges, du pain et des fruits dans des corbeilles ; ils lui lavèrent les pieds ainsi qu'aux disciples, et leur firent manger quelque chose. La foule se grossit encore, et Jésus l'enseigna. On le conduisit ensuite dans la ville, 'où dès la porte, il vint à sa rencontre, de toutes les maisons et de tous les coins de rue, une foule d'enfants des deux sexes avec des couronnes et des guirlandes de fleurs. Les disciples qui l'entouraient trouvèrent que la presse était trop grande, et ils voulurent éloigner les enfants. Mais Jésus leur dit : `` Faites place et laissez les venir. ', Alors les enfants se précipitèrent tous vers lui, et il les prit dans ses bras, les serra contre lui et les bénit. Les pères et les mères se tenaient sur les portes et sur les galeries des vestibules. Il alla à la synagogue, où la foule s'assembla, et il enseigna. Le soir, il guérit quelques malades dans les maisons : il prit aussi, sous une cabane de feuillage encore debout, un repas auquel prirent part beaucoup de personnes de la ville.

Avant que Jésus allât dans cette vallée, Thomas était revenu d'Endor à Apheké, qui est située à l'ouest d'Abez. Je vis ici quelques femmes voilées affligées de pertes de sang, se glisser à travers la foule derrière Jésus, baiser le bord de sa robe et guérir aussitôt. Dans d'autres villes plus considérables. Ces sortes de femmes étaient obligées de rester à une certaine distance : dans de petits endroits comme celui-ci, on n'y regardait pas de si près.

(6 novembre.) J'ai oublié la plus grande partie de ce que Jésus fit aujourd'hui. Je me souviens seulement qu'il fut très bien accueilli ici et qu'il guérit quelques malades dans les maisons. Vers midi, il enseigna aussi de nouveau près du puis qui est devant la ville : il s'y trouvait beaucoup de gens du voisinage.
Il lui vint ici un messager de Cana. Le principal magistrat de la ville le faisait prier de venir tout de suite près de son fils dangereusement malade. Jésus le tranquillisa, et lui dit qu'il pouvait attendre encore. Il vint ensuite deux messagers juifs de Capharnaum, envoyés par ce païen qui avait déjà fait adresser à Jésus par ses disciples une requête en faveur de son serviteur malade. Ils le pressèrent vivement de vouloir bien aller avec eux à Capharnaum, autrement le serviteur mourrait. Mais Jésus leur dit qu'il irait en temps opportun. et que le serviteur ne mourrait pas encore. Les messagers assistèrent ensuite à son instruction.
Les habitants d'Abez étaient, pour la plupart, originaires de Jabez de Galaad. Ils s'étaient établis ici à l'époque du sacerdoce d'Héli, à la suite d'une contestation entre les habitants de Galaad : le juge qui gouvernait alors s'y rendit, et y mit un terme en décidant qu'ils viendraient s'établir ici. Saul fut blesse près du puits d'Abez, qu'on appelle, à cause de cela, le puits de Saul, et il mourut sur la hauteur qui est au midi. Les habitants sont, en général, de moyenne condition : ils font des corbeilles et des nattes avec des joncs qui croissent en abondance dans des marais voisins formés par l'eau qui coule des montagnes. Ils font aussi de petites cabanes de clayonnages : en outre, ils ont des champs qu'ils cultivent et des pâturages.

J'eus ici une vision sur l'histoire de Saul. et voici ce que je m'en rappelle. Les Israélites se tenaient a l'ouest d'Endor près de Jezraël, et les Philistins marchèrent contre eux de Sunem. Le combat était delà commencé lorsque Satan avec deux compagnons, habillés comme lui en prophètes, allèrent à Endor trouver la sorcière à la tombée de la nuit. Elle habitait hors de la ville dans une vieille muraille. C'était une femme décriée, sans moyens d'existence : elle était encore assez jeune : c'était une personne robuste, d'un aspect masculin : je vis son mari courir le pays, portant sur son des une boite où étaient des marionnettes, et faire des tours de toute espèce pour amuser les soldats et d'autres gens de même sorte.

Lorsque Saul vint à elle, il était déjà presque réduit au désespoir. Elle ne voulait pas se rendre à son désir, croyant qu'il la dénoncerait à Saul qui avait exterminé les faiseurs de sortilèges. Il lui fit un serment solennel qu'il n'en serait pas ainsi. Alors elle sortit avec lui de sa chambre qui était bien tenue et le conduisit dans un caveau. Saul lui demanda d'évoquer l'esprit de Samuel. Elle traça un cercle autour de Saul et de ses compagnons, dessina certains signes autour de ce cercle et tendit de côté et d'autre devant Satan, des fils de laine bariolée formant diverses figures. Elle se tenait debout en face de lui et avait encore un espace libre à côté d'elle. Devant elle était un bassin plein d'eau enfoncé dans le sol : elle tenait en outre dans ses mains des plaques de métal, comme des miroirs, qu'elle agitait les unes vis-à-vis des autres et au-dessus de l'eau Elle prononçait aussi des paroles et quelquefois elle appelait à haute voix : elle avait indiqué à Saul, dans lequel des compartiments formés par les fils entrecroisés devait regarder. Elle pouvait ainsi à l'aide de son art diabolique faire apparaître des troupes d'hommes armés, des combats et des figures de toute espèce et c'était une fantasmagorie de ce genre qu'elle voulait produire devant Saul. Mais lorsqu'elle commença ses prestiges, elle vit près d'elle une apparition et laissa tomber les miroirs sur le bassin d'eau : elle fut toute bouleversée et s'écria : " Vous m'avez trompée vous êtes Saul ". Alors Saul lui dit qu'elle n'avait rien à craindre et lui demanda ce qu'elle voyait. " Des saints sortent du sein de la terre. "répondit-elle. Satan ne voyait rien et dit : " à quoi ressemble-t-il ? " La femme saisie d'épouvante répondit : " à un vieillard en habits sacerdotaux ". Elle tira Saul à elle et s'enfuit hors du caveau. Mais Saul vit Samuel et tomba la face contre terre. Samuel lui demanda pourquoi il troublait son repos et lui dit que les châtiments de Dieu allaient l'atteindre, que le lendemain il serait près de lui parmi les morts, que les Philistins tailleraient en pièces les Israélites et que David deviendrait roi.

Ayant entendu ces paroles, Saul dans sa douleur et son épouvante restait étendu par terre comme s'il eût été mort. On le releva et on l'appuya contre le mur. Il ne voulut pas manger. Ses compagnons cherchèrent à le persuader et la femme apporta du pain et de la viande. Je ne l'avais pas vu tuer d'animal auparavant : Peut-être cela m'a-t-il échappé : cependant tout ce que j'avais vu avait pris trop peu de temps pour qu'elle eut pu le faire. Cette femme conseilla à Saul, au lieu d'aller au combat, de se rendre à Abez où les habitants. comme originaires de Galaad, étaient bien disposes pour lui. Saul y alla à l'aube du jour. Cependant les Israélites furent battus et mis en fuite sur les montagnes de Gelboë. Ce ne fut pas le gros de l'armée qui vint à l'endroit où était Saul, mais seulement un corps de partisans. Saul était assis sur un char et un homme se tenait derrière lui. Les Philistins qui se précipitaient en avant lui lancèrent des javelots et des flèches : ils ne savaient pas que ce fût le roi. Il fut grièvement blessé et son compagnon conduisit le char sur la pente méridionale de la vallée, hors du chemin où Jésus se trouvait hier avec les gens de sa parenté. Lorsque Saul sentit que sa mort était inévitable, il pria son compagnon de le tuer, mais celui-ci s'y refusa. Alors Saul debout dans le char voulut se jeter sur la pointe de son épée mais il ne put pas y réussir, empêché par un appui qui était en avant du char. Mais son compagnon détacha cet appui qui était mobile et qui s'abaissa : Saul alors se précipita sur son épée et son compagnon l'imita. Sur ces entrefaites un Amalécite passa : il reconnut Saul, prit ses ornements royaux et les porta à David. Après le combat on mit ensemble le corps de Saul et ceux de ses fils. Ceux-ci avaient été tués quelque temps avant lui, dans une partie du champ de bataille située plus à l'est. Les Philistins taillèrent les corps en morceaux et Je vis toutes choses se passer comme la Bible le raconte. J'ai été cette nuit sur toutes ces hauteurs de Gelboë ; ces montagnes se croisent et s'enchevêtrent d'une façon étrange.
Le ruisseau qui est dans cette vallée s'appelle Kadummim et il est mentionné dans le cantique de Débora. Il est arrive ici autrefois quelque chose que j'ai vu, mais dont je ne me souviens plus. Le prophète Malachie a séjourné ici quelque temps et y a prophétisé. Abez est à environ trois lieues de Scythopolis.

Dans l'après-midi Jésus s'éloigna du puits dans la direction du levant, puis il tourna au nord. Il franchit la hauteur qui domine la vallée du côte du nord puis ils firent trois lieues jusqu'à une autre vallée située à l'est du Thabor, et dans laquelle le torrent de Cison qui prend sa source sur la pente nord-est tourne autour de la montagne avant de se rendre dans la plaine d'Esdrelon. Au pied du Thabor, du côté du levant, se trouve la ville de Dabrath, qui occupe un bassin formé par les premières assises de la montagne : la vue s'étend de là, par-dessus la haute plaine de Saron, vers la contrée où le Jourdain sort du lac Le Cison la traverse : une partie de la ville est bâtie en deçà du torrent.

Jésus s'arrêta dans une hôtellerie devant la ville. Je ne l'ai pas vu aller dormir. Il enseigna jusqu'à une heure avancée des gens réunis autour de lui.

