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SÉDIR - 1er Janvier 1871 - 3 Février 1926

        En quelques jours Sédir nous a été enlevé et son départ soudain, inattendu nous plonge dans la consternation et dans une profonde douleur. Nous ne parvenons pas encore à réaliser que notre Ami nous ait vraiment quitté, tant il demeure présent en chacun de nous. Au reste, une telle lumière enveloppait cette agonie transfigurée par les Présences célestes qu'il nous aurait été impossible de verser des larmes. Lui sur qui tant d'orages avaient passé sans mettre de voile sur son immuable sérénité, il s'en est allé dans une telle paix que nous nous répétions la parole que prononçait le Christ à l'heure où il Se séparait de Ses disciples : « Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m'en vais au Père.»

       C'est ainsi que nous voulons aimer celui que Dieu nous a donné comme ami et comme guide. Aussi nous refoulerons nos larmes et notre douleur qui le retiendraient dans cette forme d'existence qui pour lui est le passé, nous le laisserons aller vers la mission nouvelle que son Maitre lui confie, nous remercierons Dieu de la grâce qu'Il nous a faite de devenir les amis d'un tel serviteur, nous nous souviendrons de son exemple et nous nous efforcerons de vivre la vie qu'il désirait si ardemment de nous voir vivre.

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       Sédir s'est consacré à la diffusion de l'Evangile. Sa pensée, son enseignement, son activité se résument en ce seul nom : le Christ. Nous ne pouvons parler ici que de son œuvre publique, mais ceux qui ont eu le privilège de pénétrer dans son intimité savent que toute sa vie a été par et pour le Christ. Son esprit avait fait le tour de toutes les connaissances humaines. Il n'est pas un domaine de l'activité de l'homme qu'il n'ait exploré : religion, philosophie, sciences, beaux-arts, littérature, histoire, agronomie, thérapeutique, sociologie, etc., de tout il pouvait discourir en connaissance de cause; mais si grande était son humilité qu'il ne parlait que pour répondre à des préoccupations ou pour éviter des erreurs. Et, quand il avait, résolu des problèmes angoissants ou rectifié des opinions hasardeuses, il ne manquait jamais de faire voir le caractère provisoire des constructions intellectuelles et de mettre en garde  contre l'esprit de système. Il aimait à dire que la vie doit avant tout être vécue et que le plus bel hommage que l'homme puisse rendre à la Vérité n'est pas de l'enfermer dans une formule, mais de la vivre.

      Il avait notamment étudié les religions de l'Orient et tout cet ensemble de spéculations qui constituent l'ésotérisme. Sa maîtrise dans ces sciences avait fait l'admiration d'occultistes éminents. Mais à maintes reprises (1) et notamment dans une lettre rendue publique en 1910 il avait donné avec toute la netteté désirable son sentiment sur ces travaux :

 

« Des rabbins m'ont communiqué des manuscrits inconnus; des alchimistes m'ont admis dans leur laboratoire; des soufis, des bouddhistes, des taoïstes m'ont emmené dans les séjours de leurs dieux; un brahmane m'a laissé copier ses tables de mantrams; un yogi m'a donné les secrets de contemplation. Mais, un soir, après une certaine rencontre, tout ce que ces hommes admirables m'avaient appris est devenu pour moi comme la vapeur légère qui monte le soir de la terre surchauffée. »

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      Son œuvre imprimée n'est qu'une petite partie de ce qu'il a écrit. Sa seule correspondance remplirait plusieurs volumes; mais ses amis savent qu'il se serait opposé à ce qu'elle soit jamais réunie.

Ses livres renferment la nourriture de l'âme, ils contiennent des sujets de méditation pour toute une existente : ils possèdent la vertu de diriger vers le service des nobles causes ceux qui aspirent à une vie plus belle et plus rayonnante.

      Mais ce que le livre ne peut donner, c'est la tendrese à la fois et l'autorité qui émanait de lui, c' est le charme de sa présence, la bonté de son accueil, l'énergie qui rayonnait de toute sa personne, cette maîtrise de soi qui s' imposait a ceux-la mêmes qui n' ont fait que le rencontrer, cette compréhension de la souffrance humaine, cette puissance de consolation, que n'oublieront aucun de ceux qui ont jeté vers lui l'appel de leur angoisse ou de leur désespoir. Ce que le livre ne peut donner, c'est l'accent de sa voix, la lumière de son regard, cette impression que l'on éprouvait auprès de lui et qui donnait le courage de tout accepter, c'est cette plénitude, ce caractère d'absolu qu'il mettait dans tout et qui faisait dire à quelqu'un :  « Quand Sédir parle du Christ, on sent qu'Il est là. » Toutes ces choses, il les possédait parce qu'il avait la charité; elles demeurent comme un trésor au fond du cœur et dans le souvenir de ses amis : c'est leur privilège et c'est aussi leur responsabilité.


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        Et maintenant par respect nous posons la plume. Le présent numéro est le dernier de cette revue dont il était le centre et qui ne vivait que par lui. Mais nous tenons à remercier nos abonnés et nos lecteurs de la sympathie qu'ils ont témoignée à la Cause dont Sédir a été le serviteur. Nous leur enverrons à tous les trois conférences que notre Ami se proposait de faire à Paris et qui ont pour titre général le Sacrifice. Ces conférences ont été entièrement écrites par Sédir et nous les ferons imprimer dans les mois qui vont suivre. Ce sera pour nous un doux devoir de les leur offrir en mémoire de notre Ami.

      D'autre part, Sédir a pu terminer le volume qui doit faire suite au Sermon sur la Montagne et qui sera intitulé les Guérisons du Christ. Notre intention est de le publier aussitôt que nous en aurons la possibilité matérielle et de faire réimprimer le tome III des Conférences sur I'Evangile aujourd'hui épuisé. De la sorte sera édité, en quatre volumes, le commentaire complet de Sédir sur l'Evangile.

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        Toutefois, si notre revue cesse de paraître, nous désirons ardemment que le lien qui, nous unit à nos lecteurs ne soit pas brisé. Nous voudrions le resserrer autant qu'il se pourra par nos permanences, par un échange de correspondance et par des visites à nos différents centres. Nous invitons nos amis à se mettre en communion de pensée et d'action avec nous; il leur appartient autant qu'à nous d'entretenir la flamme que notre Ami a allumée en nous et de poursuivre l'œuvre commencée. Sédir n'a eu qu'une ambition : nous mener au Christ. 

Ce sera le plus bel hommage que nous puissions rendre à sa mémoire de nous souvenir constamment de son apostolat et de marcher avec persévérance dans la voie où avec tant d'amour il nous a conduits.


(1) Voir entr'autres sa brochure l'Evangile et le problème du Savoir.

 

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