CHAPITRE I

Jésus sur les confins de la Samarie et de la Judée.

Jésus se rend de la Pérée septentrionale sur les confins de la Samarie et de la Judée. - Séjour de Jésus à Dion, - à Jogbéha, - à Ainon, - à Sukkoth, - à Acrabis, - à Silo, - à Koréa, - à Ophra, - à Hareth.

(Du 1er au 16 octobre 1822.)

(1 et 2 octobre.) La narratrice fut aujourd'hui si malade et si souvent dérangée qu'elle ne : put communiquer que ce qui suit :

Hier soir, avec le sabbat du dix de Tisri, commença la fête de l'expiation, et toute la journée d'aujourd'hui fut consacrée à la célébration de cette fête par les Juifs de Dion. Jésus enseigna dans la synagogue de cette ville. Il fit des exhortations à la pénitence et parla contre la purification qui se borne seulement au corps sans qu'on pense à maîtriser l'âme. Je vis que quelques Juifs se flagellaient les reins sous de larges manteaux. Les paiens de Dion célébraient aussi une fête avec une quantité prodigieuse de fumigations : ils se mettaient sur des sièges sous lesquels on brûlait des parfums.

J'ai vu beaucoup de détails de la fête expiatoire à Jérusalem. Je vis beaucoup de purifications faites par le grand prêtre, des préparations et des abstinences pénibles, beaucoup de sacrifices, d'aspersions de sang et d'encensements. J'ai vu aussi le bouc émissaire, et comment on tirait au sort entre deux boucs. L'un était sacrifié, l'autre était chassé dans le désert : on attachait à la queue de celui-ci quelque chose où l'on mettait le feu, à ce que je crois. Dans le désert, il finit par se précipiter dans un gouffre. David alla autrefois dans ce désert qui commence au delà de la montagne des Oliviers. Aujourd'hui le grand prêtre était très triste et dans un grand trouble : il avait désiré qu'un autre pût faire la cérémonie à sa place ; il entra plein d'angoisse dans le Saint des saints et demanda instamment au peuple de prier pour lui. Le peuple pensait que le pontife devait être chargé de quelque grand péché et craignait fort qu'il lui arrivât malheur dans le Saint des saints. Sa conscience le tourmentait parce qu'il avait pris part à l'assassinat de Zacharie, le père de Jean, et son péché porta ses fruits dans son beau-fils qui condamna Jésus. Ce n'était pas Caïphe, je crois que c'était son beau-père.

Je vis la cérémonie dans le Saint des saints. L'objet saint de l'arche d'alliance n'y était plus, mais il se trouvait encore des linges et des vases de toute espèce dans l'arche qui était moderne et tout à fait à la nouvelle mode. Les anges étaient autrement qu'autrefois : ils étaient assis, avec une jambe relevée et l'autre pendante, la couronne était toujours placée entre eux.
Il y avait dans l'arche divers objets sacrés, de l'huile et de l'encens. J'ai vu toutes les cérémonies que lit le grand prêtre, mais je les ai oubliées. Je me souviens seulement qu'il encensa et fit une aspersion de sang ; qu'il tira du sanctuaire un petit linge et qu'il se blessa au doigt, ou qu'ayant du sang au doigt, il le mêla avec de l'eau et donna ce mélange à boire à une troupe de prêtres. C'était une espèce de symbole figuratif de la sainte communion. Je ne sais pas bien s'il ne mit pas aussi dans l'eau le petit linge tiré du sanctuaire. Du reste, dans certaines occasions, on buvait de l'eau versée sur l'objet saint comme je l'ai vu dans les mystères. Peut-être le linge vide y suppléait-il maintenant. Je vis aussi que le grand prêtre par une punition de Dieu était fort malade, et frappé de la lèpre. Il y avait une grande confusion dans le temple. Dans cette vision, j'ai aussi entendu dans le temple une prédication très effrayante tirée de Jérémie, si je ne me trompe. J'ai vu aussi beaucoup de choses de la vie des prophètes et touchant l'abomination de l'idolâtrie dans Israel : je ne m'en rappelle que ce qui suit :

Je crois qu'il était arrivé à cette même date, ou bien qu'on rappela dans l'enseignement de ce jour qu'Elie après sa mort avait écrit une lettre au roi Joram. J'ai vu que les Juifs et d'autres encore n'y croyaient pas, à mais expliquaient la chose en disant qu'Élisée, porteur de cette lettre, l'avait reçue d'Élie comme lettre prophétique. Il m'arriva alors quelque chose de singulier :

Je fus transportée avec rapidité, mais très doucement, vers l'orient et en passant Je vis la montagne des prophètes toute couverte de neige et de glace. 
 
 Note : Quand des faits du passé sont mentionnés dans une lecture du sabbat ou dans une instruction. elle les voit ordinairement à cette occasion dans des visions historiques.

Il y avait déjà des tours au-dessus, c'était peut-être une représentation de ce qu'elle était au temps de Joram. J'allai ensuite plus à l'orient, jusqu'au paradis, et j'y vis comme de coutume de beaux et merveilleux animaux se promener et jouer ensemble : je vis aussi des murailles resplendissantes et comme je l'avais vu d'autres fois, deux hommes couchés sous la porte et dormant en face l'un de l'autre. Je vis qu'Élie voyait en esprit tout ce qui se passait en Palestine, qu'un ange mit devant lui un beau rouleau blanc et une plume de roseau, qu'il se redressa et écrivit sur son genou. Je vis aussi un petit char, comme un siège, venir de l'intérieur près de la porte sur une colline ou sur des degrés : trois animaux blancs d'une beauté merveilleuse y étaient attelés. Je vis Élie y monter et se rendre rapidement en Palestine comme sur un arc-en-ciel. Il s'arrêta au-dessus d'une maison à Samarie ; je vis qu'Élisée y priait, qu'il regarda en l'air, qu'Elie laissa tomber la lettre devant lui et qu'il la porta au roi Joram. Les trois animaux étaient attelés au char d'Élie, deux par derrière et l'autre par devant. C'étaient des animaux incroyablement beaux et gracieux, ils étaient à peu près grands comme de petit chevreuils, blancs comme la neige, avec de longs poils blancs et soyeux. Ils avaient des jambes très fines et très élégantes, de petites têtes toujours en mouvement et sur le front une jolie corne un peu recourbée en avant. C'était des animaux semblables que j'avais vus attelés au char sur lequel il monta au ciel.

Note : Elle ne voulait pas croire à cette vision, l'appelait un rêve, etc., jusqu'au moment où le pèlerin lui dit que cette lettre était mentionnée dans l'Écriture sainte, ainsi qu'il venait de l'y voir : car il n'en savait rien auparavant et il trouva aussi l'explication vulgaire réfutée par la vision qui avait été montrée à la Sœur. (II Paralip. XXI, 12-15.)

Je vis aussi l'histoire d'Élisée et de la Sunamite et beaucoup d'autres détails touchant ce prophète qui a fait des choses encore plus merveilleuses qu'Élie. Ses manières étaient moins rudes et ses vêtements moins grossiers que ceux d'Élie. Élie était tout à fait un homme de Dieu et non à la mode des hommes ; il avait quelque ressemblance avec Jean Baptiste qui était un homme du même genre. Je vis aussi, en ce qui touche Élisée, comment son serviteur Giezi courut après l'homme que le prophète avait guéri de la lèpre (Naaman). Il courut après lui pendant la nuit, pendant qu'Elisée dormait ; il le rejoignit sur le bord du Jourdain et lui demanda des présents au nom de son maître.

Je vis aussi, le jour suivant, le serviteur travailler tranquillement et comme s'il eût tout ignoré, à des cloisons destinées à séparer des cellules, et Elisée lui demander où il était allé. Le prophète lui dit alors tout ce qu'il avait fait et lui annonça que ses enfants et lui seraient frappés de la lèpre.

Comme l'idolâtrie des hommes et le culte rendu par eux dès les premiers temps aux bêtes et aux images m'étaient montrés, ainsi que les rechutes continuelles des Israélites dans l'idolâtrie et la grande miséricorde de Dieu dont les prophètes étaient les instruments, et comme je m'étonnais grandement que les hommes pussent se livrer à un culte si abominable, toutes : ces mêmes abominations me furent montrées comme subsistant encore maintenant, mais seulement d'une manière spirituelle. Je vis par des tableaux innombrables dans le monde entier comment l'idolâtrie était pratiquée au sein du christianisme, et je la vis sous des formes presque aussi nombreuses que je l'avais vue dans les temps antérieurs. Je vis des prêtres qui adoraient des serpents à côté du Saint-Sacrement ; leurs diverses passions ressemblaient aux diverses formes de ces serpents. Je vis aussi près des grands du monde et des savants, toute espèce de bêtes semblables qu'ils arboraient tout en se croyant au-dessus de toute religion. Je vis des crapauds et d'autres animaux plus hideux |près de pauvres gens du commun dégradés. Je vis |aussi des paroisses livrées à l'idolâtrie, par exemple |une sombre église réformée dans le Nord avec un autel vide sur lequel se tenaient des corbeaux qu'ils adoraient. Ils ne voyaient pas ces animaux, mais leur vanité et leur orgueilleuse présomption étaient un culte qu'ils leur rendaient. Je vis des ecclésiastiques auxquels de petites figures grotesques, semblables à des doguins, tournaient les feuilles de leur bréviaire pendant qu'ils le récitaient. Je vis même chez quelques-uns de véritables idoles de l'antiquité, comme Moloch ou Baal, se tenir sur la table, trôner au milieu des livres, et même leur donner quelque chose à manger.

Je vis aussi des gens simples et pieux, semblables aux prophètes, qui étaient méprisés et tournés en ridicule par eux.

Je vis qu'il y avait aujourd'hui autant d'abominations qu'autrefois et que les idoles n'avaient rien d'arbitraire, mais que si l'impiété et l'idolâtrie des hommes d'à présent prenaient jamais une forme matérielle, si leurs sentiments se traduisaient en actions, on reverrait les idoles de l'antiquité.

(2-3 octobre.) Ce matin Jésus enseigna encore à Dion. Plus tard, comme il sortait de la ville, plusieurs personnes du quartier païen qui avaient entendu parler des guérisons opérées par lui à Gadara vinrent à lui fort timidement et lui apportèrent des enfants qu'il guérit. Il décida les parents à prendre la résolution d'aller au baptême. Il alla ensuite à cinq lieues plus au midi avec environ douze disciples et traversa le ruisseau qui descend de la vallée d'Éphron. A une demi-lieue au midi de ce ruisseau, se trouve dans une vallée où il y a une colline, un bourg du nom de Jogbéha ou Jarbélia, caché au fond d'une gorge, derrière un bois.