(7 novembre.) J'ai oublié la plus grande partie de ce que fit Jésus aujourd'hui. Je me souviens seulement qu'hier il est allé avec les gens chez lesquels il a passé la nuit, se promener au bas de la montagne et qu'il y a enseigné. Aujourd'hui, vers midi, il entra dans la ville de Dabrath et beaucoup de personnes se pressèrent autour de lui. Je ne sais plus dans quel ordre tout se succéda. Il guérit quelques malades. Il n'y en a pas beaucoup ici, l'air est très sain. La ville est très bien bâtie : je me souviens d'une maison précédée d'un grand péristyle avec des colonnes : des escaliers conduit au-dessus du péristyle et l'on trouve là d'autres escaliers qui montent jusqu'au toit de la maison. Je vis des gens descendre de là dans la rue lors de l'entrée de Jésus. Derrière la ville s'élève un contrefort du Thabor, et des chemins tortueux conduisent jusqu'au haut de ce promontoire : il y a environ deux lieues depuis là jusqu'au sommet. Des soldats romains sont établis dans une rue qui longe les murs de la ville. Il y a ici un bureau pour la perception des impôts. La ville a cinq rues dont chacune est habitée par des gens d'un métier différent. Dabrath n'est pas sur le grand chemin : la route de commerce la plus voisine passe à une bonne demi lieue d'ici. On y exerce cependant toute espèce d'industries. La ville avec son revenu est une ville de lévites. Les poteaux qui marquent les limites de la tribu d'Issachar, sont à peine à un quart de lieue d'ici. La synagogue est sur une place et la maison dont j'ai parlé tout à l'heure donne sur cette place. Je me souviens que Jésus y entra et que lorsqu'il y fut reçu je vis plusieurs personnes descendre les escaliers en toute hâte, car c'est la demeure d'un allié de sa famille, du fils d'un des frères ainés de saint Joseph, père nourricier du Sauveur.
Ce frère de saint Joseph s'appelait Elia : il avait cinq fils : celui qui demeure ici se nomme Jessé et c'est déjà un homme âgé. Sa femme vit encore et ils ont six enfants, trois fils et trois filles. Deux des fils ont déjà dix-huit et vingt ans. Ils s'appellent Caleb et Aaron. Leur père pria Jésus de les prendre pour disciples et il y consentit. Ils doivent partir avec lui quand il redescendra dans le pays. Ce Jessé est chargé d'une perception pour les lévites et il est à la tête d'une fabrique de drap. Il achète de la laine qui est lavée, filée et tissée ici. Il y a toute une rue qui travaille pour lui. Il y a aussi dans un bâtiment allongé un pressoir où l'on exprime le suc de diverses herbes qui croissent sur le Thabor ou que l'on fait venir d'ailleurs : les unes servent à la teinture ; les autres à préparer des breuvages et des parfums. J'ai vu dans des auges des cylindres creux où l'on introduit les plantes que l'on presse avec. de lourds pilons : les tuyaux par lesquels coule le suc ainsi exprimé aboutissent à l'extérieur de la maison et sont pourvus de bondons. On prépare là entre autres choses de l'huile de myrrhe. Jessé est très pieux ainsi que toute sa famille, ses enfants vont tous les jours prier au Thabor et il va souvent avec eux. Jésus logea chez lui avec ses disciples : il opéra des guérisons dans la ville et enseigna dans la synagogue.

Il y avait ici des Pharisiens et des Sadducéens. Ils formaient comme une espèce de consistoire et ils délibérèrent ensemble sur la manière dont ils contrediraient Jésus. Le soir, Jésus alla avec les disciples près du mont Thabor, où une réunion d'hommes était convoquée et il les enseigna au clair de la lune jusque très avant dans la nuit.

Sur la pente sud-est du Thabor se trouve une grotte avec un petit jardin où le prophète Malachie a souvent résidé : au haut de la montagne, il y a également une grotte avec un jardin où Elle a séjourné avec ses disciples comme sur le Carmel. J'ai vu les deux endroits. Ce sont des lieux de prière fréquentés par les Juifs pieux.

Sur le versant septentrional du Thabor, à une grande hauteur et tout contre la montagne, se trouve un endroit nommé Thabor, qui a donné son nom à celle-ci. Une petite lieue plus à l'ouest, en face de Séphoris, il y a encore un endroit fortifié. Khasaloth est au pied de la montagne sur le versant méridional, au nord de Naïm, ayant vue sur Apheké ; c'est là que le territoire de Zabulon se prolonge le plus dans cette direction. Il y a là un endroit qui, je crois, a porté plus tard le nom d'Affa : mais je n'ai aucune certitude à cet égard. J'ai vu que des parents de Jésus avaient habité cet endroit, notamment une soeur d'Elisabeth, fille de la tante maternelle de sainte Anne. Elle s'appelait Rhode, comme la servante de Marie, mère de Marc. Rhode avait trois filles et deux fils. Une de ces deux filles était l'une des trois veuves amies de Marie, dont il est si souvent question dans cette histoire. Elle avait deux fils parmi les disciples. Un des deux fils de Rhode épousa Maroni et mourut : sa veuve, restée sans enfants, épousa en secondes noces, conformément à la loi, un homme de la même famille, Eliud, neveu de sainte Anne. Elle eut de lui Martial et alla s'établir à Naim. Elle devint veuve une seconde fois, et c'est elle qui est la veuve de Naïm, dont le fils Martial fut ressuscité par le Seigneur.

(8 novembre.) Ce matin, Jésus enseigna dans la maison de son parent et guérit quelques malades dans la ville. Après le repas, il enseigna sur une place devant la synagogue. Beaucoup de malades étaient venus des environs et les Pharisiens étaient très irrités. Il y avait à Dabrath une femme riche, appelée Noémi. Elle avait trompé son mari et vécu dans l'adultère, en sorte que celui-ci était mort accablé de chagrin. A présent, elle avait un homme d'affaires auquel elle avait fait depuis longtemps la promesse de l'épouser, mais elle le trompait et avait toujours d'autres amants. Cette femme avait entendu Jésus prêcher à Dothan, et il s'était fait en elle un grand changement. Elle était pénétrée de repentir et n'avait plus qu'un désir, c'était qu'il lui remit ses péchés et lui indiquât une pénitence à faire. Elle avait assisté ici à la prédication et aux guérisons de Jésus, et elle cherchait à se rapprocher de lui, mais il se détournait toujours d'elle. C'était une femme de distinction et qui n'était las tombée dans le mépris public. Comme elle s'efforçait par tous les moyens possibles de pénétrer jusqu'à Jésus, les Pharisiens se mirent à la traverse : ils cherchèrent à lui faire honte de son insistance et l'engagèrent à retourner dans sa maison. Mais elle ne se laissa pas arrêter par là : son désir ardent d'être pardonnée la mettait comme hors d'elle-même et elle s'ouvrit passage à travers la foule. Elle se prosterna à terre devant Jésus et s'écria : " Seigneur, y a-t-il encore espoir de grâce et de pardon pour moi ? Seigneur, je ne puis plus vivre ainsi ! " Jésus l'engagea à se calmer, et elle lui dit : "J'ai gravement péché contre mon mari. J'ai trompé l'homme qui est maintenant à la tête de ma maison, "et elle proclama ainsi sa faute devant tout le monde.- Cependant tous ne l'entendirent pas, car Jésus s'était retiré à l'écart, et les Pharisiens qui se pressaient en foule, faisaient grand bruit tout autour de lui. Mais lorsque Jésus lui dit : " Levez-vous, vos péchés vous sont remis ! "elle demanda une pénitence. Jésus la remit à un autre moment et elle se dépouilla de tous ses ornements. Elle avait des perles autour de sa coiffure, des anneaux, des agrafes, des colliers et des bracelets : elle remit tout cela aux Pharisiens pour qu'ils le donnassent aux pauvres et elle se voîla le visage.

Jésus alla à la synagogue, car le sabbat commençait, et les Pharisiens et les Sadducéens le suivirent pleins de dépit L'instruction de ce soir roula sur Jacob et Esau (Genèse, XXV, 19-34. Malachie, I et II). Jésus appliqua à son temps ce qui est dit de la naissance de Jacob et d'Esau. Esau et Jacob étaient entrés en lutte dans le sein de leur mère, il en était ainsi de la synagogue et de ceux qui aspiraient à la sainteté. La loi est rude et sauvage ; elle est née la première comme Esau, mais elle vend son droit d'aînesse pour un plat de lentilles, pour le parfum de quelques petites observances et pratiques extérieures ; elle le vend à Jacob qui reçoit la bénédiction, et Jacob devient un grand peuple dont Esau doit être le serviteur, etc. Toute cette explication fut très belle : les Pharisiens ne trouvèrent rien à y opposer, mais ils disputèrent contre lui bien longtemps : j'ai entendu tout cela, mais je ne puis le rapporter.

Les Pharisiens lui reprochèrent de se faire un parti, d'établir dans tout le pays des hôtelleries où se dépensait beaucoup d'argent donné par de riches veuves et qui aurait pu profiter à la synagogue et à ses docteurs. Il en sera encore de même pour Noémi, disaient-ils : " comment peut-il lui remettre ses péchés " ? 

Jésus passa la nuit et enseigna encore chez le parent de saint Joseph.

(9 novembre.) Ce matin, Jésus n'alla pas à la synagogue, mais dans l'école des garçons et des filles. Ces enfants vinrent encore près de lui, avant le repas, dans le vestibule de la maison de son parent où il leur donna des avis et les bénit. La femme convertie hier est aussi venue le trouver avec son intendant. Jésus s'entretint d'abord avec chacun d'eux en particulier, puis avec tous les deux ensemble. La femme, avec ses dispositions actuelles, ne devait plus se marier, d'autant plus que l'homme était d'une condition inférieure. Elle lui céda une partie de son bien et donna le reste aux pauvres, sauf ce qui était nécessaire pour sa subsistance. Après le repas du jour du sabbat, au moment où les Juifs,- en général, ont l'habitude de faire une promenade, plusieurs femmes juives vinrent chez Jessé visiter la maîtresse de la maison et Jésus les fit jouer à un jeu instructif, approprié au jour du sabbat : Noémi, la convertie, était aussi là. Je ne me souviens plus de la marche de ce jeu, mais il consistait en une série de paraboles ou d'énigmes, dont chacune portait coup et qui les toucha profondément. On demandait, par exemple, où chacune avait son trésor, si elle en tirait intérêt, si elle le cachait, en faisait part à son mari, l'abandonnait aux soins de ses domestiques, le traînait à la synagogue, si c'était là qu'était son coeur ? On faisait de même différentes questions sur l'éducation des enfants, les relations avec les domestiques, etc. Je me souviens qu'il parla aussi de l'huile et de la lampe, de la manière dont la lampe brûle lorsqu'elle est remplie, de l'huile répandue inutilement, tout cela entendu dans le sens spirituel ; qu'une femme, interrogée à ce sujet, répondit toute joyeuse : " Oui, Maître, je prends toujours grand soin de la lampe du sabbat. " et que ses voisines se mirent à rire parce qu'elle n'avait pas du tout compris le sens des paroles de Jésus. Il donna ensuite des explications très frappantes sur ce qu'il avait dit, et la femme qui avait répondu de travers, dut faire un présent pour les pauvres, ce quoi toutes s'étaient préparées d'avance. Celle-là donna une pièce d'étoffe.

