CHAPITRE X




    De la motion qui arrive aux âmes par le ministère des anges. Comment ces esprits leur parlent et les éclairent. S'ils se peuvent répandre dans les puissances de l'âme.

    I. Nous avons déjà établi par saint Bernard que la motion divine procède ou immédiatement de Dieu même, ou du ministère des anges. Saint Denis, qui est un écrivain très solide établit la même chose dans un discours fort élevé de la hiérarchie céleste. Les anges, dit-il (Cap. 4. § 2.) , sont les créatures qui participent les premières et en plus de manières différentes à la Divinité : et ce sont eux aussi qui manifestent les secrets de Dieu les premiers et en plus de diverses façons. C'est pour cette raison qu'ils méritent d'être honorés du nom d'Anges par excellence, à cause qu'ils sons les premiers éclairés de Dieu, et que c'est par eux que les révélations des choses qui, sont au-dessus de notre connaissance passent et sont portées jusqu'à nous. Ainsi, comme nous le témoigne l'Écriture sainte, la loi nous a été donnée par les anges : et devant et après la loi, les anges conduisaient à Dieu les célèbres Patriarches qui ont été nos Pères, soit en leur montrant ce qu'ils devaient faire ; soit en les retirant de l'erreur et de la vie profane qu'ils menaient et les mettant dans le droit chemin de la vérité ; soit en leur révélant la Hiérarchie du ciel, et les secrets des choses qui sont au-dessus du monde et dont la vus est cachée aux hommes ; soit en leur expliquant ce qui était dans l'avenir en qualité de ministres et d'interprètes de Dieu. Et ce Père dit après, que c'est l'ordre de la loi divine que les créatures inférieures soient conduites à Dieu par celles qui leur sont supérieures : ce qu'il prouve par divers exemples tirés du Nouveau Testament. Et puisque les anges du dernier ordre doivent exercer des actes hiérarchiques, selon le langage et la doctrine de ce saint auteur, et qu'ils ne le peuvent qu'à l'égard des hommes à cause qu'ils sont inférieurs à tous les autres anges ; il est manifeste qu'ils doivent être souvent occupés vers les hommes par le commandement de Dieu, soit pour les éclairer, soit pour les exciter au bien, et leur donner de bons mouvements. Dieu, dit saint Augustin (Conc. 18. in Ps. 118), étant la lumière même éclaire les âmes fidèles pour leur faire entendre les choses divines qui leur sont dites ou qui leur sont montrées. Que s'il se veut servir pour cet effet du ministère des Anges, ces esprits bienheureux peuvent agir dans l'âme des hommes pour leur faire recevoir la lumière de Dieu, et leur faire entendre, par cette communication de da lumière divine, ce qui est au-dessus de leur naturelle intelligence. Et nous disons que les Anges donnent de l'intelligence aux hommes, comme on dit que l'on donne de la lumière à une maison, et que l'on l'éclaire lorsqu'on en ouvre les fenêtres, quoique ce ne soient point ceux qui ouvrent ces fenêtres qui donnent eux-mêmes de la clarté, mais qu'ils ouvrent seulement le passage à la lumière que le soleil répand dans tout l'air : ni de soleil même qui éclaire une maison par les fenêtres, n'est point le créateur de cette maison, ni d'un homme qui en a ouvert les fenêtres, ni ne lui a point non plus commandé de donner ce passage à sa lumière, ni ne lui a point aidé à le donner, ni n'a rien fait pour faire ouvrir le passage de sa lumière. Mais Dieu est le créateur de l'âme raisonnable et intellectuelle de d'homme, et l'a rendue capable, en la créant, de recevoir sa lumière. Et il a fait aussi les Anges capables d'agir dans l'âme de l'homme d'une manière qui l'aidât  à recevoir la lumière divine ; et l'âme est ainsi secourue par ces esprits bienheureux pendant qu'ils agissent en elle.

    II. Il y a deux principales opérations des esprits célestes vers les hommes, savoir la parole et l'illumination. L'Ecriture sainte nous représentant comme les anges parlent entre eux et avec les hommes, et même avec Dieu, nous fait concevoir qu'ils se font entendre d'une très excellente manière. Mais il y a beaucoup d'opinions différentes entre les théologiens touchant cette manière de parler des anges, et il n'est pas de notre sujet d'en traiter ici. Car il suffit pour notre dessein de savoir qu'ils parlent aux hommes en diverses manières, soit par des voix sensibles qu'ils forment dans les corps sous lesquels ils apparaissent, ou qu'ils forment dans l'air sans apparaître sous un corps ; soit par des signes sensibles qu'ils donnent, ou en remuant, ou en frappant, ou en faisant sentir quelque douleur, ou en se faisant entendre dans les songes et par des images qui frappent les sens ; de quoi nous avons divers exemples dans les vies des Saints.