C'est un petit endroit peu connu. Il doit son origine à un prophète envoyé comme explorateur par Moise et Jéthro, et dont le nom ressemble à Malachaï. Ce n'est point Malachie le dernier des prophètes. Jéthro, beau-père de Moise, l'avait à son service ; il était très intelligent, et Moïse l'envoya dans ce pays. Deux ans avant que Moïse y vînt lui-même, il s'y avança assez loin en remontant le lac et il prit toute espèce de renseignements. A cette époque Jéthro habitait encore du côté de la mer Rouge, et ce ne fut qu'après ses explorations qu'il se rendit à Arca avec la femme et les enfants de Moise. Ce Malachaï fut poursuivi comme espion ; on chercha à s'emparer de lui et on voulut le faire périr. Il n'y avait pas encore de ville dans cet endroit ; mais il s'y trouvait quelques habitants qui vivaient sous la tente. Malachaï se trouvant poursuivi se jeta dans un marécage ou dans une citerne et se mit en prières. Je vis encore beaucoup de choses dont je ne me souviens pas bien. Ainsi je vis un ange lui apparaître et le secourir. Il lui apporta sur une longue et étroite banderole l'ordre de rester là trois ans encore et de tout examiner. Les gens qui habitaient sous la tente dans les environs le revêtirent d'habits comme les leurs ; ils portaient de longues robes rouges et des jaquettes rouges. Il vint aussi explorer dans la contrée de Betharamptha. Il vécut ici à la façon de ces habitants des tentes et leur fut très utile par les lumières qu'il leur communiqua.

Il y avait au fond de la gorge un long fossé tout plein de joncs, et à l'endroit où Malachaï s'était caché, se trouvait une source bouchée Je vis plus tard que cette source se mit à jaillir au dehors et rejeta une très grande quantité de sable ; il en sortait souvent une espèce de vapeur et de petits cailloux. Peu à peu il se forma autour de la source une colline qui se couvrit de gazon. Le marais fut comblé par l'éboulement d'une montagne et on bâtit au-dessus ; c'est ainsi qu'autour de la source au-dessus de laquelle on bâtit un bel édifice, s'éleva la ville de Jogbeha, dont le nom signifie : " il sera élevé ". La citerne devenue marécage devait avoir été déjà maçonnée à une époque beaucoup plus ancienne ; car il y avait des restes de murs couverts de mousse et dans ces murs des trous comme pour y mettre des poissons ou quelque autre chose. C'était une ruine qui ressemblait à des fondations pour un château de tentes. Malachai apprit aux gens du pays à maçonner avec du bitume.

Note : Vis-à-vis Jogbéha s'élève une montagne qui est sur le bord occidental du Jourdain : à une lieue du Jourdain, sur le coté occidental de cette montagne, est située Thirza, l'ancienne résidence des rois d'Israël avant Samarie. Il y avait là de belles avenues et des jardins, et on appelait cette contrée le Jardin des Prophètes. Scythopolis est à peu près en face de Dion. Une partie de la ville est située sur le bord oriental du fleuve, une autre partie sur le bord occidental à quelque distance du Jourdain : celle-ci est unie au fleuve par un pont qui s'élève au-dessus du sol, comme s'il était souvent inondé.Sur la rive orientale du Jourdain, est située une ville appelée Saphon, au midi de l'embouchure du Hiéromax. Lorsque Jésus dernièrement se rendit de Tarichée, où il avait guéri des lépreux, à Gérasa qui est de l'autre côté du Jourdain, il traversa l'embouchure du Hiéromax, qu'il laissa à sa droite ainsi que Saphon qui est de l'autre côté.

Jésus fut très bien accueilli par les habitants de ce lieu retiré. Il y a ici des gens qui vivent à part : c'est une secte qu'on appelle les Caraïtes. Ils portent de longs morceaux d'étoffe jaune, comme des scapulaires, pendant derrière le des ; avec cela ils ont des vêtements blancs et des ceintures de peaux de bêtes non préparées. Les jeunes gens portent un vêtement plus court et ont les jambes enveloppées. Ils sont encore ici au nombre d'environ quatre cents hommes : ils étaient plus nombreux, mais ils ont eu beaucoup à souffrir. Ils tirent leur origine d'Esdras et plus anciennement de Jéthro. Un de leurs docteurs soutint autrefois une grande dispute. (Elle articula d'une façon peu distincte les noms d'Hillel et de Schammaï.) Ils s'attachaient rigoureusement à la lettre de la loi et rejetaient toutes les additions non écrites. Ils menaient une vie simple et pauvre, et tous leurs biens étaient en commun : aucun d'eux ne pouvait se retirer en emportant de l'argent. Ils ne souffraient pas de pauvres parmi eux ; ils pourvoyaient à la subsistance les uns des autres, et les étrangers mêmes étaient soutenus par eux. Ils avaient un grand respect pour la vieillesse : il y avait parmi eux beaucoup de vieillards. Les jeunes gens étaient très respectueux ; ils avaient des préposés auxquels ils donnaient le nom d'anciens : ils étaient grands adversaires des Pharisiens, qui défendaient les additions traditionnelles à la loi.

Maspha, en Galaad, est située au levant au delà de Dion, à deux lieues à l'ouest d'Ephron, au pied de la montagne où la fille de Jephté vit son père au-devant duquel elle allait. Au-dessus de Dion, se trouve l'autel qu'élevèrent ceux de la tribu de Ruben, parce qu'ils ne voulaient pas sacrifier avec l'autre tribu.
 
 Jésus vit Pella à sa droite, à peu de distance, lorsqu'en quittant Azzo il franchit la montagne du haut de laquelle le Madianite avait vu dans son rêve rouler un pain. Pella est une grande ville où il y a beaucoup de ruines.
Ils avaient quelque ressemblance avec les Sadducéens dans leurs croyances, mais non pas dans leurs mœurs, qui étaient très austères ; l'un d'eux avait autrefois épousé une femme de la tribu de Benjamin, et ils l'avaient chassé : c'était à l'époque de la lutte contre les Benjamites. Ils ne toléraient aucune espèce d'image, mais ils croyaient que les âmes des morts passaient dans d'autres corps, même, je crois, dans des corps d'animaux, et qu'elles se recréaient avec les beaux animaux du paradis. Ils attendaient le Messie et priaient beaucoup pour son avènement, mais ils l'attendaient comme roi temporel : ils regardaient Jésus comme un prophète. Ils étaient d'une grande propreté, mais ils n'attachaient aucune importance aux purifications, non plus qu'aux observances de toute espèce concernant les plats, aux défenses et aux préceptes qui n'étaient pas formellement écrits. Ils vivaient strictement d'après la loi, mais ils l'interprétaient beaucoup plus librement que les Pharisiens.

Ils vivaient ici très tranquilles et très retirés, ne toléraient point les frivolités et le luxe des parures, et gagnaient leur vie à faire de petits ouvrages. Le sol produisait beaucoup d'osier avec lequel ils tressaient des corbeilles et aussi des ruches, car il y avait dans le pays beaucoup d'abeilles. Ils faisaient aussi des couvertures grossières et des vases de bois légers ; ils travaillaient ensemble sous de grandes tentes. Ils traitèrent Jésus avec du miel et du pain cuit sous la cendre. Jésus enseigna ici. Ces gens étaient à peu près par rapport aux Juifs comme des protestants très austères et très pieux par rapport aux catholiques ; seulement ils n'avaient pas, comme les protestants, perdu les choses saintes. Jésus leur donna des instructions étendues, et ils l'écoutèrent très respectueusement ; il leur exprima aussi le désir de les voir habiter la Judée. J'ai su beaucoup d'autres choses sur le caractère propre de cette secte, ses croyances, son origine, ses progrès et sa décadence, sur l'enseignement de Jésus et la manière dont il rectifia leurs croyances : j'ai appris aussi qu'elle existe encore, mais les dérangements que j'ai eux m'ont tout fait oublier.

( 3 octobre. ) Jésus enseigna à Jogbéha le matin et dans l'après-midi : il y guérit plusieurs malades, entre autres des centenaires. Il donna des éloges à ces gens, principalement à cause de la déférence des enfants envers leurs parents et des écoliers envers leurs maîtres, et en général à cause de leur grand respect pour la vieillesse. Il loua aussi le zèle avec lequel ils s'occupaient des pauvres et des malades, lesquels étaient parfaitement soignés dans des maisons bien tenues.

Jésus alla de là à Sukkoth, qui est à environ sept lieues, au midi. Il laissa à droite Adama, ville située près du Jourdain.

(4-6 octobre.) Jésus partit le matin de Sukkoth : il passa le Jabok pour se rendre à Ainon ; c'est une roué d'environ une lieue, mais très agréable, car elle est toujours très animée par le passage des caravanes et celui des gens qui vont au baptême. Le chemin est couvert de tentes et traverse de belles plaines verdoyantes : on y rencontre maintenant une longue rangée de cabanes de feuillage, parce que la fête des Tabernacles commence immédiatement après le sabbat.
 
  Note : Elle fut aujourd'hui si souffrante, si assaillie et si troublée par des ennuis extérieurs qu'elle oublia tout ce qu'elle avait vu touchant l'arrivée de Jésus à Sukkoth et ce qui s'y était passé. Elle fut principalement dérangée dans ses communications parce qu'elle entra dans la vision pour y jouer un rôle elle-même Elle reçut une mission semblable à celle de Malachai caché à Jogbéha. et elle accomplit au milieu de beaucoup de difficultés quelque chose qui sera communiqué en son temps dans l'histoire de sa vie.

Jésus enseigna et guérit ça et là sur le chemin. Devant Ainon belle tente était dressée, et une réception solennelle lui avait été préparée par Marie la Suphanite : c'était le nom de la descendante d'Orpha, belle-soeur de Ruth, qu'il avait guérie récemment.