Jésus écrivit aussi une énigme sur le sable devant chacune d'elles et il leur fallait écrire la réponse à côté. Il leur donna ensuite des enseignements, dans lesquels il exposa toutes leurs mauvaises inclinations et leurs défauts d'une façon qui les émut vivement, sans qu'aucune pourtant eût à rougir devant les autres. Ces avis se rapportaient plus particulièrement aux fautes qu'elles avaient commises lors de la fête des Tabernacles, qui devenait facilement l'occasion de péché par suite de la liberté qui y régnait et des réjouissances qui l'accompagnaient. Plusieurs de ces femmes s'entretinrent ensuite en particulier avec Jésus, elles confessèrent leurs manquements, le prièrent de leur pardonner en leur imposant une pénitence et il les consola et les réconcilia. Pendant cette instruction, les femmes étaient assises sur des tapis et des coffres, le des appuyé contre des bancs de pierre et rangées en demi-cercle sous les colonnes du vestibule. Les disciples et les amis de la maison se tenaient des deux côtés à quelque distance. On ne parlait pas très haut, parce qu'autrement des gens de la rue auraient pu grimper sur le mur pour espionner et causer du désordre ; car on était là en plein air. Les femmes avaient apporté des aromates, des conserves et des parfums de toute espèce, pour en faire présent à Jésus. Il remit tout cela aux disciples pour être distribué aux pauvres malades qui ne recevaient jamais de pareils cadeaux.

Avant que Jésus allât à la synagogue pour la clôture du sabbat, des Hérodiens lui envoyèrent un message pour le prier de se rendre à un certain endroit de la ville où ils voulaient s'entretenir avec lui. Jésus répondit aux messagers d'un ton sévère : `r Dites à ces hypocrites qu'ils n'ont qu'à venir à la synagogue ouvrir contre moi leurs bouches perfides, c'est là que je leur répondrai ainsi qu'aux autres. "il leur donna encore d'autres sévères qualifications que je n'ai pas retenues, puis il se rendit à l'école.

Je ne me souviens plus de l'instruction du sabbat, je sais seulement qu'il y fut question de Jacob et d'Esau, de la grâce et de la loi, des enfants et des serviteurs du père, qu'il parla avec tant de force contre les Pharisiens, les Sadducéens et les Hérodiens, que leur rage alla toujours croissant. Il compara aussi les voyages d'Isaac d'un lieu à l'autre pendant la famine et les puits comblés par les Philistins, à sa prédication et à la persécution des Pharisiens ; il enseigna sur Malachie et dit comment s'accomplissait maintenant la prédiction de ce prophète : " Mon nom sera grand dans les limites d'Israël ; mon nom sera glorifié du levant au couchant parmi les nations ". Il leur parla de tous les chemins qu'il avait parcourus pour glorifier le nom du Seigneur, en deçà et au delà du Jourdain, et ajouta qu'il les parcourrait jusqu'au bout : puis il commenta très sévèrement ces paroles : " Le fils doit honorer son père et le serviteur son maître. " (Malach. I,5,6,11), etc. Ils furent couverts de confusion et ne purent rien lui répondre.

Mais lorsque le peuple quitta la synagogue, et que Jésus à son tour en sortit avec ses disciples, tous lui barrèrent le chemin dans un vestibule, et lui demandèrent des explications, disant qu'il n'était pas nécessaire que le bas peuple entendît tout ce qu'on avait à dire. Ils lui adressèrent toute sorte de questions captieuses, particulièrement sur ses rapports avec les Romains qui étaient en garnison ici : je ne sais plus bien de quoi il s'agissait. II leur répondit de manière à les réduire au silence, et comme à la fin ils exigeaient de lui, avec un mélange de flatteries et de menaces, qu'il cessât de parcourir le pays avec ses disciples, d'enseigner et de guérir les malades, faute de quoi ils l'accuseraient et le poursuivraient comme instigateur de troubles et de soulèvements, il leur répondit : " Jusqu'à la fin, vous trouverez à ma suite, partout où j'irai, les disciples, les ignorants, les pécheurs, les pauvres, les malades, que vous laissez dans l'ignorance, dans le péché, dans la pauvreté et dans la maladie ". Comme ils ne pouvaient rien lui répondre, ils quittèrent la synagogue avec lui et furent très polis en apparence. Intérieurement ils étaient pleins de dépit et tout déconcertés.

Jésus partit de là, à la lueur du crépuscule, avec ses disciples et plusieurs personnes qui l'attendaient devant la synagogue et il se dirigea au nord-est vers le Thabor. Il y trouva réunies d'autres personnes parmi lesquelles étaient ses cousins. Il s'assit au penchant de la montagne : ses auditeurs s'assirent et s'étendirent à ses pieds : les étoiles brillaient dans un ciel serein et il y avait même un peu de clair de lune. Il enseigna jusque bien avant dans la nuit. Il faisait souvent ainsi pour quelques groupes de braves gens quand ils avaient terminé une rude journée de travail. Tout alors est plus tranquille, rien ne distrait les assistants ; le ciel, les étoiles, la belle vue la fraîcheur agréable du soir et le calme de la nature rendent les hommes plus recueillis : ils entendent mieux sa voix, avouent plus aisément leurs fautes, sont moins exposés à rougir, emportent son enseignement chez eux et le méditent ensuite avec moins de distractions. Il en fut ainsi particulièrement dans cette occasion, au milieu des magnifiques aspects que présente cette belle contrée du Thabor : de plus, cette montagne était pour les gens du pays une montagne sainte, à cause d'Elie et de Malachie qui y avaient séjourné.

Comme Jésus revenait à son logis avec la foule, à une heure avancée de la nuit, un marchand païen de l'île de Chypre, qui avait assisté à son instruction, s'approcha de lui sur le chemin. Il habitait dans les bâtiments appartenant à Jessé avec lequel il était en relations de commerce : jusqu'alors il s'était tenu à l'écart par discrétion. Maintenant il vint trouver Jésus en particulier dans une salle de la maison et Jésus s'assit avec lui comme il avait fait avec Nicodème et répondit a toutes les questions que cet homme lui adressa avec beaucoup d'1mmilité et un grand désir de s'instruire.

Ce païen était un homme très sage et de sentiments très élevés : il s'appelait Cyrinus ; il parlait très pertinemment de toutes choses et il reçut l'enseignement de Jésus avec une humilité et une joie incroyables Jésus fut aussi très affable et très confiant avec lui Cyrinus dit au Seigneur qu'il avait vu depuis longtemps le néant de l'idolâtrie et qu'il aurait voulu devenir Juif ; seulement il y avait une chose qui lui inspirait une répugnance insurmontable : c'était la circoncision ; n'était-il donc pas possible d'arriver au salut sans la circoncision ? Jésus lui parla d'une manière très profonde et très confidentielle sur ce mystère : il lui dit qu'il pouvait circoncire ses sens par le retranchement des convoitises de la chair, qu'il en pouvait faire autant pour son coeur et pour sa langue, et aller à Capharnaum afin d'y recevoir le baptême. Là-dessus Cyrinus demanda à Jésus pourquoi il n'enseignait pas cela publiquement : il croyait que dans ce cas bien des païens, désireux du salut, se convertiraient Jésus répondit que ce peuple aveuglé le mettrait à mort, s'il parlait ainsi devant lui et il ajouta qu'il ne fallait pas scandaliser les faibles. Il pouvait aussi naître de là des sectes de toute espèce ; d'ailleurs, pour beaucoup de païens, cette prescription subsistait encore comme une épreuve et un sacrifice ; mais maintenant que le royaume de Dieu était proche, l'alliance qui avait pour signe la circoncision corporelle, allait prendre fin et elle devait être remplacée par la circoncision du coeur et de l'esprit. Cet homme l'interrogea encore sur la valeur du baptême de pénitence donné par Jean et Jésus lui dit à ce sujet quelque chose dont je ne me souviens plus.

Cyrinus parla aussi de plusieurs personnes de Chypre, qui désiraient vivement voir Jésus, et il se plaignit de ce que ses deux fils, dont au reste il vanta la vertu, étaient des ennemis déclarés du judaïsme. Jésus le consola à ce sujet et lui promit que ses fils deviendraient de zélés ouvriers dans sa vigne, lorsqu'il aurait accompli son oeuvre. Ils s'appelaient, à ce que je crois, Aristarque et Trophime, et ils devinrent plus tard disciples des apôtres, de saint Pierre ou de saint Paul, si je ne me trompe... (Toutefois elle s'exprima à ce sujet d'une manière très vague, mais plus tard elle dit très positivement qu'il y avait eu deux disciples du nom d'Aristarque : ainsi, celui dont il est question ici ne serait pas le même que celui qui est nommé dans les Actes des apôtres). L'entretien nocturne de Jésus avec ce païen se prolongea jusqu'au matin : il fut très touchant et profondément instructif : cet homme était plein d'intelligence et de généreux sentiments, et cela me rappela la nuit que Jésus avait passée avec Nicodème.

Sur le versant méridional du Thabor, Jessé a pratiqué dans les parois des rochers des espèces de niches pour y placer des vases où l'on prépare des parfums tirés des herbes et d'autres substances. Une liqueur coule de ces vases dans d'autres placés plus bas et on la remue souvent : c'est peut-être de la distillation.