    Les Pères et les Docteurs de l'Ecole enseignent tons, d'un commun consentement, que les anges illuminent les âmes des hommes. Mais les opinions de ces docteurs, si et si obscures touchant cette manière d'illuminer, en rendent l'intelligence très difficile et très-embarrassée. Les uns disent que l'Ange illumine en fortifiant l'entendement et produisant en lui une lumière intélectuelle. Les autres soutiennent que l'Ange donne à l'âme une impression et une participation de sa lumière. Les autres enseignent que les anges éclairent les hommes comme par des miroirs, disant que comme en opposant deux miroirs l'un à l'autre, les images qui sont dans un miroir se produisent aussi dans l'autre miroir : ainsi l'Ange s'appliquant à l'âme de l'homme, fait paraître en elle les espèces des choses qui sont en lui. L'opinion de quelques autres est que les anges éclairent non pas en répandant la lumière, ou en la présentant comme un objet, ou comme on présente un miroir devant un autre miroir, mais en se faisant entendre à eux par une manière de langage qui exprime ce qu'ils veulent faire entendre, et qu'ainsi ils éclairent les homme comme un maître instruit ses disciples. Ceux qui estiment que l'entendement humain ne peut rien concevoir que par l'entremise des images sensibles, nient que les anges puissent éclairer les hommes autrement qu'en répandant la lumière dans ces sortes d'images sensibles, et qu'en agissant sur les espèces qui sont dans le sens intérieur, les séparant et les assemblant en diverses manières selon ce qu'ils ont dessein de faite entendre. Quant à ceux qui ne disputent pas que l'esprit humain ne puisse entendre sans l'entremise d'aucunes images sensibles, ils disent qu'un Ange peut éclairer l'entendement de l'homme purement et immédiatement en répandant ses rayons sur les espèces intélligibles, de la même sorte que la lumière sensible répand son éclat sur les substances corporelles.

    Voici comme quelques antres expliquent cette illumination que font les anges dans l'âme des hommes : L'Ange premièrement partage sa connaissance en plusieurs pensées, afin de la rendre proportionnée à l'entendement humain, s'abaissant et s'accommodant à notre portée, comme un maître qui expliquerait à ses disciples par plusieurs discours et par diverses comparaisons une doctrine qu'il conçoit par une unique pensée. Ensuite il fortifie l'entendement, il le rend docile et lui donne le secours dont il a besoin pour pouvoir comprendre ce qu'il lui révèle.

    D'autres théologiens donnent encore d'autres explications de cette opération des anges dans l'entendement des hommes, auxquelles il n'est pas besoin de s'arrêter: car elles sont toutes obscures et n'ont encore pu être assez éclaircies, à cause des contrariétés qui se rencontrent entre ces auteurs. Il faudrait aussi s'engager dans une très longue digression pour traiter cette manière. Il faudrait démêler toute l'économie des sens extérieurs et intérieurs, pour expliquer clairement cette doctrine, et pour la faire entendre facilement aux lecteurs, et les y faire entrer. Seulement, afin qu'on ne manque pas ici de ce qu'il est nécessaire de connaître pour notre sujet, je marquerai d'une manière abrégée les choses qui sont les plus certaines et sur lesquelles tous les théologiens ont accoutumé de convenir.

    Premièrement, il est certain que les anges enseignent, excitent, remuent intérieurement les hommes, leur découvrent des vérités inconnues qu'ils ont reçues de Dieu ; et qu'ainsi ils les retirent de l'ignorance, ils les éclairent par de nouvelles connaissances, et leur donnent une nouvelle perfection par la communication qu'ils leur font des vérités qui appartiennent à l'état de la grâce et à l'état de la gloire. Mais je laisse aux docteurs de l'école à examiner de quelle manière précisément cet effet arrive. Saint Thomas traite de ce langage des anges, de cette illumination et de cette communication de la vérité (1. p. qu. 107. qu. 106 et 111. et de verit. qu. 9. art. 1. 2. 3. et qu, 11. art. 3.).

