La Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ
par le Cardinal Pie
(4ème partie)

Sommaire

QUATRIÈME PARTIE

- L'AVENIR DE LA ROYAUTÉ SOCIALE DE JÉSUS-CHRIST

 

Jésus-Christ règnera-t-Il ? Les princes prendront-ils l'initiative de ce programme ? Les peuples les suivront-ils ?

Comme Bossuet, (Commentaire sur l’Apocalypse. Introduction.) Mgr Pie disait : "Je tremble en mettant la main sur l'avenir". Cependant, il nous a livré sur ce point ses craintes et ses espérances. Quelles furent-elles au juste ? Que pensait sur l'avenir du Christ-Roi cet Évêque, Son Chevalier ?


CHAPITRE I : LE DROIT CHRÉTIEN SERA RÉTABLI TEMPORAIREMENT DANS LE MONDE

Mgr Pie, en ce qui regarde l'avenir, ne fut ni d'un optimisme exagéré ni d'un pessimisme découragé.

Il attendait et espérait pour les nations un retour au Droit chrétien et, sinon une période de triomphe complet et durable, du moins une période de consolation, et suivant son expression, «sur le déclin des âges un brillant automne de la société chrétienne[1]».

Il s'est trompé quelquefois (on le verra par les textes que nous apporterons), en indiquant comme très prochain, le retour des nations au Droit chrétien ; mais, malgré les déceptions que lui apportèrent les événements, il conserva inébranlable l'espérance de la Restauration sociale dans le Christ.

Son historien écrit : «Mgr Pie était avec tous les grands orthodoxes d'alors, avec Donoso Cortès, avec Dom Guéranger, de ceux qui espéraient contre toute espérance, le Règne social du Christ sur la terre, mais sans oser l'espérer définitif, durable et qui ne se rattachaient plus qu'à l'espoir d'un brillant coucher de soleil de la civilisation catholique, dont il ne leur semblait plus possible d'arrêter le déclin[2]».

Quelques citations nous découvriront la pensée vive du grand Évêque.

En 1860, il relevait ainsi le courage de ses fidèles : «C'est le propre de l'Église, dit saint Hilaire de Poitiers, de vaincre quand elle est blessée, d'être mieux comprise quand elle est accusée, de tout gagner quand elle est abandonnée. Fort de ces paroles, nous osons vous le prédire, les blessures faites en ce moment à l'Église sont un gage de ses prochaines victoires : ut tunc vincat eum læditur ; l'insolence avec laquelle toutes ses doctrines sociales et religieuses sont incriminées n'aboutira qu'à remettre mieux en lumière et qu'à mieux faire accepter de tous les bons esprits, la vérité, la nécessité et la haute portée de ces doctrines : tunc intelligatur cum arguitur ;

enfin la lâcheté avec laquelle elle est trahie et délaissée par les puissants du siècle nous est un signe qu'une part considérable lui sera bientôt rendue dans la direction du monde : tunc obtineat cum deseritur. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, et quelques efforts que l'on fasse pour procurer de nouvelles temporisations, la force désormais inévitable des choses ne tardera pas désormais à poser, des pays de l'aurore à ceux du couchant, une foule de questions que l'Europe, dans son organisation actuelle, n'est pas de taille à résoudre. Il est vrai, dans les grandes luttes qui sont pendantes, le démon croit s'être assuré le succès par la rage qu'il a communiquée en même temps à ses séides de l'Orient et de l'Occident contre tout ce que ces contrées renferment de plus pur et de plus noble. Mais nous, au contraire, qui savons le prix du sang des fidèles et des soupirs du juste, nous disons avec notre saint Docteur : «Victoire, victoire à l'Église, puisque l'Église est momentanément en souffrance ! Elle va rallier les intelligences à sa cause et à son autorité, puisque la conspiration du dénigrement a été hautement fomentée et patronnée contre elle. Elle est à la veille de reprendre son influence dans les conseils des nations, puisque les nations l'ont abandonnée».

«Et quand nous parlons ainsi le langage de l'espérance, notre voix aura d'autant plus de poids auprès de vous, que vous nous savez étranger à cette disposition optimiste qui rêve pour la terre des destinées indéfinies que la parole divine ne lui a point promises. Non, nous ne nous exagérons point à nous-même les symptômes de dégénération qu'offre le monde actuel, et nous ne nous dissimulons aucune des conquêtes profondes que l'esprit du mal a obtenues sur la société chrétienne. Toutefois, nous croyons avoir l'esprit de Dieu en nous, quand, en comparant les éléments de bien et de mal qui s'agitent et se remuent à cette heure, nous osons prévoir encore le retour d'une ère de prospérité pour l'Église de Dieu ici-bas[3]».

*
* *

La même année, il disait à ses prêtres : «Quelles sont les pensées du Seigneur sur l'Église, sur la société, sur Rome, sur la France, sur le monde ? Devons-nous descendre désormais par une pente inclinée jusqu'au fond de l’abîme ? Devons-nous remonter jusqu'à la lumière ? Il m'est doux de le répéter : les prédictions des saints[4], les pressentiments des bons semblent nous permettre d'espérer encore pour l'Église militante des jours de triomphe, au moins temporaire[5]».

*
* *

En 1863, il avait terminé sa troisième instruction synodale sur les erreurs du temps par ce cri d'espérance : «Oui, cette Europe sécularisée, ces nations et ces institutions devenues laïques, le jour n'est pas éloigné, où elles redemanderont au Vicaire de Jésus les paroles de salut et de vie. Le droit chrétien avait formé la famille européenne ; ce même droit, avec les modifications nécessaires que le temps apporte au détail des choses, procurera la solution de tant de problèmes reconnus insolubles désormais sans le secours de l'Église». [6]

*
* *

En 1870, dix ans avant sa mort, il écrivait : «Si déplorable que soit l'état des sociétés, si avancées que soient les conquêtes du mal, si effrayants que soient les symptômes de désorganisation universelle, nous avons la confiance que la catastrophe dernière n'est pas à nos portes, qu'il se lèvera encore en ce monde des jours heureux et favorables pour la religion, que la vérité brillera d'un nouvel éclat dans le temps avant de se replier vers le séjour éternel, enfin qu'il est dans les destinées de notre condition mortelle de jouir encore d'une ère de consolation, sinon de triomphe, avant la période de dissolution finale que suivra le triomphe éternel». [7]

Le 1er novembre 1871, il consacre une homélie entière à remonter notre courage et à relever nos âmes. C'est une véritable étude ex professo sur nos motifs d'espérer. La délivrance de la société chrétienne, dit-il, viendra non pas de nos mérites, mais de la miséricorde divine. «Ne m'alléguez donc point comme un obstacle insurmontable aux bontés de notre grand Dieu, l'excès de la perversité humaine. C'est l'honneur de Dieu, c'est Sa grandeur et c'est Sa gloire de faire déborder, quand Il le veut, Ses miséricordes par-dessus notre malice. Quand Il le veut, oui, me dites-vous ; mais le voudra-t-Il ?» Sans hésiter, il répond : "Il le voudra". Et, développant sa pensée : Je l'avoue, nos maux jusqu'ici ne nous ont pas rendus meilleurs ; ...Malgré cela néanmoins, plus je m'applique à scruter les pensées du Seigneur sur nous, plus je m'obstine à présager une prochaine et immense effusion de miséricorde ; et les sources auxquelles je puise cette confiance me donnent la hardiesse de croire qu'en parlant de la sorte j'ai en moi l'esprit de Dieu[8]».