Avant midi Jésus fit avec les disciples trois lieues au nord-est il alla visiter le territoire et le bourg de Giscala, qui est à une petite lieue avant Béthulie. Au commencement de son voyage, il pouvait voir au levant un endroit que je crois être Japhia, et au couchant un autre endroit, situé au nord du bourg de Thabor. La montagne qui est de ce côté est, si je ne me trompe, l'un des lieux où il opéra la multiplication des pains. Giscala est sur une éminence, mais moins élevée que celle où se trouve Béthulie. Holopherne y a campé : le bourg n'existait pas à cette époque : il n'y avait que quelques maisons. Giscala est une forteresse pleine de soldats païens ; je crois que ce sont des Romains. Hé rode est obligé de les solder, et les Juifs habitent un petit faubourg, à un demi quart de lieue de là Giscala n'est pas une ville comme une autre : on y voit quelques places et quelques bâtiments entourant des enceintes palissadées comme pour y tenir des chevaux en liberté : tout autour s'élevait des tours isolées à plusieurs étages ; elles sont environnées de murs et une garnison peut s'y détendre. Tout cet ensemble compose une ville singulière ; à l'une de ces tours s'adossent des bâtiments entourés de colonnes des quatre côtes : c'est là qu'est le temple païen. Les Juifs qui habitent le petit faubourg en avant de la forteresse, sont en très bons rapports avec la garnison : ils fabriquent toute sorte d'ouvrages en cuir, des harnais pour les chevaux et des objets d'équipement pour les soldats : ils sont les uns propriétaires, les autres surveillants et intendants de la contrée environnante qui est d'une merveilleuse fertilité : car c'est de là à Capharnaum que s'étend le magnifique pays de Génésareth. La forteresse est au point culminant de la hauteur : on y monte par des chemins couverts construits en maçonnerie. Le quartier des Juifs est ouvert et situé sur la pente : il est précédé d'une fontaine ou plutôt d'un abreuvoir où l'eau arrive par des conduites. Jésus s'arrêta d'abord près de cette fontaine avec les disciples.

Les habitants du quartier juif célébraient une fête, car grands et petits étaient dispersés dans les jardins et les champs d'alentour. Les enfants païens étaient aussi sortis de la ville et s'étaient rassemblés de leur côté. Lorsqu'on vit Jésus s'approcher de la fontaine, les magistrats vinrent le trouver avec leur maître d'école, qui était un homme instruit. Ils souhaitèrent la bienvenue à Jésus et à ses disciples, leur lavèrent les pieds et leur offrirent des fruits de diverses espèces. Jésus enseigna près de la fontaine en paraboles touchant la récolte, car cette contrée faisait alors sa seconde récolte de raisins et d'autres fruits. Jésus alla aussi près des enfants païens, s'entretint avec leurs mères, les bénit et en guérit quelques-uns qui étaient malades. Les Juifs de Giscala célébraient aujourd'hui une fête en mémoire de leur délivrance d'un oppresseur qui était le fondateur de la secte sadducéenne. Il vivait plus de deux siècles avant Jésus-Christ, j'ai oublié son nom qui ressemblait à Man ou Melan : du moins la syllabe an s'y trouvait et je crois qu'il commençait par une m. Un certain Antigonus avait aussi pris part à l'établissement des Sadducéens, mais ce n'est pas de lui dont je parle : il n'avait joué qu'un rôle subordonné à celui du premier. Celui-ci avait un emploi dans le sanhédrin de Jérusalem et était chargé de maintenir les doctrines religieuses qui existaient en dehors de la loi. Il tourmenta horriblement les gens d'ici : c'était un très méchant homme. Il disait qu'on n'avait à espérer de Dieu aucune récompense et qu'on devait agir en tout comme des esclaves. Il était de ce pays : ces habitants avaient conservé de lui de terribles souvenirs et ils célébraient une fête en mémoire de sa mort. Je vis toute l'origine des Sadducéens : je ne m'en souviens plus. Il y avait aussi avec lui un homme de Samarie. Sadoch fut le continuateur de son enseignement : il était disciple de l'autre (Antigonus) et soutenait qu'il n'y aurait pas de résurrection : il avait aussi avec lui un Samaritain. (Elle décrit en termes si forts la haine des habitants de Giscala et la tyrannie exercée sur eux, qu'on doit croire qu'il avait eu là plus que des vexations en matière de conscience.
Jésus avec ses disciples alla passer la nuit chez le chef de la synagogue. Il enseigna encore là dans le vestibule ; on lui amena quelques malades qu'il guérit, entre autres une vieille femme hydropique. Le docteur de la synagogue était un excellent homme très instruit : les gens de cet endroit avaient de l'antipathie pour les Pharisiens et les Sadducéens et ils s'étaient procuré ce maître eux-mêmes. Ils lui avaient fait faire des voyages jusqu'en Egypte. Jésus s'entretint longtemps avec lui et avec les disciples : comme il arrivait ordinairement en pareil cas, cet homme en vint à parler de Jean. Il le vanta beaucoup et dit à Jésus que s'il avait autant de lumières et de pouvoir qu'il en faisait paraître et que lui en attribuait la renommée, il ne comprenait pas qu'il ne fît rien pour remettre en liberté cet homme admirable

Aujourd'hui, Jésus, dans une belle instruction, adressa à ses disciples des paroles prophétiques sur cet endroit. Trois zélateurs devaient sortir de Giscala : le premier était celui qui avait fondé la secte sadducéenne et à propos duquel les Juifs célébraient leur fête d'aujourd'hui ; le second était un grand scélérat encore à venir, Jean de Giscala, qui excita un grand soulèvement en Galilée et commit des actions horribles lors du siège de Jérusalem : j'ai vu un autre homme lui reprocher en face ses méfaits. Il y en avait un troisième qui était vivant et chez lequel la fureur devait se transformer en charité : celui-là devait enseigner la vérité dans cet endroit même et tout remettre dans la bonne voie. Ce troisième était Paul qui était né ici, mais dont les parents étaient allés s'établir à Tarse.

Je vis en effet qu'allant à Jérusalem, après sa conversion, il annonça ici l'Évangile avec beaucoup de zèle. La maison de ses parents existait encore : elle était affermée : elle est à l'extrémité de ce faubourg la plus rapprochée de Giscala, et il y a de ce côté une série d'enceintes palissadées très spacieuses et de maisonnettes semblables à des cabanes de blanchisseurs qui s'étend presque jusqu'à Giscala. Les parents de Paul ont été, je crois, à la tête d'une fabrique de toile. Cette maison est louée par un officier païen du nom d'Achias, qui y habite.

(11 novembre.) On ne saurait exprimer à quel point cette contrée est fertile : les habitants font maintenant leur seconde récolte de vins, de fruits, d'herbes aromatiques et de coton. Il y a ici un roseau que j'appelle toujours canne à sucre : il vient en groupes : ses feuilles sont plus grandes en bas qu'en haut : un liquide sucré en découle goutte à goutte comme de la résine, de baies placées les unes au-dessus des autres.

C'est aussi dans ce pays que se trouvent les arbres sur lesquels viennent les fruits dont on orne les cabanes de feuillage à la fête des Tabernacles. On les appelait pommes des patriarches, parce qu'ils avaient été apportés par les patriarches d'un pays plus chaud situé à l'Orient. Les troncs ne s'élèvent pas tout droit, mais tous sont, comme chez nous les arbres d'espaliers, courbes et étendus sur des murs, quoique l'arbre ait souvent plus d'un pied de diamètre.

(Tarse) Note : C'est ce qu'atteste une très ancienne tradition, confirmée par saint Jérôme.

Il y a aussi beaucoup de cotonniers et des champs entiers pleins de plantes odoriférantes, entre autres de celle dont on tire l'huile de nard. Je crois qu'il en vient aussi chez nous dans les bons terrains une espèce plus commune. Il y a ici beaucoup de figuiers, d'oliviers, de ceps de vigne et des melons magnifiques qu'on voit en quantité dans les champs et au bord du chemin. On rencontre aussi beaucoup de palmiers et de dattiers. De nombreux troupeaux paissent au milieu de toute cette richesse dans de belles prairies couvertes de gazon et d'herbe de toute espèce. Il croit encore ici de grands arbres avec de grosses noix, d'une espèce qui m'est inconnue, et un bel arbre qui fournit un bois de charpente singulièrement solide et compacte l.

J'ai vu ce matin, Jésus aller à travers les champs et les jardins qui sont remplis de gens faisant la récolte. De temps à autre une troupe se rassemblait autour de lui et il les enseignait en sentences brèves et en paraboles dont il empruntait les sujets à leurs travaux habituels. Les enfants païens se mêlaient ici assez familièrement avec ceux des Juifs pendant la récolte, cependant ils étaient vêtus un peu différemment.

Dans la maison où saint Paul est né, habite maintenant un centurion des soldats païens qui occupent la forteresse : il s'appelle Achias et il a un fils de sept ans malade, auquel il a donné le nom du héros juif Jephté.

Note : La Soeur décrit tout cela et bien d'autres choses avec une grande vivacité ; elle regarde tout autour d'elle avec une sorte d'exaltation joyeuse ; elle décrit les collines, les chemine et tout le terrain, mais tout cela très vile et avec ses locutions provinciales, en sorte qu'il n'a pas été possible d'en recueillir davantage.

Achias était un homme de bien et il désirait vivement l'assistance de Jésus, mais aucun des habitants ne voulait parler de lui au Sauveur : quant aux disciples, les uns étaient avec leur maître, les autres dispersés parmi les gens qui faisaient la récolte et auxquels ils parlaient de Jésus et répétaient quelques-uns de ses enseignements. D'autres étaient allés en avant pour porter des messages à Capharnaum et dans la contrée voisine. Les habitants n'aimaient pas le centurion qui habitait trop près d'eux et ils auraient voulu le voir aller ailleurs : en général ils n'étaient pas très affables, et même ils ne s'empressaient guère autour de Jésus. Ainsi ils suspendaient leur travail et l'écoutaient, mais ils ne témoignaient pas une sympathie vive et chaleureuse. Le centurion, dans son chagrin, suivait donc Jésus de loin et comme à la dérobée : mais le Seigneur s'étant rapproché de lui, il s'avança, s'inclina et dit : " Maître, ne dédaignez pas votre serviteur et prenez pitié de mon enfant que la maladie retient au lit chez moi. "Jésus lui répondit : " Il est convenable de distribuer le pain aux enfants de la maison avant d'en donner aux étrangers qui se tiennent dehors". Achias lui dit : " Seigneur, je crois que vous êtes l'envoyé de Dieu et l'accomplissement de la promesse, je crois que vous pouvez me secourir et je sais que vous avez dit que ceux qui croient cela sont des enfants et non pas des étrangers. Seigneur, ayez pitié de mon enfant ". Alors Jésus lui dit : " Votre foi vous a sauvé ". Et il alla avec quelques disciples dans la maison natale de Paul, où Achias habitait. Cette maison avait un peu plus d'apparence que les maisons juives ordinaires ; toutefois elle était distribuée de même. Elle était précédée d'un vestibule, puis on entrait dans une grande salle des deux côtés de laquelle étaient des chambres à coucher formées par des cloisons mobiles : on arrivait ensuite au foyer qui était au centre de la maison et autour duquel étaient quelques grandes chambres et quelques salles : il y avait le long des murs de larges bancs de pierre sur lesquels étaient placés des tapis et des coussins : les fenêtres étaient toutes dans le haut. Achias conduisit Jésus au milieu de la maison : ses serviteurs apportèrent devant le Seigneur l'enfant couché dans son lit. La femme d'Achias le suivait couverte d'un voile, elle s'inclina timidement et se tint un peu en arrière dans une attente pleine d'anxiété. Achias était plein de joie, il appela les gens de sa maison, les serviteurs et les servantes que la curiosité avait déjà attirés et qui restèrent à quelque distance. Le petit garçon était un bel enfant d'environ six ans, il avait une longue tunique de laine et autour du cou une bande de fourrure qui était croisée sur sa poitrine. Il était muet et complètement paralysé, mais il Paraissait aimable et intelligent : il regarda Jésus

