Revue An Oaled : Le Foyer Breton n°61 de 1937

Repris dans Intersignes en 1948 p. 108

Réminiscence

Chaos de Ploumanac'h, nul ne dénombrera

Les rocs cyclopéens qui, sous le ciel ardent,

Sept soirs et sept matins meurtrirent l'océan...

J’étais là quand hurlaient les géants aux cent bras,

J'ai vu tomber Atlas et tomber Briarée !

Quand l'Olympe croula sur la terre effondrée,

Broyant les fils d'Esus, impuissants, j'étais là !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J'ai vu flamber la nuit, plus rouge que l'aurore,

Et l'enclume d'airain tomber et retomber

Sept soirs et sept matins ; les monts noirs tituber

Et les cieux se zébrer de rouges météores.

Dans la mer grésillant et vomissant, l'écume,

Sept nuits, j'ai vu tomber et retomber l'enclume

Et vu s'éteindre un astre au poitrail du Centaure !



An Oaled : Le Foyer Breton n°67 de 1939

Le voeu des ancêtres

A M. JAFFRENNOU (Taldir),
en hommage de profond respect.


D'autres vous chanteront l'âpre beauté d'Arvor,

Ses vieux chênes noueux bravant le vent du nord,

Ses bouleaux argentés, sa lande aux genêts d'or :

Je ne veux qu'exalter la gloire des Ancêtres !

Plus ferme que le coeur des vieux chênes d'Arvor,

Leur coeur - exempt de haine et libre de remords

Savait aimer la vie et mépriser la mort.

Je ne veux qu'exalter la vertu des Ancètres !

Avant que s'allumât le bûcher des Parsis,

Avant que la Chaldée eût adoré Tanit,

Menw, fils des Trois Cris, enseignait les Kymris !

Je ne veux que chanter la grandeur .des Ancêtres !

D'autres vous parleront de vos murs de granit,

De vos calvaires noirs dressés sous vos ciels gris,

De vos sentiers pierreux perdus dans vos taillis...

Je ne veux que chanter l'idéal des Ancêtres !

Fils de la vìeille race à l'âme ardente et fière,

Victime, tant de fois, de ses propres querelles,

Souvenez-vous toujours du destin de vos pères.

En vous le même coeur, généreux et fidèle,

Palpite, mais en vous, la même âme rebelle

Est trop prompte, parfois, à tracer des frontières.

Souvenez-vous, amis, du destin des Ancêtres !

O ! Vous, purs descendants des Celtes indomptés

Qui firent naître l'homme avec la liberté,

Voyez comment périt l'antique indépendancé :

Guerre entre les tribus, guerre entre les cités,

Rivalité des chefs, inutile vaillance.

Livrèrent à César le pays sans défense...

Si vous ne voulez voir la race disparaître,

Vous qui savez souffrir, vous qui voulez renaître :

Unissez-vous, amis, c'est le voeu des Ancêtres !