*
* *

L'année suivante, dans son homélie prononcée en la solennité de saint Hilaire, il s'écrie : «La terre sera tremblante sur sa base et agitée dans ses entrailles, elle ne retrouvera pas son assiette, jusqu'à ce qu'une secousse favorable ait réparé la perturbation et les désordres apportés à l'équilibre politique du monde chrétien par la disparition de son chef...

«Cette réparation viendra. Ce qu'un choc funeste a renversé, un choc meilleur le relèvera... Retournez à Rome dans quelques années : vous y verrez le concile du Vatican se poursuivant autour du trône du pontife-Roi[9]».

En 1873, dans le sanctuaire vendéen de N.-D. de Pitié, il annonce le «secours qui viendra d'en haut [10]. La délivrance viendra du Ciel, dit-il, et le Ciel agira par les mains puissantes de la libératrice des chrétiens». [11].

Le 3 juillet 1876, lors des fêtes du couronnement de N.-D. de Lourdes, il parle encore, selon sa propre expression, de cette «espérance, de cette attente ferme et certaine, de la délivrance de la société chrétienne[12]».

Mais, cette espérance l'avait-il encore à la fin de sa vie ? Oui, plus que jamais, elle animait son courage[13]. Dans une de ses dernières instructions pastorales, il disait à ses fidèles : «L'effort fait contre le christianisme à cette heure, n'est si énergique que pour proportionner la victoire à la multiplicité et à la puissance des éléments et des instruments actuels du bien... Travaillons par notre charité, notre patience, notre modestie à rendre acceptable à nos adversaires eux-mêmes la victoire finale qui nous est réservée et que leurs propres emportements nous préparent[14]».


CHAPITRE Il : LA FRANCE CONTRIBUERA PUISSAMMENT ET EFFICACEMENT A CETTE RESTAURATION

Pouvons-nous préciser davantage sa pensée, et sachant qu'il attendait une victoire, savoir comment et d'où il l'attendait ?

Pour Mgr Pie, le triomphe du Droit chrétien était intimement lié à la question de l'avenir religieux de la France.

C'est un fait qu'il constate : «Ceux, dit-il, qui attendent et ceux qui redoutent le rétablissement de l'ordre chrétien dans le monde sont d'accord pour ne le juger possible et réalisable que par la France ». [15][16]

La question posée : le Christ régnera-t-il, se ramène donc pour l'Évêque de Poitiers, à celle-ci : La France reprendra-telle son rôle antique de chevalier du Christ ? Terminant l'oraison funèbre du général de Lamoricière, Mgr Pie eut une envolée comme prophétique, que Pie X a fait sienne dans une allocution consistoriale[17]. Citons-là en entier.

Après avoir rappelé « qu'il y a dans la politique, comme dans la religion, une espèce de pénitence plus glorieuse que l'innocence même qui répare des jours de fragilité par des années d’héroïsme», il s'écrie : « Seigneur, mon Dieu, vous avez créé la France pour l'Église[18] et jamais la France n’abdiquera entièrement sa mission[19]. Il y a dans le naturel de ce pays, des ressources infinies et les esprits y sont capables de retours inespérés… Dieu tient dans Ses mains les cœurs des peuples aussi bien que les cœurs des hommes. Courage, ô France, c'est ainsi que tu reviendras à ta vocation première. De précieux instincts qui se dérobent encore à toi, mais qui ne sont qu'endormis, se réveilleront dans ton sein. Et tandis que comme Saul respirant encore les menaces et le carnage sur la route de Damas, tu sembleras lancée peut-être dans la voie de l'impiété et de la violence, tout-à-coup, une force secrète te renversera, une lumière subite t'enveloppera et une voix se fera entendre : «Qui êtes-vous, t'écriras-tu... Qui es Domine ? Je suis Jésus que tu poursuis, que tu persécutes. Ego sum Jesus quem tu persequeris. Ô France, il est dur pour toi de regimber contre l’aiguillon. Faire la guerre à Dieu n'est pas dans ta nature. Relève-toi, race prédestinée, race d'élection et va, comme par le passé, porter Mon nom à tous les peuples et à tous les rois de la terre»[20].

On ne saurait être plus affirmatif. En une autre circonstance, le grand Évêque étudie plus à froid, plus humainement, dirions-nous, si la France redeviendra chrétienne. Citons ce second passage : «Il y a, pour notre race, une vocation, une prédestination dont nous devons subir toutes les conséquences. Oui, une nation qui est l'école du monde, qui a porté jusqu'aux extrémités de l'univers ses mœurs, sa civilisation, son langage, ses vertus et ses qualités et, il faut bien le dire aussi, ses travers et ses vices, qui a exercé un empire incontestable sur tous les peuples par la grandeur de ses institutions, l'autorité de ses lois, la noblesse et l'élévation de ses vues, l'élégance et la politesse de ses manières, qui, malgré ses embarras intérieurs, poursuit encore aujourd'hui par les conquêtes pacifiques de ses intrépides missionnaires, I'œuvre de la régénération religieuse et sociale sur les points les plus inexplorés du globe et porte le flambeau de la foi au milieu des ténèbres de l'idolâtrie, une nation qui n'a qu'à vouloir pour bouleverser le monde par ses fureurs ou pour le contenir dans l'ordre et la paix par l'exemple de sa sagesse et de sa modération, une telle nation est marquée du doigt de Dieu pour être à la face des peuples la justification de Sa Providence. Si elle se précipite dans le mal ou seulement si elle devient indifférente au bien, le châtiment suit de près la faute et absout la justice du ciel ; si elle retrouve ses nobles instincts de zèle pour la vérité et d'amour pour la vertu, la prospérité renaît autour d'elle ; et témoins du sceau particulier imprimé à ses revers ainsi qu'à ses succès, jaloux peut-être des uns et des autres, mille peuples divers proclament comme faisait autrefois le vieil Achior, à propos de la nation sainte, que la France a reçu la bienheureuse prérogative de ne jamais pécher impunément et de se relever toujours par le secours même du bras qui l'a châtiée. Telle est la constitution divine qui régit les destinées de notre pays, nul de nous ne changera cette loi. Joignez à cela cette inflexibilité de logique[21], cette marche rapide et précipitée vers les conclusions extrêmes, ce passage presqu'instantané des prémisses aux conséquences, cette facilité avec laquelle les doctrines descendent de la tête aux bras qui les traduisent par des actes, en un mot, cette rigueur pratique et instinctive de raisonnement et de déduction qui est en quelque sorte l’esprit de notre caractère national et qui établit la principale différence entre un esprit français et une intelligence anglaise ou germanique, et vous reconnaîtrez que la France est un pays où l'irréligion et l'erreur ne sauraient être contenues dans leurs développements, où la prospérité, même passagère, est inconciliable avec des principes faux, des exemples funestes, des omissions coupables. Que d'autres s'en plaignent, c'est selon nous la principale fortune de la France que ni la Providence divine, ni son tempérament naturel ne lui permettent de rester tranquillement assise dans les ténèbres et les ombres de la mort, mais que son mal devienne bientôt si extrême qu'elle doive accepter le remède ou risquer de périr dans la crise»[22].