Jésus adressa la parole aux parents et à tous les assistants, il parla de la vocation des gentils, de l'approche du royaume de Dieu, de la pénitence, de l'entrée dans la maison du Père par le baptême. Il pria, leva l'enfant de sa couche et le prit dans ses bras : puis il se courba vers lui, lui passa les doigts sous la langue, et l'ayant posé à terre, il le conduisit au centurion qui se précipita vers lui avec la mère tremblante de joie et l'embrassa en pleurant. L'enfant étendit les bras vers ses parents et dit : " Ah ! mon père, ah ! ma mère, je puis marcher, je puis parler ". Jésus dit alors : " Prenez cet enfant, vous ne savez pas quel trésor vous a été donné en lui. Il vous est rendu et il vous sera demandé ". Ses parents le ramenèrent près de Jésus et se jetèrent à ses pieds avec lui, le remerciant avec larmes. Il bénit l'enfant et lui parla très an4ectueusement. Le centurion pria Jésus d'entrer avec lui dans une pièce voisine et d'accepter une collation, que le Seigneur prit avec ses disciples. Ils mangèrent debout du pain, du miel et de petits fruits, puis ils burent. Jésus s'entretint encore avec Achias : il lui dit d'aller à Capharnaum pour y recevoir le baptême et l'engagea à s'adresser là à Zorobabel : ce qu'il fit plus tard avec les parents de sa maison. Le petit Jephté devint par la suite un disciple très actif de saint Thomas.

Les soldats qui tenaient garnison à Giscala, assistèrent comme gardes au crucifiement de Jésus. On les employait pour faire la police dans de semblables occasions. Je ne sais plus de quel pays ils étaient.

Note : Lorsque le pèlerin rechercha dans l'Histoire de la guerre des Juifs de Flavius Josèphe ce qui y est dit de Gabara et de Giscala, il y trouva, à sa grande surprise, dans le neuvième chapitre du quatrième livre, que Titus se rendit de Giscala à un endroit voisin appelé Cydessa, lequel appartenait aux Tyriens et s'était toujours montrés hostile aux Galiléens. Ce voisinage de Giscala et d'une ville prétendue tyrienne, paraissait concorder assez peu avec les allégations d'Anne Catherine. Le pèlerin lui fit part de sa découverte et elle lui répondit à l'instant même : "Oui, je connais très bien Cydessa qui est à l'ouest de Damna, à une lieue environ. On voit de là Cana qui est au midi. Il est vrai qu'il y a des Tyriens, mais la ville est dans la tribu de Zabulon. La chose remonte à un homme de Tyr, nommé Livias, auquel Alexandre le Grand donna cette ville avec son district en récompense de ses services. Elle était alors complètement dévastée, mais Livias la restaura et y attira beaucoup de Tyriens ses compatriotes. Ceux-ci continuèrent d'y habiter, et il n'y avait qu'un petit nombre de Juifs. C'est ainsi que Cydessa devint une ville païenne au milieu du territoire de Zabulon. Maintenant Cydessa n'a plus de seigneur ; mais il y a encore des païens et un grand dépôt de marchandises tyriennes. J'ai toujours aimé cet endroit : la position en est si agréable et si dégagée, et on y a une si belle vue sur la magnifique et fertile contrée d'alentour ! C'est de là que vinrent les premiers paiens au baptême de Jean : maintenant ils vont la prédication de Jésus sur la montagne près de Gabara.

Jésus quitta ensuite la demeure de l'heureux Achias et parla à ses disciples de cet enfant, disant qu'un jour il porterait des fruits : il dit aussi de cette maison qu'il en était sorti quelqu'un qui ferait de grandes choses dans son royaume. Jésus partit pour Giscala, mais il n'alla pas à Bethulie qui en était tout près, ce que je pressentis tout de suite. Il me semble toujours que cette ville aujourd'hui dépeuplée et oubliée, n'a plus pour habitants que des fossoyeurs. Il laissa à sa gauche la hauteur où est Béthulie, et longeant une vallée qui se dirige au nord-est entre des montagnes, il gagna la plaine où sont les bains de Béthulie. De là il fit encore environ trois lieues et arriva à Gabara, ville assez considérable, placée au bas du revers occidental de la montagne dont le côté tourné au sud-est cache dans ses anfractuosités ce singulier nid d'Hérodiens qu'on appelle Jotapat, et où Jésus a été récemment (voir t. II, p. 298). Jotapat se trouve à peu prés à une lieue de Gabara, en tournant autour de la montagne.

Cette montagne s'élève à pic comme une muraille derrière Gabara : on y monte par des degrés taillés dans le roc. Les habitants de la ville travaillent du coton qui ressemble à de la soie. Ils fabriquent des étoffes et aussi des espèces de matelas à l'usage des gens riches avec du coton rouge, jaune et bleu. Ces matelas sont tendus à l'aide de crochets et solidement attachés. C'est là tout le lit. Ils salent aussi des poissons qu'ils envoient au loin.

J'ai encore vu a Giscala que, quelque temps avant le malheureux combat livré prés de Jezrael, Saul, avait rassemblé son armée dans les montagnes de Gelboë, parcourut les environs de cette ville avec quelques compagnons, cherchant des devins ; car il ne les avait pas tous exterminés dans ce pays, mais ceux qui restaient s'étaient enfuis à son approche. Il s'était trop avancé, et les Philistins, avertis qu'il était dans leur voisinage, envoyèrent un détachement qui avait faillit s'emparer de lui ; mais deux hommes dévoués de la ville le sauvèrent et le cachèrent. Cela fut cause ;que plus tard David accorda des faveurs à la ville. On célébrait tous les ans une fête locale en mémoire de cette aventure de Saul.
A Gabara, on ne fit pas à Jésus de réception particulière : il alla dans une hôtellerie, et il vint un ou plusieurs Hérodiens de Jotapat qui lui témoignèrent une feinte déférence et lui adressèrent plusieurs questions insidieuses. Il leur répondit avec une grande liberté, et il enseigna aussi dans la synagogue.

(11 novembre.) II y a environ dix jours, comme on l'a dit, Marthe, Véronique et Jeanne Chusa, avec Anne, fille de Cléophas, ont fait le voyage de Béthanie à Capharnaum. Sur la route, Dina, la Samaritaine, et Marie, la Suphanite d'Ainon, se sont jointes à elles dans une hôtellerie où elles avaient amené quelques disciples de Jérusalem, qui étaient allés avec Lazare trouver Jésus, près d'Ophra, si je ne me trompe. C'était de là que provenaient les informations sur l'état moral de Madeleine qui a été mentionné récemment. La visite de Jacques le Majeur à Madeleine correspond au temps du séjour de Jésus à Méroz. J'ai vu aujourd'hui que les saintes femmes sont allées à trois lieues au midi de Capharnaum, dans une ville de lévites appelée Damna, elles avaient une hôtellerie, et que Marthe partit de là pour aller à une lieue au sud-ouest voir Madeleine à Magdalum.

Magdalum, avec ses châteaux et ses jardins, est situé au nord de la montagne à l'ouest de laquelle se trouve Gabara : Jotapat est à une lieue au sud-est de cette dernière ville. Magdalum est situé dans un bassin, sur la crête méridionale d'une vallée qui va de l'ouest à l'est dans la direction du lac de Génézareth à une demi lieue à peu près de l'extrémité occidentale de la vallée. La ville est bâtie sur le penchant de la montagne. Tibériade est à deux petites lieues au sud-est de Magdalum, sur le bord du lac. On peut aller à Magdalum d'en haut et d'en bas.

Marthe alla surtout voir Madeleine pour la déterminer à aller avec Dina la Samaritaine et Marie la Suphanite écouter une grande instruction que Jésus fera mercredi sur la montagne située au delà de Gabara Madeleine la reçut assez amicalement dans l'une des ailes de son château, qui est un peu délabré, et elle la conduisit dans une chambre voisine de ses appartements de réception, mais non pas précisément dans ceux-ci. Il y avait en elle un mélange de vraie et de fausse honte : d'une part, elle rougissait de sa soeur, pieuse, simple, mal vêtue, qui parcourait le pays avec les adhérents de Jésus, voués aux mépris des compagnons de plaisir de Madeleine : d'autre part, elle rougissait devant Marthe et n'osait pas la mener dans les appartements qui étaient le théâtre de ses folles et de ses désordres. Madeleine avait un certain abattement moral : mais elle n'avait pas la force de rompre avec ses habitudes : elle était pâle et un peu défaite. Déjà, les dernières fois que j'ai porté mes regards sur sa vie privée, sa position m'a paru moins indépendante et moins brillante. L'homme avec lequel elle vivait dans le péché lui était à charge, et elle se sentait un peu abaissée par cette relation, car il avait des sentiments vulgaires. En outre, elle avait déjà été remuée une fois par l'enseignement de Jésus.