Les gens les plus considérables de la ville et les prêtres étaient là, ainsi que Marie avec ses enfants et ses amies. Les hommes lavèrent les pieds à Jésus et à ses disciples, et on leur présenta une réfection plus recherchée que d'habitude. Les enfants de Marie et d'autres enfants s'y employaient. Les femmes, couvertes de leurs voiles, se prosternèrent devant Jésus, la face contre terre. Il salua amicalement et bénit tous les assistants. Marie ne cessait de verser des larmes de joie et de reconnaissance, et elle invita Jésus à venir dans sa maison. Lorsqu'il entra dans la ville, les enfants de Marie, deux filles et un garçon, et d'autres enfants encore, portaient devant et derrière lui de longues guirlandes avec des bandelettes de laine. Jésus, avec quelques disciples, entra dans la cour de la maison de Marie, sous un berceau de verdure : elle se jeta de nouveau à ses pieds, pleura et rendit grâces, ainsi que ses enfants, que le Seigneur caressa. Elle raconta à Jésus que Dina la Samaritaine était venue à Ainon, et que son mari s'était fait baptiser. Elle connaissait Dina, car son mari à elle vivait à Damas avec ses trois enfants légitimes. Elle avait bien loué et exalté Jésus avec la Samaritaine ; elle était comblée de joie, et elle montra à Jésus de beaux vêtements sacerdotaux et une grande tiare qu'elle avait préparés pour le temps car elle était singulièrement habile aux travaux de ce genre, et elle était fort riche. Jésus fut très affectueux avec elle ; il lui parla de son mari, lui dit qu'elle devait se réunir à lui et aller le trouver parce qu'elle avait là du bien à faire : ses enfants illégitimes devaient être conduits ailleurs. Je crois qu'elle devait d'abord envoyer un messager à son mari pour le prier de venir la rejoindre.

Jésus, en sortant de sa maison, alla à l'endroit où l'on baptisait et enseigna dans la chaire. Lazare, Joseph d'Arimathie, Véronique, les fils de Siméon et d'autres disciples de Jérusalem vinrent aussi le trouver : ils étaient venus ici pour le sabbat. André, Jean et quelques disciples de Jean Baptiste étaient encore ici : Jacques le Mineur était parti. Le bon précurseur fit encore inviter Jésus à aller à Jérusalem, et à dire publiquement qui il était. L'ardeur de son zèle le dévore, parce qu'il ne peut plus annoncer Jésus lui-même, et cependant il s'y sent toujours poussé. Jésus enseigna, puis il alla dans l'école pour célébrer le sabbat. Il parla de la création du monde, des eaux, de la chute originelle, et il fit une instruction très belle et très claire sur le Messie ; il commenta aussi le chapitre XLII d'Isaïe (5-43), qu'il appliqua d'une manière très frappante et très claire à lui-même et au peuple. Après le sabbat, il y eut un repas dans la maison destinée aux fêtes publiques, où Marie la Suphanite avait fait tous les arrangements nécessaires : la table et la maison étaient très élégamment ornées avec de la verdure, des fleurs et des lampes ; il y avait beaucoup de convives, parmi lesquels des gens que Jésus avait guéris : les femmes étaient assises à part, séparées par une cloison. Marie vint pendant le repas avec ses enfants : elle plaça sur la table des aromates de grand prix, versa sur la tête de Jésus un flacon d'essence parfumée et se prosterna à ses pieds. Il fut très bienveillant, raconta des paraboles, et personne ne blâma cette femme, car on l'aimait à cause de sa libéralité.

(5 octobre.) Jésus guérit plusieurs malades dans la matinée : il enseigna dans la synagogue et aussi en plein air, dans un lieu où les paiens qui avaient reçu le baptême et ceux qui l'attendaient encore pouvaient l'entendre. Il prêcha encore dans la synagogue sur les mêmes sujets qu'hier ; mais dans l'autre instruction il raconta, entre autres choses, la parabole de l'enfant prodigue. Tout le peuple était assemblé, et il parla d'une façon aussi naturelle et aussi animée que s'il eût été le père qui retrouve son enfant. Il étendit les bras et dit : " voyez ! le voilà qui vient, faisons-lui fête ".

Et tout cela était si naturel, que les auditeurs regardaient de côté et d'autre, comme si ce dont il parlait se fût passé là réellement. Pendant qu'il parlait ainsi, je me rappelai le vieil Overberg, quand il racontait d'une façon si vivante l'histoire de la Bible aux enfants. Lorsqu'il fut question du veau que le père fait tuer pour le fils qu'il a retrouvé, il parla autrement et d'une façon plus mystérieuse ; il dit à peu près : " Combien grand est l'amour du Père céleste qui, pour sauver ses enfants égarés, livre son propre fils comme victime ". Mais je ne puis pas répéter ses propres termes. L'instruction était particulièrement à l'adresse des pénitents, des baptisés et des païens, qui étaient représentés ici comme l'enfant prodigue revenu à son père, et tous les assistants étaient pleins de joie et d'affection mutuelle. Cette instruction fit son effet et fut cause qu'à la fête des Tabernacles, les païens furent traités ici très amicalement.

Après le repas, Jésus alla avec les disciples et plut sieurs personnes de la ville se promener entre Ainon et le Jourdain : il y avait là de belles prairies couvertes de fleurs, et les païens y avaient dressé leurs tentes. Tous parlaient encore de l'enfant prodigue : ils étaient joyeux et heureux, et pleins de sentiments affectueux les uns pour les autres. La clôture du sabbat commença plutôt qu'à l'ordinaire : Jésus, auparavant, enseigna encore et guérit quelques malades. Tout le monde se rendit ensuite devant la ville, mais pourtant dans ses dépendances, car elle était très irrégulière, et les maisons étaient entremêlées d'espaces vides et de jardins. On célébrait là une grande fête dans trois rangées de cabanes de feuillage ornées de fleurs, d'arbustes, et de figures de toute espèce faites avec des fruits et des rubans : il y avait aussi beaucoup de lampes. Dans la rangée du milieu étaient assis Jésus, les disciples, lés prêtres et les bourgeois de la ville, formant plusieurs groupes. Dans l'une des rangées latérales étaient assises les femmes, dans l'autre les enfants des écoles, venus de tout le pays et divisés en trois classes : les garçons et les filles étaient séparés ; les maîtres étaient assis près d'eux, et chaque classe avait ses chanteurs. Ces enfants, ornés de couronnes, circulaient autour de toutes les tables avec des flûtes, des harpes et d'autres instruments dont ils jouaient tout en chantant. Je vis aussi que les hommes avaient à la main des palmes auxquelles étaient suspendus de petits grelots des branches de saule avec des feuilles effilées et des rameaux d'un arbuste que l'on met en pot chez nous. Ma consoeur Sontchen avait dans des pots trois de ces arbrisseaux : ils avaient de jolies petites feuilles et ils étaient tout jaunes (vraisemblablement les myrtes qu'elle avait vus chez sa consoeur étaient malades : mais là ils deviennent grands comme des lauriers. C'était un myrte, mais on lui donne chez nous un autre nom. Dans l'autre main ils tenaient une belle pomme de couleur jaune. (Elle lui donna le nom d'Esrog, qui est celui qu'elle a entendu.) Ils agitaient ces branches en chantant, au commencement, au milieu et à la fin de la fête. Ce fruit ne croît pas en Palestine, il vient d'un pays plus chaud : on l'y trouve ça et là, dans quelques endroits exposés au soleil, mais il n'y grossit pas et n'y mûrit pas bien. Il leur arrive des contrées plus méridionales par les caravanes. C'est un fruit jaune, ressemblant à un petit melon : il y a en haut une petite couronne ; il est un peu aplati et il a des côtes ; au milieu est la pulpe, rayée de raies rouges, et il s'y trouve cinq petits pépins serrés les uns contre les autres ; la tige est un peu courbée, la fleur est un grand bouquet blanc semblable à ceux que porte chez nous le sureau d'Espagne ; les branches qui sont sur les grandes feuilles s'enfoncent de nouveau dans la terre et donnent naissance à de nouveaux arbres, en sorte qu'ils forment des berceaux de feuillage ; les fruits sont sur des tiges attachées à la branche entre les feuilles.

Les paiens, eux aussi, prirent part à cette fête, ils avaient aussi leurs cabanes de feuillage, et ceux qui étaient baptisés avaient les leurs prés de celles des juifs. Ils furent hébergés amicalement par les Juifs. Tous étaient encore émus de l'instruction sur l'enfant prodigue. Le repas se prolongea assez avant dans la nuit. Jésus alla ça et là le long des tables : il enseignait et, là où il manquait quelque chose, il le faisait apporter par les disciples. On entendait partout un murmure joyeux, interrompu par des prières et des chants. Dans toute la contrée on voyait briller des lumières ; à Ainon aussi il y avait sur les toits des cabanes de feuillage où les gens dormaient pendant la nuit ; et je vis tout cela de haut. Dans les cabanes qui étaient devant la ville, beaucoup de gens de la basse classe et de serviteurs passèrent la nuit comme veilleurs quand la fête fut finie et que tout le monde fut allé se reposer.

(6-9 octobre.) Dans la matinée Jésus enseigna et guérit à Ainon, puis vers dix heures, accompagné de ses disciples et de beaucoup d'habitants de la ville, il partit pour Sukkoth, qui était tout au plus à une lieue. La plus grande partie de la route était couverte de cabanes de feuillage et de tentes ; car beaucoup de gens des environs venaient célébrer la fête ici et les caravanes qui passaient continuellement faisaient halte pendant qu'elle durait. Sur toute la route on était en fête. Derrière le feuillage étaient des buffets recouverts de tentes. On pouvait se procurer des aliments pour de l'argent. Jésus passa plusieurs heures sur ce chemin ; car partout on le saluait et il s'arrêtait ça et là pour enseigner ; aussi ce ne fut que vers cinq heures après midi qu'il arriva à Sukkoth où il alla dans la synagogue. Sukkoth était située sur le bord septentrional du Jabok. Il le passa sur un petit pont ; dans un autre endroit il y a un bac. Sur le bord méridional d'où Jésus venait, il y a une ville située un peu plus au levant, ou Jésus passa récemment en allant à Ramoth de Galaad. (Elle veut parler de Casbon.) Du même côté que Sukkoth, plus au levant, se trouve aussi Mahanaïm. C'est l'endroit où Jacob campa d'abord ; après quoi il alla du côté d'Ainon jusqu'où il étendit ses pâturages.

