NÉCESSITÉ ET LIBERTÉ
 

« Cherchez la Vérité et la Vérité vous rendra libres ».
Évangile

     Une différence radicale existe entre l'homme et l'animal. Comme l'expose la tradition celtique, « l'homme a été marqué par Gwyon », (l'Esprit divin, analogue au RUaH ALEYM de la Genèse). Or, l'Esprit souffle où il veut. Tel est le fondement de la liberté humaine. L'homme terrestre est donc perfectible alors que l'animal ne l'est pas, car ce dernier est instinctivité pure et celle-ci est nécessité. Le dressage des animaux réputés domestiques n'est pas un signe de perfectibilité. Le chien, par exemple, pour être dressé, subit l'influence de la volonté humaine et ne conserve cet acquis que dans la mesure où il demeure dans le rayonnement de la présence de l'homme. Lorsque l'instinct reprend ses droits, adieu l'éducation ! C'est ce qui se passe chez la chienne à qui la maternité fait perdre son acquis superficiel. En ce cas, l'instinct maternel a réveillé l'instinct tout court et le dressage est à recommencer. L'instinct est donc admirable, comme le serait une mécanique de précision, mais aussi peu perfectible qu'elle. Tout y est nécessaire, tout y est donné à la fois, tout y est ordonné une fois pour toutes. Comme à l'aube des temps la première hirondelle construisit son nid, de même le construira la dernière, ni mieux, ni plus mal, mais identique. L'animal est donc soumis à un déterminisme indéniable.

     L'homme, s'il y est soumis par son corps et ses facultés naturelles, lui échappe par son esprit. La chute d'Adam a fait de ce libre par essence un être partiellement déterminé. Elle l'a intriqué dans un mécanisme où il n'avait que faire. Aussi, en lui, la racine des actes, (en tant qu'ils dépendent d'une délibération de sa volonté, ce qui est moins commun qu'on ne le pense généralement) est libre ; mais les conséquences de ces actes échappent à son emprise et sont nécessitées par les lois inflexibles du monde dans lequel il s'est fourvoyé.

     L'homme n'est perfectible que parce qu'il fut parfait, il n'est libérable que parce que la liberté fut son élément. C'est pourquoi les Triades Bardiques nous disent que « l'homme et la liberté naquirent en même temps ».

     Le Grand'Œuvre de l'homme est donc de reconquérir sa liberté primitive. À cette conquête ou, plus exactement, à cette résurrection, s'opposent les tendances particularistes du Moi. Ce sont d'elles que résultent et notre impuissance et notre ignorance. Car, contrairement à certaines théories, l'ignorance, loin d'être la cause de notre limitation en est la conséquence. Pour retrouver, donc, cette omniscience, cette omnipotence, cette liberté perdues, il nous faut rechercher les causes de notre déchéance. Elles sont fort simples : égoïsme et orgueil. Elles sont palpables, puisqu'elles nous font trébucher chaque jour... et le mal que nous avons à les combattre nous prouve assez leur importance. Charité et humilité sont donc les seuls remèdes à ce mal et leur exercice est le plus court chemin, le plus normal, le plus universel, pour obtenir connaissance, pouvoirs et liberté. Tel est le chemin que le Christ a frayé et qu'il nous a ensuite enseigné, joignant l'exemple au précepte. Celui qui est la Vérité n'a-t-il pas dit qu'elle seule peut nous rendre libres ? Or la Vérité, c'est la Voie et c'est la Vie, c'est-à-dire l'action. Pour le philosophe, c'est le Verbe, pour nous, c'est le Christ Jésus, notre libérateur.
 


A. SAVORET.

NOTES COMPLÉMENTAIRES


     Le déterminisme est donc la loi des mondes cataboliques, des mondes de chute. Le fait constant qui les distingue c'est que, dans leur sein, le supérieur se sustente de l'inférieur. La loi divine, au contraire, est que le supérieur se sacrifie pour l'inférieur.

     Ce dualisme négligé, on en vient à considérer l'état actuel de l'homme au sein de la nature, comme normal, comme le résultat d'une évolution et non d'une involution. De là à méconnaître totalement son rôle dans la création, le pourquoi de sa venue sur terre, et les principes qui constituent son être réel, il n'y a pas loin. Dans la tradition judéo-chrétienne, au contraire, la chute adamique joue comme élément primordial et, de quelque façon qu'on se représente le péché originel, on en admet la réalité et les conséquences. Le génial rédacteur du Pentateuque, expose, dans la Genèse, le processus par lequel l'homme s'est abandonné à la nécessité instinctive au point d'en subir les lois. Si nous n'avons pas commis d'erreur, Moïse nomme les trois modifications universelles de l'humanité post-édenique ;

     QaYN, l'Instinct universel, principe de nécessité absolue, dont HéNOK, l'instinct individuel est la réflexion.

