SERMON
SUR LA CONFIRMATION

Dispositions qu'il faut avoir pour recevoir ce sacrement.

 

 

Deus dedit pignus spiritus in cordibus nostris.
Dieu nous a fait part de son esprit divin qui nous sera le gage de la vie éternelle.
(
II Cor., I, 22. )

 

De quels sentiments de joie et d'amour ne devez-vous pas être pénétrés, M.F., à la nouvelle d'un tel bonheur !... Oh ! qui de nous ne sentira pas son cœur saisi d'amour et de reconnaissance, ayant l'espérance que, dans peu de jours, l'Esprit-Saint aura choisi sa demeure dans son âme ? O mon Dieu ! il me semble que j'aperçois déjà notre âme éprouver le ravissement d'Élisabeth, lorsque la Mère de Dieu vint la visiter, et qu'elle fut remplie si abondamment de cet Esprit de lumière et de ce foyer d'amour. Oh ! non, vous n'avez jamais connu la grandeur de ce sacrement, et les biens qu'il nous procure si nous le recevons saintement. Écoutez Jésus-Christ nous dire comme à ses apôtres avant de monter au ciel : « Encore un peu de temps, et vous recevrez l'Esprit-Saint, préparez-vous par la prière et la retraite, et vous verrez l'accomplissement de ma promesse[1]. » Plusieurs d'entre vous, M.F., l'ont reçu, ce sacrement ; mais, ô mon Dieu'. comment l'ont-ils reçu ?... Les uns sans en connaître la grandeur, les autres, sans être bien prêts, ou peut-être même, en état de péché ! Mon Dieu, mon Dieu, dans quel état sont-ils à vos yeux ?... Cela fait trembler.

Hélas ! parmi ceux-là même qui l'ont reçu dignement, combien de fois, et depuis combien d'années n'ont-ils pas chassé le Saint-Esprit de leur cœur ? O perte ! O malheur incompréhensible !… Et quel remède pour cela ? point d'autre, M.F., que les larmes et la pénitence. Pauvre âme, depuis que cet Esprit de lumière vous a quittée, de quelles ténèbres n'êtes-vous pas enveloppée ?… Heureux celui qui ne l'a pas encore reçu. Pourquoi cela ? C'est qu'il peut encore s'y préparer, et recevoir toutes les lumières qu'il produit dans les âmes pures. Dites-moi, vous qui avez eu le bonheur de le recevoir, avez-vous bien compris toutes les obligations qu'il vous imposait ? – Hélas ! non, dites-vous en vous-mêmes. – Eh bien ! écoutez-moi un moment, vous allez le comprendre, et tâchez de réparer le mal que vous avez fait en violant des promesses aussi saintes et aussi sacrées.

Mais pour vous, M.F., qui l'avez reçu avec de mauvaises dispositions, c'est-à-dire le péché dans le cœur ; qui avez caché, déguisé ou diminué le nombre de vos fautes, cherché des détours pour ne pas les faire paraître si énormes, qui les avez confessées sans contrition, sans douleur et sans désir de vous corriger, ne faisant aucun effort pour rompre vos mauvaises habitudes ; pour vous, dis-je, quel langage vous tiendrai-je, qui soit digne de vous, qui puisse vous faire comprendre votre malheur ? O mon frère, après un tel attentat, peux-tu encore vivre ? O mon Dieu, des chrétiens seraient-ils coupables d'un meurtre aussi affreux contre votre personne adorable ?... Ah ! mon ami, pleure amèrement. Si tu es insensible à un tel crime, donne-moi ton cœur et tes yeux, afin que les joignant aux miens, nuit et jour je verse des torrents de larmes, et que je pleure de ce que tu ne pleures pas !... Mon ami, qu'as-tu fait ? Que vas-tu devenir ?... O mon Dieu ! puisque les trésors de votre miséricorde nous sont encore ouverts, touchez le cœur de ce pauvre malheureux qui vous a outragé, afin qu'il pleure, et que vous lui rendiez ce qu'il a perdu. Enflammez de votre Esprit divin, tous ces jeunes cœurs qui vont vous servir de demeure. Venez, Esprit de lumière et d'amour, venez à mon secours ; afin que je leur fasse comprendre la grandeur de leur bonheur, et les obligations qu'ils vont contracter.