Sukkoth était présentement une jolie ville et il y avait une très belle synagogue. On y célébrait aujourd'hui, outre la fête des Tabernacles, une autre fête en mémoire de la réconciliation de Jacob et d'Esau. On s'en Occupa toute la journée. Il était venu des gens de toute la contrée. Parmi les enfants des écoles qui se trouvaient hier à Ainon, il se trouvait entre autres plusieurs orphelins de l'école d'Abelmehola, où Jésus avait enseigné récemment. Ils se trouvaient aussi aujourd'hui à Sukkoth. C'était vraiment le jour anniversaire de la réconciliation de Jacob et d'Esau qui tombait aujourd'hui suivant la tradition des Juifs. La synagogue, une des plus belles que j'aie jamais vues, était aujourd'hui encore plus magnifique avec sa grande parure de fête, les innombrables couronnes et guirlandes de feuillage dont elle était ornée et les belles lampes qui y brillaient. Elle est élevée et repose sur huit colonnes. Des deux côtés de l'édifice courent des corridors qui conduisent à des battements d'une grande longueur où sont les habitations des lévites et les écoles. Une partie de la synagogue est exhaussée et il s'y trouve vers le milieu une colonne historiée, et tout autour des cases et des compartiments où sont les livres de la loi. Derrière tout cet attirail est placée une table que l'on peut séparer du reste en baissant un rideau. Deux pas plus loin sont rangés les sièges des prêtres et au milieu un siège un peu plus élevé pour celui qui fait l'instruction. Derrière ces sièges est un autel pour l'encens, au-dessus duquel se trouve une ouverture pratiquée dans le toit et plus loin, à l'extrémité de l'édifice, des tables sur lesquelles sont placées les offrandes. Au-dessous dans le milieu de la synagogue se tiennent les hommes rangés par classes : à gauche sur un petit exhaussement la place des femmes séparée par un grillage, et à droite, la place des enfants des écoles rangés suivant leur classe et leur sexe. Toute la fête d'aujourd'hui était une fête de la réconciliation de Dieu et des hommes ; il y avait une confession publique des péchés, et aussi une confession privée pour ceux qui le désiraient. Tous allaient près de l'autel de l'encens et offraient des dons en signe de réconciliation ; ils recevaient aussi une pénitence et faisaient certains vœux à leur choix. Tout cela avait beaucoup de ressemblance avec notre confession. Le prêtre qui était dans la chaire fit une instruction sur Jacob et Esau qui aujourd'hui s'étaient réconciliés avec Dieu et entre eux ; il parla aussi de la réconciliation de Laban et de Jacob et du sacrifice qu'ils avaient offert, et exhorta les auditeurs à la pénitence. Plusieurs des assistants avaient eu le cœur touché, d'abord par l'enseignement de Jean, puis par l'instruction que Jésus avait faite quelques jours auparavant ; seulement ils avaient attendu le jour de cette fête. Les hommes qui se sentaient la conscience chargée allèrent derrière l'autel et déposèrent sur les tables leurs offrandes qu'un prêtre recevait. Ils allaient ensuite se présenter aux prêtres derrière les coffres où étaient les livres de la loi, et ils confessaient publiquement leurs péchés devant eux ou s'adressaient à l'un des prêtres à ; leur choix. Celui-ci allait avec eux près de la table derrière le rideau, ils se confessaient à lui en secret et il leur imposait une pénitence. On répandait en même temps l'encens sur l'autel, et la fumée de l'encens devait s'élever d'une certaine façon où ces gens voyaient un signe que le repentir du pécheur était sincère et que ses péchés lui étaient remis. Pendant ce temps le reste de l'assistance chantait et priait. Les pécheurs faisaient une espèce de profession de foi, relativement à la loi, à sa permanence dans Israel et au Saint des saints. Ensuite ils se prosternaient par terre et confessaient leurs fautes, souvent avec d'abondantes larmes.

Les femmes pénitentes venaient après les hommes, leurs offrandes étaient reçues par les prêtres et elles faisaient appeler les prêtres auxquels elles confessaient leurs fautes derrière un grillage. Les Juifs s'accusaient de diverses violations de leurs observances et aussi de leurs péchés contre les dix commandements. Il y avait dans leur confession quelque chose de singulier que je ne sais pas bien expliquer. Ils s'y accusaient des péchés de leurs ancêtres et parlaient d'une âme souillée par le péché qu'ils avaient reçue de ceux-ci et d'une âme sainte qu'ils avaient reçue de Dieu ; il semblait qu'ils parlassent de deux âmes. Les docteurs disaient aussi quelque chose à ce sujet : cela consistait à peu près à dire " que leur âme pécheresse ne demeure pas en nous et que notre âme sainte demeure en nous ". C'était un discours où il était question d'un mélange, d'une union et d'une séparation d'âmes saintes et d'âmes pécheresses, dont je ne me rends plus bien compte. Mais Jésus après cela enseigna tout autrement à ce sujet : il dit qu'il n'en devait plus être ainsi, que leurs âmes pécheresses ne devaient plus être en nous ; et c'était une instruction touchante, car elle indiquait | qu'il devait, lui, satisfaire pour toutes les âmes. Je le comprenais ainsi, mais les Juifs d'alors ne le comprenaient pas. Ils s'accusaient ainsi des péchés de leurs ancêtres : ils semblaient avoir l'assurance que des maux de toute espèce en résultaient pour eux, et croire qu'eux-mêmes se trouvaient par là dans l'habitude du péché.

Je vis à cette occasion un spectacle touchant. Déjà, pendant que les premiers confessaient leurs fautes et faisaient leurs offrandes, j'avais vu une femme de distinction qui occupait seule un siège tout près de l'endroit séparé destiné aux pénitents, manifester beaucoup d'émotion et d'inquiétude. Sa servante était près d'elle, portant ses offrandes dans une corbeille placée sur un escabeau. Elle avait peine à attendre que son tour vint ; et enfin, ne pouvant plus résister à son agitation et à son désir de réconciliation, elle franchit la grille, précédée de la servante qui portait les offrandes, et s'avança voilée vers les prêtres, jusqu'à un endroit où ce n'était pas l'usage que les femmes vinssent. Les surveillants qui se trouvaient là voulaient les faire retirer, mais la servante ne se laissa pas arrêter ; elle pénétra plus avant en criant : " Place ! faites place à ma maîtresse ! elle veut présenter des offrandes, elle veut faire pénitence. Faites-lui place ! elle veut purifier son âme ! " La femme, toute émue et toute contrite, arriva ainsi devant les prêtres dont quelques-uns vinrent à sa rencontre, et se mettant à genoux, elle demanda à être réconciliée. Ils la rebutèrent, disant que ce n'était pas là sa place : cependant un jeune prêtre la prit par la main et dit : " Je vais vous réconcilier ; si ce n'est pas ici la place de votre corps, c'est ici la place de votre âme, puisque vous êtes pénitente ". Puis il se dirigea avec elle vers Jésus et lui dit : " Maître, décidez vous-même ". Alors cette femme se prosterna devant Jésus, et il dit : " Oui, c'est ici la place de son âme, laissez cette fille des hommes faire pénitence. "Le prêtre entra dans la tente avec elle : puis elle en sortit, se jeta tout en pleurs la face contre terre et dit : " Essuyez vos pieds sur moi : car je suis une adultère ! ", sur quoi les prêtres la touchèrent avec leurs pieds. On fit venir son mari qui ne Savait rien de cela, et il fut très touché des discours de Jésus qui était alors dans la chaire. Il pleura pendant que sa femme, prosternée devant lui, fondant en larmes, et plus morte que vivante, confessait sa faute, et Jésus lui dit : " Vos péchés vous sont remis. Levez-vous, enfant de Dieu ! "sur quoi le mari, profondément ému, tendit la main à sa femme. Leurs mains furent alors attachées ensemble avec le voile de la femme et la longue bandelette que l'homme portait autour du cou : puis on leur donna une bénédiction et on les délia. C'était comme de nouvelles épousailles. La femme, après cette réconciliation, était comme ivre de joie. Auparavant, en présentant son offrande, elle criait : "Priez, priez, encensez, sacrifiez, afin que mes péchés me soient remis ! "Maintenant elle balbutiait et récitait divers passages des psaumes : le prêtre la ramena à son siège derrière la grille. Son offrande consistait en un grand nombre de ces fruits précieux qui figurent à la fête des Tabernacles : ils étaient artistement posés les uns sur les autres, de manière à ce qu'il n'y eut pas de froissement : elle offrit aussi du galon et des houppes de soie pour les vêtements des prêtres. Elle fit brûler plusieurs beaux habillements dont elle s'était parée pour plaire à son amant. Je me disais alors : " Que n'ai-je tout cela pour en faire des petits bonnets d'enfant ! " C'était une grande et forte femme de belle prestance, d'un caractère vif et ardent. A cause de la vivacité de son repentir et de la confession spontanée qu'elle avait faite, sa faute lui fut remise, et son mari se réconcilia sincèrement avec elle. Elle n'avait pas d'enfants de son adultère : ses rapports avec son complice avaient été secrets. Elle avait rompu elle-même cette relation, et même poussé cet homme à faire pénitence. Il n'était pas nécessaire qu'elle le nommât devant les prêtres : son mari non plus ne devait pas le connaître, et il lui fut défendu d'interroger sa femme à ce sujet. Le mari était pieux : il oublia et pardonna du fond du cœur. Le peuple n'avait pas su le détail de ce qui s'était passé, mais on avait compris qu'il arrivait quelque chose d'extraordinaire, et on avait entendu cette femme demander à haute voix des prières et des sacrifices. Tous prièrent du fond du cœur et se réjouirent de ce qu'elle avait fait pénitence. Il y avait des gens excellents dans cet endroit, comme en général sur toute la rive orientale du Jourdain. Ils avaient beaucoup gardé des mœurs des anciens patriarches.

Jésus enseigna encore d'une façon très belle et très touchante. Je me souviens clairement qu'il parla des péchés des ancêtres et de la part qui nous en revient, et qu'il rectifia quelques-unes des idées de ses auditeurs. Il se servit une fois de cette expression : " Vos pères ont mangé du raisin vert, et vos dents en ont été agacées ". 

Les maîtres d'école furent interrogés sur les fautes des enfants. Ceux-ci furent admonestés, et selon qu'ils s'accusaient eux-mêmes et étaient touchés de repentir, ils recevaient leur pardon.

Il y avait beaucoup de malades devant la synagogue, et quoiqu'il ne fût pas d'usage de faire venir les malades lors de la fête des Tabernacles, Jésus fit amener ceux-ci par les disciples dans les passages qui étaient entre la synagogue et les ; habitations des maîtres : il s'y rendit à la fin de la fête, lorsque déjà depuis longtemps toute la synagogue était brillamment éclairée par la lumière des lampes, et il guérit beaucoup de malades.