    2. L'illumination qu'on reçoit par les anges est une espèce de parole. Mais il y a néanmoins beaucoup de différence entre cette illumination et cette parole. Car la parole peut être employée à l'égard de toutes sortes de choses ; mais l'illumination n'est que des choses qui sont révélées de Dieu. La parole peut venir indifféremment des personnes supérieures et des personnes inférieures ; mais l'illumination ne peut venir que d'une nature supérieure. La parole durera dans toute l'éternité ; mais l'illumination cessera à la fin du monde. La parole est commune aux bons et aux méchants ; mais l'illumination ne convient qu'aux bons. Car encore que le démon puisse enseigner à un homme ce qu'il ne sait pas ; néanmoins, parce que cette sorte d'enseignement lui vient d'un mauvais esprit, ne peut pas se rapporter à la sanctification et à la perfection morale de celui qui la reçoit, on ne l'appelle jamais une illumination ; et cette fonction n'est jamais attribuée aux démons, de quelques connaissances qu'ils puissent éclairer les hommes.

    3. Il n'y a que Dieu seul qui puisse entrer dans l'âme des hommes ; car lui seul exerce sur elle un plein pouvoir, et fait absolument en elle tout ce qu'il veut. L'auteur du livre de l'esprit et de l'âme qu'on a mis parmi les oeuvres de saint Augustin (Tom. 3. c. 27.), dit que c'est une puissance qui n'appartient qu'à la seule Trinité divine, d'entrer et de pénétrer ainsi, et de remplir une nature ou une substance qu'elle a créée. Saint Bernard dit semblablement (Ser. 5. in Cant. n. 10.) : vous devez savoir que nul esprit créé ne peut par soi-même s'appliquer et s'unir à notre âme de telle sorte qu'il se mêle et se répande immédiatement en nous par sa propre substance, ou par le ministère d'un corps étranger, pour nous rendre doctes, ou plus doctes, vertueux, ou plus vertueux par cette participation et cette communication de lui-même. Nul ange, ni l'âme d'aucun homme ne peut recevoir de moi une pareille communication ; et je ne suis capable de la recevoir d'aucun ange, ni d'aucun homme. Et les anges mêmes ne peuvent pas se comprendre et se pénétrer les uns les autres de cette manière. Il faut donc réserver cette prérogative à cet esprit souverain qui ne saurait être borné d'aucunes limites ; qui seul a la puissance, quand il veut éclairer et instruire, soit les anges, soit les hommes, de le faire sans l'entremise d'aucun organe, soit pour nous parler, soit pour se faire écouter : Il se répand par lui-même, il se fait connaître par lui-même. C'est un pur esprit qui se fait recevoir par les substances purement spirituelles à cause qu'il en est de créateur.

    Il n'y a donc que Dieu seul qui pénètre le plus profond de nos coeurs, et toute la substance de nos âmes par sa vertu propre et par sa propre substance. Lui seul est intimement présent à notre âme, en remplissant tous ses désirs par l'abondance de ses biens (Psal. 102. 5.). Car, comme dit saint Bonaventure (2. Sent. dist. 8. p. 2. qu. 3.), entrer dans une substance et lui être présent, c'est la pénétrer et lui être présent intérieurement et intimement, et opérer en elle d'une manière tout intérieure et tout intime. Or il n'y a que Dieu seul en qui cette puissance se trouve à l'égard de l'âme. Il n'y a que l'esprit de Dieu seul, qui est la fin dernière et le lieu souverain de l'âme, qui puisse ainsi entrer en elle, et n'être que comme une même chose avec elle pour la rendre heureuse en toute sa substance et en tout son être. Que si vous alléguez, dit saint Bernard (De Consil 1. 5.), que l'Ange peut aussi nous être présent, je ne vais pas au contraire. Je sais qu'il est écrit : L'Ange parlait en moi (Zac. 1.). Mais il y a cette différence entre la manière avec laquelle un ange nous parle, et celle avec laquelle Dieu même s'explique à nous, que l'Ange nous est présent en nous suggérant ce qui est bon, mais non pas en le répandant au fond de notre âme ; qu'il nous est présent en nous exhortant à ce qui est bon, mais non pas en le produisant ou en le créant en nous : au lieu que Dieu nous est tellement présent qu'il répand lui-même en nous les lumières et les affections qu'il veut nous donner, ou plutôt qu'il s'y répand lui-même, et qu'il nous fait recevoir des participations de lui-même. L'Ange est seulement avec l'âme : mais Dieu est en l'âme. L'Ange lui est présent comme un ami : mais Dieu lui est présent et est en elle comme sa vie.