I. – Si les dispositions doivent être proportionnées à la grandeur du don que Dieu nous fait dans le sacrement de Confirmation, je ne vois pas trop ce que je vous pourrai dire ; je gagnerais tout autant, je crois, à garder le silence que de vous en parler ; car les grâces qui nous sont communiquées dans ce sacrement sont infinies. Mon Dieu ! pardonnez notre faiblesse et notre ignorance !... Mais, vous me demandez, M.F., bien qu'il soit impossible d'apporter à ce sacrement autant de pureté et d'amour qu'il en mérite, ce que nous devons faire pour nous en rendre dignes, autant qu'il est en notre pouvoir, ou du moins, pour éviter le malheur de le profaner ? – Mon enfant, ayez confiance, si vous êtes dans les dispositions de faire vos efforts pour vous en rendre digne, Dieu aura compassion de la faiblesse de votre âme, il entendra vos soupirs, et l'Esprit-Saint ne manquera pas de venir en vous, pour y établir sa demeure.

Voici 1° les dispositions absolument nécessaires pour bien recevoir cet auguste sacrement. Il faut être suffisamment instruit sur tout ce qu'il importe de savoir pour être sauvé ; il faut connaître les principaux mystères de notre sainte religion, les premiers principes du catéchisme, la fin pour laquelle Dieu nous a mis sur la terre, la récompense qu'il assure à ceux qui pratiquent la vertu, et la punition de celui qui vit dans le péché. Il faut savoir laquelle des trois personnes de la sainte Trinité s'est incarnée dans le sein de la très sainte Vierge Marie, et qui a formé son corps dans le sein de cette Mère ; pourquoi Dieu le Fils est venu sur la terre, quelle a été son occupation, ce qu'il a souffert ; quelle a été la cause de ses peines, et pourquoi il a institué les sacrements ; quels sont les effets de chaque sacrement en particulier, et les dispositions qu'il faut apporter pour les recevoir. Il faut savoir que le sacrement de Baptême est celui qui efface en nous le péché originel, c'est-à-dire le péché que nous avons contracté par la faute d'Adam, et que sans ce sacrement, nous ne pourrions jamais voir Dieu dans le ciel, ni recevoir d'autres sacrements. Il faut savoir que le sacrement de Confirmation est un sacrement par lequel l'Esprit-Saint nous est communiqué d'une manière plus abondante que dans tous les autres ; que le sacrement de Pénitence est institué pour remettre et effacer les péchés que nous avons eu le malheur de commettre après l'âge de raison, c'est-à-dire, quand nous pouvons connaître que nous offensons le bon Dieu, et que nous n'obtenons les effets, qu'autant que nous sommes fâchés d'avoir offensé le bon Dieu, et dans une résolution sincère de tout souffrir, la mort même, plutôt que de retomber dans le péché.

Nous ne devons pas ignorer que pour recevoir l'Eucharistie, il faut avoir le bonheur d'être en état de grâce, conservée ou réparée par une bonne confession. Il faut être instruit sur ce que l'on reçoit dans la sainte communion, c'est-à-dire Jésus-Christ, la seconde personne de la très sainte Trinité, qui a été conçue par l'opération du Saint-Esprit , Fils de Marie, qui l'a mis au monde sans cesser d'être vierge. Sachons aussi que l'Extrême-Onction a été instituée pour nous procurer du soulagement et des grâces extraordinaires, lorsque nous approchons de la mort, moment où le démon tâche de nous tenter plus fortement, afin de nous perdre. Le sacrement de l'Ordre ne regarde que les prêtres : il leur communique le pouvoir de remettre les péchés, de faire descendre Jésus-Christ du ciel sur les autels, et le pouvoir d'administrer les autres sacrements. Enfin, nous devons savoir que le sacrement du Mariage est institué pour sanctifier l'union légitime de l'homme et de la femme, pour leur donner la force de supporter les peines que Dieu attache à cet état. Le chrétien qui va recevoir la Confirmation doit savoir le Notre Père, le Je vous salue Marie, le Je crois en Dieu, les trois actes de Foi, d'Espérance et de Charité. Si votre enfant ne sait pas cela, ou instruisez-le, ou qu'il ne se présente pas à la Confirmation ; car le défaut d'instruction lui ferait profaner ce sacrement, ce qui serait un malheur infini, puisqu'il ne peut se recevoir qu'une fois.