Marthe s'y prit avec elle d'une façon très affectueuse et très adroite. Elle lui dit : " Dina la Samaritaine et Marie la Suphanite, deux personnes aimables et intelligentes que tu connais, t'engagent à aller avec elles entendre Jésus prêcher sur la montagne. C'est si près de toi ! elles seraient bien aises d'avoir ta compagnie dans cette occasion. Tu n'auras pas à rougir d'elles devant le peuple : tu sais qu'elles ont bon air, que leur mise est élégante et leurs manières distinguées. Ce sera un beau spectacle : rien n'est plus intéressant à voir que cette multitude innombrable écoutant la voix éloquente du Prophète, les malades qu'il guérit, la hardiesse avec laquelle il interpelle les Pharisiens ! Véronique, Jeanne Chusa, et la mère de Jésus, qui te veut tant de bien, sont toutes persuadées ainsi que moi que tu nous remercieras de cette invitation. Je pense que ce sera pour toi une distraction agréable : tu sembles maintenant ici tout à fait délaissée : tu ne trouves pas de gens qui sachent apprécier ton coeur et tes talents. Où ! si tu voulais passer quelque temps avec nous à Béthanie ! Nous entendons tant de choses merveilleuses, et nous avons tant de bien à faire ! et tu as toujours été si charitable et si compatissante ! Mais au moins il faut que demain tu viennes à Damna avec nous : nous sommes à l'hôtellerie, nous autres femmes : mais tu pourras avoir un logement a part et ne parler qu'à celles que tu connais, etc ". Ce fut de cette manière que Marthe parla à sa soeur, évitant avec soin tout ce qui pouvait la blesser. Madeleine, dans sa mélancolie, accepta volontiers. Elle fit d'abord quelques petites objections, mais elle finit par consentir, et promit à Marthe de partir avec elle pour Damna le lendemain matin. Elle mangea avec elle, et dans la soirée elle quitta plusieurs fois sec appartements pour venir la visiter. Le soir, Marthe et Anne de Cléophas adressèrent leurs prières à Dieu pour qu'il rendit ce voyage profitable à Madeleine. Madeleine semble disposée à recevoir une forte impression : mais je crois qu'elle retombera encore une fois. Je n'ai pas encore vu comment Jésus la délivra de sept démons.

(12 novembre.) Demain 23 Marcheswan, il devait y avoir une grande prédication sur la montagne qui domine Gabara, et des disciples avaient été envoyés pour l'annoncer plusieurs jours a l'avance : de nombreuses troupes se rendirent sur cette montagne de tous les endroits situés à plusieurs lieues à la ronde et campèrent tout autour du sommet, où il y avait au haut une enceinte fermée avec une chaire en pierre dont on n'avait pas fait usage depuis longtemps. Il vint aussi des païens de Cydessa et de la contrée et Adama, qui est au bord du lac Mérom. Tous ces gens portaient avec eux des provisions de bouche en abondance, et ils amenaient un grand nombre de malades de toute espèce. Pierre, André, Jacques, Jean, tous les autres disciples, y compris Nathanael Khased, vinrent à Gabara trouver Jésus : la plupart des disciples de Jean et les trois fils de la soeur aînée de Marie y étaient aussi. Il y avait bien là soixante disciples, amis ou parents de Jésus. Il eut ce jour-là quelques entretiens enseigna et guérit en divers endroits de la ville : le reste du temps se passa en promenades et en entretiens avec les amis nouvellement arrivés. Il accueillait les disciples alliés à sa famille et appartenant à son intimité, en leur prenant les deux mains et en leur donnant une accolade qui était comme un baiser fraternel.

Pierre est un caractère singulier, facilement accessible à tout ce qui est bon et juste : il est zélé et ardent au delà de toute expression, et quand il se fourvoie en quelque chose, qu'il parle ou agit mal à propos, il devient au premier avertissement tout à fait timide, craintif et réservé. André procède avec calme, il a de la fermeté et de la persévérance, et ne se trouble ni ne s'inquiète aisément. L'Evangile ne donne quelques détails que sur les personnes et les disciples dont l'individualité représente certains types dans l'Eglise. Tout ce qui est superflu ou fait double emploi est laissé de côté. Ainsi, les histoires de beaucoup de pécheresses ne sont représentées que par l'histoire de Madeleine : on n'y trouve non plus que quelques paroles particulièrement caractéristiques des apôtres. C'est comme lorsqu'on parle d'un homme et qu'on dit de lui : Il a une tête bien organisée, un coeur tendre, des mains actives et des pieds agiles ; sa bile s'émeut facilement. On mentionne seulement ces organes caractéristiques ; mais si l'on parle des genoux, des épaules, des oreilles, de l'estomac, de la poitrine, etc., on ne leur attribue pas une vertu ou un vice dominant. Ainsi, il est peu parlé de Marie, il est plus souvent question de Madeleine et de Marthe, et tout cela pour le profit et le plus grand bien des hommes de tous les temps, non de ceux d'une époque particulière : car on passe sous silence ce qui aurait pu édifier tel siècle ou tel peuple, mais être un sujet de scandale pour les autres. Ainsi, ce qui est rapporté des prédications et des enseignements de Jésus, donne seulement les points principaux et les expressions les plus fortes d'instructions ou d'exhortations qui duraient souvent plusieurs heures : ce sont uniquement les résumés des doctrines qu'il exposait, des directions et des encouragements qu'il donnait en instruisant le peuple : car il enseignait ce qui était nécessaire à chaque catégorie de personnes ; et comme il revenait souvent dans les mêmes endroits, il répétait aussi les mêmes enseignements en les renforçant et en les développant. (Tel fut le sens des explications données par Anne Catherine dans cette occasion.)

(12 novembre.) Aujourd'hui à midi, je vis Marie Madeleine avec sa suivante faire route de Magdalum à Damna en compagnie de Marthe et d'Anne de Cléophas. Elle était assise sur un âne, car elle n'avait pas l'habitude de la marche. Elle était habillée avec élégance, mais non avec ce faste exagéré qu'elle déploya dans une occasion postérieure, lorsqu'elle se convertit pour la seconde fois. Damna peut être à deux lieues de Magdalum. Elle descendit dans la même hôtellerie que ses compagnes, mais prit un logement séparé et ne parla pas à Marie, ni à Véronique. La Suphanite et la Samaritaine la visitèrent tour à tour. Je les vis se traiter avec beaucoup de courtoisie et de bienveillance mutuelles. Toutefois il y avait dans son attitude vis-à-vis des pécheresses converties quelque chose de particulier ; il me semblait voir un officier retrouvant un ancien camarade qui s'est fait prêtre. Mais ce léger embarras se dissipa bientôt en larmes et en témoignages de sympathie féminine. Dans l'après-midi, je vis Madeleine, avec la Suphanite, la Samaritaine, sa suivante et Anne de Cléophas, entrer dans une hôtellerie située au pied de la montagne où devait se faire l'instruction. Les autres femmes n'allèrent pas entendre Jésus pour ne pas troubler Madeleine. Elles étaient venues à Damna parce qu'elles désiraient que Jésus vînt les voir là et n'allât pas à Capharnaum, où les Pharisiens, comme la dernière fois (voir tome II, page 268), s'étaient réunis au nombre de seize environ. Ils étaient, comme alors, venus de divers endroits et demeuraient dans la même maison. Ils comptent y faire leur résidence permanente, parce que Capharnaum est le point central des pérégrinations de Jésus.

Le jeune Pharisien de Samarie, qui était là l'autre fois, n'y est point cette fois-ci : il y en a un autre à sa place. A Nazareth aussi et dans d'autres endroits, ils ont formé une ligue. Les saintes femmes et Marie surtout étaient très inquiètes, car les Pharisiens s'étaient déjà exprimés publiquement en termes menaçants. Elles envoyèrent un message à Jésus pour le prier de venir les trouver à Damna après sa prédication et de ne pas aller à Capharnaum : il valait mieux qu'il allât à droite ou à gauche, surtout de l'autre côté du lac, dans les villes païennes, pour ne pas s'exposer au danger. Mais il leur fit répondre qu'elles devaient s'en rapporter à lui sur ce qui le touchait, qu'il savait ce qu'il avait à faire et qu'il irait les visiter à Capharnaum.

(13 novembre, 23 Marcheswan.) Madeleine avec sa suivante, Marie la Suphanite, Dina et Anne de Cléophas, se trouvèrent le matin de bonne heure sur la montagne qui s'élevait du côté de Magdalum, entourée de plusieurs collines. Une multitude innombrable était campée tout autour et on avait apporté des vivres sur des ânes. Des malades de toute espèce avaient été amenés et placés ensemble suivant la nature de leurs maladies, les uns plus près, les autres plus loin. On avait dressé, pour les mettre à couvert, des tentes légères et des cabanes de feuillage. Au point le plus élevé se tenaient des disciples de Jésus, qui assignaient à chacun sa place avec beaucoup de bienveillance et rendaient toute espèce de bons offices. Autour de la chaire était une enceinte demi circulaire en maçonnerie. La chaire était abritée par une couverture : des toiles étaient tendues par endroits au-dessus des auditeurs. Madeleine et ses quatre compagnes étaient commodément placées à quelque distance : les femmes étaient ensemble.

Jésus arriva vers dix heures avec les disciples : les Pharisiens, les Hérodiens et les Sadducéens vinrent en même temps. Jésus monta dans la chaire : les disciples se tenaient d'un côté, rangés en cercle ; les Pharisiens de l'autre côté. Il y eut dans l'instruction plusieurs pauses pendant lesquelles les auditeurs se retiraient pour faire place à de nouveaux arrivants. Plusieurs choses furent répétées, et dans les intervalles, les assistants prenaient quelques rafraîchissements : Jésus lui-même prit une fois une petite réfection. La prédication fut une des plus fortes et des plus véhémentes que Jésus eût jamais faites. Avant de faire la prière, il commença par dire à l'auditoire de ne pas se scandaliser s'il appelait Dieu son père, car, disait-il, celui qui fait la volonté du Père céleste est son fils, et il leur montra qu'il faisait la volonté du Père. Là-dessus, il pria son Père à haute voix et commença à leur prêcher la pénitence à la manière des anciens prophètes. Il embrassa tout ce qui s'était passé depuis le temps de la promesse : il cita les menaces des prophètes et leur accomplissement comme figures du temps actuel et de l'avenir prochain ; puis il prouva la venue du Messie par l'accomplissement des prophéties. Il parla de Jean le précurseur qui avait préparé les voies, dit avec quelle fidélité il avait rempli sa mission et comment ils étaient toujours restés dans l'endurcissement. Il leur reprocha tous leurs vices, leur hypocrisie et leur idolâtrie de la chair et du péché. Il peignit en traits pleins de vivacité les Pharisiens, les Sadducéens et les Hérodiens. Il parla avec beaucoup de véhémence de la colère de Dieu et du jugement qui approchait, de la destruction de Jérusalem et du Temple, et des malheurs qui allaient fondre sur le pays. Il cita beaucoup de passages du prophète Malachie, qu'il interpréta et qu'il expliqua ; ses textes sur le précurseur, sur le Messie, sur une nouvelle oblation sans tache, ce que j'entendis du saint sacrifice de la messe, et que les Juifs ne comprirent pas. Il parla encore du retour du Messie au dernier jour de la confiance que devaient avoir ceux qui craignaient Dieu et des consolations qui leur étaient réservées. Il parla aussi de la translation de la grâce aux païens.