Lorsqu'il entra dans ces passages, la femme réconciliée lui envoya un messager pour lui demander quelques moments d'entretien : Jésus alla la trouver au lieu où elle se tenait, et la prit à part. Alors elle se prosterna devant lui et lui dit : " Maître, l'homme avec lequel j'ai péché vous supplie de le réconcilier ". Jésus lui dit qu'après le repas, il parlerait à cet homme dans cet endroit même.

Après la guérison des malades, il y eut un repas dans les cabanes sur les places de la ville. Jésus, les disciples, les lévites et les principaux personnages du lieu étaient assis dans une grande et belle cabane : les autres à l'entour. Les hommes et les femmes étaient séparés. On donna à manger aux pauvres et chacun leur envoyait des meilleurs morceaux qui étaient sur sa table. Jésus alla d'une table à l'autre, il alla aussi a la table des femmes. La femme réconciliée était pleine de joie et toutes ses amies l'entouraient et la félicitaient cordialement. Pendant que Jésus visitait les tables, elle était très agitée, ne cessait de le regarder, et craignait qu'il n'oubliât d'admettre à la pénitence l'homme qui l'attendait : car elle savait qu'il était déjà au rendez-vous indiqué. Jésus s'approcha d'elle et la tranquillisa, lui dit qu'il savait ce qui l'inquiétait et que tout se ferait en son temps.

Peu après les convives se séparèrent et le Seigneur se rendit à son logis attenant à la synagogue. Je vis cet homme qui attendait dans un des passages de la synagogue : il se prosterna devant Jésus et confessa sa faute. Jésus le consola, l'exhorta à ne plus retomber et lui donna une pénitence. Il devait, pendant un certain temps, remettre toutes les semaines quelque chose aux prêtres, je ne sais plus bien pourquoi. Il s'agissait d'une oeuvre de charité : je crois que c'était là son offrande et qu'il avait fait un vœu à ce sujet : car il n'avait pas fait d'offrande publique pour ne pas causer de scandale vis-à-vis de l'homme qu'il avait si cruellement offensé et il s'était tenu à l'écart dans le repentir et les larmes.

C'est ici, à Sukkoth, si je ne me trompe, que Jacob, se dirigeant vers la Mésopotamie, vit deux armées campées près de Mahanaim ; c'était une vision prophétique. Il les revit de nouveau à son retour, et la figure eut son accomplissement, soit dans les deux divisions qu'il fit de ses troupeaux et de sa famille, soit dans sa troupe et celle d'Esau.

(7 octobre.) Ce matin Jésus revint de Sukkoth à Ainon, il enseigna à l'endroit où l'on baptisait, guérit plusieurs malades, puis visita dans les environs les gens qui étaient dans les cabanes de feuillage et les païens. Quelques petites troupes furent baptisées. Il n'y avait pas ici d'autre installation que celle de Jean, lequel avait ici une tente et une pierre baptismale, de même qu'au premier endroit où il avait baptisé, au bord du Jourdain, près de la ville d'On. Les néophytes s'appuyaient sur une balustrade, avançant la tête au-dessus de la fontaine baptismale. Plusieurs font à Jésus la confession de leurs péchés et il les absout. Il a aussi donné ce pouvoir à quelques-uns de ses plus anciens disciples, notamment à André. Jean l'Evangéliste ne baptise pas, il sert de témoin et de parrain. Le soir, il y eut un repas dans les cabanes de feuillage.

Jésus partit d'Ainon le dix-sept du mois de Tisri avec un certain nombre de ses disciples, après avoir fait une dernière instruction. Auparavant il s'est encore entretenu avec Marie la Suphanite dans sa maison, l'a exhortée et consolée. Cette femme est maintenant complètement transformée, quant à son intérieur, elle est pleine de charité, de zèle, d'humilité et de reconnaissance et ne s'occupe plus que des malades et des pauvres. J'ai vu aujourd'hui quelque chose que j'avais oublié ; c'est que Jésus, lorsqu'après l'avoir guérie, il alla à Basan par Ramoth, avait envoyé un disciple à Béthanie pour annoncer aux saintes femmes la guérison de la Suphanite et sa réconciliation avec Dieu et les engager à venir la visiter. J'ai aussi vu que Véronique, Jeanne Chusa et Marthe aussi, à ce que je crois, furent ici chez elle : maintenant elle est entièrement unie à elles et elle en est bien heureuse. J'eus aussi une vision confuse, du moins je ne m'en souviens que confusément, que son mari, ayant reçu un message, vint de Damas la trouver, qu'avertie de sa venue par un messager, elle alla au-devant de lui à deux lieues avec les enfants, et qu'ils se réconcilièrent. Je crois qu'il vint aussi en secret dans sa maison, mais je n'en ai pas la certitude. Il est reparti : je crois qu'il mettra ordre à ses affaires et ira où Jésus lui dira d'aller. Tout cela ne me revient maintenant que confusément, cependant j'en ai connaissance.

Avant son départ, Jésus reçut encore de riches présents de Marie et de plusieurs autres personnes. Tout cela fut aussitôt distribué aux pauvres. Lors de sa sortie de la ville, tout était orné de verdure et de guirlandes sur son passage. Le peuple le saluait et chantait ses louanges : devant la ville se trouvait Marie avec ses enfants, ainsi que beaucoup d'autres femmes et d'autres enfants qui lui présentaient des couronnes de feuillage : je crois que c'est l'usage à la fête des Tabernacles. Beaucoup de gens l'accompagnèrent aussi à sa sortie d'Ainon. Il fit deux lieues au midi le long de la vallée du Jourdain : ensuite ils traversèrent le fleuve et se dirigèrent vers le couchant, marchèrent ainsi pendant une demi lieue, puis allèrent de nouveau au midi après avoir passé un ruisseau et enfin firent encore une demi lieue à l'ouest, se dirigeant vers la montagne où ce ruisseau descend dans la ville d'Acrabis, qui est adossée a la montagne.

Ils y arrivèrent vers le soir. Jésus fut reçu très solennellement devant Acrabis où l'on savait qu'il devait venir. Les cabanes de feuillage étaient dressées en cercle devant la ville : on lui lava les pieds et on lui offrit une réfection dans une belle et grande cabane. C'était près de là qu'on célébrait la fête des Tabernacles : j'en ai oublié le détail.

Je croyais d'abord que Jésus allait à Salem qui est à environ deux lieues du Jourdain : mais il n'ira que plus tard. Salem est un bel endroit : il s'y trouve une très belle fontaine qui est tenue pour sainte. Melchisédech a séjourné dans les environs : alors on donnait le nom de Salem à toute une contrée où il habitait et répandait ses bienfaits. Le nom s'est conserve pour Salem et pour Jérusalem où il bâtit et posa des fondements. Melchisédech résidait principalement sur la rive occidentale du Jourdain, à l'endroit où il entre dans la Mer Morte qui était alors un large et beau bassin, entrecoupé et entouré de villes, de jardins, de chaussées en pierre et de canaux.

(9 octobre ) Acrabis est un endroit assez considérable, situé contre une montagne, à environ deux lieues du Jourdain : il y a cinq portes et la route de Samarie à Jéricho le traverse. Tout ce qui va de là à cette partie de la contrée du Jourdain, doit passer par Acrabis, et c'est ce qui fait vivre les habitants. Devant la porte ou Jésus arriva, il y avait des hôtelleries pour les caravanes : là se trouvaient aussi les cabanes de feuillage où il a été reçu hier. C'est encore ici devant la porte qu'il a passé la nuit.

Note : Salem est au sud-est, à environ trois lieues du pied du mont Garizim et à une petite lieue du Jourdain. A une lieue au sud-ouest d'Acrabis, se trouve Silo sur une haute montagne. Jéricho est à peu près à cinq lieues au midi, à trois lieues environ de Galgala. La Soeur croit qu'Alexandrium est au midi de la montagne de Garizim, sur un de ses contreforts méridionaux. Le Garizim est fort ondulé : son profil est très dentelé : du côté de Sichar il a un sommet extrêmement escarpé. A partir d'Acrabis, les vallées sont très étroites, les montagnes plus rapprochées et plus abruptes, et les endroits habités beaucoup plus nombreux. Acrabis est un endroit que traversent toutes les caravanes qui vont de Samarie vers Jéricho, pour passer là le Jourdain.

Aujourd'hui je vis Jésus aller autour de la ville, car devant chaque porte, il y avait des cabanes de feuillage : chaque quartier de la ville avait les siennes devant la porte la plus voisine. Il alla du levant au nord, puis au couchant et enfin au midi, qui est le côté où se trouve Silo. On ne pouvait pas aller plus loin à cause de la disposition de la vallée : alors il revint sur ses pas, visita les cabanes de feuillage et enseigna ça et là.

Les habitants avaient des coutumes particulières : par exemple en faisant leur repas du matin ils mettaient quelque chose de côté pour les pauvres. Ils se livraient à divers travaux pendant la journée : ces travaux étaient entremêlés de chants et de prières et on leur disait quelques instructions. Jésus leur en fit aussi. Lorsqu'il arriva et qu'il partit, il fut reçu et accompagné par de jeunes garçons et des petites filles qui portaient autour de lui des guirlandes de fleurs. C'était un usage du lieu, car les corporations des divers quartiers portaient de semblables guirlandes lorsqu'elles se visitaient réciproquement, pour assister à une instruction ou à un repas.

Je vis les femmes se livrer à diverses occupations dans les cabanes et dans leur voisinage : ainsi plusieurs étaient assises devant de longues bandes d'étoffe et y brodaient des fleurs : j'en vis aussi un certain nombre qui faisaient des sandales : elles se servaient pour cela de gros poils bruns de chèvre ou de chameau tressés ou tissés au métier. Les femmes avaient leur ouvrage assujetti à la ceinture, c'était comme un tricot. On ajoute aux sandales divers appendices devant et derrière : il y en a où l'on ajuste des crochets ou des pointes pour mieux gravir les montagnes Le peuple accueillit très bien Jésus : mais les docteurs ne montraient pas la même cordialité que ceux de l'autre rive, à Ainon et à Sukkoth. Ils étaient polis, mais se tenaient un peu sur la réserve. Dans l'après-midi il alla au côté sud-est de la ville, où il n'y avait pas de cabanes de feuillage, mais une école et une place sur laquelle se trouvaient de, nombreux malades. Jésus en guérit plusieurs, parmi lesquels étaient des femmes. Ensuite les docteurs lui amenèrent ainsi qu'à ses disciples un repas frugal dans une salle ouverte par en haut. Vers le soir, il alla deux lieues plus loin dans la direction de Silo.