2° La Confirmation est un sacrement qui nous donne le Saint-Esprit avec l'abondance de ses grâces, et nous rend parfaits chrétiens. Ce sacrement nous donne un esprit de lumière, de force et de courage, qui nous fait repousser vivement, les tentations et fouler aux pieds le respect humain. Un chrétien qui l'a dignement reçu, est toujours prêt à donner sa vie pour soutenir les intérêts de Dieu et opérer le salut de son âme ; il craint le péché, voilà toute sa crainte ; quant au reste, il le foule sous ses pieds. Mais si nous voulons que ce sacrement produise en nous ces heureux effets, il faut le recevoir en état de grâce, et pour cela, s'être confessé, avoir reçu l'absolution de ses péchés, tels qu'on les connaît, sans jamais user de détours, ni omettre quelque péché, sous prétexte que c'est peu de chose, et qu'il ne vaut pas la peine de le dire. Il faut, en confession, parler de vos doutes, parce que souvent il se trouve de gros péchés, que votre ignorance vous empêche de reconnaître. Prenez bien garde, si vous aviez le malheur de cacher ou de diminuer quelque péché, vous commettriez trois sacrilèges des plus horribles. O mon Dieu ! mon Dieu ! peut-on bien y penser et ne pas mourir d'horreur ?...

Si vous voulez que vos confessions soient bonnes, il faut que vous vous confessiez comme si, après votre confession, vous deviez paraître devant le tribunal de Dieu, pour rendre compte de votre vie. Si vous avez contracté quelque mauvaise habitude, il ne faut pas demander l'absolution avant de vous en être entièrement corrigé, parce que n'étant pas corrigé, retombant dans le péché, toutes vos confessions ne seraient que des sacrilèges[2]. Que devons-nous faire pour détruire nos mauvaises habitudes ? Faut-il faire quelques pénitences, quelques prières, quelques mortifications ? Non, M.F., cela ne suffit pas. Il faut que nous soyons pénétrés du regret d'avoir offensé Dieu, il faut que nous soyons dans une sincère résolution de tout souffrir plutôt que d'y retomber ; il faut railler, mépriser, en un mot, ce que le démon ou les impies pourront nous dire, pour nous entraîner dans le vice. Si vous n'êtes pas dans ces dispositions, n'allez pas plus loin, ou sinon, craignez que les foudres du ciel ne vous tombent dessus et ne vous jettent en enfer. O mon Dieu ! combien vont recevoir ce sacrement et ne changeront rien à leur manière de vivre ! Peut-on bien penser à cela ?... Et ce sont des chrétiens ?..

Saint Cyprien nous dit : « Mes enfants, si vous recevez dignement l'Esprit-Saint, vous recevrez toutes sortes de biens, c'est-à-dire la Sagesse, l'Intelligence, la Science, le Conseil, la Force, la Piété et la Crainte de Dieu. » Toutes ces grâces, M.F., consistent surtout dans une vive lumière qui éclaire nos âmes, et en un feu divin qui embrase nos cœurs. Voyez comme vous avez besoin que cet Esprit-Saint vienne en vous ; voyez combien votre esprit est borné et aveugle quand il s'agit du salut, combien votre cœur est faible, froid et glacé pour la vertu. Saint Grégoire de Tours nous dit que celui qui a reçu l'Esprit-Saint, est plus fort que tous les démons ensemble. Et voici la preuve que nous donne ce grand saint.

« Julien l'apostat (on l'appelait apostat parce qu'il avait été chrétien et qu'il avait renoncé à sa foi), pour montrer plus ouvertement son impiété, ordonna d'offrir publiquement un sacrifice à ses idoles, c'est-à-dire aux démons. Afin de donner plus d'éclat à cette impie cérémonie, il se rendit avec toute sa cour dans le temple destiné à cette action sacrilège. Le moment venu, l'empereur donne le signal pour commencer. Tous les prêtres, tous les sacrificateurs se mettent au devoir. Mais prodige extraordinaire ! ni eux ni leurs instruments si bien préparés ne peuvent rien. Le feu même qui était sur l'autel s'éteint tout à coup. Oh ! s'écrient l'empereur et les sacrificateurs, il y a ici quelque personne étrangère qui s'oppose à notre cérémonie. Il y a sans doute dans cette assemblée quelque chrétien ! L'empereur ordonna de chercher s'il n'y avait point de chrétiens dans le temple ; en effet, il s'y trouva un jeune homme qui venait de recevoir la Confirmation, et qui, bien loin de fuir, se présenta lui-même à l'empereur en disant qu'il était chrétien et disciple de Jésus-Christ, de ce Dieu mort sur la croix pour nous racheter. « Je le reconnais pour mon Dieu, disait-il, et me glorifie de lui appartenir ; oui, c'est moi ou plutôt le Dieu que je sers qui a rendu vos idoles muettes et sans force ! » L'empereur, qui avait été chrétien et qui savait ce que peut un chrétien muni de l'Esprit-Saint, fut saisi de frayeur. « O empereur, que vous êtes aveugle ! s'écria le jeune homme, vous qui avez été chrétien, qui savez combien notre Dieu est puissant, et que vos idoles ne sont que des démons qui vous trompent et vous traînent en enfer ! » L'empereur, comme un désespéré, court se cacher, craignant d'être écrasé par les foudres du ciel. Ce jeune homme, plein de joie d'avoir confondu toute l'assemblée par la vertu de l'Esprit-Saint, s'empressa de publier ces merveilles. Beaucoup de païens quittèrent leur religion pour embrasser celle des chrétiens qui est si sainte et si belle !

