L'ANGOISSE DE LA MORT


     Le phénomène appelé mort est souvent opposé, par les matérialistes, à ce qu'ils nomment la vie. Cependant la mort, en tant qu'elle ferme le cycle du mode d'existence sensible et corporel, n'est pas l'antithèse exacte de la vie mais, seulement, celle de la naissance qui ouvre le cycle de ce même mode d'existence. Mort et naissance sont, au cycle total de la vie humaine, ce qu'éveil et sommeil sont à son cycle journalier. On peut donc comparer l'instant de la mort au moment indiscernable où,chaque jour, s'endort l'individu ; et la naissance au moment où il s'éveille.
Et de même que nos sommeils sont parfois plus actifs que nos veilles, quoique d'une activité différente, de même l'existence post-mortem peut être considérée à priori, abstraction faite des cas particuliers, comme un mode d'activité qui, pour n'être pas semblable à notre activité physique, n'en est pas moins intense.

     Si nous poursuivons cette analogie fort simple (et aussi peu métaphysique que possible), nous verrons que la mort n'est terrible que dans l'appréhension qu'elle nous cause. Lorsque nous étions enfants, nous avions une peur instinctive du sommeil. Il nous souvient de nos luttes contre cet inconnu que nous aurions sans doute baptisé anéantissement », si nous avions été capables de beaux raisonnements philosophiques.......Et le sommeil survenait avec une instantanéité qui nous interdisait de prendre conscience du passage d'un mode d'existence à l'autre.
     Ainsi doit-il en être de la mort, dans la plupart des cas l'épouvante la précède mais ne l'accompagne pas.
     e même que, pendant le sommeil, les actions que nous accomplissons nous semblent parfaitement normales (1), de même la mort ne peut être un dépaysement réel, un déracinement total. L'état de « trouble » ou de « sommeil », dont parlent certains occultistes est, certes, plausible ; mais si nous étudions le mécanisme de la naissance (dont celui de la mort n'est en somme qu'une inversion), nous constatons que le nouveau-né, aveugle, débile, semi-inconscient, trouve en ce bas monde les parents, protecteurs et nourriciers, véritables délégués de la Providence dans la mesure où ils sont conscients de leur rôle. Nous pouvons en inférer que, dans l'au-delà, nous trouverons les guides et les protecteurs dont nous avons besoin : la Loi est une, et l'ordre qui règne ici-bas (2) ne peut avoir, pour contrepartie, le chaos ou le hasard, de l'autre côté du voile.

     Le spiritualiste chrétien doit s'efforcer de bannir la crainte de la mort (sa meilleure arme) et, à l'heure décisive, s'abandonner avec une tendre confiance à la volonté de Celui qui est la Résurrection et la Vie. Toute autre attitude - pour excusable qu'elle soit - serait un manque de confiance envers la Providence. D'aucuns, par ailleurs, ont ce que nous appellerons une demi-confiance : ce sont les « tièdes » qui se donnent mais avec réticence.
Que ceux-là méditent, si l'Évangile leur semble trop enfantin, cette belle parole du Vieux Philosophe :

« Avoir peu de foi, c'est : ne pas avoir La Foi »  (3) .
ESSA.

(1) Ainsi, il nous semble naturel de franchir d'un bond des murailles élevées, de voler, de changer instantanément de lieu ou d'aspect.
(2) Ordre évidemment très relatif, puisque troublé sans cesse par la mauvaise volonté de l'homme, mais ordre malgré tout : Dira-t-on que la ligne des eaux n'est pas normalement horizontale, parce que le vent y suscite des vagues ?
(3) Tao-Te-King.