     HaBeL, l'Intelligence universelle, principe de libération et d'expansion harmonieuse.

     SeTh, l'Animisme universel, principe de nécessité relative, équilibre sympathique, dont ANOSh, l'âme individuelle, constitue la réflexion.

     QaYN, est la cause de la nécessité ontologique, comme l'expriment avec force les caractères Qof et Nun qui forment son nom. Il régit tout passage de puissance en acte, dans la sphère sensible.

     HéNOK, sa réflexion en centres instinctifs particuliers, exprime à la fois une faculté et une fonction : la détermination des choses, les choses déterminées elles-mêmes (1).

     Cet HéNOK engendre :

     WhYRaD, l'impulsion dominante, le tourbillon caractéristique de la sphère instinctive magistralement analysé par Fabre l'Olivet (2). C'est ce vortex qui provoque les réactions instinctives, les « réflexes ». Ces réactions sont franches chez l'animal ; chez l'homme, un élément hétérogène les modifie. Tout, dans la nature, tend à sa répétition. Tout, dans l'homme, est susceptible de transmutation. Ce tourbillon, envisagé dans l'être en puissance de manifestation, attire sympathiquement les éléments du corps futur qu'il emprunte au milieu où s'opère sa localisation.

     De là, l'enroulement des facultés animiques obnubilées et leur déroulement progressif, dans la période post-natale. C'est pourquoi WhYRaD produit :

     MeHUYAcL, la forme animale, l'apparescence physique, laquelle nécessite, en contrepartie :

     MeThUShAeL, la décomposition de cette forme, lorsque l'énergie intériorisée pour en maintenir l'unité organique étant épuisée, chaque élément retourne au milieu qui l'avait fourni.

     Nous ne pourrions poursuivre cette analyse sans sortir des bornes que nous nous sommes prescrites. Nous ne sommes d'ailleurs ni théologien, ni métaphysicien, et les conséquences que nous croyons pouvoir tirer de la lecture des idéogrammes bibliques n'engagent que nous. Nous ajouterons pourtant que le fils de Methushael se nomme Lamek, nom qui est celui d'un des fils de Seth, père de Nohé. Ce Lamek représente trois modalités différentes d'un même principe, selon qu'on envisage sa fonction cosmogonique, androgonique, ou sociale. Au sens androgonique, il est la force qui réfrène les effets désastreux de l'impulsion Qaynique : L'Amour Instinctif, comme le Lamek, père de Nohé, représente : l'Amour animique.

     Or, si les fils d'Adam représentent l'homme de la chute, ceux de Nohé, représentent l'homme de la réascension. C'est pourquoi, la première production d'Adam, tourné vers la matière, est Qayn, le centralisateur, alors que la première production de Nohé, tourné vers l'esprit, est Sem, le glorieux.

     Mais, de même que ce Sem dont dépend l'oeuvre humaine du salut, ne la réalise que par l'intervention. d'Arpaksad (la Providence médiatrice), qui lui fournit les moyens extra-humains de la parachever, de même, l'homme terrestre ne saurait se réintégrer dans sa félicité primitive, sans l'intervention de cet Arpaksad que nous nommons Jésus.

A. S.



(1) Aussi, nous lisons dans la Genèse (IV, 17) : « Et (Qayn) édifia un circuit défensif et l'appela du nom de son fils : Hénok ». La fonction de ce dernier est donc de cloturation, il tisse les éléments du corps ou, plus exactement, en fixe la sphère d'assimilation. Dans une cellule, pour prendre un exemple physique, Il représenterait assez bien l'enveloppe qui la délimite tout en la protégeant contre l'effort assimilatif des autres cellules. La formation étymologique de ce mot est d'ailleurs caractéristique. On peut le rapprocher de l'hébreu anoki (moi-même), du grec ananké, du gallois Ing (limitation), Angen (nécessité), en breton ank.

(2) Histoire Philosophique du Genre Humain, Tome 1 (Dissertation Introductive).