Voilà, M.F., les heureux effets que le sacrement de Confirmation opère en nous, si nous sommes assez heureux pour le recevoir dignement. Oui, si nous le recevons avec de bonnes dispositions, rien désormais ne sera capable de nous détourner de nos devoirs de chrétiens. Si les méchants vous critiquent de ce que vous pratiquez votre religion, vous les écouterez, mais vous les mépriserez et foulerez aux pieds leurs railleries ; vous les plaindrez en voyant qu'ils se perdent, et vous prierez Dieu pour eux. Si le démon vous tente, vous ferez comme saint Macaire, vous lui cracherez dessus, pour lui montrer que vous le méprisez, à l'égal de la boue qui est sous vos pieds. O mon Dieu, que celui qui a reçu l'Esprit-Saint est fort et capable de grandes choses !

 

II. – Ce sacrement a été institué le jour de la Pentecôte, dix jours après l'Ascension de Jésus-Christ au ciel. La sainte Vierge et les apôtres éprouvèrent les premiers les heureux effets de cet Esprit d'amour, lorsqu'il descendit sur eux avec le bruit d'un vent impétueux. Il descendit sur leur tête en forme de langues de feu, tandis qu'intérieurement il éclairait leur esprit, embrasait leur cœur, et revêtait leur âme d'un caractère de zèle et de courage qu'ils ont fait paraître jusqu'à la mort. Oui, M.F., cet Esprit de pureté et d'amour se communiquera à tous ceux qui le recevront dignement. Quoique invisibles, ses grâces ne seront pas moins abondantes. Par la Confirmation, nous recevons le Saint-Esprit, qui est la troisième personne de la Sainte Trinité. Oh ! quel bonheur pour une vile créature de recevoir en elle ce Dieu d'amour !… Lorsqu'il fut descendu sur les apôtres, il les changea tellement, qu'on ne pouvait plus les reconnaître ; chacun se disait : « Sont-ce bien là les disciples de ce prophète de Nazareth que nos docteurs ont fait mourir et crucifier ? Voyez avec quel courage et quelle fermeté ils parlent en public ; nous les avons vus il y a peu de jours, abandonner leur Maître et le trahir ; aujourd'hui, ils confondent jusqu'à nos docteurs. » O mon Dieu ! que vous êtes admirable dans vos opérations !...

Eh bien ! M.F., après la Confirmation pourra-t-on en dire de même de vous ? Sera-t-on obligé de se demander si c'est bien vous que l'on a vus il y a quelque temps ? Sera-t-on ravi de votre changement ? Vous entendra-t-on chanter les cantiques et les louanges de Dieu, à la place de ces chansons infâmes et déshonnêtes ?... Verra-t-on en vous, ma sœur, cette simplicité, cette modestie, cette pudeur qui fait l'ornement de votre sexe, prendre la place de ces parures mondaines et de cet air d'affectation dans vos manières. Sera-t-on obligé de se demander si c'est bien vous que l'on a vue si orgueilleuse et si pleine de vanité ? Vous que l'on a vue... O mon Dieu, mon Dieu, qu'allais-je donc dire, en quel bourbier allais-je descendre ?...