Tels sont les deux textes principaux qui nous semblent résumer les espérances de Mgr Pie : La France reprendra son rôle de Chevalier du Christ.

*
* *

Le dernier texte cependant, tout en affirmant que la France a reçu «la bienheureuse prérogative de se relever toujours par le secours même du bras qui l'a châtiée» exprime, en finissant, la crainte que notre France chrétienne périsse dans la crise. Mgr Pie se contredit-il ? Cette crainte détruit-elle son espérance ? A-t-il cru que la France périrait dans l'apostasie ?

Sur ce point précis, il ne faut pas le cacher, Mgr Pie eut des moments d'hésitation et de pessimisme.

Déjà, en 1860, il écrivait à Monsieur Foisset : « Si la France doit redevenir socialement chrétienne, il lui faudra un siè- cle et au-delà pour désinfecter son vêtement, jour par jour, de la vermine révolutionnaire qui l'a envahie»[23].

Ses craintes augmentèrent après 1870, lorsqu'il vit le régime sectaire de la troisième République solidement établi. L'annonce de l'école sans Dieu lui semblait comme le glas funèbre de la France. «Si, pour refaire une génération d'hommes, vous alliez inventer des écoles dont personne ne devrait être absent si ce n'est Dieu, cet outrage à la liberté humaine, comme à la raison et à la religion serait le coup de grâce et l'arrêt de mort. Des mains sacrilèges et parricides auraient écrit sur la pierre sépulcrale de notre pays : Finis Galliae». [24]

Nous avons relevé deux textes de crainte. Précisons les : «Si la France doit redevenir socialement chrétienne» écrit-il en 1860. Donc, peut-on dire, il a douté qu'elle le redevînt ?

Oui, quelquefois, mais ce doute passager ne supprime pas l'affirmation rayonnante des précédentes espérances. Examinons l'autre texte : «Si pour refaire une génération d'hommes, vous alliez inventer des écoles sans Dieu, ce serait le coup de grâce et l'arrêt de mort».

On nous dit : «Ces écoles sont faites, donc la France a reçu son coup de grâce et son arrêt de mort». Nous répondons : A côté de ces écoles, d'autres et catholiques ont été maintenues ; ensuite, là même où les écoles sans Dieu n'ont pu être évitées, l'Église a pourvu à parer le coup par les mesures imposées aux chefs de famille, contraints d'envoyer leurs enfants aux écoles de l'État ; enfin, dans ce texte encore, le «si», suspendu comme une menace, nous stimule à agir contre ces écoles et nullement à désespérer parce qu’elles existent.

Ainsi, les craintes de Mgr Pie ne sont pas des affirmations absolues, mais elles nous excitent à repousser un malheur toujours possible de par la liberté de l'homme. La crainte, inévitable en pareille matière, ne détruit pas l'espérance, laquelle s'appuyant sur une tradition, prévaut finalement et domine.

Oui, l'espérance domine. C'est elle, toujours vivante au coeur du grand Cardinal, qui lui fait annoncer hardiment dans son dernier entretien synodal, la défaite très certaine du laïcisme scolaire, le plus sérieux obstacle de la Restauration sociale chrétienne. «J'ignore, disait-il à ses prêtres, jusqu'où Dieu permettra que le mal triomphe : il peut entrer dans ses desseins de pousser loin l’épreuve qui nous est réservée, et dont l'expérience seule, peut-être, dessillera les yeux de toute une catégorie d'hommes aujourd'hui encore satisfaits d'eux-mêmes et de leurs déplorables systèmes. Mais les signes les moins trompeurs nous l'annoncent : le retour aux vrais principes et à tous les biens qui en procèdent s'effectuera dans la mesure même des ravages que les principes contraires auront opérés. Assurément, je suis plein de douleur à la vue de tous les maux, de tous les troubles, de tous les excès que nous avons en perspective ; je voudrais, au prix de mon sang et de ma vie, les conjurer et les écarter ; je demande et nous demandons tous à Dieu que ces périls soient dissipés, et que tant d'intérêts de tous genres ne soient pas injustement méconnus. Mais enfin, tranquilles sur le dénouement d’un conflit entre l'homme et Dieu, entre «l’évangile» de M. Ferry et l’Évangile du Christ, nous répétons la parole du prophète : «Assemblez-vous et soyez vaincus : congregamini et vincimini ; réunissez vos forces et soyez vaincus : confortamini et vincimini ; armez-vous en guerre, et soyez vaincus : accingite vos et vincimini ; dressez vos plans et ils seront dissipés ; dites le mot, et il ne passera point en acte, parce que Dieu est avec nous: Inite consilium, et dissipabitur : loquimini verbum, et non fiet, quia nobiscum Deus»[25].

Un dernier texte (nous le citons en dernier lieu, il fut aussi postérieur en date aux textes de crainte) élève l'espérance à son degré suprême : La France serait-elle morte, ressuscitera.

«La France, je le confesse, a grand besoin de travailler à sa propre guérison avant de procurer la guérison des autres. N'est-elle pas elle-même étendue et gisante sous le lourd couvercle du sépulcre ? Qui donc renversera la pierre du monument funèbre ? Je l'ignore, mais j’affirme que nous verrons cette pierre renversée... Quand et comment me dites-vous ? Ce n'est pas la question et c'est le secret de Dieu seul»[26].

On ne peut dire davantage. La crainte et l'espérance ont tour à tour abaissé et relevé l'âme du grand Évêque, mais l'espérance a triomphé. Tout en tremblant quelquefois avec lui, nous espérons fermement avec lui.

A la question : Le Christ régnera-t-il ? Répondons avec Mgr Pie : Il régnera, quoique d'un règne transitoire, et son sergent sera la France. [27]

CONCLUSION

Cette espérance termine notre essai de synthèse sur le Règne social du Christ d'après Mgr Pie.

L'Évêque de Poitiers nous a exposé les preuves de la Royauté sociale de Jésus-Christ (1è partie). Il nous a montré le Règne social presque renversé par l'apostasie des nations, et il a mis sous nos yeux les ruines causées par cette apostasie (2è partie). Il nous a enseigné à rétablir le Règne social (3è partie), soulevant nos courages par l'espérance que nos efforts ne seront pas vains (4è partie).