(10 octobre.) Jésus arriva hier soir à Silo, qui est un peu au sud-ouest d'Acrabis, à une lieue seulement en ligne directe : mais le chemin a bien deux lieues parce qu'il faut d'abord descendre dans une vallée, puis gravit une montagne. Cette ville est dans une situation élevée, elle s'étend tout autour de la montagne et on y a une vue très étendue : elle est un peu déserte et abandonnée : elle entoure une hauteur sur laquelle était autrefois l'arche d'alliance et où l'on trouve encore en plusieurs endroits les restes d'une ancienne splendeur.

Ici aussi les habitants étaient dans des cabanes de feuillage devant les portes. Ils avaient entendu dire que Jésus venait et ils l'attendaient. Ils le virent monter la montagne avec ses compagnons, et comme il ne se dirigea pas vers la porte d'Acrabis, mais se détourna au nord-ouest pour gagner la porte de Samarie, ils le firent savoir là : on l'y reçut dans les cabanes de feuillage, on lui lava les pieds et on lui offrit à manger. Jésus se rendit aussitôt dans la ville sur la hauteur où avait été autrefois l'arche d'alliance. Sur l'un des côtés de cet emplacement régnait une fosse se déchargeant dans un conduit sale et délabre, où se rendaient autrefois le sang des victimes et les immondices. et où on jetait encore tout cela quand on faisait des sacrifices dans cet endroit. D'un autre côté se trouvait une très grande synagogue à moitié en ruines : il y avait encore une école dans une partie de l'édifice et dans une salle toute délabrée on conservait plusieurs exemplaires de la loi et d'autres écrits. On voyait là aussi un trône de la loi, c'était une colonne octogone historiée et au-dessous une espèce de caveau qui avait autrefois servi de sanctuaire.

Jésus enseigna en plein air dans une belle chaire en pierre. Sur cette hauteur on avait dressé aussi des cabanes de feuillage et dans le voisinage étaient des hôtelleries où l'on préparait tout ce qui devait servir aux repas dans les cabanes. C'étaient des hommes qui faisaient la cuisine : il me sembla que ce n'étaient pas de vrais Juifs, mais des esclaves. Jésus passa la nuit là-haut près de la synagogue.

Le jeudi 19 Tisri, il y eut comme un jour de fête dans la fête : je ne sais pas si c'était en vertu d'une coutume locale, je l'ai oublié : mais un docteur devait adresser du haut de la chaire qui était ici, des avertissements sévères qu'il fallait écouter sans y contredire et Jésus était principalement venu pour faire cette instruction Je vis dans la matinée tous les Juifs, hommes, femmes ; jeunes gens, jeunes filles et enfants, venir ici en procession de tous les groupes de cabanes de feuillage avec des guirlandes de verdure entre chaque division, chaque famille ou chaque classe. La chaire était surmontée d'une tenture élégante de toile et de feuillage et il y avait une terrasse a l'entour. Jésus enseigna jusqu'à midi. Il parla des miséricordes de Dieu envers son peuple, de la décadence et de la dépravation de celui-ci, des jugements prononces sur Jérusalem, des destructions du, temple et du temps actuel comme dernier temps de grâce ; il dit que les Juifs, s'ils ne voulaient pas accueillir la grâce maintenant, ne trouveraient plus de grâce, en tant que peuple, jusqu'aux derniers jours du monde, que Jérusalem serait livrée à une destruction bien plus complète que les précédentes, etc. Ce fut une instruction faite pour produire une profonde émotion : tous l'écoutèrent en silence et avec frayeur, car il indiquait clairement que c'était lui qui apportait le salut par cela même qu'il appliquait au temps présent toutes les prophéties. Les Pharisiens de l'endroit qui ne valaient pas mieux que ceux l'Acrabis, et qui, eux aussi, ne l'avaient accueilli qu'avec une déférence hypocrite et purement extérieure, gardaient le silence, frappés d'étonnement et pleins d'irritation : une partie du peuple était dans la joie et chantait des cantiques.

Jésus parla aussi des docteurs de la loi, la manière dont ils altéraient les Écritures, de leurs fausses explications et de leurs additions. Le soir, il y eut sous les cabanes de feuillage un repas en compagnie des Pharisiens. Mais Jésus se retira à la dérobée et descendit aux cabanes du peuple ou il donna des enseignements et des consolations : je vis à un endroit éloigné où les Pharisiens ne pouvaient pas l'observer, beaucoup de personnes venir à lui, se prosterner à ses pieds, lui rendre hommage et lui découvrir leurs maux et leurs péchés : il les consola et leur donna des avis. C'était singulièrement touchant à voir dans la : nuit au milieu des cabanes de feuillage tout éclairées : on ne voyait pas de flambeaux, les lampes étaient voilées à cause des courants d'air ; mais la lueur dorée jetait des reflets merveilleux sur la verdure, les fruits et les personnes. De la hauteur où se trouvait Silo, la vue s'étendait à l'entour sur un grand nombre d'endroits ; l'on voyait partout des cabanes de feuillage éclairées pour la fête et l'on entendait des chants dans le voisinage et dans le lointain. Jésus ne guérit pas ici :les Pharisiens éloignèrent les malades et le peuple en général était intimidé. Je crois que des Esséniens habitaient en dehors de la ville dans le voisinage de l'entrée : je ne vis pas aujourd'hui Jésus chez eux. A Acrabis et ici, les Pharisiens en apprenant qu'il arrivait trahissaient leurs dispositions par des paroles comme celles-ci : " Que vient-il encore apporter de nouveau ? Qu'a-t-il encore à faire ici " ? Silo est une ancienne ville chananéenne et je crois qu'elle existait déjà du temps de Jacob, car Dina y vint lorsqu'elle fut enlevée pour la seconde fois par un Jébuséen. Jésus passa la nuit près de la synagogue.

(11 octobre.) Ce matin, Jésus descendit de Silo et s'en alla à Koréa, ville située à une lieue et demie au sud-est et que l'on pouvait voir de Silo. Il n'y a ni murailles, ni retranchements. Devant la ville, les Pharisiens de l'endroit vinrent à la rencontre de Jésus pour le recevoir et ils lui amenèrent un aveugle-né parvenu à l'âge adulte, au moyen duquel ils voulaient le tenter. Cet aveugle portait par-dessus ses vêtements, autour des épaules, un large drap qui paraissait de toile de lin et qui lui enveloppait la tête. C'était un grand et bel homme. Comme Jésus approchait, l'aveugle se dirigea vers lui, au grand étonnement de tous les assistants et se jeta à ses pieds. Jésus le releva et lui adressa diverses questions sur sa religion, sur les dix commandements, sur la loi et les prophéties. L'aveugle répondit avec une sagesse qu'on n'eut pas attendue de sa part : c'était comme s'il eut prophétisé. Il parla aussi des persécutions auxquelles Jésus était en butte dit qu'il ne devait pas aller à Jérusalem parce qu'on voulait le faire périr : tous les assistants furent terrifiés. Or il s'était rassemblé là beaucoup de monde Jésus lui demanda s'il désirait voir les cabanes de feuillage d'Israël, les montagnes, le Jourdain, ses parents et amis, le temple et la ville sainte, et lui, Jésus, en présence duquel il se trouvait. L'aveugle répondit qu'il le voyait ; il décrivit sa personne et son vêtement, dit qu'il l'avait vu lorsqu'il s'était approché : il ajouta qu'il désirait voir tout le reste et qu'il savait que Jésus pouvait le faire voir s'il voulait. Là dessus Jésus lui posa la main sur le front, pria, fit avec le pouce un signe en forme de croix sur ses paupières fermées, puis les ouvrit en les relevant. Alors l'aveugle rejeta l'ample couverture qui lui enveloppait la tête et les épaules, regarda autour lui, plein d'étonnement et de joie et s'écria : " Les œuvres du Tout-Puissant sont grandes " ; puis il se prosterna devant Jésus qui le bénit. Les Pharisiens gardèrent le silence, les parents de l'aveugle le prirent au milieu d'eux, plusieurs des assistants entonnèrent des psaumes et l'aveugle parla et chanta, faisant encore une espèce de prophétie sur Jésus, sur l'accomplissement de la promesse, etc. Jésus entra dans la ville et guérit plusieurs malades parmi lesquels d'autres aveugles, qui se tenaient entre les maisons et l'enceinte de la ville. Il avait pris une réfection et on lui avait lavé les pieds dans les cabanes de feuillage qui étaient devant la ville. L'aveugle dans son enthousiasme prophétique décrivit tout le chemin par lequel Jésus était venu ; il parla aussi du Jourdain, de l'Esprit-Saint qui était descendu sur lui et de la voix partie du ciel.

Le soir Jésus enseigna dans la synagogue à l'occasion du sabbat. Il parla de la postérité de Noé, de la construction de l'arche, de la vocation d'Abraham, et commenta des textes d'Isaie où il était fait mention de l'alliance de Dieu avec Noé et de l'arc-en-ciel. (Is. LIV et LV) Je vis alors très distinctement tout ce qui faisait le sujet de son enseignement, je vis toute la vie et toutes les générations des patriarches, les branches collatérales qui se séparaient et comment le paganisme prit naissance dans celles-ci. Quand je vois cela, tout me paraît clair et bien ordonné : quand je m'éveille, je m'afflige de ces aberrations, je ne puis m'en faire une idée, je cesse de comprendre et j'oublie. J'ai aussi entendu Jésus parler de l'interprétation erronée des Ecritures, des faux calculs sur les temps : il fit les calculs très simplement et expliqua comment tout était donné exactement dans les Ecritures. Je ne puis comprendre comment on a tellement embrouillé et si complètement oublié tout cela.

Korea est à une lieue et demie au sud-est de Silo : la ville est séparée en deux : une partie est sih1te à une assez grande hauteur, sur une terrasse formée par la montagne, l'autre dans une gorge placée plus à l'est. Celle-ci ne se lie avec la première que par une étroite rangée de maisons. Des Pharisiens et beaucoup de malades sont venus ici en même temps que Jésus.