Vous allez vous faire confirmer, mon frère, c'est très bien ; mais ce n'est pas tout. Il faut qu'après avoir reçu ce sacrement vous ne soyez plus le même. Comme les apôtres, il ne faut plus qu'on vous reconnaisse ; il faut que l'assiduité aux saints offices, la délicatesse au sujet du travail du Dimanche et l'exactitude dans la fréquentation des sacrements, prennent la place de votre indifférence pour le service de Dieu, de votre peu de respect dans sa maison, et, enfin, de votre froideur et de votre négligence. Hélas ! que de chrétiens vont recevoir ce sacrement, sans qu'il opère en eux cet heureux changement ! par conséquent que de chrétiens vont le recevoir indignement ! ô mon Dieu, que de chrétiens damnés !

Et vous, M.F., qui avez eu le bonheur de le recevoir autrefois, ce changement s'est-il fait en vous ?... Non, M.F., non, je n'en dis pas davantage... La première fois que l'on vous a raillés, n'est-il pas vrai, vous vous êtes découragés, vous avez tout quitté. A la moindre maladie, à la moindre perte, vous vous êtes désespérés, au lieu de penser que tout vient de Dieu, les maux comme les biens. N'avez-vous pas souhaité la mort, à cause de croix qu'il plaisait à Dieu de vous envoyer ?... O mon Dieu, que celui qui n'a pas reçu l'Esprit-Saint dignement, est faible et capable de peu de chose, en comparaison de celui où habite votre Esprit de lumière !

Oui, chaque sacrement produit son effet tout particulier. Le Baptême nous fait chrétiens, enfants de Dieu, frères de Jésus-Christ ; il nous donne un droit au royaume céleste, que le péché de nos premiers parents nous avait fermé ; il nous délivre du démon dont nous étions les esclaves, et nous fait passer dans la douce et heureuse liberté des enfants de Dieu. Oh ! M.F., que ces avantages sont précieux ! pourrons-nous assez remercier le bon Dieu d'un tel bonheur ? Le sacrement de Pénitence est un sacrement où Dieu montre sa miséricorde d'une manière admirable ; car ce n'était pas assez d'être mort pour nous, d'avoir institué le sacrement de Baptême, sans lequel jamais nous n'aurions vu le ciel, il lui fallut encore en établir un second, qui aurait la vertu d'effacer tous nos péchés actuels. O mon Dieu, que vous êtes bon !... Le sacrement de l'Eucharistie est le sacrement de son amour ; oh ! M.F., un Dieu se donner à nous !.. un Dieu soupirer après ce moment !… ô bonheur ! ô grâce précieuse !...

Le sacrement de l'Extrême-Onction a été institué pour nous fortifier dans les derniers moments de notre vie. Le sacrement de l'Ordre est établi pour communiquer aux prêtres les lumières et les grâces nécessaires pour nous conduire dans les voies du salut ; celui du Mariage est destiné à sanctifier les actions, l'union légitime de l'homme et de la femme. J'appelle union légitime, l'union de ceux qui se marient selon les lois de l'Eglise et de l'État. Eh bien ! M.F., le sacrement de Confirmation est la perfection de tous les autres ; c'est précisément celui-ci qui nous rend parfaits chrétiens, et ceux qui, pouvant le recevoir, ne le reçoivent pas, se privent de beaucoup de grâces et commettent un gros péché.

Oui, M.F., on-peut comparer le chrétien baptisé à un enfant qui vient de naître et qui est sujet à toutes les faiblesses ; mais celui qui a été confirmé est semblable à un homme à la fleur de l'âge, plein de courage et de force, qui peut porter les armes, et est en état de se défendre vigoureusement contre ses ennemis. Vous avez fait jusqu'à présent tout ce que fait un enfant. La moindre chose vous a découragés, la moindre tentation vous a fait tomber, la plus petite pénitence vous a effrayés ; mais si vous avez reçu véritablement l'Esprit-Saint, rien ne sera capable de vous arrêter : vous foulerez tout aux pieds, vous ne serez contents que dans le combat, et, pour tout dire, vous ferez comme les apôtres après qu'ils eurent reçu le Saint-Esprit, vous ne ferez pas plus attention au monde que si vous y étiez seuls.