*
* *

Reste pour nous à entrer dans ces vues. Toute sa vie, Mgr Pie a lutté pour ce royaume, ne craignant pas d'encourir les colères des puissants, ligués contre le droit social du Christ. Ses discours, nous l'avons vu, ne furent pas une pure parole. Ils préparaient, expliquaient, prolongeaient son action.

Dans cette modeste étude, nous avons cité ses paroles, nous avons montré son action, et en terminant nous n'avons qu'un désir, c'est que la doctrine et l'action de Mgr Pie éveillent dans nos âmes la réponse bien nette à ces deux questions : Qu'avons-nous fait pour le Règne social du Christ, et que ferons-nous ?


1ère Partie. QU'AVONS-NOUS FAIT JUSQU’À PRÉSENT POUR LE RÈGNE SOCIAL DE JÉSUS-CHRIST ?

Mgr Pie, commentant saint Augustin, a bien voulu faire notre examen de conscience.[28] «N'arrive-t-il pas trop souvent aux chrétiens, nous dit-il, de se rendre solidaires et complices des égarements et des fautes de leur temps, soit par un silence pusillanime, soit même par un assentiment de complaisance à ce qui est contraire à la vérité ? Devant ces excès d'orgueil et de licence, devant ces iniquités et ces impiétés exécrables qui attirent à la terre les coups terribles et écrasants dont Dieu l'a menacée par ses prophètes, est-il commun de trouver sur les lèvres des chrétiens les énergiques réprobations que l'amour de Dieu et de la vérité commande ? En est-il beaucoup qui gardent avec les coryphées de ces doctrines coupables et funestes l'attitude que la foi prescrit ? Non qu'on ne puisse et qu'on ne doive user des ménagements charitables et se garder d'un zèle indiscret et inopportun, mais ces égards ont leurs bornes»[29].

Serions-nous consacrés à Dieu par les vœux de religion, ces reproches adressés aux simples fidèles nous atteignent nous aussi. Écoutons la suite du texte : « Or, ce ne sont pas seulement les chrétiens d'une trempe plus faible, les hommes engagés dans la vie conjugale et dans les devoirs de la famille et de la propriété, à qui diverses considérations humaines ôtent le courage de résister en face au mensonge et à l'iniquité. Hélas ! trop souvent, ceux-mêmes qui ont embrassé un degré plus haut de perfection, qui se sont voués au célibat et à la vie humble et mortifiée s'abstiennent de flétrir ce que la religion réprouve, atteints qu'ils sont de cette infirmité qui les porte à se préoccuper de leur personne et de leur renommée, à se complaire dans les éloges et les appréciations flatteuses de l'opinion humaine, ou à redouter le jugement du vulgaire ou le péril de l’impopularité [30]» Même, Mgr Pie relevait spécialement ce péché de silence et de timidité dans les prêtres. S'adressant à son clergé, il l'exhortait ainsi : «Tous, tant que nous sommes, disons avec le prophète : «Malheur à moi, parce qu'habitant au milieu d'un peuple aux lèvres souillées, j'ai souvent omis de rendre témoignage aux pures doctrines de la vérité et parlant la langue de ceux parmi lesquels je vivais, j'ai contracté moi-même la souillure des lèvres». Tous, tant que nous sommes, disons aujourd'hui au Seigneur avec les Apôtres : «Seigneur, augmentez en nous la foi, étendez-là à tout ce qui est de son empire, car vous êtes le Dieu des peuples, au même titre que celui des âmes"»[31].

Donc, pour la plupart, nous n'avons rien fait pour le Règne social de Jésus-Christ.

Quelle peut en être la cause ?

D'après l'Évêque de Poitiers, c'est manque de foi et manque de courage.

Manque de Foi !

«Pourquoi, se demande-t-il, un sacerdoce si nombreux, pourquoi une élite si considérable d'hommes croyants et pratiquants n'apportent-ils aux souffrances du pays qu'un remède si peu appréciable et si peu efficace ? Les étrangers qui savent, qui admirent et qui envient tout ce que la France catholique contient d'éléments exquis, se posent souvent à eux-mêmes cette question. Comment s'expliquer que tant de charité, tant d'activité, tant de dévouement produisent si peu d'effet et si peu de fruit, quant à l'amélioration de la chose publique ?» [32]

Et il répond hardiment : «Propter incredulitatem vestram».

«C'est que, dit-il, dans l'ordre des choses publiques et sociales, les fidèles et trop souvent les prêtres de notre génération, ont cru que, même en pays de christianisme, on pouvait observer la neutralité et l'abstention vis-à-vis de la foi chrétienne, comme si Jésus-Christ était non avenu, ou avait disparu du monde. Or, quiconque professe et pratique une pareille théorie, se condamne à ne rien pouvoir, absolument, pour la guérison et le salut de la société... Si nous n'avons pas réussi à dompter le mal révolutionnaire qui nous donne ainsi en spectacle aux autres peuples, ce mal intérieur qui nous mine, qui nous dessèche, qui nous tue, c'est que, tout en ayant la foi privée, nous avons notre part de l'infidélité nationale» [33].

Ainsi, d'après Mgr Pie, dans la vie privée nous croyons, mais dans la nation, nous marchons avec les incrédules. Manque de foi !

Manque de courage aussi ![34]

Peut-être en avons-nous parfois contre les méchants, mais il nous manque complètement en face des bons qui s’opposent à la Restauration sociale des principes chrétiens. Écoutons toujours :

«Quand on se sent porté par l'adhésion de tous les bons, quand on est sûr de ne trouver à l'encontre de soi que les adversaires prononcés, c'est une tâche facile de parler et d'agir. Ce qui en est une moins aisée peut-être, c'est de marcher à l'encontre de cette masse d'intelligences honnêtes mais flasques, timides, flottantes, qui s'effrayent de toute réclamation hardie et dont il faut braver le jugement. Les écrits de nos illustres devanciers nous montrent que les plus grands lutteurs de la cause sacrée ont eu leurs jours d'hésitation et d'abattement, lorsque, comme le Psalmiste, considérant à leur droite, ils apercevaient des contradictions et des blâmes»[35].

Voilà notre triste état ! Le combat pour le règne du Christ demande plus de foi et de courage que nous n'en avons eu.


2ème Partie. QUE DEVONS-NOUS FAIRE POUR ÊTRE LES CHEVALIERS DU CHRIST-ROI ?

Que ferons-nous donc ?

«A vero bello Christi, nous crie l'Évêque de Poitiers, voilà la guerre où tous nous devons être soldats. Oui, la vraie guerre du Christ, le dévouement vrai et sans réserve à la cause du Christ». [36]

LUTTONS ! C'est le dernier mot du vaillant Évêque.