    4. Il n'appartient qu'à Dieu seul de remuer et de changer efficacement la volonté, comme l'enseigne saint Thomas (1. 2. q. 9. art. 6.), parce qu'il est lui seul son créateur et son Seigneur souverain. C'est pourquoi le Sage dit (Prov. 2 l . 1.) : Le coeur du roi est en la main du Seigneur comme une eau courante. Il le porte à tout ce qu'il veut. Et l'apôtre dit aussi (Phil. 2. 13.) : C'est Dieu qui opère en vouse t le vouloir et le faire selon qu'il lui plaît. Car encore qu'un ange puisse mouvoir la volonté en lui proposant un objet, en excitant ses passions, en l'attirant par des exhortations et des suggestions ; il ne peut néanmoins la mouvoir et la changer si efficacement qu'il lui fasse vouloir ce qu'elle ne voulait pas. Il n'appartient qu'au seul créateur, comme dit saint Augustin (L. 4. ad. Bonif. c. 9.), de faire vouloir ceux qui ne veulent pas ; de faire consentir ceux qui résistent ; de faire aimer ceux qui sont le plus opposés à l'amour par l'aversion de leur coeur. C'est le seul Seigneur, dit le Roi Prophète (Psal. 145. 7. 8.), qui rompt les liens les captifs ; c'est le seul Seigneur qui éclaire les aveugles. Et ce Dieu tout-puissant dit lui-même dans un autre de ses Prophètes (Ezech. 11. 19.) : Je répandrai un esprit nouveau dans leurs entrailles ; je leur ôterai leur coeur de pierre, et je leur donnerai un coeur de chair. Ces divins effets surpassent sans doute toute la puissance des anges.

    5. Il faut avoir le même sentiment de l'entendement de l'homme que de sa volonté à l'égard des impressions dont ces deux puissances sont capables. Il n'y a que Dieu qui puisse réellement agir et opérer dans l'entendement, en lui donnant immédiatement par lui-même les impressions qu'il lui veut donner. Il peut lui seul, comme nous venons de dire, entrer dans la puissance intellectuelle et spirituelle, en sorte qu'il y soit véritablement par lui-même, et qu'il la pénètre par sa présence en ce qu'elle a de plus intérieur. Mais l'Ange ne pouvant agir ou il n'est point, ne saurait, comme l'enseigne saint Thomas, faire ses impressions dans l'entendement, comme un agent qui y opérerait intérieurement y étant présent, mais seulement par le moyen d'un objet en proposant à l'entendement quelque chose d'intelligible qui lui donne des forces et de la lumière, et qui le porte à consentir à quelque vérité par la conviction et instruction qu'il en reçoit. Et si les anges pouvaient être présents à l'entendement par leur substance, en le pénétrant et lui étant tout à fait intimes et intérieurs, ils pourraient connaître les plus secrètes pensées des coeurs et produire en nous toutes les pensées qu'ils voudraient, à cause qu'il est certain qu'ils agissent et opèrent où ils sont. Or, cette prérogative pour l'entendement aussi bien que pour la volonté est réservée à Dieu seul, selon l'autorité de l'Écriture sainte, et le commun consentement de tous les Pères. C'est pourquoi les Apôtres se mettant en prières pour remplir la place de celui qui avait trahi Jésus-Christ, commencent par ces paroles (Act. 1. 2. 4.) : C'est vous, Seigneur, qui connaissez les coeurs de tous les hommes, conformément à ce que dit le Roi Prophète (Psal. 43. 22.) : C'est lui qui connaît les secrets des coeurs, et à ces autres paroles de Salomon (3. Reg. 8. 39.) : Seigneur, vous seul connaissez le coeur de tous les hommes. Tertullien dit que pour faire voir si le Dieu de Marcion était vraiment Dieu, il le provoquerait (L. 5. in Marc. c. 15.) à déclarer les choses futures, et à révéler les secrets des coeurs. Le Seigneur, dit saint Ambroise (In. c. 5. Luc.), montre qu'il est Dieu par la connaissance qu'il a des choses les plus cachées. Les Bienheureux, dit saint Augustin (Ser. 6. de div. c. 5.), verront mutuellement dans la société et l'union qu'ils auront les uns avec les autres, les pensées qui ne sont vues maintenant que de Dieu seul. L'abbé Serène dans Cassien prouve que toutes les substances spirituelles et intellectuelles ne sont pénétrables qu'à Dieu seul, à cause qu'il n'y a que lui seul qui soit tout en tout lieu, et en toutes les substances créées : en sorte que par son intime présence il regarde et pénètre les pensées des hommes, tous leurs mouvements inférieurs, et tout ce qu'il y a de plus secret et de plus caché dans leur âme.