(12 octobre). Quoique la ville de Koréa soit située un peu plus au couchant qu'Acrabis, elle est pourtant plus voisine du Jourdain parce que le fleuve fait un coudé de ce côté. La ville n'est pas très grande et les habitants ne sont pas riches. Ils font de petits ouvrages de tressage, des ruches pour les abeilles, de longues nattes de paille, d'un travail plus ou moins soigné : ils choisissent la paille ou le jonc dont ils se servent et le font blanchir Ils font avec des nattes des cloisons entières pour séparer les chambres à coucher. .
Il y a plusieurs autres bourgades dans le voisinage. Les montagnes dans cette contrée sont escarpées et déchirées. A peu près en face d'Acrabis, de l'autre coté du Jourdain, se trouve le pays où Jésus, à la fête des Tabernacles de l'année dernière, a suivi une vallée pour aller à Dibon. Le matin Jésus a enseigne dans la synagogue : plus tard, pendant que les Juifs faisaient leur promenade accoutumée du jour du sabbat il a guéri en parcourant leurs rangs beaucoup de malades qu'on avait amenés dans une grande salle voisine de la synagogue : il leur a fait aussi une instruction en commun. Ensuite il a fait la clôture du sabbat, et il a assisté à un repas donné dans les cabanes de feuillage, en compagnie des Pharisiens. Pendant ce repas il eut une discussion avec les Pharisiens : il était question de l'aveugle-né guéri la veille et de la façon dont il avait prophétisé. Ils disaient qu'antérieurement il avait fait diverses prédictions confuses lesquelles, je crois, ne s'étaient pas vérifiées, et Jésus répondit qu'alors il n'avait pas été inspiré par l'esprit de Dieu. Dans la suite de la conversation ils en vinrent, je crois, à parler d'Ezéchiel : ils dirent quelque chose contre lui, comme n'ayant pas d'abord bien prophétisé sur Jérusalem. Jésus répondit que l'esprit de Dieu n'était descendu sur lui qu'à Babylone, au bord du fleuve Chobar, lorsqu'il lui fut ordonné d'avaler quelque chose. Jésus finit par réduire tout à fait les Pharisiens au silence. (Elle vit tout cela ; notamment la grande vision d'Ezéchiel, mais elle ne le raconta pas.) à

L'aveugle guéri parcourut encore les rues de la ville, louant Dieu, chantant des psaumes et prophétisant. Je crois qu'hier déjà il était venu à la synagogue, avait mis une large ceinturé autour de son corps et avait fait un vœu.

Il était devenu Nazaréen, un prêtre l'avait consacré à cet effet. Je crois que cet homme va s'adjoindre aux disciples.

(13 octobre.) Le samedi soir, après le sabbat, lorsqu'il faisait déjà nuit, il y a eu à Koréa une grande fête et un grand repas i. Ce matin Jésus alla chez les parents de l'aveugle guéri, sur l'invitation de celui-ci. Ce sont des Esséniens, de ceux qui vivent dans l'état de mariage : ils ont une alliance éloignée avec Zacharie et sont en rapport avec la communauté des Esséniens de Maspha. Ils ont encore des fils et des filles, celui qui a été guéri est le plus jeune. Ils habitent dans un quartier séparé de la ville ; il y a dans leur voisinage, plusieurs autres familles d'Esséniens apparentées à la leur. Ils ont de beaux champs situés au penchant de la montagne : ils ne cultivent que du froment et de l'orge, mais pas de seigle. Ils ne gardent que le tiers de la récolte ; un tiers est donné aux pauvres et le dernier tiers à la communauté qui est à Maspha.

Ils vinrent au-devant de Jésus, le reçurent amicalement devant leur habitation et lui donnèrent une réfection. Le père lui fit don de son fils, le priant de l'employer comme le moindre des serviteurs et des messagers de ses disciples, à courir devant lui et à lui préparer les logements. Jésus l'accepta et l'envoya aussitôt à Béthanie avec Silas et un des disciples d'Hébron. Je crois qu'il veut procurer à Lazare la joie de le voir guéri, car il l'a connu aveugle, si je ne me trompe. Le père de ce jeune homme avait un nom comme Syrus, Sirius ou Cyrus : c'était comme celui d'un roi du temps de la captivité des Juifs.

Note : C'était la clôture de la fête des Tabernacles qu'on célébrait le 21 de Tisri. Des dérangements l'empêchèrent d'en rien dire de plus.

J'ai plusieurs fois oublié et retrouvé le nom du fils. Il portait autrefois une ceinture sous sa robe, mais, après avoir recouvré la vue, il la mit par-dessus et fit un vœu pour un certain temps. Il avait le don de prophétie : étant aveugle, il assistait toujours aux prédications de Jean et il avait reçu le baptême. Souvent aussi, à Koréa, il avait réuni autour de lui plusieurs jeunes gens qu'il enseignait et devant lesquels il tenait des discours prophétiques sur Jésus dont il parlait avec enthousiasme. Ses parents l'aimaient beaucoup à cause de sa piété et de son zèle, et on le voyait toujours très bien vêtu. Jésus, en le guérissant, lui dit : " Je te donne une double lumière, la vue extérieure et la vue intérieure ". Son nom me revient à présent : il s'appelait Manahem, comme l'Essénien qui prédit à Hérode qu'il deviendrait roi. Les Pharisiens de l'endroit se moquaient de lui à cause de ses prophéties qu'ils appelaient des rêveries inintelligibles et assuraient que l'élégance de ses vêtements le rendait vain. Ils l'amenèrent eux-mêmes à la rencontre de Jésus, parce qu'ils étaient intimement convaincus qu'il ne pourrait pas le guérir, car on n'avait jamais vu que du blanc dans ses yeux. Lorsqu'il fut guéri, beaucoup de gens malveillants se mirent à dire : " Il n'a jamais été aveugle, c'est un Essénien, il a peut-être fait vœu de jouer le rôle d'aveugle, etc. "

Les Pharisiens qui parlèrent hier d'Ezéchiel avec Jésus, méprisaient ce prophète, disant que c'était un serviteur de Jérémie, qu'il avait eu dans l'école des prophètes des rêves très obscurs et très absurdes, et que tout était arrivé autrement qu'il ne l'avait dit. Je vis qu'alors Ezéchiel avait eu des visions très obscures qui avaient été interprétées tout de travers, et que l'Esprit vint sur lui pour la première fois au bord du fleuve Khobar. Il vit d'abord dans le fleuve la lumière du ciel ouvert, et regardant en haut, il eut la vision du char de Dieu, etc. Manahem avait tenu aussi des discours prophétiques d'un sens très profond sur Melchisédech, sur Malachie et sur Jésus.

Après midi, Jésus alla à Ophra, n'ayant plus guère avec lui que sept disciples, car les autres étaient retournés chez eux, soit à Jérusalem, soit dans la Samarie et la Galilée.

(13 octobre.) Ophra se trouve dans un fond entre des montagnes, à une lieue au sud-ouest de Koréa, et à peu près à une lieue au midi de Silo. En partant de Koréa pour y aller, il faut d'abord monter un peu, puis descendre ,. Trois routes traversent Ophra : il y passe beaucoup de caravanes venant d'Hébron. La ville ne se compose guère que d'auberges et de magasins. Les habitants sont assez grossiers et intéressés. Des disciples de Jésus étaient déjà venus ici l'année précédente, et les habitants, depuis ce temps, s'étaient quelque peu amendés. Lorsque Jésus y arriva, les gens de l'endroit étaient occupés dans les vignes, des deux côtés du chemin, à recueillir des raisins et des petits fruits de toute espèce, car il y avait ce soir encore une grande fête. 

Note : Tout au plus à deux lieues et demie à l'ouest de Koréa, au bord de la grande plaine qui s'étend quelques lieues à l'ouest Jusqu'à Bethoron, le long de la partie septentrionale du désert, se trouve sur une hauteur la forteresse d'Alexandrium qui regarde au nord-ouest le mont Garizim, au sud et à l'ouest, la plaine en question et les montagnes de Benjamin. Marie a souvent passé par cette plaine : il s'y trouve beaucoup d'habitations de bergers isolées et la ville de Béthel y confine.

Je ne vis plus personne dans les cabanes de feuillage, mais je vis les enfants, les jeunes gens et les jeunes filles passer au milieu d'elles en procession avec des bannières : les prêtres aussi avaient leur occupation : on retirait des cabanes les livres de prières et les objets sacrés qu'on portait à la synagogue, et on mettait un rouleau sur chaque siège. Pendant ce temps, je vis les femmes assises dans les maisons, revêtues de leurs habits de fêtes et lisant des prières.

Jésus fut aperçu par les hommes devant la porte : ils vinrent à lui et le conduisirent dans la ville. On lui lava les pieds, il prit un peu de nourriture à l'hôtellerie près de la synagogue, puis il entra dans quelques maisons où il guérit des malades et enseigna. Le soir, il y eut une grande fête dans l'école, on lut quelque chose de tous les rouleaux, puis on fit circuler le livre de la loi et chacun y lut à son tour : il y eut ensuite un repas dans la maison destinée aux fêtes : il y avait des agneaux sur la table. On mangea aussi les pommes d'Escog qui avaient servi pour la fête. Ces pommes étaient préparées avec quelque chose : chacune était divisée en cinq parties, lesquelles étaient de nouveau liées ensemble avec un fil rouge. Il y avait une pomme pour cinq personnes. Les mets étaient apprêtés par des serviteurs du sabbat : c'étaient des espèces d'esclaves qui n'étaient pas juifs.

(14 octobre.) Le matin, Jésus alla de maison en maison : il adressa quelques paroles aux habitants pour les détourner de l'amour du gain et de la cupidité, et les imita à venir entendre l'instruction dans la synagogue. Il adressa à tous en commun une espèce de félicitation pour la clôture de la fête. Les gens de l'endroit étaient si adonnés à l'usure et si grossiers, qu'on les assimilait aux Publicains. Mais ils s'étaient déjà amendés. Dans l'après-midi, les branches qui avaient servi à construire les cabanes furent portées par un cortège d'enfants devant la synagogue : on en fit un tas et l'on y mit le feu. Les Juifs observaient la manière dont la flamme s'élevait, et tiraient de là divers présages heureux ou défavorables. Jésus enseigna ensuite dans la synagogue sur le bonheur d'Adam, sur sa chute et sur la promesse : il commenta aussi des textes du livre de Josué. Il parla encore des sollicitudes exagérées, des ils qui ne filent pas, des corbeaux qui ne sèment pas, etc. Il mentionna Daniel et Job, comme des hommes pieux, accablés d'affaires, et cependant dégagés de toute sollicitude mondaine.
Le soir, il y eut encore un repas dans la maison destinée aux fêtes. Ici Jésus ne fut pas hébergé gratuitement : les disciples payèrent tout à l'hôtellerie. Je crois qu'il va se diriger du côté de Samarie.

