n ° 63 - Juillet 1965

Mirages et réalités

    Bien souvent, dans cette revue comme dans ses livres et ses conférences, Sédir nous a mis en garde contre le mirage oriental. Ce, avec l'autorité que lui donnaient son expérience personnelle des initiations de l'Asie et ses contacts directs avec les représentants qualifiés des diverses traditions qui s'y rencontrent.

    Or, nous assistons de nos jours à une bien dangereuse entreprise.


    Les « appels de l'Orient » sont d'hier. Aujourd'hui, que dire des contacts, confrontations et dialogues (de sourds) entre chrétiens et bouddhistes ou chrétiens et hindouistes, initiatives occidentales, cette fois, les premiers se mettant en frais de courtoisie et s'inclinant bien bas devant « cette tradition millénaire d'expérience mystique dans l'hindouisme, le taoïsme et l'islamisme », et recevant pour prix de leur complaisance le droit de trahir l'Occident et de faire chorus dans le concert, magnifiquement orchestré, de l'«anticolonialisme ».

    Pour ces chrétiens, représentants de leurs églises respectives, il ne s'agit plus de faire entendre à leurs interlocuteurs en quoi le christianisme survole et couronne leurs traditions. Bien moins encore de leur montrer, surclassant tous leurs initiateurs, si grands qu'ils puissent être ou paraître, le Christ vivant, le Verbe divin incarné, crucifié et ressuscité, Sauveur suprême, mais de tomber d'accord sur les banalités philosophiques d'un certain Verbe cosmique, dénué de toute efficience directe sur les affaires du genre humain. Une capitulation en rase campagne !
 
  Relisons, dans le numéro des « Amitiés Spirituelles » du 25 novembre 1924, les déclarations si nettes du Sadhou Sundar Singh, initié authentique de l'Inde avant d'être venu au christianisme, non en vertu de considérations métaphysiques, mais par une révélation directe du Christ: « Ceux qui nient la divinité du Christ apportent du poison au lieu d'une nourriture spirituelle » ;
    « Si le Christ n'était pas ressuscité, le christianisme n'aurait rien eu de plus à apporter au monde que les autres religions ; c'est le Christ vivant qui constitue le Christianisme ».

    En effet, dès que le christianisme se place sur le plan purement humain, afin de ne pas heurter, pensent certains de ses tenants, qui confondent tact avec compromission, les opinions, les préjugés, les conceptions des non chrétiens avec lesquels il entre en contact, afin, aussi, de déplacer son pôle intemporel et spirituel pour s'adapter « au sens de l'histoire » et à la couleur du vent qui souffle, il trahit son Maître, dénature sa mission, et perd cet élément sans second ailleurs qui, seul, lui donnerait la précellence sur les religions et initiations antérieures : la notion du Verbe venu en chair, de son sacrifice rédempteur, et de la nécessité d'une conversion, d'un arrachement, basé sur l'impuissance humaine et sur la toute-puissance divine : « Vous ne pouvez rien sans Moi » !

    Et, pendant que l'Asie s'amuse ainsi, avec des rêves d'oecuménisme, de syncrétisme, de conciliation des inconciliables, les naïfs clercs occidentaux, qui, pensant conquérir, sont conquis ; pensant convaincre, se laissent empaumer ; pendant ce temps, elle prépare fiévreusement sa ruée implacable et sauvage, sous les auspices du Communisme, mieux qu'athée : anti-christique !