Chacun précisera[37] ce mot selon son rang dans l'armée du Christ. Mgr Pie nous a indiqué avec précision le devoir des fidèles, des prêtres et des chefs. A nous de l'accepter. Mais, de toute manière, et pour tous, c'est la lutte, car l'homme laissé à sa chair aime à rester en repos et à disparaître dans une vie insignifiante et nulle. Lutter contre soi-même et contre les hommes qui refusent le joug social du Christianisme, résume donc le devoir pour le Règne du Christ.

Luttons, parce que la condition de tout règne est d'être défendu par des soldats. Luttons, parce que les ennemis de ce Règne se font plus nombreux et plus acharnés.

Luttons, parce que ne seront couronnés que ceux qui seront morts, les armes à la main. Luttons, parce que plus nous avançons vers la fin du temps, plus ce sera la condition des chrétiens ici-bas.

Laissons le Cardinal Pie nous dire tout cela dans un dernier texte, auquel nous n'ajouterons rien.

Luttons «avec espérance contre l'espérance même. Car je veux le dire à ces chrétiens pusillanimes, à ces chrétiens qui se font esclaves de la popularité, adorateurs du succès et que les moindres progrès du mal déconcertent. Ah! affectés comme ils sont, plaise à Dieu que les angoisses de l'épreuve dernière leur soient épargnées ! Cette épreuve est-elle prochaine, est-elle éloignée ? Nul ne le sait et je n'ose rien augurer à cet égard. Mais ce qui est certain, c'est qu'à mesure que le monde approchera de son terme, les méchants et les séducteurs auront de plus en plus l'avantage. On ne trouvera quasi plus de foi sur la terre, c'est-à-dire elle aura presque complètement disparu de toutes les institutions terrestres. Les croyants eux-mêmes oseront à peine faire une profession publique et sociale de leurs croyances. La scission, la séparation, le divorce des sociétés avec Dieu, qui est donné par saint Paul comme un signe précurseur de la fin, «nisi venerit discessio primum» ira se consommant, de jour en jour. L'Église, société sans doute toujours visible, sera de plus en plus ramenée à des proportions simplement individuelles et domestiques. Elle, qui disait à ses débuts : Le lieu m'est étroit, faites-moi de la place où je puisse habiter : Angustus mihi locus, fac spatium ut habitem, elle se verra disputer le terrain pied à pied, elle sera cernée, resserrée de toutes parts : autant les siècles l'avaient fait grande, autant on s’appliquera à la restreindre. Enfin, il y aura pour l'Église de la terre comme une véritable défaite, il sera donné à la Bête de faire la guerre avec les saints et de les vaincre. L'insolence du mal sera à son comble.

«Or, dans cette extrémité des choses, dans cet état désespéré, sur ce globe livré au triomphe du mal et qui sera bientôt envahi par les flammes, que devront faire encore tous les vrais chrétiens, tous les bons, tous les saints, tous les hommes de foi et de courage ?

«S'acharnant à une impossibilité plus palpable que jamais, ils diront avec un redoublement d'énergie et par l'ardeur de leurs prières et par l'activité de leurs œuvres et par l'intrépidité de leurs luttes : O Dieu ! ô notre Père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié sur la terre comme au ciel ; que Votre règne arrive sur la terre comme au ciel ; que Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, sicut in cœlo et in terra... Sur la terre comme au ciel ! ils murmureront encore ces mots et la terre se dérobera sous leurs pieds. Et, comme autrefois à la suite d'un épouvantable désastre, on vit tout le sénat de Rome et tous les ordres de l'État s'avancer à la rencontre du consul vaincu, et le féliciter de ce qu'il n'avait pas désespéré de la république ; ainsi, le sénat des cieux, tous les chœurs des anges, tous les ordres des bienheureux viendront au devant des généreux athlètes qui auront soutenu le combat jusqu'au bout, espérant contre l'espérance même : contra spem in spem. Et alors, cet idéal impossible, que tous les élus de tous les siècles avaient obstinément poursuivi, deviendra enfin une réalité. Dans ce second et dernier avènement, le Fils remettra le Royaume de ce monde à Dieu Son Père, la puissance du mal aura été évacuée à jamais au fond des abîmes ; tout ce qui n'aura pas voulu s'assimiler, s'incorporer à Dieu par Jésus-Christ, par la foi, par l'amour, par l'observation de la loi, sera relégué dans le cloaque des immondices éternelles. Et Dieu vivra et Il régnera pleinement et éternellement, non seulement dans l'unité de Sa nature et la société des trois personnes divines, mais dans la plénitude du corps mystique de Son Fils incarné et dans la consommation des saints ! »[38].

ADVENIAT REGNUM TUUM !