Le soir du 16 octobre, Anne Catherine se ressouvint tout à coup, au milieu d'une conversation, de quelque chose qu'elle avait vu à Ophra, puis oublié, et elle fit la question suivante : "Chypre, où donc cela se trouve-t-il ? C'est une île ! Il y avait un homme de Chypre à Ophra, près de Jésus et de ses disciples. Il venait de Machérunte, qui est à dix lieues d'Ophra ; il avait été voir Jean, je l'ai entendu. Il fut conduit ici par un des serviteurs du centurion Zorobabel de Capharnaum, qu'il avait visité à sa maison de campagne, car ce centurion ne résidait pas toujours à Capharnaum. Il a été envoyé par un homme considérable de Chypre, qui a beaucoup entendu parler de Jean et de Jésus, et qui voudrait avoir sur eux des renseignements sûrs. C'est quelque chose comme le message du roi d'Edesse à Jésus. J'ai entrevu aussi que Jésus, pendant sa vie, est allé une fois à Chypre, mais c'est encore à venir. Je l'y ai vu entouré de beaucoup de gens de bien. 

Cet homme partit d'Ophra en toute hâte, car il devait s'embarquer sur un navire qui allait mettre à la voile. C'était un paien très aimable et très humble. Le serviteur du centurion l'avait, sur sa demande, conduit à Machérunte, près de Jean, puis à Ophra, près de Jésus. Jésus s'entretint longtemps avec lui, et les disciples mirent par écrit, en sa présence, tout ce qu'il désirait savoir. Son maître a pour ancêtre un ancien roi de Chypre qui accueillit beaucoup de Juifs pendant la persécution, et les nourrit à sa table. Cette œuvre de miséricorde porta ses fruits dans son descendant, qui reçut la grâce de croire en Jésus-Christ. J'ai vu comme d'un coup d'œil, que Jésus, après la prochaine fête de Pâques, se réfugiera à Tyr et à Sidon, s'embarquera pour cette île et y enseignera. Je l'ai vu sur le navire, puis dans l'île parmi des gens de bien : je crois qu'il n'y avait avec lui que des disciples inconnus, de même que dans un voyage que je l'ai vu faire pour visiter les trois rois, après la résurrection de Lazare.

(15 octobre.) La Sœur fut dans un état de maladie et de souffrance intérieure qui ne lui permit de raconter que ce qui suit et d'une manière très peu précise. Je crois, dit-elle, que Jésus est allé dans une vallée entre Alexandrium et Lebona, ville située au midi du mont Garizim : il a fait environ cinq lieues, venant du nord-est, et il est arrivé par une plaine à un bois qui est à l'ouest de Salem. Je me souviens confusément qu'il visita des habitations isolées de paysans. Il y a dans cette contrée plusieurs belles grottes, et c'est dans ces environs que doit être l'arbre sous lequel Gédéon battait son blé. Le méchant Holopherne avait campé dans ce bois : il venait de passer le Jourdain, et se trouvait là avant qu'on en sût rien à Jérusalem. C'est ici que le Jourdain tourne à l'ouest vers Jérusalem, tellement qu'il irait passer devant cette ville s'il pouvait continuer à aller en droite ligne dans cette direction. Holopherne, chef de l'armée de Nabuchodonosor, passa le fleuve en cet endroit. Ici elle dit quelque chose de vague sur le cours d'eau qui passe près de Béthulie pour se jeter dans le Jourdain, et elle ajouta qu'à Béthulie il n'y a pas de fontaines. Holopherne établit son camp tout autour de Béthulie : il s'étendait vers Cana, Jotapat, Tarichée, Thabor, Nazareth, etc. L'invasion d'Holopherne eut lieu en partie ici, en partie sur l'autre rive : tout fut pris ou exterminé près de cette ville du pays des Philistins, où David avait résidé autrefois avec quatre cents hommes. Son nom ressemble à celui d'Aïs ou d'Achzib, qui est près de la mer, au nord de Ptolémaïs.

Deux jours après Anne Catherine, tout en larmes à cause d'un grand délaissement où elle se trouvait, reprit ainsi son récit :

Le mardi l5 octobre. Jésus est allé à environ cinq lieues au nord et il a passé la nuit chez un paysan. Je n'ai pas vu les cabanes de feuillage tout à fait défaites, on avait seulement retiré quelque chose aux angles. Cette contrée est belle et fertile, la mère de Dieu a coutume d'y passer quand elle ne passe pas par les montagnes de Samarie. Jésus logea dans une de ces maisons de bergers où l'on avait bien accueilli Marie lors du voyage de Bethléhem. Ce peut être un peu à l'ouest au delà d'Acrabis. Ce n'est pas la contrée où Jésus, la dernière fois qu'il partit de Jérusalem, parcourut beaucoup d'endroits si rapidement, où il prêcha avec tant de véhémence, et ou les disciples éprouvèrent tant de fatigues et d'ennuis ; cette contrée est dans une autre partie plus à l'ouest. Jésus se dirigeait alors vers Sichar, à l'ouest du mont Garizim. Il avait aussi visité l'endroit ou il à passé la nuit aujourd'hui lorsqu'après la dernière Pâques, il s'éloigna du Jourdain pour aller dans la direction de Tyr.

(16 octobre.) Ce matin Jésus quittant la maison de paysan où il avait couché, alla deux lieues plus au nord, à trois lieues environ à l'est de Sichar visiter d'autres habitations de paysans situées près de la partie occidentale de la forêt de Hareth qui, s'étendant du midi au nord sur une haute crête de montagnes placée à l'ouest de Salem, borde au levant la plaine qui est devant Sichar. (Ses souffrances lui firent oublier ce que Jésus fit en cet endroit.)

Jésus se trouvait ici un peu plus au nord que Salem Il traversa la forêt dans la direction du sud-est et arriva dans la plaine de Salem. Cette forêt de grands et beaux arbres où il y a plusieurs jolies grottes, est la forêt de Hareth où Holopherne entra d'abord avec son armée après avoir passé le Jourdain près d'ici. Cette invasion eut lieu pendant les derniers temps de la démence du roi Nabuchodonosor. Béthulie recevait l'eau du côté du nord par des conduits venant de la source près de laquelle sont les bains. de l'autre côté. par d'autres conduits : cette eau coule ensuite dans le Jourdain.

Note : Comme du reste elle place Béthulie sur une hauteur entre Cana, les bains et Gennabris, cette eau mentionnée en second lieu était peut-être une dérivation du Cison venant de Thabor, ou empruntée à un cours d'eau qui se jette dans le Jourdain. Elle en vint à parler de cette eau, parce que vraisemblablement elle vit toute l'histoire de Judith ; car elle dit qu'Holopherne avait coupé les conduits qui amenaient l'eau à Béthulie. Judith était de la race d'Abigail, femme de Nabal et de David Le camp d'Holopherne était au nord de Béthulie, là où sont les bains. En sortant de la ville on traversait d'abord un plateau, puis un ravin ; puis on arrivait au camp qui était dans la vallée, et ce fut là que Judith tua Holopherne.

Le 27 (vraisemblablement du mois de Tisri), les ennemis entrèrent dans le pays. Holopherne n'était pas, a proprement parler, envoyé par Nabuchodonosor : c'était un Mède et il était en rapport avec le roi Cyaxare près duquel était le prophète que j'ai coutume d'appeler Etoile brillante (Zoroastre). Ce roi, dans un festin, a rendu aux Juifs prosternés devant lui, les plats et les vases d'or provenant du pillage du temple, qui lui avaient été donnés. Le mari de Suzanne se trouvait là. Holopherne avait eu l'occasion de rendre un service à ce Cyaxare qui, à cause de cela, lui avait donné l'armée à commander. Il s'était alors vanté de tout conquérir : c'était une espèce de Bonaparte : il ne savait guère ce qu'étaient les Juifs. Lorsqu'il fit irruption dans le pays, le temple était encore en ruines et les Juifs n'étaient pas entièrement sortis de la captivité.

Je vis toute cette histoire comme elle se trouve dans l'Ecriture. Achior fut conduit à Béthulie par une troupe de cavaliers. Les Juifs en furent très effrayés, ils crurent qu'ils venaient en reconnaissance ou comme avant-garde. L'armée descendit des hauteurs et elle pénétra jusqu'à la tribu de Benjamin Béthulie était la plus forte place du pays : Holopherne l'investit : il voulait, après sa chute, marcher tout droit sur Jérusalem. La tente d'Holopherne formait comme trois chambres : on mangeait dans cette du milieu : ses gens se tenaient dans la partie antérieure et son lit était dans la plus reculée.

Judith, lorsqu'elle se présenta devant lui était, par une faveur divine, si majestueusement belle qu'Holopherne fut saisi d'admiration et même intimidé à sa vue. Le soir sa beauté devint encore plus éclatante et lorsqu'enhardi par le vin il s'approcha d'elle et voulut l'embrasser, il vit en elle je ne sais quoi de surhumain qui le fit reculer effrayé Elle se montrait en outre extrêmement avenante, parlante et enjouée et l'engageait toujours à boire encore. Lorsqu'il fut tout à fait ivre, ses serviteurs le portèrent dans sa chambre à coucher et Judith se retira dans la sienne qui n'était séparée que par un rideau. Leurs lits se touchaient par leurs extrémités. Alors les serviteurs se retirèrent. La Sœur raconta tout ce qui suit comme le fait l'Ecriture, ajoutant seulement que Judith avait coupé aux rideaux du lit et emporté avec elle plusieurs garnitures de perles et de pierres précieuses. Lorsque Judith revint pendant la nuit à Béthulie avec la tête d'Holopherne, elle monta sur une espèce de siège en pierre qui se trouvait sur la place et d'où l'on faisait la lecture des ordonnances. Alors elle entonna un cantique de louanges, montra la tête d'Holopherne et parla au peuple qui s'était rassemblé autour d'elle avec des flambeaux. Après la victoire remportée sur l'armée ennemie, les prêtres de Jérusalem vinrent pour rendre hommage à Judith et elle alla à Jérusalem avec eux. L'épée d'Holopherne avec laquelle elle lui avait donné la mort fut déposée dans le temple.