Voyez, M.F., ce qu'étaient les apôtres avant la descente du Saint-Esprit : faibles, timides ; à chaque instant, le respect humain l'emportait sur les intérêts de Dieu ; ils avaient abandonné leur maître, même après l'avoir vu plusieurs fois après sa résurrection, boire et manger avec eux. Ils se tenaient cachés, par crainte des Juifs, dans le lieu même où ils se préparaient à recevoir le Saint-Esprit ; pas un n'osait redire publiquement les merveilles dont il avait été témoin. Mais, ô mon Dieu ! quel étonnant changement dès qu'ils ont reçu votre Saint-Esprit ! Ils sortent du cénacle, ils courent les rues de Jérusalem, ils publient ouvertement tout ce qu'ils avaient vu et entendu du Sauveur. Le peuple, que la fête de Pâques a réuni de toutes les parties du monde, s'y rend en foule. Saint Pierre, tout enflammé de l'Esprit divin : « Mes enfants, s'écrie-t-il, écoutez-moi : Ce même Jésus que vous avez fait mourir par les mains de vos bourreaux, Dieu l'a ressuscité[3]. » Est-ce bien là, M.F., cet apôtre qui pâlit et trembla à la seule voix d'une servante, et qui renia si lâchement son divin Maître ? Oui, c'est lui-même, mais depuis ce temps, il a reçu l'Esprit-Saint, qui a changé sa faiblesse en force, et sa crainte en un courage invincible ; il craignait de passer pour un disciple de Jésus-Christ, et maintenant, il ne soupire qu'après le moment de donner sa vie pour lui. Le mépris, les prisons, les persécutions font ses délices. Oh ! Esprit-Saint, que vous donnez de force à ceux qui sont assez heureux pour vous posséder !

Mais, pensez-vous en vous-mêmes, quels sont les dons que le Saint-Esprit nous communique dans le sacrement de Confirmation ?... – Les voici, M.F., tout ce que je vous demande, c'est de les mettre en pratique. Je vous ai déjà dit qu'il y en avait sept. Le premier don du Saint-Esprit c'est la Sagesse, grâce qui nous détache du monde. Elle nous fait mépriser les plaisirs, qui ne peuvent que nous séduire, nous tromper et nous perdre. Cette vertu nous porte à nous attacher aux biens durables, c'est-à-dire aux biens du ciel ; à ne considérer ce monde que comme un lieu d'exil et de misères, où, tant que nous y serons, nous vivrons malheureux, sans atteindre ce bonheur parfait après lequel notre cœur soupire.

Le deuxième don du Saint-Esprit est l'Intelligence c'est-à-dire une lumière surnaturelle qui nous fait comprendre les beautés de notre sainte religion, les secours et les consolations que nous y trouvons. Elle nous montre par conséquent, l'attachement que nous devons avoir pour elle ; elle nous fait faire des efforts pour la connaître, afin que notre ignorance ne soit pas cause de notre perte, et que, ravis de tant de beautés nous méprisions tout le reste.

Le troisième don du Saint-Esprit est le don de Conseil. C'est une prudence chrétienne qui nous fait toujours choisir les moyens les plus sûrs pour aller à Dieu, et l'état le plus parfait pour arriver au ciel.

Le quatrième est celui de la Science, qui nous porte à examiner si toutes nos actions sont faites avec des intentions bien pures, si nous vivons de manière à avoir l'assurance que nous sommes dans la route qui conduit au ciel. Il nous fait connaître aussi les dangers et les occasions qui peuvent nous perdre en nous portant au mal.

Le cinquième don est la Force. C'est un caractère de vigueur et de courage qui nous met au-dessus de tout respect humain ; c'est précisément cette vertu qui soutenait les martyrs dans leurs tourments ; voyez saint Barthélemy, écorché vif de la tête aux pieds. Eh ! M.F., qui lui donna cette force, si ce n'est le Saint-Esprit ? Qui donna à saint Vincent ce courage invincible jusqu'à lasser ses bourreaux. C'est encore l'Esprit-Saint. En effet, un chrétien qui a reçu cette vertu, méprise et foule aux pieds tout ce que les impies peuvent lui dire : il ne pense qu'à plaire à Dieu, et rien autre chose.

Le sixième don est celui de la Piété. C'est un saint empressement pour tout ce qui a rapport au culte de Dieu et au salut de nos âmes. Qui a porté tant de saints à rendre les services les plus dégoûtants aux malades ? Qui y porte encore aujourd'hui tant de personnes, qui passent leur vie à servir les malheureux ? C'est l'Esprit-Saint. C'est lui qui nous porte à écouter avec empressement la parole de Dieu, à prier avec ferveur, et à faire consister notre bonheur dans la fréquentation des sacrements.