FIN

Notes

  1. IV, 498. Mandement au sujet de la reconstruction de l'église de saint Martin à Tours (novembre 1862).
  2. Histoire du Cardinal Pie, Il, L. III, ch. 2, p. 39. A ces noms il faut ajouter celui de Louis Veuillot qui lui aussi a toujours espéré fermement un renouveau social chrétien. Voyez surtout Paris pendant les deux sièges.
  3. IV, 4 et sv. Mandement qui ordonne une quête pour les chrétiens de la Syrie.
  4. Ceux qui désireraient une étude très judicieuse sur ces prédictions des saints la trouveront dans Mgr DELASSUS : La Conjuration antichrétienne, t. III : Solution de la question, ch. 67. Voix des Saints, p. 914 et sv. Les témoignages analysés par l'auteur sont surtout de sainte Hildegarde von Bingen, de sainte Catherine de Sienne, de saint Léonard de Port-Maurice et du B. Grignion de Montfort. Parmi ces prédictions des saints, Mgr Pie donnait une grande importance à celles de sainte Marguerite-Marie. La sainte de Paray a en effet affirmé que le Cœur de Jésus régnerait socialement, malgré Ses ennemis. «Le culte du Sacré-Cœur de Jésus, disait Mgr Pie, est une des richesses nationales de la France. C'est par la France que Jésus a révélé Son Cœur à l'Église et au monde. Le Christ qui aime les Francs, c'est à la France qu'Il a donné les prémices, c'est sur la France qu'Il veut verser les plus larges effusions de l'infinie tendresse qui est dans ce Cœur. La confidente des secrets divins, la Bienheureuse Marguerite-Marie, aurait voulu que cette dévotion fût dès l'origine une dévotion publique, officielle, nationale. Ce que les deux siècles précédents n’ont pas compris, que notre siècle, éclairé par tant de revers, effrayé par tant de dangers, le comprenne enfin. VII, 549-550. Mgr Pie a fait beaucoup pour le culte du Sacré-Cœur, espoir suprême de la restauration sociale chrétienne de la France. Ajoutons que c'est à Poitiers, durant son épiscopat et avec ses encouragements, qu'a été élaboré le projet du monument du Voeu national (Montmartre). Histoire du Cardinal Pie, T. II, L. IV. c. 11, p. 443 (6è éd.) IX, 134. En 1857 Mgr Pie disait à ses prêtres, en leur rappelant tout ce que le culte du Sacré-Cœur devait à la France : «N'est-il pas vrai qu'au milieu de tant de sinistres appréhensions, on est heureux de trouver là l'indice rassurant d'une providence qui veut encore nous protéger et nous sauver ?». III, 49.
  5. IV, 106. Homélie du 25 novembre. Un an auparavant, le 30 novembre 1859, Mgr Pie avait écrit à M. de l'Estoile : «J'espère un beau quart de siècle, dont le commencement n'est pas très loin de nous». Histoire du Card. Pie. II, L. Ill. c 1, p. 33.
  6. (V, 208)
  7. (VII, 32)
  8. Homélie sur les droits souverains de la miséricorde divine. VII, 298 et 300.
  9. VII, 363. La même année, dans une homélie pour la fête de l'immaculée Conception, il disait : «La disposition de beaucoup de bons esprits nous en est un gage. L'heure approche en laquelle Jésus-Christ rentrera, non seulement dans les intelligences, dans les cœurs, dans les âmes d'où Il avait été exilé, mais dans les institutions, dans les sociétés, dans la vie publique des peuples». X, 414.
  10. VII, 637
  11. VII, 643
  12. IX, 345 : Sous quelle forme se fera cette restauration sociale chrétienne ? le Cardinal Pie ne le détermine pas. «Ce n'est pas que je croie que la mission du Saint Empire sera reprise sur la terre. Sans doute elle ne sera jamais remplie entièrement, ni surtout longuement... Ce serait plus que ne comporte le règne de Dieu ici-bas». Lettre à M. Rendu. Histoire du Card. Pie, II, ch 11, p. 687. La Restauration sociale chrétienne ne sera pas «la reconstitution du Moyen-Age, mais un renouvellement de cet esprit du Moyen-Age, qui mettait les peuples dans les mains des saints Bernard et des saints Louis, au lieu de les pousser fatalement vers des guides d'une autre espèce. L. VEUILLOT, Mélanges, 2è série. Tome VI, Préface XXI et XXII.
  13. Voyez l'Homélie du 8/12/1879 sur ces paroles : Seigneur, sera-ce en ce temps que Vous rétablirez le royaume d'Israël ? X, 86-94.
  14. X, 116. Ne pourrait-on pas dire que cette ferme espérance de Mgr Pie est ainsi l'espérance de l’Église catholique ? Les documents pontificaux de ces derniers temps sembleraient autoriser cette affirmation. «Dieu assurera à Son heure et par Ses voies mystérieuses le triomphe définitif... cette éternelle assistance... nous persuadera qu’à l’heure marquée par la Providence et dans un avenir qui n'est pas trop éloigné, la vérité resplendira plus brillante et que l'esprit de l’Évangile versera de nouveau la vie au sein de notre société corrompue... Puisse le triomphe de la vérité et de la justice être ainsi hâté en ce monde... etc. LÉON XIII, Lettre : Parvenu à la 25è année du 19 mars 1902. Éd. Bonne Presse T. VI, 290-291. A plusieurs reprises le même Pape considère comme une promesse divine, comme une prophétie réalisable dans le temps, soit la parole : «Fiet unum ovile et unus pastor», soit le texte : «Omnia traham ad meipsum».
  15. VII, 517, Homélie pastorale au retour d'un voyage ad limina apostolorum 1873
  16. cf journal offiel des débâts du Sénat (français) 7 avril 1911,séance du 6 avril :discussion de interpellation de M. GAUDIN de VILLAINE page 371
  17. Act. Apost. Sedis 1911, p. 657. Allocutio habita occasioni impositionis bireti novis cardinalibus die XXIX novernbris MCMXI. Dans la table analytique des Acta, ce passage est ainsi indiqué : GALLIA... persecutio erit temporanea, reditus ad ecclesiam certus.
  18. Il y a, en effet, des affinités remarquables entre l'âme française et le catholicisme. «Si haut que nous remontions dans notre histoire, une affinité s'entrevoit entre nos âmes et l'idée d'une religion universelle, planant par-dessus les frontières et la variété même des races, et satisfaisant, par une altière et pure métaphysique, à l'unanime appel des anxiétés humaines». Histoire de la nation française. T.VI, Histoire religieuse, par Georges GOYAU, p. 617. «La France, avait écrit Mgr Pie dans sa troisième synodale, est originairement et substantiellement chrétienne : aucune révolution ne changera sa nature, sa constitution, son tempérament, sa mission, son histoire, sa destinée, ses aspirations». V, 183. On pourra comprendre pourquoi ses dirigeants n'hésitent pas à l'engager dans une guerre au combien meurtrière(1914-18) et à s'éforcer de promouvoir une politique d'immigration important d'autres philosophies alogènes tandis que l'enseignement du catholicisme devient risible.(Pierres Vivantes et la suite).
  19. (ndlr an 2006) Doit-on y voir une raison du refus de la Constitution Européenne au combien anti-catholique lors du vote du 29 mai 2005. Le peuple français dit non sans visiblement se rendre compte de la véritable portée d'un tel résultat. Les dirigeants actuels envisagent désormais d'y assujettir le pays sans passer par le vote mais uniquement par cooptation du congrès.
  20. V, 506-507. Éloge funèbre de Lamoricière, 5 décembre 1865. Quatorze ans plus tard, le 28 septembre 1879, quelques mois seulement avant sa mort, Mgr Pie, dans les mêmes termes, redisait à Rome la même espérance. X, 63-64. (Discours de prise de possession du titre presbytéral de N.-D. de la Victoire) Il avait manifesté la même espérance dès 1846. Œuvr. sacerdot., II, p. 332-333.
