XXII

 

Le rendez-vous du ciel

 

Deux saints qui se rencontrent, dont l'un désirait voir l'autre depuis longtemps et qui ne l'entrevoit qu'à peine, mais qui s'en va content, quelle scène rare et charmante ! La pensée qu'ils se retrouveront là-haut à loisir pour jamais retient, dirait-on, pour l'instant sur leurs lèvres les épanchements et les confidences.

Nous empruntons ce récit à l'ouvrage de M. l'abbé Janvier, Vie du Vénérable Monsieur Dupont, de Tours. (1)

 

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Ce voyage (à La Salette) donna l'occasion à M. Dupont de connaître et de voir le saint Curé d'Ars. L'entrevue de ces deux serviteurs de Dieu fut remarquable. Elle rappelle bien celle de saint Dominique et de saint François d'Assise. M. Dupont raconte lui-même qu'il avait fait le voyage dans le but d'avoir un entretien avec M. Vianney, pour lequel il professait depuis longtemps une grande vénération. Mais comment l'aborder à travers la foule des étrangers rangés sur deux haies et se pressant sur son passage à la sortie de l'église ? Tout à coup le Curé d'Ars aperçoit le pèlerin de Tours qu'il ne connaissait pas, qu'il n'avait jamais vu. Il s'arrête, va droit à lui, le contemple quelque temps d'un regard doux et profond ; puis, souriant, levant les yeux et joignant les mains :

« O mon cher ami, lui dit-il, qu'il sera bon de nous trouver un jour dans le ciel et de chanter les louanges de notre Dieu ! »

« Il ne m'en fallut pas davantage, ajoutait gaiement M. Dupont ; je me retirai content, gardant dans mon cœur la bonne parole du saint Curé. »

« J'ai vu, disait-il quelques années plus tard, M. le Curé d'Ars en 1847. Il y avait longtemps qu'il était en grande vénération. A cette époque, on pouvait lui donner près de quatre-vingts ans ; et, d'après une notice que j'ai lue, le saint prêtre en aurait eu dix de moins. J'ai sa vie et un livre de lui sur Les Souffrances et la Croix (1857) ». (2)

Dans les derniers temps, en 1873, il se souvenait avec reconnaissance d'avoir eu la consolation d'assister à sa messe et d'avoir communié de sa main.

 

 

(1) Tours, Mame, 1886, p. 165. – Le fait est raconté avec des variantes dans une première édition de cet ouvrage parue à Paris, chez Larcher, en 1881 (p. 77)

(2) Ce livre n'est pas de M. Vianney, mais il a paru sous son nom ; c'est l'œuvre d'un inconnu qui pensait en assurer ainsi la vente. Quant à l'âge du Curé d'Ars en 1847, il faut en rabattre près de dix ans, le saint étant né en 1786

 

 

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