Le septième don est la Crainte de Dieu. C'est une délicatesse de conscience, qui nous porte à bien examiner si nos actions sont conformes à la loi que Dieu nous prescrit dans ses commandements. Un chrétien qui possède cette vertu craint horriblement le péché, et tremble continuellement d'y tomber ; il fait comme saint Philippe de Néri que l'on trouva un jour sanglotant. On lui demanda ce qui le jetait dans cette espèce de désespoir. « Hélas ! dit-il, je ne désespère pas ; au contraire, j'espère beaucoup ; mais quand je pense que les anges qui étaient dans le ciel, sont tombés, qu'Adam et Ève ont péché dans le paradis terrestre, que Salomon, d'après l'Esprit-Saint, le plus sage des rois de la terre, a souillé ses cheveux blancs par les crimes les plus abominables, la pensée de tout cela, dis-je, me fait craindre sans cesse que ce malheur ne m'arrive. Oh ! ajoutait-il, que celui qui connaît la grandeur du péché, doit craindre d'y tomber[4] !... » Mon Dieu, que nous avons besoin que cet Esprit-Saint vienne en nous pour changer notre cœur !

Mais à qui, M.F., le Saint-Esprit doit-il se communiquer avec ses sept dons ? Je réponds : A tous ceux qui s'y seront préparés par la prière et la retraite ; c'est-à-dire, qui auront, autant qu'il leur est possible, détourné leur cœur des objets et des choses du monde ; qui auront confessé sincèrement leurs péchés avec la douleur nécessaire ; qui auront pris des résolutions véritables de ne plus les commettre et de tout souffrir plutôt que d'y retomber. En effet, le Saint-Esprit fut donné seulement à ceux qui avaient passé quelques jours dans le cénacle, c'est-à-dire dans la retraite. Toutes les fois que Dieu veut accorder quelque grâce extraordinaire, ce n'est qu'après quelques jours de retraite. Voyez Moïse : Dieu ne lui donna sa loi qu'après quarante jours de jeune et de retraite[5]. Voyez le prophète Elie. Le Seigneur lui commande d'aller sur la montagne d'Horeb, parce que c'est là qu'il doit lui apprendre ses volontés ; il veut lui faire comprendre que ce n'est pas dans le tracas du monde qu'il distribue ses dons précieux. Lorsque le prophète est sur la montagne, il commence à entendre un vent impétueux qui semblait tout renverser, mais le Seigneur n'est pas dans ce vent. Après cela, il se fait un tremblement de terre terrible : le Seigneur n'y est pas non plus ; enfin, il entend souffler un vent doux ; alors Élie se couvre la face de son manteau, se met à l'entrée de sa caverne : c'est là qu'est le Seigneur[6]. Dieu voulait montrer ainsi, que lorsqu'il veut venir dans nos cœurs, il faut qu'ils soient dégagés des choses extérieures du monde, c'est-à-dire, que nous ayons quitté nos péchés et nos mauvaises habitudes.

O mon Dieu, ne permettez pas que nous ayons le malheur de recevoir indignement votre Esprit-Saint ! changez entièrement nos cœurs et nos âmes !... Seigneur, descendez dans nos cœurs par votre grâce, daignez y habiter par le sacrement de Confirmation !... O Vierge sainte, qui avez préparé les apôtres à cet heureux moment, préparez-nous aussi vous-même, afin que nous puissions recevoir et garder cet Esprit de pureté et d'amour... Ainsi soit-il.

 

 



[1] LUC. XXIV, 49.

[2] Celte précision du Saint n'est pas conforme aux principes de la théologie morale. Sans doute, il serait à désirer que les pécheurs ne revinssent demander l'absolution qu'après s'être entièrement corrigés. Mais ce serait trop exiger de la faiblesse du plus grand nombre. Quand les pénitents acceptent les moyens d'amendement que le confesseur leur suggère, lorsqu'ils donnent de véritables signes de contrition, ils peuvent être légitimement absous ; leurs confessions ne seraient point sacrilèges. Le sacrement de pénitence est un remède qui apporte une grâce de guérison ; il ne faut pas s'étonner qu'on l'administre aux malades. Cette opinion lui a échappé sans doute par mégarde et dans l'entraînement du discours ; elle est, du reste. en contradiction formelle avec la pratique que le saint curé a suivie pendant toute la durée de son ministère.

[3] ACT. II.

[4] Cet exemple est cité plusieurs fois dans le Saint.

[5] EXOD. XXXIV, 28.

[6] III REG. XIX.