  21. Dans ses «Considérations sur la France» Joseph de Maistre a merveilleusement étudié et mis en relief cette constitution divine de la France. Mgr Pie écrivant au sujet de la France : "Elle est condamnée à n'être rien, si elle n'est la première des nations catholiques" (VII, 94) a fait siennes les conclusions du grand publiciste chrétien. C'est cette inflexibilité de logique qui fait que "la France n'a jamais été et ne sera jamais hérétique". La France est le pays de la logique et du bon sens... L'hérésie est une halte inconséquente dans la révolte de l'esprit humain contre la Révélation divine. Nier l'infaillibilité de Dieu sur un point et reconnaître cette infaillibilité sur d'autres, c'est une contradiction dont un esprit germanique ou anglais peut s'accommoder pour un temps du moins, un esprit français non. Ainsi la France a-t-elle passé sans milieu de la foi au scepticisme universel, de l'orthodoxie au rationalisme le plus absolu. Œuv. sac., II, 350.
  22. I, 315-316-317. Seconde instruction pastorale à l'occasion du jubilé (1851). Dans une célèbre homélie prononcée à Reims, en 1876, Mgr Pie signale un triple caractère de la France : «L'inaltérable fidélité à l'orthodoxie, l'alliance indissoluble du sacerdoce et des pouvoirs publics, le zèle de l'apostolat et du protectorat catholique dans le monde entier : triple cachet de la vocation des Francs et par suite triple condition de leur prospérité, car les peuples comme les individus ne grandissent et ne durent qu'en se conformant aux lois qui ont présidé à leur naissance et à leur formation première». IX, 390.
  23. Hist. du Card. Pie, Il, L. Ill, c. 2, p. 66.
  24. VII, 354. Homélie de Noël 1871
  25. Entretien avec le clergé à l'occasion des récentes discussions de la Chambre sur l'enseignement, etc. X, p. 27-29.
  26. VII, 517. Homélie pascale 1873. Voyez encore X, 29, 63, 386, 407, 416, 436, 494. Cf. aussi : Histoire du Card. Pie Il, L. IV, ch. IV, 513. « Non, jamais je n'accepterai pour la France la nécessité absolue et définitive de ce qu'on appelle hypothèse en haine de la thèse chrétienne. J'estime trop mon pays, j'ai trop haute idée de sa prédestination divine, je connais trop sa facilité à revenir au bien après qu'il a servi le mal, pour déclarer qu'il est irrémédiablement assis dans le mensonge. Non, la France n'est point apostate à toujours». (Mémoire au Comte DE CHAMBORD) L'Évêque de Poitiers, même aux plus mauvais jours, n'a jamais désespéré de la France, car en elle il a toujours vu l’élite, la vraie France, la France catholique. «Depuis quand, ô Dieu, s'écria-t-il en 1870, le nombre, le vil nombre, depuis quand la foule vulgaire l'emportent-ils à vos yeux sur la qualité et le mérite ? Ne regardez la France que dans l'élite de ses enfants. La France, la vraie France croit en vous ; cette France vous aime, cette France n'aspire qu'à vous obéir et qu'à vous servir. Ceux qui vous maudissent, qui vous blasphèment, ou seulement qui vous méconnaissent, qui vous ignorent, ceux-là ne sont pas la France. Eh quoi ! à cause du déchet et des scories qui sont pour un temps à la surface, vous anéantiriez, Seigneur, la plus belle œuvre de vos mains, la plus généreuse, la plus héroïque nation qui se soit épanouie au soleil du christianisme !» VII, 67.
  27. Que la France ait pour mission spéciale de promouvoir le Règne de Dieu dans le monde, c'est une affirmation traditionnelle que nous retrouvons dès le IXè siècle, dans une belle formule liturgique, très justement appelée "Prière des Francs". Voici cette oraison : Ô Dieu Tout-Puissant et Éternel, qui avez établi l'empire des Francs pour être par le monde l'instrument de votre très divine volonté, le glaive et le boulevard de votre sainte Église: nous vous en prions prévenez toujours et en tous lieux de la céleste lumière les fils suppliant des Francs, afin qu'ils voient toujours efficacement ce qu'il faut faire pour votre règne en ce monde, et pour faire ainsi qu'ils l'auront vu, leur charité et leur courage aillent, s'affermissant toujours. DOM PITRA, Histoire de Saint Léger, Introduction. p. XXII-XXIII.
  28. Puisque nous parlons ici d'examen de conscience, le parallèle établi par M. le chanoine Vigué, entre la méthode des libéraux et celle de Mgr Pie, nous aidera à juger plus parfaitement notre manière d'agir. «Les catholiques libéraux, pour gagner les peuples à l'Église crient : Liberté ! et Mgr Pie : Vérité ! Eux, des hommes «pour qui le présent est tout» comme il dit, non sans dédain ; et lui, le défenseur des principes éternels, le veilleur de la foi, par-dessus les agitations humaines ; - eux, qui rêvent de concilier l'inconciliable ; lui, qui méprise tous ces compromis religieux où il ne voit qu'un "christianisme appauvri" et "des vérités diminuées" ; - eux, qui flattent volontiers les illusions politiques et sociales de leurs contemporains ; lui, qui se croit au siècle des antéchrists et qui, l'âme attristée par la corruption des mœurs et la décadence de la foi, vit, comme tant de chrétiens des jours primitifs, dans la hantise que la fin du monde est prochaine ; - eux, qui soupirent après les jeunes et vivantes églises de l'Amérique anglaise ; lui, dont l'idéal est dans le passé de la France, dans ce treizième et dix-septième siècles où l'ordre chrétien lui parait avoir été le plus pleinement réalisé ; - eux, qui adoptent la phraséologie politique en faveur, souvent injurieuse pour l'Église ; lui, l'ecclésiastique, le traditionnel qui ne peut retenir un geste d'impatience devant ces banalités révolutionnaires ; - eux, qui gardent l'espoir de christianiser les droits de l'homme ; lui, qui ne veut être que le héraut des droits de Dieu ; - eux, qui trouvent avantageux le droit commun pour la conquête des âmes ; lui, qui le regarde avec horreur, y découvrant le suprême outrage fait à la majesté souveraine de la vérité, comme à Jésus, quand il fut mis par Pilate en parallèle avec Barabbas». Pages choisies. Introduction LI - LII.
  29. VII, 103. Instruction pastorale sur les malheurs actuels de la France.
  30. VII, 104
  31. VIII, 29. Homélie (25 Novembre 1873). Sur ce point précis des paroles, Mgr Pie descend aux détails pratiques et nous fournit ample matière à examen de conscience. Écoutons : «La plaie du libéralisme est proprement la plaie des sociétés actuelles. Non seulement il procède de là beaucoup de mal, mais le bien même s'en trouve vicié et dénaturé. Il nous serait facile d'en donner plus d'une preuve. «N'est-il pas triste, par exemple, que même sur la motion des croyants les plus irréprochables, la France ne puisse être rappelée à offrir à Dieu le tribut des prières publiques, sans que la résolution officielle qui l'y convoque place sur un même rang la véritable Église et les cultes dissidents : comme s'il ne suffisait pas que ceux-ci, par voie d'exception, fussent administrativement mis en mesure de s'y associer chacun chez eux ? N'est-il pas désolant que la revendication de la sainteté du jour réservé à la divinité chez toutes les communions chrétiennes ne se produise, même sur des lèvres sacrées, qu'au moyen d'une égale protestation en faveur du sabbat des Juifs et du vendredi des sectateurs de Mahomet : de telle sorte que le vrai Dieu créateur et rédempteur n'ait point, dans la France chrétienne, l'apparence d'un privilège ?... «Seigneur très saint, vous nous avez appris Vous-même que vous vous appelez le Dieu jaloux, le Dieu qui ne supporte pas de rivaux: Dominus zelotes nomen ejus, Deus est œmulator ; et Vous ne nous laissez pas ignorer que Votre force est au service de cette légitime jalousie : Ego sum Dominus tuus, fortis, zelotes. Est-il donc étonnant que vous jetiez périodiquement à bas ces institutions qui affectent d'élever au même niveau que vous tout ce qui n'est pas vous ?…» VII, 572-573. Entretien avec le clergé (1873).