    6. On peut facilement reconnaître par tout ce que nous venons de dire, de quelle manière on doit entendre ce qui est dit dans l'Écriture sainte (Joan. 13. 2. 27.), que Satan mit dans le coeur de Judas le dessein de trahir Notre-Seigneur, et que Satan entra dans le coeur de Judas. Car il faut considérer, dit saint Thomas (Qu. ult. de malo. art. 12. in fine.), que lorsque l'on dit que le démon peut entrer dans l'âme d'un homme, on ne doit pas entendre qu'il y entre selon sa substance, mais seulement selon ses effets, en ce qu'il lui suggère quelques pensées et quelques désirs. Car les bons et les mauvais anges peuvent par un effet extérieur mouvoir l'âme des hommes en présentant soit aux sens extérieurs, soit aux sens intérieurs, les images des choses qui incitent et attirent ou au bien ou au mal. Ils peuvent tirer ces images qui sont formées dans l'imagination pour s'en servir à exciter l'entendement; et c'est pour cela que l'on dit qu'ils produisent ou qu'ils répandent dans nous des pensées auxquelles néanmoins nous pouvons ne pas consentir, aussi bien qu'il est de notre devoir d'y résister quand elles sont mauvaises. Que si quelqu'un y donne consentement, alors on peut dire que Satan est entré dans son coeur, et qu'il le remplit, non pas en le pénétrant et en occupant la substance de son âme intérieurement et intimement, mais par l'effet des mauvaises suggestions. C'est comme en parle Didyme. Satan, dit-il (L. 3. de Spir. S. cir. fi.), ne remplit pas un homme en le faisant participer à sa nature, ou le remplissant de sa substance : mais nous croyons qu'il habite en celui qu'il remplit, seulement par sa tromperie et par sa malice.

    7. Les inspirations qui viennent des anges donnent de la terreur au commencement, et de la consolation à la fin. L'Ange se cache au commencement, et dans la suite il se lait connaitre. Cela paraît dans l'histoire de Tobie, et dans l'entretien de l'ange Gabriel avec la sainte Vierge. Car nous voyons que saint Raphaël se découvrit à Tobie après tout ce qu'il eut fait pour lui ; et que la sainte Vierge fut d'abord troublée des paroles de l'Ange, mais se trouva ensuite remplie d'une force divine qui lui fit dire : Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'arrive selon votre parole (Luc. 1. 38).

    L'abbé Antiochus explique parfaitement bien cette motion des anges à l'égard des hommes. L'Ange de justice, dit-il (Hom. 61. Bibl. PP. t. 12.), a un très-grand amour pour la modestie et la parfaite pudeur. Il est doux et tranquille. Aussitôt qu'il s'est approché du coeur de l'homme, il lui parle familièrement de la justice, de la chasteté, de la probité des moeurs, de la frugalité et de la mortification dans le manger, des bonnes oeuvres , enfin de toutes les vertus qui nous peuvent faire acquérir la gloire du ciel. Quand l'impression de toutes ces choses saintes a rempli le coeur, on sent manifestement la présence de cet ange de justice. Étant donc certain que les bons anges nous excitent toujours au bien, on doit reconnaitre leurs inspirations par les mêmes signes par lesquels nous avons montré qu'on doit s'assurer de celles mêmes de Dieu.

    Cependant saint Thomas observe qu'encore que l'on reconnaisse la bonté de l'illumination qu'on reçoit, par les bonnes choses qu'elle nous montre et auxquelles elle nous porte, on ne connait pas néanmoins toujours si c'est par un ange que l'on la reçoit : car les saints anges nous font quantité de biens qui nous sont cachés, et sans qu'ils nous fassent sentir que ce soit par eux qu'ils nous arrivent, principalement ceux que Dieu nous a donnés pour nous garder.