Il s'adressa aux disciples, les exhorta à la fidélité et à la persévérance. Il leur dit qu'il voulait les envoyer à tous pour enseigner la voie du salut. Il ajouta qu'ils ne devaient pas s'attacher aux Pharisiens, ni aux Sadducéens, ni aux Hérodiens ; il caractérisa sévèrement ceux-ci à l'aide de comparaisons frappantes, et il les désigna clairement. Cela fut d'autant plus déplaisant pour eux, que personne ne voulait accepter ouvertement la qualité d'Hérodien : la plupart n'avaient que des liens secrets avec cette secte.

Jésus, dans cette instruction, cita fréquemment les prophètes. Il dit entre autres choses que s'ils ne voulaient pas recevoir le salut, il leur arriverait pis qu'à Sodome et à Gomorrhe. Là-dessus, les Pharisiens crurent pouvoir le prendre en défaut et, pendant une pause, ils lui demandèrent si cette montagne, cette ville. tout ce pays devaient être engloutis avec eux tous et comment il était possible qu'il arrivât quelque chose de pire. Il répondit qu'à Sodome les pierres s'étaient englouties, mais non pas toutes les âmes, car ils n'avaient pas connu la promesse, n'avaient pas reçu la loi, n'avaient pas eu de prophètes : il prononça d'autres paroles qui me parurent s'appliquer à sa descente aux enfers et à la délivrance d'un grand nombre d'âmes. Les Juifs ne comprirent pas cela : mais moi, j'eus une joie d'enfant d'apprendre que tous ces hommes n'étaient pas perdus. Quant aux Juifs actuels, Jésus dit que tout leur avait été donné, que Dieu les avait choisis, et avait fait d'eux son peuple, qu'ils avaient reçu toute espèce d'avertissements et de remontrances. que beaucoup de promesses leur avaient été faites et s'étaient accomplies, mais que s'ils repoussaient tout cela et persistaient dans l'incrédulité, ce ne seraient pas les pierres et les montagnes, choses du domaine de leur Seigneur, qui seraient englouties par l'abîme, mais leurs coeurs et leurs âmes, durs comme la pierre. Or, c'était là quelque chose de plus terrible que le sort de Sodome.

Apres avoir si sévèrement exhorté les pécheurs à la pénitence, et annoncé en termes si forts les jugements de condamnation, Jésus se montra de nouveau plein d'amour : il appela à lui tous les pécheurs et versa même des larmes d'attendrissement. Il pria son Père de toucher les coeurs. Où ! s'ils pouvaient venir à lui, ne fût-ce qu'une troupe, ne fût- ce que quelques-uns, ou même un seul, quand même il serait chargé de tous les crimes imaginables : s'il pouvait seulement gagner une âme, il voulait tout partager avec elle, il voulait tout donner pour elle, il la rachèterait volontiers au prix de sa vie. Il étendit les bras vers tous, il s'écria : " Venez, venez, vous qui êtes fatigues et chargés ; venez, pécheurs, faites pénitence, croyez et entrez en partage du royaume avec moi ! " Il tendit aussi les bras vers les Pharisiens et vers tous ses ennemis, n'y en eut-il qu'un seul qui voulût venir à lui !

Au commencement, Madeleine avait pris place près des autres femmes, jouant son rôle de belle dame, de personne de distinction assez maîtresse d'elle-même, ou du moins voulant paraître telle ; toutefois, dès son arrivée, elle s'était déjà sentie honteuse et intérieurement émue. Elle regarda d'abord autour d'elle dans la foule : mais lorsque Jésus parut et parla, ses yeux et son âme furent de plus en plus ravis. Elle fut fortement ébranlée par son exhortation à la pénitence, par sa description des vices, par ses menaces de châtiment : elle ne pouvait pas résister5 elle tremblait et pleurait sous son voile. Lorsqu'enfin il conjura les pécheurs de venir à lui en termes si affectueux et si pressants, beaucoup de personnes furent transportées : il y eut un mouvement dans l'auditoire et la foule se porta en avant : Madeleine aussi et les autres femmes, à son exemple, se rapprochèrent de Jésus. Mais lorsqu'il dit : " Ah ! si une seule âme voulait venir à moi ! "Madeleine ressentit une telle émotion, qu'elle voulut aller jusqu'à lui. Elle fit un pas en avant, mais les autres la retinrent pour ne pas causer de trouble, et lui dirent : " Plus tard, plus tard ! " Son agitation excita à peine l'attention de ses voisins, parce que tous étaient comme suspendus aux lèvres de Jésus ; mais le Sauveur, ayant connaissance de l'émotion de Madeleine, lui répondit aussitôt par des paroles de consolation, lorsqu'il ajouta que, " quand même une seule étincelle de pénitence, de repentir, d'amour, de foi, d'espérance, serait tombée avec ses paroles dans une pauvre âme égaré, elle devait porter des fruits, elle devait vivre et prendre de l'accroissement : il voulait la nourrir, l'élever et la ramener au Père ". Ces paroles consolèrent Madeleine : elle en fut profondément pénétrée et reprit sa place parmi les autres.

Il était environ six heures : le soleil baissait déjà et descendait derrière la montagne. Jésus, pendant son instruction, était tourné vers le couchant : c'était de ce côté que se tenait l'auditoire : il n'y avait personne derrière lui. Il pria, bénit la foule et la congédia. Il dit aux disciples d'acheter des aliments aux gens qui en avaient et de les distribuer aux pauvres et aux nécessiteux : en général, ils devaient acheter tout ce que les uns ou les autres avaient de trop et le distribuer aux pauvres, même de manière à ce que ceux-ci eussent quelque chose à emporter avec eux. Ils ne devaient rien laisser perdre, mais se faire tout remettre, soit gratuitement, soit à prix d'argent, et le donner à ceux qui en avaient besoin. Une partie des disciples s'y employa aussitôt : la plupart des assistants donnèrent de bon coeur et les autres vendirent volontiers. Les disciples étaient pour la plupart connus dans le pays, ils firent ce dont ils étaient chargés avec beaucoup de charité : ainsi les pauvres furent bien pourvus et témoignèrent leur gratitude pour la bonté du Seigneur. Pendant ce temps, les autres disciples allèrent avec Jésus près des nombreux malades qui étaient couchés sur le bord du chemin. La plupart des Pharisiens et des gens de leur sorte revinrent à Gabara, scandalisés, touchés, étonnés, dépités, et Simon Zabulon, le plus considérable d'entre eux, rappela à Jésus, avant de partir, qu'il l'avait invité à souper dans sa maison. Jésus lui répondit qu'il irait. En attendant, ils descendirent et, pendant le chemin, ils firent tant d'observations et de critiques sur Jésus, son enseignement et sa personne, parce que chacun d'eux avait honte de laisser voir son émotion aux autres, qu'à leur retour dans la ville ils avaient tout à fait repris leur assurance et leur confiance en leur propre justice.

Madeleine et les autres femmes suivirent Jésus : elles se tinrent dans la foule près des femmes malades et se montrèrent disposées à se rendre utiles selon leur pouvoir. Madeleine était très émue et les tristes spectacles qu'elle avait sous les yeux ajoutaient encore à son émotion. Jésus commença par s'occuper des hommes ; ce qui dura assez longtemps. Il guérit des malades de toute espèce : l'air retentissait des cantiques de réjouissance chantés par ces gens qui s'en retournaient guéris et par leurs compagnons. Lorsqu'il s'approcha des femmes malades avec ses disciples, la foule qui se portait là et l'espace qu'il fallait pour Jésus et les siens forcèrent Madeleine et ses compagnes de s'éloigner un peu davantage. Cependant elle cherchait toujours à s'ouvrir un passage dans la foule et à se rapprocher du Seigneur, mais il se dirigeait toujours d'un autre côté.

Jésus guérit quelques femmes affligées de pertes de sang qui se tenaient à part : ce qui alla particulièrement au coeur de la délicate Madeleine, tout à fait étrangère jusqu'alors au spectacle des misères humaines. Quels souvenirs, quels sentiments de reconnaissance se réveillèrent dans l'âme de Marie la Suphanite, lorsque six femmes, attachées ensemble trois par trois, furent amenées à Jésus par de robustes filles qui les traînaient de force après elle avec de longues pièces d'étoffe ou des courroies. Ces malheureuses étaient horriblement possédées par des esprits impurs. Ce sont les premières femmes démoniaques que j'aie vu amener à Jésus en public. Elles venaient les unes de Samarie, les autres d'au delà du lac de Génésareth. Il y avait des païennes parmi elles. Ce n'était qu'ici au haut de la montagne qu'on les avait ainsi attachées ensemble. Elles étaient le plus souvent douces et paisibles et elles n'essayaient pas de se faire du mal les unes aux autres : mais quand elles venaient dans le voisinage des hommes, elles devenaient furieuses, se précipitaient sur eux, criaient, étaient lancées de côté et d'autre, et se roulaient par terre dans les convulsions les plus affreuses. C'était un spectacle effrayant : on les attacha et on les tint à l'écart pendant que Jésus prêchait et ce ne fut que plus tard qu'on les lui amena. Lorsqu'elles s'approchèrent de Jésus et de ses disciples, elles firent une vive résistance : Satan redoutait le Seigneur et leur faisait faire des contorsions horribles. Elles poussaient les cris les plus déchirants et leurs membres se tordaient de la manière la plus affreuse. Jésus se tourna vers elles : il leur ordonna de se taire et de rester tranquilles : alors elles restèrent silencieuses et immobiles. Il s'approcha d'elles, les fit délier et leur dit de se mettre à genoux ; puis il pria et leur imposa les mains et elles tombèrent sous sa main dans une courte défaillance. Je vis alors l'ennemi sortir d'elles comme une sombre vapeur ; elles furent relevées par leurs proches et se tinrent voilées et fondant en larmes devant Jésus, après quoi elles se prosternèrent à ses pieds et lui rendirent grâces. Jésus les exhorta à se convertir, à se purifier et à faire pénitence afin de ne pas retomber dans un état encore plus affreux.