  32. VIII 25
  33. VIII 26-27
  34. Le manque de courage dans la revendication du droit social de J.-C. et de l'Église a été aussi spécialement reproché à nos députés catholiques. Jetant un regard sur l'ensemble des débats parlementaires au sujet de la séparation de l'Église et de l'État, un homme politique, hostile aux principes chrétiens, faisait dans son journal cette constatation qui est pour nous tous une leçon : «Nos adversaires ont-ils opposé doctrine à doctrine, idéal à idéal ? Ont-ils eu le courage de dresser contre la pensée de la Révolution, l'entière pensée catholique, de réclamer pour le Dieu de la Révélation chrétienne le droit, non seulement d'inspirer et de guider la société spirituelle, mais de façonner la société civile ? Non, ils se sont dérobés, ils ont chicané sur les détails d'organisation. Ils n'ont pas affirmé nettement le principe même qui est comme l'âme de l'Église. » JAURES, cité par Mgr DELASSUS, La Conjuration anti-chrétienne, t. 1, p. 308.
  35. IV, 232. Lettre à M. le ministre de l'instruction publique et des cultes (16 juin 1861). Il faut savoir marcher à l'encontre de cette masse d'intelligences honnêtes, mais flasques, timides et flottantes qui s'effraient de toute réclamation hardie. Cette masse remplira les cadres de l'armée auxiliaire de l'Antéchrist. Le Cardinal Pie aimait à faire siennes ces paroles du P. Faber : «Si tous les méchants se trouvaient d'un côté et tous les bons de l'autre, il n'y aurait aucun danger que les élus puissent être trompés par de faux prodiges. L'œuvre de l'Antéchrist sera faite par beaucoup de gens de bien. Il faut donc nous mettre en garde contre les dangers du dedans». V, 205. Troisième Instruction synodale. Dans son panégyrique de saint Émilien, Mgr Pie s'était déjà écrié : «Je veux le dire bien haut, aujourd'hui plus que jamais, la principale force des méchants, c'est la faiblesse des bons et le nerf du règne de Satan parmi nous, c'est l'énervation du christianisme dans les chrétiens. Que ne m'est-il donné d'introduire au milieu de cette assistance la personne adorable du Sauveur Jésus et de Lui demander comme au prophète : Quelles sont ces blessures dont Vous êtes couvert, ces coups dont vous êtes meurtri : Quid sunt plagæ istæ in medio manuum tuarum ? Sa réponse ne serait pas douteuse : Ah ! dirait-il, ce n'est pas précisément par la main de mes ennemis, c'est dans la maison de mes amis que J'ai été ainsi maltraité : His plagatus sum in domo eorum qui me diligebant, de mes amis qui n'ont rien su oser pour ma défense et qui se sont faits à tout propos les complices de mes adversaires», III, 524. Ainsi, beaucoup de ceux qui se croient les amis de N.-S. sont les ennemis de Sa Royauté sociale. C'était aussi la pensée de Mgr Gay qui écrivait en 1884 : «Gémissez dans le secret, conjurant Dieu de protéger Lui-même la cause, les droits, la sainte gloire de son Fils, Roi du monde malgré le monde, et adorons d'autant plus cette Royauté ensemble qu'elle reçoit plus d'outrages et de ceux-là mêmes qui se disent et se croient ses amis: c'est une grande «amertume». Mgr Gay, Sa vie, ses œuvres, Dom DE BOISROUVRAY, Il, 112 n 1. Il n'exagérait donc pas ce prédicateur, qui à Paray-le-Monial, dans un magnifique discours des fêtes jubilaires en l'honneur de sainte Marguerite-Marie ALACOQUE, s'écriait : «Le Règne social du Cœur de Jésus, c'est Dieu à Sa place dans la raison, la conscience, le cœur et la vie publique de l'homme, le règne social de Satan, c'est Dieu exclu de la religion, de la conscience, du cœur et de la vie publique de l'homme ; c'est l'humanité laïcisée et s'adorant elle-même. «Il n'y a pas de milieu possible : Il faut choisir. Les libéraux qui se disent et se croient catholiques ne veulent pas choisir ; ils ne veulent pas répudier et combattre à fond la laïcité et par le fait même, ils en acceptent et en professent le principe, ils excluent Dieu de la vie publique de l'humanité, ils répudient le Règne social du Cœur de Jésus, ils acceptent le règne social de satan. En dépit de leurs protestations verbales, ils font I'œuvre de la Franc-maçonnerie ; ils sont du parti de satan contre le Cœur de Jésus». Ch. GAUDEAU, La Mission actuelle de sainte Marguerite-Marie, p. 25.
  36. VII, 338
  37. Tous ceux qui aiment la cause du Roi Jésus voudraient savoir avec précision, jusque dans les plus humbles détails, ce qu'ils doivent faire pour le triomphe de cette cause sacrée. Le Cardinal Pie n'a pas pu entrer dans tous ces détails. La 3è partie de cet ouvrage nous indique cependant très nettement les grandes lignes de notre conduite. Pour compléter de si sages conseils nous recommandons instamment la lecture méditée du beau livre du P. RAMIERE, Le Règne Social du Cœur de Jésus. Signalons quelques chapitres très riches en indications pratiques : - dans la 2è partie, Les ennemis du Règne social: ch. VI, L'ennemi le plus dangereux de la royauté sociale (le libéralisme catholique) ; ch. V, Point de Pacte avec l'erreur ; - dans la 3è partie, Les principaux auxiliaires du Règne social : ch. III, Prêtres ; ch. IV, Les orateurs sacrés ; ch. V, Les religieux ; ch. VI, Les écrivains ; ch. VIII, Les journalistes ; ch. IX, Les maîtres chrétiens ; ch. X, Les jeunes gens chrétiens ; ch. XI, Les âmes saintes. - Enfin, dans la 5è partie, Qualités que doivent avoir les soldats du Roi Jésus : ch. I, L'esprit de foi ; ch. III, L'esprit catholique ; ch. IV, L'esprit militant, etc., etc. Le P. RAMIERE a été avec le Cardinal Pie un des plus vaillants et des plus zélés défenseurs du Christ-Roi. Il a donné à la Ligue : L'Apostolat de la Prière, l’Adveniat Regnum tuum comme devise et, lui aussi appliquait cette demande du Pater au règne social. «Adveniat regnum tuum ; Que votre règne arrive !» C'est dans cette aspiration, écrit-il, que se résument les désirs du Cœur de Jésus ; c'est en elle aussi que doivent se résumer tous les soupirs de notre cœur. Plus que jamais, cette aspiration doit devenir la devise, le mot d'ordre, le cri de guerre des associés de l'Apostolat de la Prière. Il faut nous unir dans un immense effort pour obtenir que, comme nous avons vu la Révolution s'ouvrir par la déclaration des Droits de l'homme et la proclamation de la déchéance sociale de Jésus-Christ, nous voyons cette même Révolution se clore par la reconnaissance des Droits de Dieu et des devoirs de l'humanité envers son Sauveur et son Roi» (Op. cité p. 604)
  38. III, 527 à 529

retour