Le jour tombait déjà et Jésus, accompagné de ses disciples, descendit à Gabara. Plusieurs groupes de personnes et aussi quelques-uns des Pharisiens allaient devant et derrière lui. Pour Madeleine, livrée tout entière à ses impressions et ne tenant aucun compte du reste, elle le suivait de près dans la foule des disciples et les quatre autres femmes en faisaient autant à cause d'elle. Elle cherchait toujours à être aussi près de Jésus que possible. Comme c'était là quelque chose de tout à fait contraire à l'usage pour des femmes, quelques-uns des disciples en parlèrent à Jésus. Mais il se retourna et dit : "Laissez-les faire, ce n'est pas là votre affaire. Jésus arriva ainsi à la ville et quand il fut prés de la maison destinée aux fêtes publiques dans laquelle Simon Zabulon avait fait préparer le repas, il trouva le vestibule rempli de malades et de pauvres qui y étaient entrés à son approche : ils implorèrent l'assistance de Jésus qui se rendit aussitôt près d'eux, les exhorta, les consola et les guérit. Pendant ce temps Simon Zabulon vint avec quelques autres Pharisiens et dit à Jésus qu'il était temps qu'il vînt au repas, qu'on l'attendait, qu'il avait fait bien assez de choses aujourd'hui et que ces gens pouvaient être remis à une autre fois. Mais Jésus lui dit que c'étaient là ses hôtes, à lui, ceux qu'il avait invités et qu'il devait d'abord assister ; qu'en invitant Jésus, Simon avait aussi invité ceux-ci, et qu'il n'irait à son repas qu'après les avoir secourus et avec eux. Là-dessus les Pharisiens furent obligés de se retirer et en outre de faire dresser des tables pour les malades guéris et les pauvres dans les salles qui entouraient le vestibule. Jésus les guérit tous : les disciples conduisirent ceux qui voulurent rester aux tables qu'on avait dressées pour eux, et on leur alluma des lampes.

Madeleine et ses compagnes avaient suivi Jésus jusqu'ici, et elles se tenaient dans une partie du vestibule qui touchait à la salle du banquet. Cependant Jésus vint se mettre à table avec une partie des disciples. C'était un festin opulent et Jésus envoya souvent ses disciples porter des différents mets aux tables des pauvres qu'ils servirent et avec lesquels ils mangèrent. Il enseigna pendant le repas et les Pharisiens se disputèrent vivement avec lui ; j'ai oublié à quelle occasion, parce que je regardais toujours Madeleine qui s'était approchée de l'entrée de la salle avec ses compagnes. Elle s'avançait toujours davantage et les autres femmes la suivaient à quelque distance. Enfin elle entra, humblement inclinée, la tête voilée, tenant à la main un petit flacon de couleur blanche, qui était bouché avec un paquet d'herbes ; elle vint d'un pas rapide se placer derrière Jésus et lui versa le flacon sur la tête, puis elle prit à deux mains l'extrémité de son long voile qu'elle passa sur la tête de Jésus, comme si elle eût voulu lui lisser les cheveux et les essuyer. Ayant fait tout cela très vite, elle se retira quelques pas en arrière. La conversation qui était très animée fut interrompue. Tout le monde gardait le silence, regardant Madeleine et Jésus. L'odeur du parfum se répandait dans la salle. Jésus était calme, mais plusieurs secouaient la tête, regardaient Madeleine d'un air mécontent et chuchotaient. Simon Zabulon paraissait particulièrement irrité et Jésus lui dit : " Je sais quelles sont tes pensées, Simon : tu penses qu'il n'est pas convenable que je me laisse oindre la tète par cette femme. Tu te dis que c'est une pécheresse : mais tu as tort, car son affection l'a poussée à faire ce que tu as négligé. Tu ne m'as pas témoigné les égards dus à un hôte ". Alors il se tourna vers Madeleine qui se tenait encore là debout et dit : " Allez en paix ! il vous est beaucoup pardonné ". Sur quoi Madeleine revint près des autres femmes et elles quittèrent la maison : Jésus parla d'elle aux convives, dit qu'elle était bonne et très compatissante : il parla des jugements qu'on porte sur autrui, de la facilité avec laquelle on condamne des fautes connues et publiques, tandis que souvent on en cache de beaucoup plus grandes dans le secret de sa conscience. Il enseigna encore assez longtemps, puis il revint à son logis avec les siens.

Madeleine avait été profondément remuée par tout ce qu'elle avait vu et entendu : elle était vaincue intérieurement et parce qu'il y avait en elle une certaine ardeur de dévouement et de générosité, elle avait voulu honorer Jésus et lui témoigner combien elle était touchée. Elle avait vu avec peine que pour lui, le plus admirable, le plus saint, le plus éloquent des prédicateurs, le plus compatissant et le plus secourable des thaumaturges, il n'y avait eu de la part de ces Pharisiens aucun hommage, aucune distinction particulière, ni lorsqu'ils l'avaient reçu comme leur hôte, ni pendant le repas qu'ils lui avaient donné : elle se sentit intérieurement poussée à suppléer, elle seule, à tout ce qu'ils avaient omis : car elle n'avait pas oublié les paroles de Jésus : " Quand il n'y en aurait qu'un seul qui fût touché et qui vint à moi ". Elle portait habituellement sur elle, comme le font habituellement les grandes dames du pays, le flacon, grand à peu près comme la main, dont elle s'était servi. Elle portait un vêtement de dessus blanc, brodé de grandes fleurs rouges et de petites feuilles : il avait de larges manches froncées, retenues par des bracelets, s'étalait amplement sur le des et tombait tout d'une pièce sans être assujetti à la taille. Il était ouvert par devant et attaché seulement au-dessus des genoux par des cordons ou des courroies. La poitrine et le des étaient couverts d'une pièce d'étoffe ornée de noeuds et de bijoux, placée sur les épaules en forme de scapulaire et attachée par côtés : là-dessous était une autre robe bariolée. Cette fois son voile qu'ordinairement elle repliait autour du cou, se déployait dans toute sa longueur. Sa taille était au-dessus de l'ordinaire : quoiqu'ayant de l'embonpoint, elle était pourtant svelte : elle avait des doigts très menus et très effilés, de petits pieds très minces, une démarche noble, une chevelure très belle et très abondante. 

(14 novembre) Les saintes femmes sont allées aux bains de Béthulie, une lieue plus loin que Damna. Il y a dans la vallée sur le bord septentrional du lac, une série de maisons où Jésus passa la nuit la dernière fois qu'il se rendit à ces bains, venant de Capharnaüm. De ce côté sont aussi les logements des femmes qui prennent les bains. Les saintes femmes sont parties hier de Damna pour aller là à la rencontre de Madeleine et de ses compagnes. Elles occupèrent ici une longue salle : il y avait une lampe et avec des couvertures : les compartiments où des sièges que l'on couchait étaient séparés par des rideaux. Marthe et une autre des saintes femmes allèrent hier soir avec un âne au-devant de Madeleine à mi-chemin de Gabara. Elles étaient à une lieue environ de cette ville. Hier soir et cette nuit, je vis Madeleine avec les saintes femmes. Marie aussi s'entretint avec elle. Celle-ci parla de la prédication de Jésus, les deux autres de l'hommage que lui avait rendu Madeleine, et de ce que le Sauveur avait dit. Je vis les saintes femmes aller et venir et s'entretenir ensemble : Madeleine, le plus souvent restait assise. Toutes la prièrent de rester avec elles, ou au moins de venir passer quelque temps à Béthanie : mais elle répondit qu'il lui fallait retourner d'abord à Magdalum pour mettre ordre à sa maison. Cela ne leur plaisait pas. Du reste, elle ne cessait de parler de son émotion, de la majesté de Jésus, de son pouvoir, de sa douceur et de ses miracles : elle sentait qu'elle devait le suivre, qu'elle menait une vie indigne d'elle : elle voulait se réunir aux autres, etc. Elle était très recueillie et très pensive, et pleurait souvent : mais elle avait le coeur allégé et rasséréné. Malgré les instances qu'on lui fit, elle voulut retourner à Magdalum avec sa suivante. Marthe l'accompagna quelques temps puis elle rejoignit les saintes femmes qui s'en revenaient à Capharnaüm. Madeleine, je le crains bien, retombera encore car je l'ai vue plus tard montrer bien de l'orgueil et de la mauvaise humeur, lorsqu'elle alla avec Marthe entendre prêcher Jésus sur la montagne voisine de Dothaïm : ce fut là qu'elle se convertit. 
Elle est plus grande et plus belle que les autres femmes. Dina la Samaritaine est belle aussi, mais bien plus active et plus remuante que Madeleine : elle est très vive, très affable et très serviable en toute occasion ; on dirait d'une servante alerte, avisée et prévenante : elle est, avec cela, pleine d'humilité. Mais la sainte Vierge les dépasse toutes en merveilleuse beauté : quoiqu'elle ne soit point sans égale pour les avantages extérieurs, et que Madeleine ait dans les traits quelque chose de plus frappant, cependant il y a chez elle une pureté, une simplicité, une naïveté, une gravité, une mansuétude inexprimables qui la mettent hors de toute comparaison : elle est si merveilleusement pure, si inaccessible à toute impression étrangère, qu'on ne voit eu elle que l'image de Dieu réfléchie dans l'humanité. Personne n'a de ressemblance avec elle, si ce n'est son fils. Sa physionomie se distingue de celle des femmes qui l'entourent et de toutes celles que j'ai jamais vues, par une expression de candeur, d'innocence, de gravité, de sagesse, de paix et d'amabilité douce et recueillie qu'aucune parole ne peut rendre. On voit en elle une incomparable majesté et la simplicité innocente d'un enfant. Elle est très sérieuse, très calme, souvent triste, jamais abattue ni agitée : les larmes coulent doucement sur son visage paisible.